dimanche 15 mars 2009

Entre deux

Entre deux rives, je suis. Entre deux eaux. Entre deux.

Le cul entre deux chaises. Le cœur partagé. Ici et là-bas. Entre Paris qui m’éblouit encore et les rivages bretons qui m’appellent. Ils m’attendront sans doute encore un moment, le temps que je trouve le bon chemin jusqu’à eux.

Entracte. Dans l’attente du lever de rideau d’un prochain acte de ma vie, dont j’ignore pour l’instant le décor et la lumière. Plus encore les dialogues et l’action. A écrire. Avant de le jouer, bientôt j’espère.

J’ai quelques idées de mise en scène :

Changement de lieu : J’ai mis mon appartement en vente (un ravissant 45m² à Belleville – faites passer l’info…). Je chercherai un logis provisoire, peut-être du long provisoire selon les évènements, à louer, quelque part autour de Paris, avec un bout de balcon ou de jardin, ce serait bien. Ou alors une colocation sympa ? Mais avec qui ?

Changement de job. Et oui, mon job qui était si super devient chaque jour moins super que la veille, la partie intéressante et glamour d’icelui se réduisant comme peau de chagrin, je me trouve submergée par les chiffres, les lois et l’administration… et Boulet se fait plus boulet que jamais, flanqué dorénavant d'une "Boulette" aussi lourde à traîner que lui : nous avons recruté une secrétaire aussi jolie que stupide, prétentieuse, roucoulante et commère, ils sont copains comme cochons, pauvre de nous... Je guette en Bretagne, bien sûr, mais aussi à Paris, au cas où (j’aimerais éviter les barreaux aux fenêtres comme prochain décor de ma vie pour cause de bouleticide sauvage et collectif, ça me démange souvent),

Changement de vie amoureuse, c'est-à-dire troquer les amants passagers pour un passager au long cours, passer du simple au double, du monologue au dialogue, de la diagonale de mon lit aux corps parallèles, de la solitude lourde certains soirs à une compagnie tendre et gaie. Je suis fort satisfaite de mon compagnon actuel, moustachu et au poil fort doux à caresser, grand chasseur de souris devant l’Eternel et dans ma chambre même, à grands renforts de miaulements guerriers à 3 heures du matin, mais je ne rechignerais pas à l’échanger contre un plus mâle (car non castré, de préférence) qui ronronnera moins peut-être, et évitera de foncer se cacher sous le lit au moindre coup de sonnette. S’il est bon vivant et humoureux, j’accepte même qu’il regarde Téléfoot le dimanche matin (nan, j’déconne).

Voilà donc le chantier en cours. Il m’angoisse parfois, à cause de tout cet inconnu, tout ce flou à l’horizon. Il m’énergise et m’excite d’autres jours. Je le vis bien, je le vis mal, j’ai parfois les larmes au bord des yeux, et parfois le rire au bord du cœur. Je suis triste et déçue ou pleine d’espoir et d’optimisme. Ce n’est pas toujours de tout repos d’avoir cette sensation de s’apprêter à sauter sur un tremplin sans voir à quoi ressemble l’autre côté du mur où l’on risque d’atterrir. J’aimerais parfois qu'on me tienne la main dans cette période où je danse sur un fil maladroit, où j’ai choisi de poser mes pieds pas toujours agiles. Mais au pire, tomber ne me tuera pas. Enfin je crois.

En attendant, je me nourris de la vie autour de moi, émerveillée qu’elle m’émeuve et me fasse rire autant, me désespère aussi parfois, mais ce ne serait pas la vie, sans ça.

Une fille qui pleurait l’autre jour dans ce bar devant un demi de bière. Elle était belle et j’avais envie de lui parler, mais je n’ai pas osé. Et cette petite fille qui riait aux éclats sur un banc près du canal en jouant à « feuille, pierre, ciseaux » avec son papa. Et je jure que c’est vrai, hier dans le métro, j’ai vu une fille trop blonde qui promenait un Yorkshire rose.

La vie m'amuse autant qu'elle me fait peur.

dimanche 8 mars 2009

Généralités

Je n’aime pas qu’on dise : « les ».

Je veux dire « les », suivi du nom d’une catégorie de personnes, qu’elle soit ethnique, sociale, raciale, professionnelle, sociologique, caractérisée par un âge, des goûts communs, une couleur de peau, une orientation politique, une forme de sexualité, un choix religieux, que sais-je encore. Quand ce nom de catégorie est immédiatement suivi d’un qualificatif ou d’un jugement généraliste traitant ce groupe d’humain comme un tout homogène et sans nuances.

En d’autres termes, je n’aime pas qu’on dise : les vieux sont comme ci, les jeunes sont comme ça, et puis les noirs, les juifs, les musulmans, les bourgeois, les cathos, les bobos, les homos, les riches, les femmes, les mecs, les gauchistes, les… les gens en général et sans particulier, quoi.

La politique du « je mets tout le monde dans le même sac » me gonfle, m’énerve, m’exaspère, me laisse coite, m’interroge aussi.

Je ne crois qu’à l’individu, qu’à la personne, qu’au cœur qui bat dans une poitrine. Toute catégorie humaine comporte son lot de cons et de salauds, c’est un axiome absolu. Non ? On dirait que certains l'oublient souvent.

Je bénis le Ciel d’avoir connu une enfance et un parcours qui m’ont donné ce goût-là de passer par-dessus (ou par en-dessous) les colifichets affichés d’un groupe pour ne m’intéresser qu’à un humain entre tous, pour l’humain qu’il est. Point.

Je bénis le Ciel d’avoir été la cible de ces jugements communautaires, d’en avoir souffert parfois, jusqu’à me jurer à moi-même de ne jamais tomber dans ce travers de juger collectivement un groupe d’individus et celui qui en est issu sans plus chercher à le connaître. Et c’est difficile, on nous éduque comme cela, la famille, la société. Je me surprends moi-même à céder à cette facilité parfois. Alors je m’engueule et j’essaie de corriger le tir. Non je n’ai rien contre « les chinois de Belleville » ou même "les chinois" tout court. Non, juste contre mes voisins du dessus qui m’ont inondé trois fois en six ans et pour qui la notion de « appeler un plombier » se résume à « mettons donc un vieux seau sous ce tuyau percé ». Quelle raison aurais-je d’englober toute une communauté dans cette colère ciblée et de dire « ces gens-là » ?.. Et pourtant, c'est toujours tentant. Et quand j'entends "ploc ploc" dans ma cuisine, je voue aux gémonies plus d'un milliard d'humains pour les quatre qui vivent au-dessus de moi.

Il est dur de ne pas le faire, de ne pas faire passer son rejet ou sa haine d’un individu au(x) groupe(s) au(x)quel(s) il appartient. Et c’est ainsi qu’on peut haïr les juifs, les noirs, les bourgeois ou les cathos pour un qui vous a déplu, spolié, vexé (je crois que la blessure d’amour propre est le plus grand vecteur de haine, d’où celle des imbéciles pour les intelligents…).

Quand j’étais petite, donc, j’étais l’une des rares de l’école de mon village à ne pas être fille d’agriculteurs. Et je ne remercierai jamais assez mes parents de m'avoir laissée dans cette école, de ne pas m'avoir envoyée "à la ville" avant ma sixième. Pourtant, j’étais la fille du « banquier », et d’aucuns appelaient ma maison « le château ». J’ai essuyé parfois des paroles dures pour cela, des regards en coin et des jugements sans appel. J’ai eu des amies pourtant, dans cette enfance campagnarde qui m’a vu galoper avec elles au travers des champs, des fermes et des étables. Oh le bonheur des petits poussins à peine nés, des veaux aux pattes vacillantes tétant leurs mères, de l’odeur du fumier chaud et du foin fraichement coupé. Mes peurs d’enfance étaient celles de la truie énorme qui allaite ses petits et qu’il convient de garder à bonne distance, de l’arbre creux à la branche branlante qui manquait me jeter à terre, du taureau furieux de nos courses dans SON champ qui nous poursuivait de sa colère, d’une robe déchirée par des buissons acérés qu’il faudrait avouer à ma mère.

Marie-Paule, Françoise, Josiane, Jacqueline, Pierrette, toutes mes copines de ce temps-là, où que vous soyez, je garde grâce à vous un souvenir lumineux de cette enfance-là. Qu’est-ce qu’on en avait rien à foutre, nous, quand on construisait des cabanes dans les champs de maïs de savoir ce que gagnaient nos parents respectifs. Il y en a que ça dérangeait plus que nous, et qui ne se privaient pas de le faire savoir. Les cons.

J’ai continué bien au-delà de l’école primaire à choisir mes camarades en fonction d’affinités personnelles et sans tenir compte de leur origine. Je ne comprenais pas, parfois, la gêne que je suscitais, de ne pas ressentir ce décalage social, aussi bien auprès de mes parents (« Que font ses parents ? » était le leitmotiv quand j’annonçais une nouvelle amitié d’école; je m’insurgeais. Cette phrase a fini par devenir un gimmick plutôt drôle entre eux et moi), qu’auprès des parents de mes amis, qui s’inquiétaient de m’accueillir dans un monde différent du mien. Plus tard, quand je me suis retrouvée dans le lycée catho le plus huppé de ma ville d’enfance, je trouvais étranges et bêtes les réactions de certains de mes camarades issus d’un milieu social très privilégié, qui méprisaient ouvertement mes amitiés avec des « inférieurs » à leurs yeux. Je me souviens de mon amie Fred, jolie brunette, intelligente, vive, avec qui j’avais sympathisé dès le jour de la rentrée de seconde, que sa mère, une femme absolument magnifique, élégante et souriante, venait parfois chercher le soir. L’un des copains de mon groupe, pas insensible au charme de Fred, avait été conquis plus encore par le sourire de sa mère, et m’en fit part un jour, ne tarissant pas d’éloges sur la « classe » de cette femme, sa beauté, etc… Il s’enquit de la profession de son mari, ne me crût pas quand je lui dis que le père de Fred était boucher et que sa mère, qui tenait la caisse, venait irrégulièrement chercher sa fille quand elle pouvait s’échapper. Il cessa ce jour-là de s’intéresser à Fred et de venir saluer cérémonieusement sa mère à la sortie de l’école. Celui-là peut être inclus dans la catégorie des cons. La plus vaste de toutes les ethnies mondialement recensées. En font partie aussi, par ailleurs, tout ceux qui nous regardaient juste comme les élèves de cette école, et donc des "fils de bourgeois", collectivement jugés comme détestables. Au nom de quoi ? Je n'ai jamais compris cela. Je refuse de le comprendre. Et je m'engueulais tout autant avec mes copains et copines du village, plutôt baba-cools, eux (nous étions à la fin des années 70), qui méprisaient tout aussi copieusement mes amis BCBG. J'étais parfois en porte-à-faux avec tout le monde. Pas très confortable.

Quand je suis arrivée dans ma fac de ciné, sortant tout juste de cette école huppée-catho, j’ai débarqué avec les attributs normaux du milieu bourgeois dont je venais. Je n’ai pas réalisé tout de suite que je ne passais pas inaperçue dans la fac gaucho que je fréquentais alors à Paris, avec ma tresse sage, mes jupes écossaises et mon loden vert. En fac de ciné ! Certains m’ont immédiatement détestée, à cause de cela et sans m’avoir jamais adressé la parole. Catégorie des cons, eux aussi. J’ai noué des amitiés avec ceux qui m’ont acceptée en dépit de cela (et puis j’ai peu à peu remplacé mon look « Neuilly-Auteuil-Passy » par un autre plus passepartout dans ce milieu… tiens donc, certains d’avant m’ont trouvée alors plus intéressante… enveloppe plus importante que le contenu, faut croire, pour beaucoup).

Plus tard, sans doute mes parents auraient-ils préféré un autre « gendre » que mon chauffeur de taxi marocain, fort éloigné de leur conception du parti idéal, que j’ai aimé sans me préoccuper de nos différences d’origine et de culture. Il m’a avoué plus tard en avoir été plus gêné que moi parfois. Et j’ai continué, je continue encore à choisir mes amis, mes amants, mes amours, en fonction du plaisir que leur présence me procure, de l’enrichissement qu’ils m’apportent, des rires et des goûts que nous partageons, sans tenir compte le moins du monde de leurs revenus mensuels, leurs opinions politiques, leur orientation sexuelle. Peu me chaut, mes amis.

C’est pour cela sans doute que l’engagement politique m’est assez étranger et que le mien est pour le moins flou. S’engager politiquement signifie le plus souvent des opinions tranchées, et un refus de ceux d’en-face que j’ai du mal à pratiquer. Rien que dans ma famille, il y a des votants Sarkozy, d’autres chez les Verts, un ou deux centristes tendance Bayrou, des socialistes et même un royaliste (pas partisan de Ségolène, un royaliste à l’ancienne, si, si…). Qu’est-ce que vous voulez que je fasse avec ça ? Détester en bloc ou en particulier certains de ceux-là ? Non, je m’en fous, j’avoue. D’aucuns me trouveront peut-être inadmissiblement « tiède ». C’est possible. J’ai une sainte horreur de l'homme Sarko, mais je crois très sincèrement qu’il y a sûrement des sarkozystes sympas et de valeur. Je me refuse au manichéisme primaire qui consiste à rejeter un clan dans son ensemble.

De même, épargnez-moi les tartes à la crème en vogue style « anti-bobo » : j’en connais plein des bobos, si ça se trouve, j’en suis une aux yeux de certains, d’ailleurs. J’habite Belleville, je bosse dans le ciné… Il y en a des très cons, je vous l’accorde, d’autres sont des humains de valeur, vraiment. Les généralisations bêtasses, à leur sujet comme au sujet des « bourgeois » ou toute autre catégorie - que j’ai été jugée comme en faisant partie ou non, d’ailleurs- me saoûlent carrément. (il se trouve juste que j’ai souvent été – sévèrement – cataloguée dans l’une ou l’autre de ces catégories, alors je connais la virulence méprisante de leurs détracteurs).

De la même façon, je me fous que vous soyez athée, catho, mulsuman, juif pratiquant ou partisan de toute autre église ou congrégation, tant que vous ne faites pas de prosélytisme envahissant ou que vous ne prétendez pas détenir LA vérité, que ce soit dans la conviction ou le refus de Dieu et que vous n'essayez pas de démontrer à quiconque qu'il a tort de penser ce qu'il pense. J’ai le plus profond respect pour toute conviction, tant qu’elle s’exerce librement et sans « intégrisme », toute véhémence à démontrer une conviction de quelque nature que ce soit, m'apparaissant aussi suspecte qu'envahissante (ne pas confondre véhémence et passion, cependant, j'ai toute indulgence pour la deuxième). Mes convictions à moi - spirituelles plus que religieuses en ce qui me concerne - peuvent apparaître étranges à d’aucuns, je ne les impose à quiconque et j’aime assez fréquenter ceux qui en professent d’autres que moi, avec tolérance, ils me font avancer. J’espère que certains peuvent en dire autant de moi, tout simplement.

Je suis particulièrement heureuse d'avoir trouvé cet échange tolérant et riche sur les blogs. Sans se connaître, juste par les mots de chacun, on se rencontre, on se comprend, on s'écoute, sans préjuger de quiconque sur une apparence physique, l'appartenance supposée à un groupe. On se retrouve sur des affinités ou au contraire sur des différences qu'on explore avec curiosité. Je ne dirai jamais assez le bonheur de rencontrer par ce biais des inconnus intimes que je n'aurais jamais pu croiser dans la vie "réelle", si loins de moi, géographiquement, professionnellement, ou de par leurs préoccupations quotidiennes, et pourtant ici, nos chemins parviennent à se croiser. J'en espère encore beaucoup d'autres, même si j'écris moins. Je garderai ce fil, aussi ténu qu'il soit, pour ces rencontres-là, sans préjugés, juste de l'espoir. Et du plaisir.

mercredi 18 février 2009

Le retour de la vengeance des poêles !

Oyez, oyez, braves gens, Jean-Pierre est de retour !!!

Mais si, vous savez, Jean-Pierre Dupire, le patron rasta des poêles à bois Invicta, qui afficha sa bobine des semaines durant en grand format dans le métro l’an passé, que les parigots[1] ne connaissent désormais plus que lui, certains ont même cru qu’il se présentait aux élections ! (je crois bien qu’il a eu des voix)

A l’époque, j’avais quelque peu raillé cette campagne et le look peu avenant du PDG géant des poêles Invicta, dans un billet dont j’avais dû couper les commentaires, les partisans et les opposants du Jean-Pierre menaçant de s’étriper dans les pages de ce blog couleur de ciel dont je tiens à préserver la tranquillité.

Mais alors là, Jean-Pierre, mon Jean-Pierre (tu m’excuseras d’être familière, mais nous sommes de vieilles connaissances), je dis bravo !

Invicta_2.JPG
(merci à Monsieur Ka de m'avoir procuré cette photo et évité à ma paresse naturelle d'en faire une bien moi-même)

Nul doute que mon billet précédent a eu une influence notable sur la nouvelle campagne (si, si, j’en suis sûre), car à la place de la mine que j’avais qualifiée de patibulaire de mon Jean-Pierre (j’espère qu’ils ont viré le photographe de l'époque et le maquettiste stagiaire responsable du moche détourage de la chevelure foisonnante de Jean-Pierre), le revoilà maintenant arborant un sourire éclatant (c’est qui ton dentiste ?) sous un slogan hilare : « Toujours de bons poêles », et pour enfoncer le clou, l’affirmation en sous-titre « le sourire de l’industrie française ». Et je dis non seulement bravo, mais merci !

Merci de cette bonne humeur affichée en ces temps catastrophistes où l’on entend et constate chaque jour un peu plus que la veille l’enfoncement dans une crise qui promet d’être noire. Sans blague, moi qui me tiens à l’écart des nouvelles du monde la plupart du temps, je l’avoue, les bribes qui m’en parviennent font redouter d’un jour à l’autre l’annonce d’une pluie de sauterelles carnivores, une épidémie de peste noire à bubons, l’élection de Sarko à la présidence, et l’extinction prochaine de notre soleil comme cerise sur le gâteau (ah non, merde, c’est vrai, l’un de ces fléaux s’est déjà abattu sur nos pauvres têtes… indices pour ceux qui n’auraient pas trouvé lequel : ça ressemble à une petite sauterelle, ça donne des boutons comme la peste, mais ce n’est pas ça…).

Si Jean-Pierre tient le même rythme de campagne que l’an passé, nul doute qu’on va voir fleurir sur les murs en carrelage du métro son sourire porcelaine (et accessoirement des poêles en petit en dessous, mais on s’en fout des poêles, c’est Jean-Pierre la star !) et ce pour plusieurs semaines. Et je dis tant mieux, ça va nous changer la tête. Je propose même à son agence d’inonder le marché avec des produits dérivés à l’effigie de Jean-Pierre : des T-shirts Jean-Pierre, des porte-clefs Jean-Pierre, des boites à cachous Jean-Pierre, des bijoux de portable Jean-Pierre, des petites culottes Jean-Pierre, des yo-yo Jean-Pierre, tous produits excellents pour le moral des troupes !

Ne vous méprenez pas, loin de moi l’idée de flatter Jean-Pierre ou de le brosser dans le sens du poêle (ha, ha, cet humour canaille est contagieux !) dans le but d’équiper d’un produit Invicta à prix préférentiel ma future maison bretonne… Quoique. (il faut absolument que j’arrive à installer Piwik sur mon nouveau blog dotclear 2, un an que mes statistiques sont en rade, mais j’ai sûrement des milliers, que dis-je, des millions de lecteurs, mon Jean-Pierre, tu peux me croire. Ce blog constitue une vitrine extraordinaire pour tes produits, d’ailleurs selon la dernière étude de marché, je suis lue principalement par des amoureux du chauffage au bois, je le jure).

Non, non, Jean-Pierre est sans nul doute un gars au poil, que dis-je un gars au poêle (ce blog est de plus en plus désopilant), et je tenais à le faire savoir. Vive Jean-Pierre !

(Qui a dit « A poêle, Jean-Pierre ! » ??? Franchement, Chondre, Vroumette, si vous croyez que je ne vous ai pas reconnus… Pffffff, c’est d’un goût…)

Notes

[1] qui, soit dit en passant, sont peu nombreux à avoir des appartements suffisamment grands pour y mettre un poêle à bois, mais bon moi ce que j’en dis…

dimanche 15 février 2009

Quelques chiffres

2.1.5 : C'est la version de Dotclear qu'utilise ce blog depuis pas plus tard que tout à l'heure, grâce à l'initiative heureuse des sorciers et fée dotclearien(ne)s qui ont mis leur savoir-faire toute cette journée de dimanche à la disposition des néophytes et migrants des anciennes versions de Dotclear (j'arrive de loin pour ma part : 1.2.6, pensez !) pour nous aider dans ce qui aurait pu être laborieux sans eux. Pour ma part, j'avais déjà commencé le boulot en fin d'année dernière grâce aux billets-tutoriels de la fée et je n'ai eu qu'à finaliser ma migration, avec l'aide précieuse de Lomalarch, que je ne saurais trop remercier pour sa gentillesse, sa patience et son indulgence (je suis une blonde avec deux mains gauches en matière informatique). Il a même adapté mon thème à la nouvelle version, ce qui relevait du chinois sous-titré hébreu en ce qui me concerne. Il reste encore quelques menues finitions et raccords de peinture que j'ai promis de mener à bien toute seule comme une grande. Si je n'y arrive pas ou cède à ma feignasserie habituelle, je pourrais retourner le 14 mars bénéficier des conseils des sages, puisqu'ils font une deuxième journée rencontre-installation dotclear, qu'on se le dise ! Et mille mercis à eux tous !

45 : C'est le nombre de printemps - ou d'automnes, ma saison préférée - que je comptabilise depuis jeudi dernier. J'aime bien. La moitié de ma vie à quelque chose près et en théorie. Même si j'en suis encore souvent à me demander ce que je vais faire quand je serai grande. Cet âge me voit avec des projets, des envies de renouveau, des vieilles amarres larguées, des boulets aux chaînes rompues qui roulent loin de moi désormais allégée, des obsessions mortifères devenues douces et sans fondements désormais - le désir d'enfant, notamment, résolu, révolu, libéré, c'est bien.

47 : C'est le pourcentage de baisse de mes revenus nets annuels si j'acceptais le job pour lequel j'ai passé un entretien en Bretagne cette semaine. C'est beaucoup. C'est trop. Et les perspectives de délocalisation de celui-ci dans un avenir plus ou moins proche et dans la partie nord-est de la Bretagne dans laquelle je n'ai nulle intention de vivre (je vise l'exact opposé, le sud-ouest), font que je refuserais sans doute s'il m'était proposé, ce qui n'est pas encore le cas, de toute façon. J'ai déjà commencé à regarder et postuler ailleurs ces derniers jours. Cela prendra peut-être un peu plus de temps que je ne le souhaitais pour aller vivre près de la mer...

12 : Je n'en suis pas bien fière, mais c'est le nombre de bouteilles de vin que nous avons éclusé à 8 hier soir lors de mon dîner anti-Saint Valentin. Il fallait bien qu'on fête ça et mon nouveau compte d'automnes !

5 : C'est l'heure à laquelle je me suis couchée après cette soirée arrosée. Ce qui explique que je vais abréger ce billet et ne pas demander mon reste pour aller me coucher avec les poules. Avec en plus les efforts de réflexion que j'ai dû fournir cet après-midi, moi la non-geekette absolue dotclear, j'ai besoin de récupérer. Bien le bonsoir à tous !

samedi 24 janvier 2009

Appel à témoins...

Je suis une cruche. C'est confirmé.

Mon ordinateur vient de rentrer de réparation... toutes données effacées. Et bien sûr, je n'avais pas sauvegardé grand-chose. J'ai toutes mes photos, heureusement. Pas mal de textes ont dû disparaître. Tant pis. Les mots sont éphémères.

Je vais passer le week-end à réinstaller tout ce que je pourrais (et ensuite, peut-être pourrais-je enfin envisager de finaliser ma migration en dotclear 2)

Avec certains d'entre vous, il m'était arrivé d'échanger des mails, ils se sont envolés aussi. J'en suis un peu triste. Et certaines adresses me manquent désormais. C'est pourquoi j'aimerais que vous, passants de mon blog, vouliez bien m'envoyer un petit mail sur mon adresse traou(at)traou(point)net, afin que je retrouve un peu de mémoire. Ou bien de ne pas oublier de mettre votre adresse mail dans la case prévue pour dans les commentaires (elle ne sera pas publiée)

On dirait que l'ordinateur prodigue a décidé de se mettre de la partie pour me faire redémarrer à zéro cette année, tiens, tiens...

dimanche 18 janvier 2009

L'offrande à Santig Du

Me voilà de retour à la capitale depuis une semaine, je trouve la fréquentation du métro un peu plus difficile qu'auparavant...

Je suis entrée dans une valse de nuits sans sommeil, qui promet de durer quelques temps, envahies qu'elles sont de pensées tournoyantes, excitation et peur mêlées, conjectures sans fin, hypothèses contradictoires, si ça marche... si ça marche pas... Bretagne... pas Bretagne... folle... pas folle... Sueurs froides du coeur de la nuit qui fait voir en noir les trucs gris clair... Exaltation du matin un peu saoul de fatigue qui donne envie de faire ses malles là, maintenant...

Boss m'a accueillie à mon retour de vacances par des bras grands ouverts, un baiser sonore sur chaque joue et des souhaits de bonne année chaleureux, se félicitant qu'elle nous verrait à nouveau travailler ensemble et réaliser de beaux projets. Glups.

Réunion de début d'année où l'on établit le programme à venir, les grandes étapes des 12 prochains mois. On parle de mai à Cannes, d'octobre à Rome. Et ce projet sur lequel on bosse depuis des mois va se concrétiser bientôt... C'est formidable, hein Traou ?! Glups. Je prépare cette opération depuis plus d'un an et je ne la verrai peut-être pas. Glups.

Ce serait plus simple si j'avais un boulot moins passionnant et si Boss était un sale con. En fait.

Après six mois tendue vers cet objectif, j'arrive au point où il se rapproche... dangereusement (c'est ce qui m'est venu en premier à l'esprit), et où je commence à ralentir le moteur, voire à envisager la marche arrière, tant il est vrai que la perspective du changement excite autant qu'elle effraie. Que commencent à se bousculer dans ma petite tête les négatifs des photos idylliques du début de ma quête. Et les petites phrases perfides :

Ma pauvre fille, est-ce que tu n'es pas complètement marteau de vouloir laisser tomber ce job en or que tu as tout fait pour décrocher il y a 5 ans ?!!! Finies les balades à Rome, Berlin, Madrid...

Tu te plains de ta solitude, mais crois-moi, quand tu auras emménagé dans une maison à la cambrousse dans une région où tu connais 5 personnes réparties sur 3 départements, tu vas en avoir un aperçu puissance 10, de la solitude !!!

Et si tu te plantes ? Si ça ne marche pas, ce job ? Tu fais quoi ? Tu reviens la tête basse supplier Boss qu'il te reprenne ?

Bon, ça c'est la petite Traou acariâtre et pessimiste, vêtue d'une cape rouge et qui arbore oreilles pointues et sabots fourchus, juchée sur mon épaule gauche, qui me tient ces propos, un peu plus fort que d'ordinaire depuis que je sais que ça peut se faire.

Sur mon épaule droite, j'ai une petite Traou tout de ciel vêtue, rigolarde et rassurante, qui me répète depuis 6 mois que ce dont j'ai tellement envie il faut le faire, que je vais rencontrer plein de gens formidables et que tout se passera bien...

Entre les deux, je me dis le plus souvent, que j'ai toujours préféré regretter d'avoir fait les choses que de ne pas les avoir faites, que j'ai lancé cette machine pour de bonnes raisons et que je souffrirais certainement de l'arrêter maintenant. Mais maintenant qu'il y a un job identifié en jeu, que j'ai de bonnes chances de l'obtenir étant donné mon profil et les premiers contacts que j'ai pris, et que la date d'attribution se rapproche à grands pas (je serai fixée d'ici un mois, ce qui signifie un départ mi-avril si ça se fait...), pour ne rien vous cacher, je pète de trouille, j'ai une peur bleue, j'ai les tripes qui se nouent, je flippe ma race !!!

Mais c'est ma faute aussi : j'ai quand même mis en oeuvre tout ce qu'il est possible pour décrocher ce job en Bretagne, croyez-moi ! D'abord j'ai un gri-gri infaillible, confectionné sans doute par quelques elfes en forêt de Brocéliande ou une troupe de korrigans des Monts d'Arrée, et qui est arrivé jusqu'à moi de façon fort magique (parfaitement : une enveloppe timbrée par une pêcheuse de baleine) au moment où je commençais à mobiliser mes pensées vers un retour au pays. Je vous présente mon gri-gri préféré, elle s'appelle Rozenn et me suit partout où je vais. Et ne vous avisez pas de rire de sa coiffe ou de son tablier, elle a un sale caractère (une bigoudène, pensez...) :

Rozenn

Ensuite, j'ai profité de mon séjour finistérien pour consulter les autochtones sur les modalités à suivre pour en devenir une à mon tour, d'autochtone. On m'a conseillé moult sortilèges traditionnels, comme d'aller piquer le nez de Saint Guirec sur la plage de Ploumanach pour me marier dans l'année, mais j'ai épargné le pauvre Guirec (cette fois-ci, il ne perd rien pour attendre !), car je vais éviter de courir tous les lièvres en même temps, j'ai déjà suffisamment à faire avec ce projet de migration.

La deuxième recommandation était d'aller offrir du pain à Santig Du dans la cathédrale (et non pas église, merci Kab-Aod) Saint Corentin, à Quimper, tradition pour retrouver un objet perdu (c'est le Saint Antoine de Padoue local) ou pour toute autre requête. Sur les conseils avisés de ma pêcheuse de baleine pourvoyeuse de gri-gris bigoudens, j'ai amélioré l'ordinaire du brave Santig Du (mort de la peste, le pauvre homme, en soignant les malades), et déposé à ses pieds... un Traou mad. La preuve en images :

Santig Du

Santig Du

Traou Mad

Santig Du

Mais ce qui me rend confiante dans ce projet malgré les angoisses de ces derniers jours (bien normales, au fond, ce qui serait inquiétant, c'est que j'y aille la fleur au fusil et sans peur d'aucune sorte, ce serait de l'inconscience), c'est ce petit visiteur d'un jour de soleil et de froid, là-bas au Cap de la Chèvre où nous attendait un soleil du soir si intense qu'on n'aurait pas été surprises d'entendre une voix profonde s'élever de derrière les nuages pour nous délivrer un message. Un petit visiteur amical, venu se percher sur mon rétroviseur à peine nous étions-nous arrêtées au bout de la route avant le cap. Un rouge-gorge, sautillante boule de plumes, symbole de renouveau, il paraît (Merci pour la photo, Anita !)

le rouge-gorge du Cap de la Chèvre

Cap de la Chèvre

dimanche 4 janvier 2009

Quelque part à la fin de la terre

Je bois un verre de cidre pression en regardant la mer et le balancement des mâts du port de Morgat. Début d'année vagabonde sur les routes du Finistère dont chaque détour m'émeut, me remplit de joie. Je suis d'ici, je reviendrai là. A ma place, infiniment. J'en suis chaque jour un peu plus certaine, c'est là que j'aimerais poursuivre mon chemin.

Chaque matin m'éveille avant le soleil, qui arrive tard du côté de Douarnenez et m'offre des ciels rouges à n'y pas croire. Hier soir, en route vers Saint Pol de Léon, venant de Quimperlé, la traversée des Montagnes Noires m'a fait cadeau d'un crépuscule pastel, un trésor de perspective, chaque mont un peu plus bleuté que son précédent découpé délicatement sur azur rose et jaune. J'ai arrêté la voiture, coupé le moteur et versé quelques larmes de tant de beauté.

Je suis heureuse ici. Croise des amis qui deviendront bientôt des voisins, je l'espère. Il y a un espoir de travail quelque part au sud... peut-être bientôt en 2009, j'aurai un code postal en 29... Je croise tous les doigts que j'ai et il y a un saint dont j'ai oublié le nom bizarre à qui je dois paraît-il offrir un pain dans l'église Saint Corentin de Quimper pour exaucer mon voeu. J'irai à la boulangerie dès demain !

A vous tous qui passez ici, j'offre tous mes voeux d'un bonheur aussi flamboyant que celui qui m'est offert chaque matin. Bonne année à vous !

Morgat

dimanche 7 décembre 2008

Nuit blanche

Dimanche 7h30 du matin. Les volutes vertes et roses des sièges du métro dansent un peu devant mes yeux. Je rentre me coucher. J’essaie d’identifier ceux de mes compagnons de rame qui se lèvent, eux. Dans les stations, des formes endormies sous des duvets, nombreuses, si nombreuses. J’ai bu beaucoup de bière, ri et parlé avec tant d’inconnus, saouls et saoulants parfois, rieurs et grandiloquents, insouciants pour quelques heures au moins.

Doux vertige. Cacophonie de sourires et de regards. On danse serrés quelque part au bout du bar. Des filles aux cheveux épars qui lèvent des bras fins et nerveux au rythme des basses affolées. Des garçons jeunes aux yeux vifs, des hommes aux traits usés que j’ai l’impression d’avoir déjà croisés là il y a des années, l’empreinte de leur coude moulée dans le zinc du bar. Le frisson du froid du dehors qui accompagne les fumeurs désormais. Je vole une taffe de blonde, souvenir de plaisir, aujourd’hui écoeuré mais si tentant. On rentre dans le chaud et le bruit amical et grouillant. La mousse dorée coule dans des verres qu’on entrechoque, heureux. Rien n’a trop d’importance, les promesses de se revoir n’engagent que la seconde où elles sont prononcées. On s’oubliera aussitôt la porte franchie. Restera le souvenir d’une jolie soirée, d’un rire clair, de mots bizarres et gais, incohérents sûrement, d’un cou embrassé, d’une peau à l’odeur peu familière qu’on ne respirera plus jamais. Et quelques numéros de téléphone griffonnés sur des bouts de papier froissés mouillés, échoués au fond de mon sac, et dont je ne me souviendrai plus si ce Fred maladroitement écrit était ce beau gars aux yeux clairs qui voulait que l’on goûte le lever du jour ensemble, ou bien ce Richard cyclothymique que j’ai laissé les yeux égarés devant sa 100è bière, qui suggérait d’aller écouter du Bach en buvant un café.

Dans un couloir à République, une créature moulée de cuir rouge chavire en chantonnant sur des talons aiguilles fatigués, la perruque désordonnée. J’entends mes veines battre, avides de sommeil. La fatigue galope vers mes paupières. Je la retiendrai jusqu’à la porte fermée, à peine le temps d’ôter mes vêtements chauds pour me glisser dans les draps qui me berceront sans rêves. Une dernière vision fugitive de l’au revoir aux amis chers, la main embrassée avec une chaleur un peu ivre, la joue piquante pressée contre la mienne, les épaules entourées d’amitié. On s’appellera demain pour se dire que c’était bien.

mardi 2 décembre 2008

Toute Etty, enfin...

Etty

Cela fait bientôt 7 années qu'elle m'accompagne quotidiennement. Elle est mon amie si chère, ma soeur bienveillante. Son regard m'accueille chaque fois que j'ouvre mon agenda, essentiel. Ses mots lumineux m'ont aidée à franchir un précipice, il y a quelques années, j'en ai parlé ici déjà. Je la lis et la relis sans cesse, chaque fois émerveillée, émue, souriante, bouleversée, chaque fois plus éclairée de sa lumière, chaque fois un peu plus apaisée grâce au chemin qu'elle m'aide à parcourir. Mon exemplaire de son journal est mille fois annoté, souligné. Il porte des points d'exclamation dans les marges, peut-être des traces de larmes - d'émotion ou de joie - sur certaines pages. Des passages entiers me semblent faire partie de moi aujourd'hui et le livre s'ouvre tout seul à la page 119, celle qui dit la douceur des "bras nus de la vie".

Cela faisait longtemps que j'espérais la traduction et la publication de l'intégralité de ses écrits : "Une vie bouleversée" n'était constitué que d'extraits de son journal associés à quelques lettres écrites du camp de Westerbork, antichambre d'Auschwitz où elle mourût.

Je me suis donc offert ce merveilleux cadeau de Noël ce matin : l'intégralité du journal et une centaine de lettres d'Etty. Et quelques photos joyeuses ou douces d'elle, de ses amis, de sa famille, et même de cette "petite marocaine" dont elle parle à plusieurs reprises, la photo d'une très jeune fille aux yeux noirs accrochée au-dessus de son bureau et qui la regardait écrire. Je l'accrocherai peut-être au-dessus du mien, tiens...

Sur la quatrième de couverture de ce recueil, on lit ces quelques mots qui me semblent si bien la décrire, elle et ses écrits : "... une jeune femme d'exception : non pas une sainte étrangère au monde, mais une personnalité audacieuse et libertine, amoureuse de la vie, qui tente de dompter des dons intellectuels et artistiques dont le foisonnement anarchique l'entrave. C'est aussi un merveilleux journal intime, la chronique minutieuse et inlasable d'une passion, avec ses moments exaltants et ses crises de jalousie, et en contrepoint des tentatives toujours recommencées pour reconquérir un peu de distance et de sérénité. Enfin cette oeuvre nous confronte au mystère d'un cheminement spirituel qui est un refuge sans être un rejet du monde et des hommes, qui semble au contraire être un acquiescement, parfois même un émerveillement..."

Etty, mon amie, tu vas m'accompagner en Bretagne pour cette fin d'année. Je savoure à l'avance le bonheur de te retrouver toute entière.

dimanche 16 novembre 2008

Bénarès blues

Je n’irai pas cette année. J’ai le blues de la ville sacrée.

Ils vont me manquer les ghâts ocres et jaunes, parfois voilés de saris multicolores séchant au soleil tiède du matin. Et le spectacle léger des cerfs-volants par centaines, voletant au gré des fumées des bûchers et des courses des enfants bruns, gais et sales, arrêtés parfois par un arbre tordu jailli d’un vieux palais en ruine, où ils resteront pendus pour une saison, fruits de papier.

J'ai le blues des bateaux roses et ciel qui s'alignent en guirlande de bois sur la courbe du fleuve, et du rythme des rames dans l'eau sombre à l'heure de la puja du soir...[1]

Je n’ai jamais réussi à reproduire, dans ma cuisine parisienne, le bonheur du chaï brûlant du petit matin, lapé à gorgées prudentes, assise sur une marche fraiche, heureuse et sans pensées, au cœur du spectacle du fleuve encore maquillé d’un voile de brume.

Je ne flânerai pas, tranquille, dans le dédale de ruelles odorantes et envahies de monde, maculées de bouses de vache que de nombreuses petites mains ramassent et forment en galettes qui sèchent à la verticale sur les murs des maisons, avant de retrouver les fours des restaurants où elles cuisent les succulents thalis.

J’ai la nostalgie de mon balcon miniature sur le fleuve, dans une maison rouge fièrement dressée sur Mansarovar Ghât, où un homme en dhôti immaculé venait baigner ses buffles le matin.

J'aurais aimé retrouver les sadhus vêtus d'orange et d'or, le visage blanchi de cendre, au regard un rien inquiétant de ceux qui savent des choses que l'on ne sait pas.

Ils vont infiniment me manquer les hommes et les femmes des ghâts, leur regard inquisiteur et bienveillant, et les yeux tristes ou insolents des enfants qui quémandent des roupies. Et tous les animaux des ghâts : les petites chèvres vêtues de pulls-over, les vaches maigres et les chiots nouveaux-nés gambadant partout, encore nourris par leur mère, pas encore affamés...

Je me souviens de ma première nuit de l’an passé dans la maison rouge, sur le matelas dur comme pierre de la chambre du rez-de-chaussée, avant que celle au balcon haut perché ne se libère le lendemain. Les chiens des ghâts, pauvres hères efflanqués et pelés, livrés à eux-mêmes sans pitié, s’y battent férocement la nuit pour le peu de nourriture qu’ils peuvent y trouver. Je dormais par intermittence, réveillée en sursaut trop souvent par les aboiements guerriers et les cris de douleur des vaincus, là, à quelques mètres de mon lit, de l’autre côté de la mince fenêtre. Le cœur battant de peur, poursuivie par des cauchemars hurlants quand je parvenais à m’assoupir un peu, calme retrouvé seulement au petit matin quand le soleil cherchait déjà mon visage qui tentait de le fuir d’un oreiller à l’autre.

Je ne saurai vraiment dire pourquoi l’Inde me manque tant, comme une soif non assouvie. Je me languis de ce pays si loin de moi où je me suis sentie autant étrangère que bienvenue. Bénarès m'a accueillie comme un insolite et évident chez moi, où vie et mort se trouvent entremêlées le plus naturellement du monde, apaisée du simple fait d’être là. L’Inde m’a fait le cadeau de moi-même, révélateur d’une paix possible, d’un recul par rapport aux tourments que nous invente trop l’Occident.

A la place, je vais retrouver mon autre chez moi, tout au bout de la terre où j’espère migrer bientôt. Deux semaines à Crozon, face à la mer, paisible comme je le suis face au Gange si large qu’on n’en voit pas l’autre rive parfois dans la brume. C’est pour cela peut-être que je trouve dans la contemplation du Fleuve sacré le même sentiment d’infini et d’infinie plénitude que devant l’océan de chez moi.

Bénarès

palais

l'arbre aux cerfs-volants

maison rouge de Mansarovar ghât

sadhu

sadhu

femmes de Bénarès

Bénarès

enfant sur les ghâts

chèvre

puja du soir

Notes

[1] puja = prière

mercredi 29 octobre 2008

Tourbillon d'automne

Je commence à en avoir l'habitude : depuis quelques années, l'automne m'est une ronde endiablée. Jusque fin novembre au moins, je suis entrainée dans un manège affolé qui me laissera l'impression essoufflée de n'avoir rien fait d'autre que de travailler d'arrache-pied durant trois mois.

Aujourd'hui je fais une pause, laisse de côté mes dossiers multicolores et rebondis, et m'octroie le temps d'un billet de blog, un luxe. (édit en fin de billet : ce n'est pas tout à fait vrai, sa rédaction m'a pris des heures, entrecoupée d'appels, de mails, de questions à résoudre et de sollicitations diverses).

Et encore, j'ai troqué cette année le festival de San Sebastian et celui de Dinard contre un séjour à l'hôpital et une convalescence bellevilloise. Presque trois semaines d'absence du bureau que je paie aujourd'hui d'efforts accrus pour régler les affaires en cours et en retard au mieux et au plus vite. J'ai fait un saut de puce à Rome la semaine dernière, qui m'a permis de constater avec plaisir que ma cheville et mon genou étaient presque tout à fait réparés puisque j'ai pu y trottiner sans trop de gêne. Je devais être à Madrid aujourd'hui et demain mais j'ai annulé ce séjour, à regret car j'aurais aimé y croiser mon blogami Pablo (avec qui nous n'aurions parlé qu'espagnol, si, si), mais avec soulagement car le(s) devoir(s) me retien(nen)t ici.

Pour enjoliver l'affaire, se sont enchainés dans mon appartement depuis début septembre moult travaux : changement total des alimentations d'eau de tout l'immeuble, puis plomberie, carrelage, peinture et rénovations diverses, variées et nécessaires après le remplacement sauvage de tous les tuyaux possibles et imaginables de mon sweet home. Depuis six semaines, je vis dans les gravats et la poussière, soulève des bâches pour accéder à la moindre petite cuillère et me lave dans la cuisine. Pendant ma convalescence, selon le programme du chef de chantier, il m'arrivait de béquiller jusque chez un voisin-copain de l'immeuble d'à côté pour m'y reposer sans bruits de perceuses et de marteau. Pas trop confortable d'être en arrêt maladie avec 5 péquins au turbin dans son appartement et l'eau coupée toute la journée... J'étais plus tranquille à Saint Louis !

Enfin, ça y est, c'est fini depuis lundi. Grand ménage compris. Ma soirée d'hier ressemblait au paradis. On a fêté ça avec Charouk, catmilk pour lui, vin pour moi. Et dodo dans des draps sans poussière d'enduit, la fête !

Quelquefois je me réveille la nuit. Je pense au boulot, griffonne des trucs à ne pas oublier sur le petit bloc au pied de mon lit. J'aurais envie d'écrire aussi, si je n'épuisais mes insomnies qu'à tenter de retrouver le sommeil, la tête traversée de pensées grises et folles. Des billets se sont écrits dans ma tête mais ont zappé le clavier (mon ordinateur prend la poussière aussi, il y a des jours où je ne l'allume même pas) : la mort de Guillaume Depardieu sur laquelle j'aurais aimé mettre des mots tendres, et dire ma colère d'une journaliste imbécile qui a qualifié sa vie de "gâchis". Le Cirque Invisible de Jean-Baptiste Thierrée et Victoria Chaplin, bijou de poésie vu au Théâtre du Rond-Point, qui m'a rappelé pourquoi j'aime tant le cirque quand il réinvente le mot magie et me renvoie à des émerveillements d'enfance.

Je laisse passer les jours comme du sable dans mes doigts ouverts. Ne me préoccupe guère du lendemain. La Bretagne m'échappe, pas le temps de m'occuper d'y rechercher du travail. Au bureau on programme déjà Berlin en février, Cannes en mai, et je me demande si je serai encore là, sans savoir si j'en aurai du regret ou pas. J'ai l'impression de me laisser manger par le temps, le boulot, mes américains en résidence annuelle à Paris qu'il faut materner voire servir, envahissant ma vie soir et week-end inclus. Et, comme d'habitude, je me demande comment elles font, celles qui ont comme moi un boulot prenant, mais aussi une famille, des enfants, des engagements, et qui arrivent à FAIRE des choses, encore et encore. Je me sens assez incapable, parfois.

Maintenant que mon logis a retrouvé un semblant d'ordre, je me dis que peut-être ma vie elle aussi va retrouver un fil perdu, des projets autres que celui de simplement parvenir jusqu'au jour d'après en ayant fait de mon mieux. Depuis quelques jours, je peux reporter mes bottes hautes en cuir doux, retrouve le plaisir féminin des talons hauts, cela suffit à mon bonheur du jour. Chaque sensation prend sa place en désordre et j'ai de chacune la conscience aiguë. Accomplir les tâches quotidiennes, parer au plus pressé, se nourrir rapidement, penser fugitivement, lire admirative des bribes des "Années" lucides d'Annie Ernaux entre deux stations de métro, m'endormir parfois auprès de mon amant préféré du moment, partager le sommeil et l'étreinte, parfois un petit déjeuner comme un havre, plus souvent fuir au petit matin et me dire que j'aimerais qu'il m'apprenne la guitare, un jour.

Le front collé contre la vitre de la rame de métro hurlante, essayer de ne pas trop me dire que ça fait très très longtemps que je n'ai pas été amoureuse. Me demander si mon coeur saurait battre encore.

dimanche 19 octobre 2008

Migration en préparation

Non, non je ne parle pas encore de ma migration en Bretagne, celle-ci risque de prendre un peu de temps (une réponse négative à une première candidature, des touches professionnelles peut-être d'ici quelques mois mais pas dans l'immédiat...).

Non, je parle de la migration vers Dotclear 2 (ce blog tourne pour l'instant en Dotclear 1.2.6) que j'ai entreprise par étapes avec quelques camarades de classe et sous la férule (bienveillante) de la maîtresse-fée qui nous donne un cours par semaine et des devoirs à faire à la maison. Mon cahier d'exercices est là et bientôt j'aurai un blog tout beau tout neuf. Je commence déjà à apprécier l'interface d'administration et ses possibilités (on peut insérer des vidéos d'un simple clic et on a plein d'outils à portée de main), je sens que je vais m'amuser.

Bon, le souci, c'est que je n'ai pas le temps de bloguer, mais justement, le fait d'avoir une trousse et des cahiers neufs va peut-être me motiver pour m'y consacrer un peu plus.

Allez, j'y retourne, je n'ai pas fini mes devoirs et la maîtresse ramasse les copies mardi sinon on est convoqué chez le dirlo. Ah, ça ne rigole pas !

mercredi 1 octobre 2008

Chronique de Saint Louis 3 – Les perles de Paulette

Or donc Paulette et moi avons joué les colocataires depuis jeudi dernier, par la force des choses mais je crois que nous nous en félicitons mutuellement. On aurait pu plus mal tomber.

Paulette a 75 ans, 2 fils, 2 petits-fils, et un très joli sourire qui devait la rendre craquante il y a quelques dizaines d’années de cela. Encore maintenant, il illumine son visage ridé. J’aime bien la regarder quand nous rions toutes les deux.

Y’a pas à dire, elle est sourde. J’ai la voix qui fatigue (et les voisins des chambres autour doivent se dire que je braille drôlement). Elle prétend qu’elle dort très peu, alors si c’est ça, c’est qu’elle doit ronfler toute éveillée une bonne partie de la nuit…

A ces menus détails près, Paulette s’avère une compagne de chambre charmante et facile à vivre. Elle aime bavarder parce qu’elle s’ennuie à cent sous de l’heure. Il faut dire qu’elle n’a prévu pour toute occupation que la lecture de « Notre temps » et un annuaire de mots fléchés niveau très moyen (hier elle m’a avoué avoir séché un bon moment sur « met breton » en cinq lettres, commençant par C… elle aurait dû me demander [1]), mots fléchés dont elle regarde les réponses un peu souvent, alors forcément, vu la longueur du temps qu’on a à tuer, elle en a vite fait le tour…

Elle me regarde comme un OVNI avec mon ordinateur perpétuellement allumé, me demande ce que je fais avec. Je lui explique : internet (yeux effarés de Paulette), e-mails (ah oui, comme mes petits-fils, dit Paulette, qui ne voit pas du tout de quoi il retourne), musique (moue de Paulette), DVD (air perplexe de Paulette), je n’ai pas prononcé le mot blog, je crois que c’est définitivement hors de portée… En revanche, je lui ai donné un petit cours de téléphone portable. Elle ignorait jusqu'à l'existence de son répertoire.

Paulette est dotée d’un bon sens nature qui s’exprime par des aphorismes définitifs. Toute allusion à sa santé se clôt invariablement par un « Faudrait pas vieillir » convaincu. Et elle tient des propos sur l’égalité humaine devant le malheur et la mort qui valent leur pesant de macarons…

Elle est fascinée par Véronique, la trisomique de la chambre d’en-face qu’elle voit de son lit, et me fait part régulièrement du « malheur » dont il s'agit pour une famille d’avoir un enfant anormal, constatant invariablement que celui-ci n’épargne ni riches ni pauvres, « ni même les gens célèbres, regardez Lino Ventura, lui aussi, sa fille… ». Et elle dodeline de la tête, navrée.

Je lui ai appris la mort de Paul Newman l’autre matin. Elle a enchainé aussi sec sur l’égalité des puissants et des faibles devant la grande faucheuse, ajoutant :

- C’est comme cet acteur, là, vous savez celui qui jouait des castagnettes…

Moi, perplexe, un acteur qui jouait des castagnettes ? Je cherche dans mes souvenirs de latin lovers musicaux, tendance Luis Mariano.

- Non, vraiment je ne vois pas, Paulette. Elle sursaute d’un coup :

- J’ai dit castagnettes, non, non, pas castagnettes, comment ça s’appelle donc ? Des claquettes ! Voilà, cet acteur qui faisait des claquettes !

- Ah oui, dis-je, Jean-Pierre Cassel.

- Ben oui, vous voyez, lui aussi il est mort. Elle garde une minute de silence, en hommage au danseur de claquettes, sans doute, puis enquille d'un même ton : C’est comme cet autre, là, qui jouait avec Sissi dans « Le Vieux Fusil », comment s’appelait-il ?

- Philippe Noiret, c’était Philippe Noiret.

- Oui, c’est ça. Mort aussi. Comme quoi, même célèbres, hein, pas épargnés non plus...

Une telle évidence d'analyse me laisse coite.

Elle revient sur Véronique l’autre matin, admirant la gentillesse de l’équipe soignante à son égard et le dévouement des aides-soignantes qui la font manger. Je lui dis que cela fait partie des tâches leur incombant et qu’il y a de nombreux patients dans un hôpital qui ne sont pas capables de se nourrir ou se laver seuls. Elle reste songeuse un moment, continuant à contempler le repas de Véronique, qu’elle voit bien de son lit, de l’autre côté du couloir, puis me dit en baissant la voix :

- Peut-être qu’elle a des parents célèbres. C’est peut-être pour ça qu’ils sont si attentionnés avec elle…

J’en suis restée comme deux ronds de flan (d’où vient cette expression, au fait ?). Et j’ai grondé gentiment Paulette de soupçonner l’équipe soignante d’avoir des favoritismes de cette sorte. Que diable lui était passé par la tête pour arriver à cette supposition ? C’est le syndrome Lino Ventura qui avait dû faire son chemin depuis la veille, sans doute… Sacrée Paulette.

Au fil de ces quelques jours, nous prenons des habitudes de vie commune, c'est drôle. J'améliore l'ordinaire avec toutes les douceurs qu'on m'apporte, elle est aussi gourmande que moi, Paulette. En retour, comme elle est la plus valide de nous deux, elle va nous chercher un vrai café à la cafétéria après le déjeuner, dont nous nous félicitons toutes les deux... Je lui attache ses colliers autour du cou le matin car elle tremble un peu, les médicaments sans doute, et elle me raconte : celui offert par ses collègues pour son départ en retraite et celui de son cinquantième anniversaire de mariage : ils avaient fait une croisière en Corse avec son mari, mort l'année d'après, et tiens il aimait beaucoup la moutarde, comme vous (j'ai demandé qu'on m'apporte de la moutarde pour masquer l'insipidité des plats). Paulette saute souvent du coq à l'âne dans nos conversations, faut suivre.

Je suis partie hier après-midi. J’ai embrassé Paulette, ses joues parcheminées étaient toutes douces. On était émues toutes les deux. Je lui ai laissé des gâteaux pour ses derniers repas ici ; elle sort aujourd’hui. Je suis allée dire au revoir à Véronique, qui m’a fait un sourire merveilleux que je n’oublierai pas. Quant à Monsieur G. qui trottinait dans les couloirs comme à son habitude (et cherchait ce jour-là à gagner les ascenseurs pour quitter le service, voire l’hôpital, tout nu sous sa chemise jaune, rattrapé régulièrement par les infirmières…), il est venu se poser un moment à côté de moi pendant que j’attendais qu’on me fasse les papiers de sortie. Il m’a demandé énigmatiquement et gravement « Qu’est-ce qu’on peut ramasser ? », il a eu l’air triste que je ne trouve rien pour lui à « ramasser », et il s’est endormi, assis, le menton tombant sur la poitrine. Je ne crois pas qu’il ait entendu mon au revoir.

Notes

[1] c’était CREPE, pour ceux qui sécheraient comme Paulette

dimanche 28 septembre 2008

Chronique de Saint Louis 2 – Tranches de vie

Tant de vies rassemblées. Tant d’histoires et d’accidents de parcours. J’écoute la vie emprisonnée ici, douloureuse pour certains, soulagée d’être prise en charge pour d’autres.

Les malades. Certains valides, d’autres à différents stades de handicap, diminués un peu ou beaucoup, avec espoir ou sans.

Je fais partie des privilégiés. Je parle, je ris, j’ai de l’appétit, je bouge, je plaisante avec les infirmières, je comprends ce que les médecins me disent, on me parle en responsable de moi-même. La douleur s’estompe peu à peu. Je sais que bientôt j’abandonnerai ma béquille, je vais rentrer chez moi, retrouver mon autonomie, ma vie. D’autres ici sont tellement plus fragiles, promis à la dépendance, sans doute pour longtemps ou toujours. Leur séjour ici promet d’être long ou renouvelé sans fin, jusqu’à la fin…

Il y a Véronique, trisomique, 40 ans paraît-il, elle en affiche 25 de moins. Elle reste allongée tout le jour durant, elle dort ou reste le regard fixé au loin, on lui met des dessins animés qu’elle ne regarde pas, qu’elle écoute peut-être, on la fait manger. Quand on la met dans son fauteuil, elle pleure, appelle, veut retrouver son lit. Il y a des peluches en guirlande au-dessus, comme pour un enfant. Elle les veut au-dessus d’elle, rassurée de leur présence. Qu’a-t-elle Véronique ? Je ne sais pas. Que va-t-elle devenir ? Qui s’occupe d’elle ? Je ne lui vois pas de visiteurs.

Il y a Monsieur G. tout perdu. Il erre dans les couloirs, les cheveux ébouriffés tout raides au sommet de son crâne, pieds nus, en chemise de nuit jaune de l’Assistance Publique (tiens, ce n’est pas celle qui se ferme derrière). Il s’arrête devant les chambres ouvertes (il fait chaud, nous ouvrons les portes, créant une espèce de communauté d’une chambre à l’autre, on suit ce qui se passe). Monsieur G. dit « Coucou » avec un sourire égaré. Demande « C’est mon lit ? ». On lui répond non, on lui indique la direction de sa chambre. Il ne la retrouve jamais tout seul. Et puis il s’ennuie sans doute. Alors, il suit la tournée des infirmières, tripote les boutons des appareils, regarde ce qui est inscrit sur l’ordinateur, tourne sur lui-même, refait « Coucou » à quiconque croise son regard, cherche son lit encore et toujours. Il a l’air d’un gentil grand-père ahuri. Si ça se trouve, dans une autre vie, ce vieil homme hirsute et pieds nus en chemise de nuit jaune était un homme fort sérieux aux cheveux bien peignés, en costume trois-pièces et bureau directorial, qui n’aurait jamais envisagé de dire « Coucou » à qui que ce soit…

Il y a cette femme au teint cireux de momie, que l’on promène dans son lit, parfois en fauteuil roulant, maigrissime et bardée de tuyaux. Elle est si frêle qu’elle soulève à peine son drap. Peut-être va-t-elle disparaître tout simplement, comme une bulle dans un souffle d’air.

Et tout les autres qui vivent, souffrent et peut-être meurent tout autour de moi, qui dorment bouche ouverte ou papotent des heures au téléphone, ceux qui regardent n’importe quoi à la télé ou bien par la fenêtre en ayant l’air de ne rien voir, ceux qui restent muets ou hagards, ceux qui cherchent le dialogue, ceux qui vous regardent marcher avec envie, qui vous sourient. On rencontre beaucoup de sourires ici.

Et puis il y a l’équipe soignante. Les toubibs et les internes, on s’y perd un peu, ce ne sont jamais les mêmes. Ils sont insaisissables et rares. Compétents, sûrement, mais ce n’est pas à eux qu’on confie le plus volontiers ses tourments, ils ont l’air au-dessus de ça. Non, quand il y a quelque chose qui ne va pas, on alerte plus volontiers les infirmiers et infirmières, en premier. Eux, ils sont là, présents, attentifs, rigolards ou sérieux, solides, d’une gentillesse à toute épreuve, d’une grande fermeté aussi, nécessaire pour exhorter quelqu’un à ouvrir les yeux, ne pas se laisser sombrer, se lever, se laver, manger, vivre. Ils portent des pyjamas blancs auxquels ils accrochent leur montre au niveau de la poitrine (j'ai demandé, c'est pour éviter de les mouiller lors de leurs nombreux lavages de mains), des chaussures improbables, genre sabots Scholl ou les affreux Crocs multicolores de l’été. Je les regarde avec admiration et reconnaissance. Ils font un boulot insensé et qui force le respect. Comment on fait pour se consacrer aux maux des autres toute la journée, en s’oubliant soi ? Et garder le rire et la force ? Chapeau.

samedi 27 septembre 2008

Chronique de Saint Louis 1 – Du sang et des macarons !

(Si c’est pas un titre de la mort qui tue, ça coco. On va en faire une saga en douze volumes de ce truc !)

Arrivée jeudi en début d’après-midi au 6è étage du secteur Lavande. Les couloirs font un peu Brazil, mais après ça va, ce n’est pas laid, lumineux et vaste, jaune et bleu.

Je commence par faire bugger l’ordinateur des admissions parce que les urgences n’ont pas enregistré ma sortie la semaine dernière et que je suis donc déjà virtuellement présente dans la maison. Alors la dame est obligée de remplir ma fiche A LA MAIN, et tout le monde regarde cette fiche griffonnée avec étonnement, voire suspicion. Voilà que je me fais remarquer d’entrée.

L’ange gardien qui m’a accompagnée jusqu’ici m’a épargné les allées et venues pour les formalités et de porter mon sac trop lourd (j’ignore combien de temps je reste, bien obligée de prévoir… J’ai apporté une flopée de provisions pour pallier la médiocrité de la cuisine. Et plein de DVD. Et des livres. Et mon ordinateur. Et…)

De mon lit, je vois Paris. Il fait chaud et je suis toute rouge, tant pis.

Ma voisine de chambre s’appelle Paulette, elle bavarde volontiers, est passablement sourde, et manie son téléphone portable qui date un peu comme si c’était un bâton de dynamite. Tout à l’heure, en voyant le nom de son petit-fils affiché à l’écran dans les appels en absence, elle me dit sérieusement « Je le rappellerais bien, mais je n’ai pas son numéro… ». J’ai rigolé et je le lui ai appelé, son petit-fils, elle était épatée.
Elle est sympa, Paulette, elle a surtout une vertu inestimable dans un hôpital : elle ne regarde pas la télé ! Je garde un souvenir cauchemardesque de ma dernière opération : une semaine aux côtés d’une folle dont le premier geste au réveil était d’allumer le poste, ne l’éteignant qu’au coucher, et enquillant toute la journée feuilletons débiles et jeux itou, le son à fond les ballons. Elle m’avait déclaré avec fierté que chez elle, il y avait des télés dans toutes les pièces, que de toute façon, c’était le seul moyen de tenir ses cinq enfants…
Vive Paulette et ses mots fléchés, donc, même si sa « dureté d’oreille » (faut pas dire sourde, ça la vexe) m’oblige à hausser sérieusement la voix pour nos bavardages et donne lieu à des conversations surréalistes façon Professeur Tournesol puisqu’elle comprend de travers la plupart des mots qu’on prononce devant elle. J'aime la mine de chipie conspiratrice qu'elle prend quand nous décidons d'ouvrir la fenêtre malgré l'interdiction "Si on nous gronde, on dira qu'elle s'est ouverte toute seule...", elle a l'air d'avoir 70 ans de moins d'un coup.

On m’a fait subir gentiment un interrogatoire portant aussi bien sur mes antécédents médicaux que ma pratique religieuse (j’ai répondu scientologue, on s’amuse comme on peut, mais j’ai démenti tout de suite, pas envie que ça reste dans les archives). On m’a accroché au poignet un bracelet inviolable avec mon nom et un code barre. J’aime pas. En revanche, j’aime bien les petits infirmiers de l’après-midi (je dis « petits » parce qu’ils sont tout jeunots… ça ne me rajeunit pas), ils sont adorables et plutôt jolis à regarder, c’est bon pour le moral.

Le premier matin, on m’a vidée de mon sang ou presque, pour faire trois milliards d’analyses. L’élève infirmière qu’on avait mandatée pour effectuer la prise de sang avait l’air très novice et surtout très désorganisée, s’installant d’un côté, puis de l’autre, puis changeant d’avis une troisième fois, m’énumérant en pagaille les analyses à effectuer et le nombre de tubes nécessaires (merde, il y en a une vingtaine au bas mot dans son plateau), me nettoyant la saignée du coude avant de retourner dans le couloir chercher un truc oublié, retour égaré « ah, si il était là, j’avais pas vu », me re-nettoyant, mettant ses gants, les enlevant, re-re-nettoyant, avant d’enfin chercher une veine, piquant son attirail dedans et cherchant ensuite maladroitement ses tubes hors de portée. J’étais mal barrée. Au troisième tube, le sang ne coulait plus, et il en restait encore une quinzaine à remplir. Elle me regarde, plus angoissée que moi « J’espère qu’on va y arriver » dit-elle, tremblante. Oui, moi aussi, j’aimerais bien qu’on y arrive, et vite. Quand elle a parlé de me repiquer ailleurs (y'avait peut-être plus de sang dans cette veine-là), j’ai dit OK, mais je préfèrerais que ce soit quelqu’un d’autre, rien de personnel mais bon… Elle n’a pas demandé son reste et est allée chercher une infirmière chevronnée qui a rempli les tubes sans coup férir et avec une dextérité rassurante. Reste juste à savoir ce que mon sang va raconter, maintenant…

Chance, j’ai internet. Merci mon portable 3G, même si ça coûte un œil, ça fait du bien de se sentir reliée au monde : lire ses mails, écrire un billet, comme à la maison ou presque.

La bouffe est… blanche. Ce doit être un concept. Jamais vu des pommes de terre couleur de neige comme ça, assorties à une tranche de rôti de porc qui vous donne une furieuse envie de vous convertir illico à l’islam ou au judaïsme. Le pain est triste, la vinaigrette aqueuse, les prunes ont la consistance d’une pomme verte et l’acidité d’un citron.

Heureusement, un commando-macarons spécialement entrainé, composé de Vazyblogueurs fous, n’écoutant que son courage et bravant les dangers, a investi hier après-midi le secteur Lavande, armé d’une collection de douceurs multicolores spéciales « remonte-moral », auxquelles Paulette et moi avons fait un sort au dessert. Ils m’ont également fait découvrir un jardin ravissant et ensoleillé, à portée de béquille pour moi, où nous nous sommes posés pour papoter. Qu’est-ce que ça fait du bien ! Merci les zamis !

macarons

mercredi 24 septembre 2008

Je suis une énigme pour la science

Or donc, non contente de m'avoir fait don de deux béquilles tout ce qu'il y a de design et d'une attelle couture, alors que ce n'était même pas mon anniversaire, l'aimable APHP (Assistance Publique Hôpitaux de Paris) a décidé de m'offrir quelques jours de vacances tous frais payés (merci à tous et à moi-même, donc, puisque c'est nous qu'on paye...[1]) à compter de demain et pour une durée indéterminée (ils ont dit quelques jours, donc c'est au moins deux, mais ils refusent de me dire combien de temps durera ce quelques, ça fait partie de la surprise).

Je suis donc en train de préparer mes petites affaires parce qu'il est hors de question qu'ils m'attifent avec l'uniforme traditionnel dont ils m'ont déjà gratifiée la semaine dernière, vous savez le truc sexy qui s'attache dans le dos et qui dévoile bien les fesses pour peu qu'on ait l'idée saugrenue d'aller balader sa perf dans le couloir.

Dans mon sac, "quelques" tenues confort et décentes si jamais il prend l'idée à Boss de venir me voir, mon ordi avec de la musique et des DVD, un casque, un bouquin goûteux (enfin j'espère), et j'ai passé commande aux copains de chocolat, gâteaux, C*ca et douceurs diverses parce que j'ai déjà fait connaissance avec la cuisine locale et c'est pas brillant. En plus il vont me faire dîner à 18 heures, j'adore...

Et pendant que je serai là-bas, j'espère qu'ils ne me tortureront pas trop pour - enfin - trouver ce que j'ai, parce que pour l'instant ils me regardent tous avec l'air d'une poule qui a trouvé un couteau et en se grattant l'occiput, ce qui ne fait pas bien avancer mon schmilblick personnel. Aucune amélioration notable n'est intervenue depuis une semaine dans mes déplacements, alors si ça continue à ce train-là, je suis bonne pour me faire offrir un déambulateur à Noël et vous m'excuserez, je trouve que j'ai pas l'âge, merde ! Au boulot, bande d'incapables !!!

Grave question : est-ce qu'il y a des accès internet dans les hôpitaux, de nos jours ? Sinon comment je vais continuer à faire les exercices que la fée nous donne pour le passage en Dotclear 2 ? J'espère que je pourrais copier chez un(e) petit(e) camarade en rentrant...

Notes

[1] Note à Gamacé : je fais exprès de parler mal ;-)

mercredi 17 septembre 2008

Mon ostéo m'a tuer !

On me l'avait recommandé comme un "magicien", il y a pas loin de 5 ans. Depuis ce temps-là je le vois tous les deux mois environ et j'ai jusqu'à présent toujours confirmé son doigté : ce n'est pas un ostéo qui manipule en faisant craquer les os, il agit par petites touches des doigts sur les vertèbres, c'est une technique qui porte un nom que j'ai oublié mais qui fait merveille depuis quelques années sur mon squelette douloureux. Il m'a tour à tour soulagé les lombaires (une jambe un chouïa plus courte que l'autre, ça tord et parfois ça me cassait en deux de façon insupportable), la cheville gauche (un vieil accident de ski), puis le genou droit, le plus gros chantier, souvenir d'un accident de voiture suivi d'une opération (et même si mon chirurgien de l'époque était beau à se damner et vachement doué, quand on vieillit, mes zamis, on fait de l'arthrose précoce sur les vieilles opérations et on jongle).

J'ai passé du temps dans son cabinet avec de plus en plus de succès, et je ne cessais de chanter les louanges de mon ostéomagicien et de le recommander comme on l'avait fait pour moi. Je prévenais aussi, comme on m'avait prévenue, qu'il était un rien "bizarre" : il pratique ses séances les yeux mi-clos, concentré, et soufflant façon "petit chien" comme un sportif dans l'effort. C'est strange, mais tant que ça marchait, je n'y voyais rien à redire. Juste un peu gênée de l'avoir en train de souffler comme un jogger à 20 centimètres de mon nez sur la table pendant qu'il tapotait mes vertèbres dorsales ou cervicales, l'air d'un moine en méditation...

Hier, j'ai failli annuler le rendez-vous. Parce que depuis quelque temps, j'avais l'impression qu'on y était enfin arrivés : mon genou en particulier ne m'empêchait plus de faire du vélo ou même de marcher à cause de trop de douleur. Bien sûr, il y a des mouvements que je ne peux plus vraiment faire, en torsion notamment, mais bon, tout était redevenu très supportable. Et je me suis dit que ce n'était peut-être plus la peine de continuer, du moins à ce rythme régulier.

Je n'ai pas annulé, car ce me paraissait peu correct de planter là d'un coup celui qui m'avait fait tant de bien depuis plusieurs années et que la moindre des choses était de lui faire part de mon intention d'arrêter et tout au moins de lui demander son avis. J'aurais mieux fait de m'abstenir...

J'y suis allée, et j'ai attaqué d'emblée sur le fait que je me sentais vraiment bien, plus mal au dos, plus mal à la cheville, plus mal au genou, et que je me demandais s'il était nécessaire de continuer. Il a approuvé et a proposé une dernière séance néanmoins.

Il a contrôlé genou et cheville et m'a bizarrement fait des trucs dans le dos qu'il ne m'avait jamais fait. Je me suis dit que c'était pour préparer cette période à venir où je n'allais plus le voir et ne me suis pas inquiétée : je faisais confiance à l'homme de l'art. Je suis sortie de son cabinet toute contente à l'idée que c'était fini, quand même, car certaines séances n'étaient pas forcément agréables : pour légères, ces pressions du doigt faisaient quand même sacrément travailler les os et je me sentais certaines fois crevée en sortant de chez lui.

Hier soir j'étais au restau avec une copine : j'ai abrégé le dîner car je sentais mon dos tout bizarre et ne savais comment m'asseoir sur ma chaise : toutes les positions étaient inconfortables. Une seule envie : me mettre au lit. Ce matin : genou douloureux. Tiens, la cheville aussi, qui n'avait plus fait parler d'elle depuis un bail... Je vais au bureau en boitant, super-mal dans le métro, comme nauséeuse. Je l'ai appelé, il a dit que ça pouvait être une réaction passagère et m'a conseillé de rentrer me coucher. Ce que j'ai fait, à grand peine (je suis obligée de me cramponner aux rampes pour descendre les escaliers du métro). A l'heure où j'écris ces lignes, j'ai le genou enflé et brûlant posé sur un coussin et avec un pack de glaçons dessus, mal partout, 38,5° de fièvre et ce con n'est pas à son cabinet cet après-midi.

On dirait fort qu'il a touché à un truc qu'il ne fallait pas. Ou alors il refuse de perdre ma clientèle et il l'a fait exprès ? Je vous avoue que j'ai un peu les jetons pour la suite des évènements et pas du tout envie de recommencer des années de traitement, surtout avec lui maintenant. Quelqu'un connaît un bon ostéo ?

lundi 15 septembre 2008

Vazyblogstock

Retour de week-end festif, en compagnie d’une vingtaine de blogueurs (nœud à faire à mon mouchoir : continuer à publier un billet de loin en loin pour être considérée encore un petit peu comme blogueuse et avoir le droit d'être invitée au prochain !).

Vazyblogstock

Je me dois d’adresser mes félicitations et remerciements chaleureux :

  • à la maîtresse des lieux, aux bras grands ouverts, au sourire sans faille et à l’optimisme solide pour son accueil charmant de plus de vingt olibrius en goguette, venus de tous les coins de France (et d'Italie), mangeurs, buveurs, chanteurs, rieurs, j’en passe et des meilleures… Options matelas dans tous les coins et tentes dans le jardin !
  • à l’équipe logistique et organisation pour la préparation de l’évènement et l’animation sur place : débats de haute portée philosophique et politique, ateliers jeux de construction en bois, répertoire musical de qualité (je déplore l’oubli de Gérard Lenorman ou Daniel Guichard, cependant, mais me félicite que nous ne soyons pas allés jusqu’à une certaine chanteuse francophone québécoise… à un moment, j’ai eu presque peur, je l’avoue). Vous me croirez si vous voulez mais certaines activités étaient programmées au quart d’heure près !
  • à l’équipe cuisine dont l’inventivité et la maestria nous ont nourris de délices sous l’égide d’une « maîtresse queux » hors pair (Ben quoi ? Pourquoi diable n’y aurait-il pas de féminin à maître queux !!!? C’est un monde, quand même !). Vous me croirez si vous voulez mais une Sardine peut nourrir 25 personnes !
  • A mon conducteur de diligence personnel qui m’a menée à bon port à l’aller et au retour au son de chansons espagnoles ou russes, entre autres. Je ne sais pas lequel de nous deux s'est montré le plus bavard, à l’aller en tous cas. Au retour, qu’il ne m’en veuille pas de m’être parfois assoupie et ne s’inquiète pas si j’ai gardé mes lunettes noires : Grand Corps Malade a tendance à me faire venir les larmes aux yeux…

Ce week-end a été placé également sous le signe du sport extrême et du dépassement de soi : intempéries et rafales ne nous ont pas empêchés d’être dehors la plupart du temps, ma gorge et celle de quelques autres s’en souviennent. Au rayon des activités insolites, l’écriture de billet sur cubi remporte la palme (tous les cubis vidés utilisés lors de ce week-end étaient sous Linux, bien entendu), suivie de près par le concours de vitesse de débarrassage de plateaux ou d’assiettes (record personnel du gourou de l’assemblée qui s’est souvent fait prendre de vitesse, malheureusement : 7 secondes 65 centièmes de portage).

Peu d’idylles se sont nouées au cours de ce week-end bloguesque, à ma connaissance. Etant donné la forte teneur en ail, en fromages particulièrement goûtus et en anchoïade qui fouette (mention spéciale au mélet-de-la-mort-qui-tue), tous trucs délicieux que nous avons ingurgités en nombre tout au long du week-end, le contraire eut été étonnant. Voire pervers si vous voulez mon avis. En revanche, des amitiés fortes sont nées entre deux verres, c'est fou le pouvoir des blogs : c'est bien la première fois qu'on me sollicite pour être témoin d'un mariage au dessert, alors qu'on avait fait connaissance à l'apéro ! (mais c'est toujours OK, hein, pas de problème...)

Vous me pardonnerez de ne publier aucune photo ou illustration de l’évènement hors son affiche officielle (création Patrick), la décence me l’interdit (mais nan, j’rigole…).

En tous cas, je ne sais pas quel crétin avait dit qu'un bon rire vaut un steak (végétariens mes zamis, évitez de vous gondoler...), mais si c'est vrai, je crois que ce week-end, j'ai (au moins) mangé un boeuf entier !

mercredi 10 septembre 2008

J'ai pas l'goût

J'aime bien cette expression - québécoise, je crois, elle figure en tous cas en bonne place dans pas mal de chansons de mon groupe préféré et inoublié "Beau Dommage".

J'écris aujourd'hui pour dire que j'ai pas l'goût d'écrire. Les mots se bousculent autour de moi sans que je parvienne à en faire quoi que ce soit de cohérent à inscrire ici. Me voilà blogueuse mensuelle, à quelque chose près. Cliquer sur "Nouveau Billet" devient un sport extrême (et pourtant je vais migrer vers Dotclear 2 en suivant les billets pour nuls de la fée, allez comprendre). Je rôde parfois dans les méandres de mon agrégateur, prend des nouvelles fugaces des uns et des autres, ne manifeste pas ma présence. Blogueuse-rôdeuse des fils rss. Fantomette des commentaires, je vais m'acheter un loup noir, je crois.

Ça se bouscule un peu dans ma petite tête. Ma transhumance bretonne commence à prendre des accents de réalité. J'ai envoyé quelques CV, le coeur battant. J'ai parlé à des gens là-bas et il n'est pas impossible qu'un poste ou plusieurs soient à pourvoir au bout de la terre et dans le secteur culturel, tout à fait mon profil, tout à fait ce que j'aurais envie de faire, tout à fait à l'endroit où j'aimerais vivre, et peut-être dans un futur pas si lointain. Alors certains jours, j'ai la trouille, il faut bien l'avouer. Peur que ça ne marche pas, et tout autant peur que ça marche. C'est si simple et si compliqué d'avoir envie de changer de vie.

Comme j'aime bien commencer les choses à l'envers, j'ai déjà dans la tête quelques idées déco pour ma future maison - siège d'un possible Bretagne-Carnet... - et de toute façon j'ai promis à Gilda et Fauvette que mes toilettes seraient décorées exclusivement sur le thème "Paris" et que j'en ferai un billet ici, pendant de celui-là (et au fait, est-ce que je m'appellerai toujours Traou si je vais vivre en Bretagne ? Vais-je me transformer en...Treiffel, quand je serai une parisienne en Cornouaille ? ;-) )

A force de retourner ce projet dans tous les sens dans ma tête, plans sur la comète inclus, cartes et guides, évaluations et soupesages pour-contre, je n'ai plus la place pour grand-chose d'autre derrière mon front, tout occupée de mon excitation à l'idée de. Au boulot, je suis dans la lune. Pas vraiment concernée. Et le travail d'écriture dans lequel je me suis immergée depuis quelques mois, les personnages avec qui j'ai passé mes vacances, préoccupée seulement et jusque dans mes songes de leurs vies et sentiments créés par moi, ce bonheur émerveillé que j'ai rarement eu l'occasion d'expérimenter, j'ai bien du mal à le récupérer. Et je suis en colère après moi-même d'être si dispersée, en colère après eux de me fuir, en colère après les obligations de ma vie qui me contraignent à m'en éloigner. Qu'est-ce que j'aimerais tout arrêter le temps de les retrouver, mes personnages aimés, le temps de vivre avec eux l'aventure commencée dont je ne vois plus le bout possible. Je suis si paresseuse aussi, la plupart du temps.

Mais on en est tous là, non, à courir après le temps ?... Rassurez-moi.

samedi 23 août 2008

Je voudrais que ce ne soit pas tout à fait la rentrée...

La reprise est plus dure que les autres années. Sans doute parce que l’envie de partir se fait plus précise, plus pressante. J’y ai pensé beaucoup pendant ces vacances, en ai parlé, ai envisagé les possibilités. J’ai regardé le prix des maisons dans le Finistère, rêvé d’un jardin comme celui où j’étais. Chaque bain me demandait de rester près de la mer, chez moi, mais plus loin encore vers l’ouest, le bout de la terre. La décision est prise : j’entame les démarches pour trouver du boulot là-bas dès cette rentrée. Ca marchera ou pas, ça prendra du temps peut-être, mais l’envie est là, tellement là. Et retrouver Boulet l’autre jour au bureau a été encore plus dur que prévu…

Vacances bretonnes et familiales pour commencer, douces et studieuses, autant que possible.

Vacances au soleil et amicales dans un deuxième temps. J’ai découvert Majorque.

Majorque

Euh… si vous n’êtes pas, comme je l’étais, accueilli par des Majorquins dans des endroits préservés, je déconseille fichtrement à quiconque d’aller passer ses vacances là-bas. Hors saison, peut-être, et encore…

La côte est envahie d’hôtels-champignons qui défigurent un paysage qui a dû être superbe avant eux. Les plages sont un alignement de parasols et de transats en plastique sous et sur lesquels s’avachit une population majoritairement composée d’allemands, assortis de quelques anglais. Tout ce petit monde est à moitié nu, rose et gras la plupart du temps (je n’ai jamais vu autant d’enfants obèses…), les menus des restaurants sont en allemands et proposent immanquablement de la choucroute, les cartes postales font assaut de vulgarité, et on trouve dans les rues un nombre incalculable de femmes noires qui proposent des coiffures tressées aux adolescentes teutonnes blondes qui circulent donc par dizaines avec ce qu’on croirait des cicatrices fraiches sur le crâne (parce que des tresses africaines sur un cuir chevelu blanc, c’est l’impression que ça me fait). Et à l’entrée des églises, on trouve ça :

Majorque

Heureusement, nous étions nous un peu dans les terres, à l’abri dans une jolie maison de village, blanche et ocre. Un puits dans l’entrée fraiche, une bougainvillée dans la cour, et une terrasse sur le toit, protégée de bambous, où nos serviettes séchaient d’un coup de vent du soir.

Nous avons découvert des paysages somptueux et de délicieuses criques sur nos vélos, avant de remonter durement les côtes au retour, nom de nom, elle était bienvenue la bière sur la place du village à l’arrivée !!!

Majorque

Nous avons ri et mangé tant et plus, alternativement ou en même temps. Je suis tombée raide dingue d’une espèce de petite friandise salée qui s’appelle Quelitas et que je songe à faire venir par containers entiers. C’est particulièrement délicieux tartiné de sobrasada, une charcuterie moelleuse au paprika, qui est d’une forme pour le moins… suggestive. J’en ai rapporté aussi, pour offrir, si, si (mais pas à mon vieil oncle catho… plutôt à quelqu’un que ça va faire rire)

sobrasada

Sinon, je ne marche plus que chaussée de majorquines, ou plutôt minorquines, puisque c’est de Minorque que sont originaires ces sandales, celles des pêcheurs de l'île, je crois, portées aussi bien par les hommes que par les femmes et qui se patinent joliment avec le temps (c’est increvable, ou presque, mon amie Ya qui nous accueillait a dû à regret se séparer des siennes après 10 ans de bons et loyaux services parce que la couture avait fini par s’user). La semelle est en pneu, le cuir épais mais ultra-confortable, on peut tout faire avec, crapahuter ou aller dans l’eau. Je les garderai jusqu’aux premiers froids, je n’arrive plus à m’en défaire…

Majorque

Une femme est morte à quelques mètres de nous sur une plage, l’un de ces quelques jours d’août. Un homme l’a sortie de l’eau, inconsciente, assommée peut-être par les rouleaux puissants qui m’avaient moi-même épuisée quelques instants auparavant malgré mon gabarit et mon habitude de nager. Et elle, elle avait l’air si menue, peut-être trop pour lutter contre eux, ou eut-elle un malaise, je ne sais. C’est le journal du lendemain qui nous apprit qu’elle avait 50 ans, alors que nous avions cru tout d’abord qu’il s’agissait d’un enfant. Je me souviendrai de cette heure étrange, après ce pique-nique sur une plage torride. Le chant lancinant et intense des vagues, et les efforts des hommes assemblés autour de ce corps pour le ranimer. Et quelques badauds de la plage venus assister sans vergogne au massage cardiaque interminable, comme au spectacle. Des filles en strings, un homme nu qui finit par enfiler un caleçon. Et un autre qui ne put s’empêcher de sortir son appareil photo… Triste sire. Et ce visage blême sur le sable, le corps mal recouvert d’une couverture de papier doré quand nous quittâmes la plage, incongrument lestés de notre parasol rouge et de nos serviettes salées, le cœur bien lourd.

Un autre jour, Ya nous appelait un soir dans la maison « Venez voir ! Venez voir ! Une éclipse de lune ! », ce à quoi je répondis distraitement et ingénument « Où ça ?... ». Je risque d’être quelques temps encore la risée de mes amis pour cette réplique (on avait bu « un peu » de vin blanc, je crois).

Les vacances sont derrière moi, cela fait longtemps que je n’avais pas éprouvé ce regret de revenir. D’habitude, rentrer à Paris est un plaisir, cette fois non, pas tellement. Les dealers bruyants du bout de la rue me saoûlent, et les ordures répandues devant l’immeuble qui attirent les rats, et la bousculade et l’agressivité retrouvées dans le métro. Envie d’air, envie de retourner me baigner, envie de…

Majorque

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