dimanche 22 mai 2011

Cannes – session 2011

Bon, j'ai loupé le coche : je voulais publier ce billet avant le palmarès et me suis fait avoir par le temps, l'envie de mettre des photos qui sont restées coincées dans mon téléphone, etc... Alors voilà : billet écrit il y a quelques jours dans le train du retour de Cannes, garanti sans retouches après Palme...

Il y a quelques années que je viens chaque joli mois de mai trainer mes guêtres sur la Croisette. Avec, finalement, je ne l’aurais jamais cru, de plus en plus de plaisir. Et oui.

D’abord parce que Cannes est toujours l’antichambre de l’été : premier soleil, première mer bleue (bon, sans marée, donc ce n’est pas VRAIMENT la mer, les bretons me comprendront, les autres pesteront, j’assume :-) ). C’est la première fois de l’année que j’arbore sandales sur pieds vernis de frais, tenues légères exhumées des longues boites où elles dormaient sous mon lit en attendant leur heure, couleurs pastels un peu raccord avec ma peau blanche à peine sortie de l’hiver (j’ai fait la bêtise de tester l’autobronzant soi-disant « sans marques et sans odeur », c’est un mensonge éhonté ! Il pue et fait autant de trainées orange que les autres : poubelle donc, et blanche je resterai… du moins dès que les trainées auront disparu).

Et puis les années passant, je prends mon rythme ici, j’y connais plus de monde, j’y retrouve des visages familiers ou des nouveaux présentés par les précédents, façon boule de neige, et j’aime ça. Je retrouve dans les journaux quotidiens du Festival des têtes croisées depuis quelques années avec de jolis projets qui ont fini par émerger et se faire et je m’en réjouis pour nombre d’entre eux.

Je fais partie de la tranche des festivaliers à contretemps des fêtards : nous nous couchons et nous levons tôt, préférant les projections matinales aux fêtes jusqu’à l’aube, puisqu’à l’aube nous nous levons. J’ai ainsi pu admirer ces deux derniers jours – aux séances de 8h30 du Palais, auxquelles il n’est de surcroît pas nécessaire d’arborer robe de princesse et talons plus ou moins aiguilles, confort appréciable – deux films fort différents et magnifiques chacun dans son genre : « The Artist » de Michel Hazanavicius, superbe hommage au cinéma, 1h40 de pur plaisir et de talent (Dujardin est définitivement un superbe acteur), c’est muet, c’est en noir et blanc, c’est plein de grâce, d’humour et d’émotion, bravo !

Et un autre matin, le toujours étrange Terrence Mallick m’a saisie au cœur, alors que je ne suis pas forcément la plus fervente adepte de son cinéma, je l’avoue. J’ai quand même trouvé la première demi-heure de « The Tree of Life » parfaitement insupportable, et ai eu grande envie de quitter la salle comme l’ont d’ailleurs fait quelques-uns, exaspérés sans doute comme moi par la succession interminable d’images de nature, d’eau, de ciel, de planètes, d’étoiles, de dunes, que sais-je encore, à mi-chemin entre « La Terre vue du ciel », « Océans » et même « Jurassic Park » !... Exaspérée, vous dis-je. Et puis, et puis on revient à l’histoire « simple » d’une famille des années 50, Le père, sévère et brusque jusque dans l’expression de l’amour à ses enfants (étonnant Brad Pitt), la mère, tendre et silencieuse, et les trois garçons, dont l’un plus frondeur et révolté contre son père que les autres. J’ai été touchée au plus profond de mes émotions par la peinture délicate de l’amour infini pour l’enfant tout juste né, les souvenirs créés de premiers pas maladroits, de jeux, de petites coutumes, de lumière irisée et du sentiment mensonger que ce bonheur sensuel est et sera. Jusqu’à la peur qui vient, la violence, le déchirement de la perte. J’ai aimé tout ce qui n’était que vie dans ce film, et je laisserai volontiers de côté les dispersions oniriques du réalisateur qui me sont personnellement bien inutiles pour éprouver l’émotion de l’histoire.

Quoi d’autre : « 17 filles », beau premier film de deux soeurs, Delphine et Muriel Coulin, tourné à Lorient, avec un casting étonnant d’adolescentes, et un sujet insensé (tiré d’une histoire réelle) auquel on croit avec ses touchantes héroïnes, traité avec douceur et humanité.

J'ai vu aussi "The Beaver" ("Le complexe du castor" en français), à qui je n'accorderai au fond que la sympathie que j'ai pour Jodie Foster, car malgré son sujet incongru, il m'a paru finalement assez "formaté", ce qui m'étonne de la part de sa réalisatrice.

Sinon, beaucoup de nourriture délicieuse, un feu d'artifice tiré sur la mer et contemplé d'une terrasse tiède, un verre de champagne à la main, de beaux projets racontés par de belles personnes. Je fais un métier très agréable, j'en suis consciente, et pas seulement à Cannes, d'ailleurs.

images.jpg

vendredi 18 mars 2011

La fenêtre

Chez moi, il y a un petit rectangle ouvert sur la terreur du monde.

Des images de vie et de mort tressautantes et sonores, à la merci de mon index sur un petit bouton de rien.

Depuis des semaines, de la fenêtre ouverte, s’échappent vers moi et le monde entier des pixels d’espoir ou d’effroi, inodores et sans goût, en tous cas pas celui du réel. Et pourtant.

Dans mon salon et si loin de moi, des Autres aux langages étranges et aux teints différents de ma pâleur celte se battent et souffrent et meurent et espèrent et je ne peux que tendre mes doigts impuissants vers les boucles sans fin d’images – véridiques ou menteuses ? - que l’on m’envoie d’eux, frères pourtant, enfermés derrière la vitre minuscule.

La fenêtre me projette dans une dimension irréelle. Moi, devant les images accusatrices et dansantes, tellement vivante, un verre à la main, un chat ronronnant sur les genoux, enfournant un gâteau au chocolat, embrassant un amant, surveillant un risotto, coupable de mon confort et pourtant pas, des larmes dans mes yeux, pour eux.

Il y a eu l’Egypte et l’intense place sur laquelle j’aurais dû me trouver début février, voyage avorté. J’ai retrouvé quelques semaines après à Paris les amis égyptiens que j’aurais dû voir là-bas, enthousiastes et prêts à l’avenir, si beaux et forts, au coeur de l'inimaginable, pas si longtemps auparavant…

Aujourd’hui, le Japon n’a jamais été si près, si loin, si étranger et si familier. Je m’émeus plus que tout à la vision de ces vieillards fragiles et sidérés dont l’univers perdu ne sera jamais retrouvé avant la mort, et j’aimerais leur offrir un abri pour finir moins cruellement une vie. Les plus jeunes reconstruiront, pas eux. Pourquoi suis-je toujours si sensible à la souffrance des personnes âgées alors que j’en ai si peu côtoyées qui m’ont importées ?... Peut-être à cause de cela ?

Aujourd’hui Tobrouk évoque autre chose qu’un camion rempli de nitroglycérine. Quoique.

Le monde a décidé en cette année 2011 de se révolter et de trembler. Terrorisé ou en colère. Et moi je le regarde par la fenêtre. A l’abri. Ou pas. Reliée au monde en proie au chaos que nous avons créé. Comment réparer ? Comment puis-je réparer un tant soit peu, cachée derrière ma fenêtre ? Je cherche la réponse, et n'ai pour l'instant à offrir que ma compassion.

lundi 31 janvier 2011

Cartons Paradis

J'ai toujours bien aimé Vanessa Paradis. Je me souviens parfaitement de la première fois que je l'ai entendue à la radio, un matin d'il y a plus de 20 ans, me demandant quel âge pouvait bien avoir la gamine qui chantait cette histoire de taxi. Depuis, j'ai toujours admiré son talent d'actrice, aimé la justesse de sa voix, apprécié ses choix (elle a tout bon, n'empêche : Gainsbourg, Kravitz, Goude, M... et Johnny Depp). J'étais hier soir aux Folies Bergère, invitée à son concert acoustique, et j'ai passé une excellente soirée : elle est belle et ondule joliment, simplement vêtue d'un jean puis d'une robe tournoyante, les arrangements étaient très beaux et elle peut même se permettre de chanter du Félix Leclerc en suscitant l'émotion (je n'ai pas une folle passion pour Félix Leclerc, il me rappelle mes années adolescentes et me flanque habituellement un cafard noir). Bref, elle m'a encore bluffée : classe et grâce. (mention spéciale à une chanson qui m'était inconnue : "Dans mon café").

C'était un moyen parfait de me sortir la tête et les mains de mes cartons de déménagement. J'étais éreintée mais ce concert m'a fait un bien fou !

Je suis donc installée dans mes pénates nouvelles. C'est encore le bazar mais ça prend tournure. Je sais pourquoi on dit qu'un déménagement est un évènement stressant : c'est fatiguant physiquement et mentalement par tout ce qu'il y a à porter, déplacer, organiser et penser. Et quand par hasard, on se dit qu'on rentrerait bien chez soi pour faire une pause, on n'a plus ou pas encore vraiment de chez soi... Sentiment de transition, d'être étranger en tous lieux. Qui n'a jamais mangé une pizza (ou des nouilles chinoises) sur le rebord d'un carton de déménagement en guise en table, environné de meubles sous couvertures scotchées et de pyramides de caisses en tous genres ne peut toucher du doigt l'ultra-déprimant de la chose. Croyez-moi. Surtout quand vous avez acheté des bières, que le décapsuleur est déjà emballé et que vous vous faites un mal de chien à la main en essayant d'officier avec un briquet... Spleen et gros mots assurés.

Premier retour de boulot ce soir dans ma nouvelle casbah : je vais essayer de ne pas prendre machinalement mon ancienne ligne de métro, j'espère que mon chat n'aura pas fait moult pipis sur canapé pour se venger du changement de décor, et que je vais finir par retrouver quelques foutues lampes qui manquent encore à l'appel (un tuyau en passant : ne jamais marquer "DIVERS" sur un carton de déménagement, mauvaise idée...).

Cartons-Paradis fut le thème de mon week-end. La deuxième m'a rendue les premiers plus jolis.

Et au fait, pour la première fois depuis 28 ans, je ne suis plus parisienne !!! Je vais de ce pas réintégrer ma banlieue (pas lointaine) pour fêter ça.

samedi 18 décembre 2010

Perspectives 2011

5h30 du matin. Le gigantesque aéroport de Dubai est noir de monde. Les boutiques de luxe sont assaillies d’hommes qui comparent des montres tapageuses, de femmes intégralement voilées de noir ou d’autres en tenue légère au milieu de monceaux de parfums, de vêtements, de chocolats et de dromadaires de toutes tailles et matières. Les enfants sont surexcités d’avoir trop peu dormi. Pour ma part, je lorgne l’Airbus A380 qui m’attend de l’autre côté de la vitre, pressée d’y reprendre mon sommeil écourté.

IMG_0008.JPG

Trois jours dans cet endroit… bizarroïde. Un festival est né là il y a quelques années, très fréquenté car plate-forme privilégiée des productions du Moyen-Orient, et de financiers aux moyens conséquents. Le marché est effervescent et les opportunités nombreuses d’y monter des projets internationaux. Par ailleurs, le festival invite la majorité (peut-être la totalité) de ses festivaliers, partenaires et participants divers, comme moi. Ce séjour-là n’aura pas coûté un centime à ma boite : avion-hôtel-repas-transferts, j’ai été prise en charge intégralement, version luxe : une chambre beaucoup plus grande que mon appartement parisien (tiens, c'est bien la première fois que je trouve un canard en caoutchouc dans une baignoire d'hôtel !) et une horde d'organisateurs dévoués dont l'unique souci semble être de m'épargner le moindre effort.

IMG_9888.JPG

Pour aller d'un point à un autre, la marche est bannie : nous sommes transportés par des dizaines de petites voitures électriques, de minibus, et même de bateaux sur les canaux artificiels qui desservent tous les hôtels. La débauche de moyens et d'argent constatée ici est parfois indécente : le buffet du petit déjeuner comporte plus de nourriture que la plupart des habitants de cette planète n'en verront en une année, les Ferrari et autres Rolls pullulent devant des "malls" gigantesques aux enseignes internationales prestigieuses. Au bout de l'un d'entre eux, protégé par des vitres hautes comme des buildings, un bout de montagne a été reconstitué : pendant qu'à l'extérieur on lézarde sur les plages et l'on se baigne dans l'eau tiède, des enfants en doudounes prennent des leçons de ski et l'on fait la queue au télésiège qui se perd dans les hauteurs de la galerie marchande, avant de faire une petite descente sur les pistes poudreuses, sans doute reconstituées chaque nuit au canon à neige.

Nouvelle_image.JPG

L'endroit est artificiel, impeccable, sans âme. Espace pris au désert, sans un grain de sable de travers, ponctué de buildings de verre sans vraie grâce, dont le plus haut du monde, d'une finesse vertigineuse.

IMG_0038.JPG

Je rentre enrhumée de trop de climatisation, heureuse de retrouver ma ville chargée d'histoire aux immeubles patinés, dans quelques jours ma côte aux criques sauvages et venteuses. Petite pause avant d'attaquer une année 2011 qui se promet intense : de nouveaux projets en perspective, certains professionnels qui vont me faire voyager encore un peu, et un challenge personnel, surtout, qui m'exalte le coeur et auquel je vais consacrer avec bonheur beaucoup de temps et d'énergie, puisque j'ai été reçue au concours que je préparais depuis septembre, à l'issue de l'oral final. Janvier va être le mois de quelques bouleversements : un déménagement et le début de ce nouveau projet, dont j'espère beaucoup : des rencontres, un scénario abouti, des perspectives autres au bout de l'année, peut-être.

En attendant, je vous offre des palmiers de Noël, pour changer !

IMG_0009.JPG

IMG_0016.JPG

vendredi 29 octobre 2010

Roma, bellissima

Je commence à avoir mes habitudes à Rome – comme dans quelques villes où mon boulot m’amène annuellement[1]. Arrivée sans encombres bien qu’un jeudi de grève, un monsieur m’attend à l’arrivée avec mon nom écrit maladroitement sur une pancarte. On roule vers la ville – pas trop Fangio, c’est rare, la dernière fois, le chauffeur conduisait à 180, volant tenu au genou, les mains trop occupées par deux telefoninos dans lesquels il criait en même temps. Un salut au Colisée sur le chemin, on passe par des petites rues charmantes aux façades ocres et roses. A peine le temps de poser mon sac dans une chambre d’hôtel simili-antique au confort très 21è siècle, je fonce vers ma petite trattoria préférée, nichée au fond d’une cour ombrée de feuillage, pleine d’italiens en famille et de vieux magnifiques qui s’engueulent en jouant aux cartes. On s’interpelle d’une table à l’autre, je comprends parfois quelques échanges, c’est très gai. Rituellement, je choisis le premier plat de pâtes de la liste du jour, illisible, et que personne ici ne sait me traduire. Je fais confiance et c’est toujours délicieux. Je commence par quelques gressins croustillants, une mozzarella joufflue que j’agrémente de poivre et d’huile d’olive odorante, d’un verre de vin blanc frais. Et je crois bien que je suis heureuse. Tout à l’heure, je me poserai sur le rebord de marbre lisse d’une fontaine exubérante pour offrir ma paresse post-pasta au tiède soleil d’automne, chanceuse…

Le lendemain : matin boulot. Je rencontre une foultitude d’italiens bruyants qui m’étourdissent de projets par milliers, paroles chantantes et mains expressives. Quelquefois, je ne les écoute pas beaucoup ; je les regarde et les aime bien. Une italienne sublimement belle et ronde m’expose avec passion un scénario dont elle est l’héroïne, inspiré de sa vie : les aléas d’un corps détesté, rejeté, malmené, puis accepté et sublimé, façon comédie à l’italienne. J’adore. Aujourd’hui, la belle aux formes généreuses les expose pour éduquer les yeux, les cœurs, changer les préjugés. Elle est connue ici, il parait, grâce à l’association qu’elle a créée qui montre dans toutes les écoles d’Italie, par le biais d’un petit fascicule éducatif et salutaire, des corps de femme différents pour lutter contre les troubles alimentaires adolescents. Elle publie aussi chaque année un calendrier où posent de « vraies femmes » (donna, donna !), m’offre celui de 2010 bientôt obsolète et me propose tout de go de faire partie des modèles 2011. J’accepte, enthousiaste et honorée. Nous tombons dans les bras l’une de l’autre à l’issue d’un rendez-vous professionnel devenu intime. Bon sang, que j’aime mon métier et les gens magnifiques qu’il me permet de rencontrer ! (Cependant, je ne sais pas si je ferai vraiment partie des modèles de l’année à venir : les prises de vues ont lieu à Rome et je ne suis pas sûre de pouvoir y retourner pour l’occasion.)

Après-midi libre et vagabonde, de la place d’Espagne à Santa Maria in Trastevere, en passant par la Piazza Navona, le Campo de Fiori, retour furtif par la Trevi aussi assiégée que si une horde d’Anita Ekberg se baignait encore dedans… Mes jambes fatiguées se réconfortent à la pensée des nouvelles bottes souples trouvées en chemin qu’elles arboreront dès demain (oui, je sais, j’en ai déjà 72 paires au bas mot, mais c’est ici la tentation permanente, des bottes toutes plus sublimes les unes que les autres me guettent à chaque coin de rue, et je suis très faible en ce domaine…). Quelque part au gré de quelques ruelles colorées, je me pose sur une piazza minuscule, devant une église de poupée, pour déguster une glace à la réglisse (à la réglisse !!!) à mourir de plaisir, et je comprends pourquoi une amie m’a dit récemment m'avoir reconnue à chaque ligne du livre « Mange, Prie, Aime », best-seller un peu new age/neu-neu mais néanmoins sympathique, récemment adapté façon comédie romantique américaine typique, et dont la recherche désordonnée du bonheur s'apparente, je ne peux le nier, à la mienne. Oui, j’avoue avoir expérimenté pas mal de formes de méditation et de quêtes spirituelles de tous ordres à certaines époques de ma vie, mais franchement, bien mieux qu’après une séance de zazen torturante ou une heure de méditation ponctuée de « Om » convaincus, quand je suis dans un lieu sublime, le cœur en paix, à déguster une époustouflante glace à la réglisse (à la réglisse !!!), je communie pour de bon avec l’univers tout entier et je crois que Dieu et le Bonheur existent (enfin, j’en suis persuadée la plupart du temps, mais là j’en ai la preuve…et si Javier Bardem ou assimilé est au bout du chemin, je prends, et j'y croirais plus encore !)

Néanmoins, malgré – ou à cause de – toutes ses beautés, Rome me fait parfois irrésistiblement penser à une vieille femme qui ressasserait sans fin ses succès d’antan, ses amants disparus, ses courbes divines désormais ridées et oubliées. J’ai l’impression qu’on ne parle jamais ici que de la splendeur de l’Empire ou de la Dolce Vita. Et que le temps s’est arrêté ensuite… J’avoue en être toujours surprise et parfois agacée. La Ville est peut-être Eternelle mais s’apparente à un grenier, à mes yeux. Un grenier splendide et bourré de merveilles, mais grenier quoi qu’il en soit. J’arrive ici pour un festival récent, et les films dont on parle toujours le plus ce sont « Vacances Romaines », omniprésent, et – éternellement – la « Dolce Vita », dont on fête le 50è anniversaire cette année. J’ai l’impression que – presque - tous les producteurs et réalisateurs que je croise ici se réfèrent sans fin à Fellini. Peut-être faudrait-il les informer qu’il est mort et qu’il conviendrait de passer à autre chose… sans pour autant être coupable de crime de lèse-majesté (à mon humble avis).

J’avoue me plaire parfois plus dans le mouvement de Londres l’excentrique où j’étais la semaine dernière, de Madrid où tout est plus fou et iconoclaste qu’ici, de Berlin dont l’histoire douloureuse s’est faite levier de créativité. J’aime que Paris n’ait pas hésité à construire Beaubourg au centre d’un quartier ancien et à marier une pyramide de verre au Louvre. Rome est à mes yeux un peu trop confite dans la dévotion au passé… mais infiniment belle. J’ai des sentiments partagés à l’égard de cette vieille dame qui m’a offert néanmoins cette année un bien joli séjour.

Notes

[1] C’est pour cela que je renonce aujourd’hui à migrer en Bretagne : mon avenir professionnel serait trop fade comparé à mon actualité passionnante en ce domaine. On verra plus tard.

mercredi 19 mai 2010

Cannes à l’envers, Cannes à l’endroit

Je suis une très piètre festivalière, je dois bien l’avouer. Et les années passant, je « festivale » même de moins en moins, m’acquittant juste de la mission pour laquelle je me dois de passer quelques jours par an à Cannes. Point. Désolée donc de ne pouvoir vous offrir ici une chronique drolatique, festive ou passionnée de cette 63è édition, je ne ressens rien de tel pour ce festival. Je suis désespérément non-mondaine et couche-tôt, que voulez-vous, ce qui fait de moi une sorte d'ermite-ovni dans ce contexte, j'en suis bien consciente (et je m'en fous).

Il faut dire que cette année, j’ai débarqué sur la Croisette armée d’une batterie de mouchoirs, d’antibiotiques et de pastilles pour la gorge, toussant façon caverne et déjà épuisée de dix jours de crève dont j’avais grand peine à venir à bout. Donc encore moins motivée que d’habitude. A peine arrivée, Boss triomphant et gentil m’a mis dans les mains une place pour la projection de « Wall Street » de la soirée, tenue de Scarlett obligatoire, que j’ai regardée d’un œil torve et aussitôt déclinée, peu encline à abandonner mon cache-nez pour une montée des marches inconfortable et aussi réfrigérante que le grand théâtre Lumière du Palais des Festivals. D’autres m’ont confirmé qu’on s’y pelait autant que les autres années. Très peu pour moi. Je me suis collée au lit à l’heure des poules (celles des basses-cours..). Piètre, vous dis-je…

Comme l’an passé, j’ai fui les fêtes et privilégié les rencontres intimistes avec des créateurs : auteurs, réalisateurs, producteurs, dont j’aime à entendre la passion quand ils me parlent de leurs projets, me racontent des histoires que j’ai envie de les aider à mettre sur l’écran dans la mesure de mes petits moyens. Mon rôle se borne le plus souvent à identifier les bons partenaires pour un film à venir et à les mettre en contact. Quand je tombe juste et que la collaboration de deux personnes que j’ai présentée l’une à l’autre mène à quelque chose de concret, j’en suis heureuse, pour eux, pour l’histoire qui va être peut-être contée à d’autres, pour moi qui aime à faire ainsi partie de la ronde infinie de participants à l’histoire d’un film, parfois innombrables, utiles chacun à leur place, un peu ou beaucoup, certains plus essentiels que d’autres.

Cannes cette année encore, le festival veux-je dire, m’a fait l’effet d’un gigantesque barnum peuplé de créatures pour certaines grotesques, d’un bruit incessant à rendre fou, de boustifaille en pagaille, de liquides alcoolisés ou non par flots entiers, de robes très courtes ou très longues et de talons très hauts, toutes choses surdimensionnées en cet espace restreint, trop de foule, trop d’inutile et de cris. Je m’y sens la plupart du temps totalement déplacée et décalée, incapable de me mettre au diapason de ce que certains considèrent comme une fête et que je trouve pour ma part le plus souvent aussi terrifiant que dérisoire.

J’ai été frappée notamment par la débauche de moyens mis en œuvre pour cet art-industrie en mouvement : mon Dieu les quintaux de nourriture déversés là ! Les hectolitres de champagne ! Le décorum et le superflu, le papier gaspillé dans des publications innombrables que personne ne lit ! Je n’ai pas forcément à me plaindre de cette opulence dont je profite aussi : je rentre aujourd’hui lestée de quelques kilos supplémentaires, comme d’habitude, trop nourrie et abreuvée, au bord de la nausée certains jours, ma gourmandise naturelle muée en gloutonnerie parfois, devant l’offre gigantesque et infernale de denrées auxquelles je ne sais résister.

On dirait bien que les festivaliers viennent ici sans s’être nourris depuis des semaines, en prévision du festin. Les abords des buffets ont parfois des apparences guerrières, les smokings et robes du soir cachent des instincts sauvages : se nourrir au péril de tout comportement civilisé est un challenge quotidien pour certains. Je fais sans doute partie de ceux-là, sans m’en rendre compte, au fait ?... J’ai souvenir l’autre jour de plateaux qui circulaient, portés par des serveurs en grande tenue, et que je guettais comme si ma vie en dépendait car il y avait dessus un assortiment de choses délicieuses dont je voulais ma part (notamment un « thon Rossini » à mourir de plaisir : sur un mini-toast, une mini-tranche de thon surmontée de foie gras frais, les deux à peine poêlés et nappés d’un rien de vinaigre balsamique, une tuerie ! Je n’étais pas la seule à les rafler, ceux-là, vous pouvez me croire…). La palme du cocktail-fou revient à un pays d’Asie qui célèbre son cinéma chaque année sur la plage du Carlton en offrant à des centaines d’invités des buffets multiples, de sushis insensés, ou bien de mini-woks ou fritures préparés par des cuisiniers en tenue, et moult autres splendeurs pour lesquels les festivaliers s’organisent en files interminables attendant fébriles (et agressifs aux resquilleurs) leur portion de délices. Ce cocktail–là je l’avoue m’a bluffée : des verrines multicolores suspendues dans les arbres, des tables habillées de feuillages et de fleurs à profusion, un décor délicat pour une grande bouffe indécente…

Ce soir-là, j'ai observée, médusée, un homme en smoking, l’air pénétré et que je n’aurais pas osé interrompre ou déranger, en pleine crise d’une sorte de folie dévorante : debout devant le buffet des desserts, il remplissait méthodiquement une assiette de TOUT ce qui était proposé sur la table, absolument tout, en un monticule insensé, mélangeant l’immélangeable mais peu lui importait visiblement. Il avisa ensuite les diverses sauces sucrées, fruitées, chocolatées qui étaient offertes pour accommoder les desserts et recouvrit le monticule d’une louche de chacune, achevant son œuvre boulimique par une grosse rasade de TOUS les « toppings » proposés, graines, pépites de chocolats, perles diverses, confettis colorés, se moquant visiblement que tout cela ne soit pas fait pour être mangé ensemble… J’ai évité de le suivre pour voir comment il entendait ingurgiter cette mixture folle, il me faisait l’effet d’un vampire s’apprêtant à faire gicler le sang d’une carotide. J’ai moi-même, à sa vue, fait l’impasse sur le dessert ce soir-là, écoeurée.

N’attendez pas de moi un compte-rendu du festival, côté tapis rouge et programmation, j’en ignore à peu près tout, évitant autant que faire se peut les abords du Palais, bondés, où les escabeaux cadenassés aux barrières proches des marches me paraissent finalement plus pathétiques que drôles : penser que des gens passent des journées entières à ne faire qu’attendre la vision fugitive d’un individu un peu ou beaucoup connu m’interloque et me dégoûte un peu, de même que toute la pagaille pailletée qui se donne là en spectacle.

IMG_9511.JPG

IMG_9512.JPG

Certaines figures de la Croisette, cependant, me font rire ou m’attendrissent : les vieilles femmes moulées de léopard de la tête aux pieds, cagoles maquillées arc-en-ciel et la peau tavelée de soleil du Midi, qui s’éclatent pendant la quinzaine, joyeuses et fières de leur vulgarité assumée; j’aime leur liberté et leur indifférence aux regards moqueurs. Je suis touchée de certaines « belles de Croisette », jeunes filles à peine sorties de l’enfance, aux mollets ronds et dorés, vêtues de leurs plus belles robes et trébuchant sur des talons trop hauts juste pour voir un film d’après-midi, agrippées à leur invitation. J’aime la gentillesse de beaucoup de gens du cru, serveurs des bars ou des restaurants, philosophes et serviables avec cette clientèle cosmopolite, bruyante et parfois condescendante qui les fait vivre cette quinzaine-là plus que d'autres. J’aime la ruche des travailleurs du Marché du Film, gigantesque lieu d’achat, de vente et de fabrication de la pellicule imprimée du monde entier, les milliers de gens qui courent d’un rendez-vous à l’autre, badges voltigeant autour du cou, petits ouvriers du cinéma dont je fais partie, affairés et polyglottes.

IMG_9515.JPG

Je n’aime pas en revanche, être réveillée à n’importe quelle heure par les soirées et les « afters » sans fin, la rue de Cannes résonnant sans arrêt de musiques déversées là sans que quiconque ait l'air de trouver anormal les basses sourdes envahissantes, de jour comme de nuit. J’avais cette année par ailleurs la malchance de loger dans un immeuble dont l’étage supérieur était occupé par une société friande de fêtes improvisées ou non : mes rêves et mes insomnies ont été ponctués de façon constante pendant mes cinq nuits cannoises par la techno qui venait de là-haut, et surtout par le piétinement ininterrompu des fêtards allant et venant devant ma porte pour atteindre ou revenir du lieu de la fête. Et croyez-moi, des hordes de filles chaussées de Jimmy Choo (ou imitation) sur escalier de marbre, ça fait du boucan. Je rentre fatiguée…

Finalement, mon plus joli moment cannois, c'est un producteur égyptien qui me l'a offert, en détachant de son porte-clés personnel un petit chat d'argent pour me remercier de lui rendre son portable retrouvé par hasard sous une table en terrasse ensoleillée (bien qu'il ait beaucoup plu et fait froid cette année), portable tout cassé et remis à son propriétaire pour qui il avait l'air essentiel, au terme de conversations alambiquées et difficiles avec des interlocuteurs de langue arabe fort surpris de me voir faire le standard anglophone et féminin de leur ami finalement identifié. J'adore ce petit chat porte-bonheur !

IMG_9518-1.JPG

Chroniques cannoises antérieures (plus glamours et rigolotes, j'étais jeune alors... ;-) ) :

Version 2006

Version 2007 (60è anniversaire)

Version express 2008

Je ne sais pas s'ils me réinviteront l'année prochaine...

lundi 11 janvier 2010

Ushuaia – Terre de Feu

Adieu Patagonie, ses icebergs et glaciers azuréens, ses vastes espaces et ses lacs turquoise, je m’envole pour Ushuaia. Moi qui ai une « fin de terre » bretonne dans le cœur, je vais en découvrir une autre, aux antipodes de la mienne.

IMG_9154.JPG

Ma première impression d’Ushuaia, c’est une lumière incroyable. Peut-être la jonction de la montagne et de la mer, aux confins du monde, non loin de l’Antarctique, crée-t-elle un espace lumineux différent, comme une grande pureté de couleurs. A peine arrivée, en cette fin de journée où subsistent quelques rayons d’un soleil clair, je descends les rues en pente de la ville vers le port, entre les maisons de tôle peinte ou de bois pour aller regarder les bateaux encerclés de montagnes aux reflets bleus ou roses.

IMG_9164.JPG

Le lendemain, on vient me chercher de bonne heure : une heure de route dans un minibus au chauffeur enragé, sur des routes sinueuses, un coup à regretter son petit déjeuner. Quand on nous laisse descendre du bolide, on est un peu pâlichons et contents de retrouver le grand air. Il nous faut reprendre nos esprits rapidement : on nous donne pantalons imperméables, bottes, gilets de sauvetage et pagaies et nous voilà sur l’eau, deux canoës à la suite, à pagayer en rythme et en silence sur les eaux du canal de Beagle, environnés de montagnes grises ou lumineuses selon que le soleil nous visite ou qu’une averse sauvage et brutale nous trempe. Nous approchons des rives rocheuses ou reposent quelques lions de mer solitaires et paresseux, des cormorans qui s’abritent de la pluie ou nous accompagnent de leurs vols rasants.

Nous abandonnons les canoës un peu plus tard, montons à bord d’un Zodiac qui nous emmène sur une île plus lointaine, après moult recommandations : nous sommes sur une réserve naturelle de pingouins et il convient de respecter leur tranquillité. Les petits habitants de l’île ne sembleront guère troublés par notre présence, les seuls qui restent à bonne distance sont les quelques pingouins antarctiques qui vivent là, ceux aux becs et pattes orange, l’emblème d’Ushuaia. Je n’en rapporterai que cette image tremblotante, mon appareil n’est pas fait pour les zooms intenses. Nous ne resterons que peu de temps sur l’île, intrus au cœur de cette communauté. Nous nous amusons des démarches pataudes ou sautillantes des pingouins mais restons admiratifs de la vitesse incroyable de leur nage : une fois sous l’eau ils filent comme des flèches autour du bateau.

IMG_9193.JPG

IMG_9203.JPG

IMG_9205.JPG

IMG_9210.JPG

Adieu pingouins, nous allons nous restaurer dans une cabane de tôle au poêle bienvenu pour réchauffer nos mains gelées et faire un peu sécher nos gants trempés. Un poisson grillé et un peu de vin argentin nous remettrons sur pieds pour la randonnée de l’après-midi au milieu des montagnes et des barrages de castors. La petite bête aux dents acérées est invisible, mais quelques ibis nous feront cadeau de leur envol élégant. Le soir, je m’endormirai fatiguée et contente, mes rêves pleins d’images de nature silencieuse et d’animaux en liberté.

Le lendemain, je reprends un bateau pour aller jusqu'au phare des Eclaireurs, drôle de repère marin posé au milieu des montagnes sur le canal de Beagle. Autour de lui, et jusqu'à l'embouchure du canal, un chapelet d'îles minuscules abrite des colonies de cormorans ou de lions de mer, dont les moteurs de bateaux n'ont pas l'air de troubler les lourds sommeils tendrement entremêlés.

IMG_9249.JPG

IMG_9271.JPG

IMG_9267.JPG

IMG_9279.JPG

IMG_9262.JPG

IMG_9293.JPG

Avant de quitter Ushuaia, je rends visite au musée local, installé dans l'ancienne prison qui a abrité de nombreux criminels et détenus politiques jusqu'à la fin des années 50 (dont peut-être l'idole Carlos Gardel, on en est presque sûr). Une partie des cellules a été transformée pour retracer la vie des prisonniers et l'histoire locale. Ils se sont crus obligés d'y mettre des mannequins de bagnards ou de gardiens, tous assez patibulaires et superflus. Une autre partie de la prison a été conservée en l'état et ça fait froid dans le dos. La boutique du musée, par ailleurs, propose à l'achat des souvenirs d'un goût pour le moins... discutable.

IMG_9303.JPG

IMG_9322.JPG

IMG_9323.JPG

IMG_9306.JPG

IMG_9321.JPG

Une autre partie du musée retrace la découverte et l'histoire maritime de la Terre de Feu, avec d'étonnantes cartes de Magellan, notamment. Un petit espace est réservé à l'évocation des Yamanas, les indiens de la Tierra del Fuego, qui vivaient nus dans ce rude climat, avant l'arrivée des missionnaires. Ceux-ci n'ayant eu comme première "charité" à leur égard que de les habiller par souci de "décence" et de leur donner un habitat auquel il n'était guère habitués, vivant au plein air, leur ont offert par la même occasion maladies et problèmes d'hygiène et d'insalubrité inexistants avant leur arrivée : la population Yamana a été décimée en quelques décennies...

Yamanas.jpg

Je quitte Ushuaia à regrets : j'aurais aimé rester plus longtemps, passer le Cap Horn en kayak. Mais aucune expédition n'était prévue aux dates où je séjournais. Une autre fois, revenir pour faire connaissance avec l'Antarctique aussi... Un jour, un jour, tant de choses à découvrir en ce vaste monde...

Je repars vers Buenos Aires pour une dernière journée avant le retour vers la France, un premier janvier où je serais fort occupée à m'éloigner du barnum du départ du Dakar et à me faire dévorer par les moustiques à Puerto Madero, les anciens docks de Buenos Aires transformés en promenade chic ponctuée d'une enfilade de restaurants.

Je préfère garder et vous offrir comme dernières images de mon séjour un ciel rose du soir et un lion de mer méditatif devant les beautés du bout du monde.

BONNE ET BELLE ANNÉE A TOUS !!!

IMG_9235.JPG

IMG_9284.JPG

lundi 28 décembre 2009

Patagonie

El Chaltén, Patagonie, petit village aux maisons de tôle, de brique ou de bois blotties au pied du Mont Fitz Roy, point de départ des expéditions vers le Cerro Torre. On vient là pour marcher vers les cimes voire les escalader, et il y a intérêt à être équipé : je ne sais comment sont les autres saisons ici mais aujourd’hui 26 décembre, plein été, il souffle un vent glacial et d’une force à décorner les bœufs, comme on dit par chez moi. J’ai renoncé à aller dès mon arrivée découvrir le Fitz Roy en me lançant sur les sentiers de randonnée pour plusieurs heures. Mon expédition d’hier et mon « mini-trekking » de deux heures sur le glacier Perito Moreno, ont laissé mon genou droit maussade et je ne veux pas le contrarier aujourd’hui.

Oui je les ai vus ces deux jours derniers, mes icebergs bleus ! Et beaucoup plus que cela puisque je comprends désormais l’expression « bleu glacier », une merveille de bleu. Illusion d’optique, paraît-il, mais cela m’est bien égal. Bleu il paraît, bleu il est. Point.

IMG_8921.JPG

IMG_8929.JPG

IMG_9055.JPG

Deux jours à El Calafate, mon premier contact avec La Patagonie après quatre heures d’avion depuis Buenos Aires où il convient d’être du côté droit pour admirer la Cordillière des Andes. D’emblée on est ébahi par l’immensité des paysages, la couleur turquoise et laiteuse du Lago Argentino au pied de montagnes si lointaines au bout d’une steppe verte qu’on croirait ne jamais les atteindre, et des moutons, quelques vaches et des chevaux, qui bénéficient de milliers de kilomètres carrés de pâturage.

IMG_9065.JPG

A El Calafate, tout le monde porte des chaussures de randonnée et des sacs à dos. Les nouveaux arrivants sont blancs, les autres un peu rouges. Je le serai moi aussi le lendemain malgré mon écran presque total, grand air et réflexion du soleil sur le glacier obligent. Une journée de bateau, pour circuler entre les icebergs, et admirer d’en bas la paroi du glacier, le lendemain, je retrouve celui-ci des passerelles surplombant sa façade sur le lac. Il est vivant, le Perito Moreno, il craque et gronde, chaque morceau qu’il perd dans l’eau s’accompagnant d’un bruit de tonnerre qui se répercute de longues secondes sur toutes ses parois de glace. Enfin, un peu de marche au milieu de ses percées bleues, chaussés de crampons et accompagnés d’un guide, beau… comme un montagnard argentin. Il y a de ces petits plaisirs du voyage qu’il est bon de goûter des yeux.

IMG_9048.JPG

IMG_9039.JPG

J’ai rejoint El Chaltén ce matin, après quatre heures de bus pendant lesquelles le regard ne sait où se porter au lointain, vers les sommets de plus en plus enneigés. J’ai consacré mon après-midi, puisque, fainéante, j’ai décidé de ne rien faire, du moins rien de fatiguant, à buller et écrire au coin d’une cheminée non allumée, puisque nous sommes en été, je vous dis (renseignements pris, l’hiver la température peut descendre à -20°, mais il n’y a pas de vent, chance). J’ai demandé à goûter le maté traditionnel, que les argentins boivent toujours et partout, armés de thermos d’eau chaude, de mini-calebasses aux rebords argentés dans laquelle trempe une bombilla (prononcer « bombicha »), sorte de cuillère en argent creuse, percée de trous sur la face large et qui se finit en paille, qu’ils se passent pour y aspirer tour à tour l’eau infusée d’herbes âcres. Le maté est un partage. J’avoue ne pas avoir apprécié outre mesure son amertume. Au moins j’aurais essayé. Par ailleurs, tous les magasins de souvenirs vendent ces petits récipients à maté, c’est un joli objet à défaut de s’en servir pour y boire le breuvage trop fort pour mon palais délicat…

IMG_9143.JPG

Le lendemain, j’ai décidé de ne pas marcher : mon genou s’y refuse et c’est une activité que je n’aime pas pratiquer en solitaire. On vient me chercher après le petit déjeuner : direction une estancia au-delà du village. On me prête des jambières de cuir pour monter une jument charmante nommée Sandi, et nous partons trois cavaliers au milieu des montagnes. Périple magnifique, impossible aux randonneurs. Nous ne croiserons pas âme qui vive, hormis quelques lièvres de Patagonie affolés, et des familles de canards au grand complet sur les lacs petits ou grands de notre chemin de toutes les couleurs. Nous traversons des sous-bois infiniment verts ou bien de bois morts recouverts de poudre neigeuse. Elle tombe sur nous doucement, comme une pluie de sucre glace. Les chevaux grimpent vaillamment, traversent les rivières, enjambent tranquillement les arbres morts et nous mènent plus haut, là où le regard porte sur le Fitz Roy, qui joue à cache-cache avec les nuages. Je peine à dire mon émerveillement en espagnol, mais mes deux compagnons le comprennent et le partagent.

IMG_9072.JPG

IMG_9118.JPG

IMG_9088.JPG

Nous redescendons à un rythme plus soutenu : les chevaux sont pressés de rentrer à la maison, on dirait. A l’estancia, c’est l’heure du marquage des veaux. On nous attendait pour le déjeuner : des salades fraiches et un « cordero » : un agneau qui grille devant un feu à l’extérieur. La viande est rendue plus délicieuse par la vue sublime qui nous est offerte au cours de ce repas. Quelques chiens amicaux m’assaillent et se disputent des caresses. J’achèverais mon déjeuner assise dans l’herbe avec trois ou quatre museaux posés sur mes cuisses, au grand amusement des gauchos (? j'ignore totalement si on les appelle comme ça ici ?) qui boivent leur maté autour du feu.

IMG_9131.JPG

IMG_9128.JPG

IMG_9138.JPG

Je retrouve Sandi pour une petite heure de chevauchée. Les chiens nous entourent et nous accompagnent pour un bout de route, slalomant entre les pattes des chevaux débonnaires. Mon postérieur un rien endolori (mais dont je bénis en cette unique occasion le superflu rembourrage…) est heureux de regagner l’hôtel et sa cheminée accueillante. Je crois que je vais bien dormir cette nuit. Et rêver peut-être du Fitz Roy que j'ai presque vu dégagé au cours de ce périple équestre.

IMG_9134.JPG

mardi 22 décembre 2009

Milonga

Fin de troisième jour à Buenos Aires. La ville est immense, chaude, ventée, animée, mélange d’immeubles de verres et de maisons anciennes, très occidentale, ma foi. Comme à mon habitude, j’arpente la ville à pied, des heures durant, plan à la main, une destination en tête mais y arrivant souvent par des chemins de traverse, j’évite la ligne droite. J’évite aussi, autant que faire se peut, le soleil brûlant, ma peau de fille du nord récemment exposée à la neige parisienne brûle aussi vite qu’un papier cigarette. J’aime à me perdre dans des rues aux recoins ombrés, dans des dédales imprévus. Ceci dit, la ville est construite en damier, il n’y a pas ici de ruelles tortueuses au dessin surprenant qui vous ramène là d’où vous venez, il est très facile de s’y repérer.

J’ai donc découvert la Plaza de Mayo, l’Avenida du même nom et l’obélisque (moche) de l’avenida 9 de Julio (un argentin rencontré dans l’avion m’avait dit : « Vous allez voir, Buenos Aires ressemble à Paris, on a un obélisque »… Euh, très franchement, je préfère la Concorde).

IMG_8756.JPG

J’ai fait connaissance avec les antiquaires de San Telmo et les boutiques de Palermo, j’ai rendu visite à la sépulture d’Evita au cimetière de la Recoleta, j’ai vu un autoportrait de Frida Kalho au MALBA (Musée des Arts Latinoaméricains de Buenos Aires), et accessoirement une expo Warhol… J’ai mangé du dulce de leche (une tuerie, à mi-chemin entre la confiture de lait et le caramel mou), bu des vins locaux franchement très bons (et qui titrent 13,5° pour la plupart des rouges… avec 31°5 à l’extérieur, j’évite à l’heure du déjeuner) et apprécié l’accent local plus facile à comprendre que l’espagnol d’Espagne. J’ai poussé ce matin jusqu’à Caminito dans le quartier de la Boca, mais c’est la Place du Tertre locale, infestée de touristes, de restaurants à attractions pour lesquelles on vous alpague dans la rue, et quand on essaie de s’éloigner un peu du cœur de la meute, de très gentilles vieilles dames vous font signe que c’est très « peligroso » de s’aventurer dans les rues tout à coup désertes et qu’il convient de rebrousser chemin. J’ai mangé une glace à la cannelle au sublime café Tortoni et apprécié les collections admirables du Museo de Bellas Artes. Trois journées très occupées, pleines d’images et de kilomètres. Mais, très franchement, au cours de ces trois jours, je n’ai pas eu de « coup de cœur » pour la ville. Pas déçue, non, juste pas assez dépaysée, peut-être, cette ville ressemble aux nôtres, au fond.

IMG_8783.JPG

IMG_8876.JPG

Le cadeau de Buenos Aires, c’était hier soir, l’émotion vraie, le grand merci d’être là que l’on ressent parfois en voyage. La raison pour laquelle on part, on va découvrir un ailleurs. Une découverte, une surprise divine. Ce que l’on ramènera avec soi.

Le tango est partout ici, à l’angle d’une rue un bandonéon vous cueille, une planche de bois posée au sol et un couple enlacé, il y en a partout le dimanche, on donne des cours dans la rue. Le portrait de Carlos Gardel sourit dans chaque bar, dans chaque kiosque, plus encore qu’Evita, l’autre star locale incontestée (en outsider, on a évidemment le football en général, Maradonna en particulier… et Mafalda !).

IMG_8749.JPG

Je n’avais pas spécialement envie d’aller assister à un dîner-spectacle de tango, sûrement très beau mais c’est le genre de sortie que j’évite de pratiquer en solitaire. Et puis ce tango-là, le spectaculaire, voire l’acrobatique, les danseurs apprêtés et pros jusqu’aux pointes de leurs chaussures, ce n’était pas celui que j’avais envie de voir… Non j’ai poussé la porte de la Confiteria Ideal, un sublime vieux café de la ville (1912) qui propose des « milongas » dans sa salle de danse du premier étage. Le terme milonga désigne à la fois la salle, et la session de danse qui s’y déroule. J’ai payé la modique somme de 18 pesos (environ 3 €) pour passer une paire d’heures fabuleuses dans un lieu magique, à regarder des danseurs, ni pros, ni débutants, mais amateurs connaisseurs, habités par leur danse, évoluer au son de cette musique magique. Ceux-là pratiquent le « milonguero », le tango qui se danse la joue ou le front serré contre celui de son partenaire, où les pas s’accordent sans effets particuliers, naturels comme on respire, comme un cœur bat.

Etonnamment, alors que cette adresse célèbre figure dans tous les guides, il n’y avait pas là hier soir de touristes venant prendre leçon, ou s’essayant pataudement aux figures de base. Non, juste un public d’habitués, jeunes et vieux, qui viennent là pour le plaisir, en fin de journée, faire des tours de piste avec d’autres passionnés. Les femmes sont un peu habillées ou en jean, mais elles portent toutes les chaussures de tango qu’elles ne mettent qu’en arrivant dans la salle, comme une danseuse classique ses pointes. Et les rangent soigneusement, presque religieusement à la fin de la session, remettant leurs sandales plates pour ressortir dans la rue. J’avais l’impression d’être une spectatrice privilégiée, la seule à ne pas danser, et je peux vous dire que je l’ai regretté. Qu’est-ce qu’ils étaient beaux ces couples souples et légers, les yeux fermés pour la plupart, perdus dans le mouvement de la danse sensuelle et chaste, comme dans un rêve. Il y a là comme de la ferveur, palpable.

L’invite se fait d’un bout de la salle à l’autre, muette, comme un rituel connu des seuls initiés, code ancestral. La danseuse invitée indique son acceptation d’un regard, d’un signe de tête et le danseur traverse la salle pour aller la chercher. Certaines, un peu princesses, ne se lèvent que quand le cavalier leur prend la main, d’autres se lèvent à son approche et vont à sa rencontre. Et l’enlacement réciproque, et l’attente parfois pour s’élancer en mesure ensemble. Je ne les vois pas parler, le départ de la danse se donne du corps même, sans doute. Magie.

IMG_8843.JPG

J'ai fait un tout petit film avec mon appareil photo, mais je n'arrive pas à vous le mettre ici. Juste un cliché un peu flou, un peu sombre, piètre reflet de la beauté qu'il m'a été donné de voir hier soir, mais il était bien sûr hors de question de troubler le rituel par un flash vulgaire et malvenu.

Je m'envole demain pour El Calafate, en Patagonie. Je suis heureuse de retrouver de grands espaces, la ville m'oppresse un peu. Je reviens à Buenos Aires le 1er janvier. J'espère pouvoir m'y offrir une milonga spéciale pour inaugurer la nouvelle année en toute harmonie, en toute beauté...

samedi 5 décembre 2009

Retour en Catalogne

J’ai retrouvé Barcelone sous la pluie. La ville vit ce dimanche soir au rythme d’un match de football qui monopolise les bars et fait chanter les aficionados. Je regarde sereine cette agitation qui m’est étrangère.

J’ai atterri ici un peu plus tôt. Un évènement professionnel les deux prochains jours me ramenant à cette ville que j’ai tant aimée, où j’ai vécu mon plus grand amour.

IMG_8663.JPG

Il y a 20 ans que Julio m’amenait ici pour la première fois, un jour d’août torride et amoureux, dont je me souviens de chaque minute, du moindre détail. Les trois années suivantes, son travail et notre amour de la ville nous avaient fait revenir souvent ici, et nous parlions parfois de nous y installer. Je n’y étais plus revenue depuis 1992, l’année des Jeux Olympiques qui avaient transformé la capitale catalane en un immense chantier et détruit la Barceloneta et ses petits restaurants de plage si pittoresques et doux à vivre. Nous aimions à y dévorer des petites fritures de poissons et des calamars fondants en nous aimant des yeux, avant d’aller nous dorer sur la plage pas très propre où se retrouvaient des familles bruyantes et gaies le dimanche. A la fin d’une après-midi brûlante, saoulés de soleil et de vin vertigineux, nous rentrions la main dans la main prendre ensemble une douche fraiche à l’hôtel. Le soir, nous errions et nous embrassions dans l’ombre des ruelles du Bario Gotico, que j’ai retrouvées mouillées de pluie, sous un ciel noir, avant le retour du soleil rayonnant de froidure du lendemain.

Je voulais ces quelques jours solitaires, par crainte des fantômes entrelacés que je pensais croiser ici. Je n’en ai vu aucun. La ville m’est apparue bondée de touristes, payant la rançon de sa beauté, sans doute. J’y ai mangé et ri beaucoup, accompagnée parfois de gens du cru ou d’étrangers cosmopolites et bavards. J’ai marché des heures durant, ne m’arrêtant qu’au bruit creux de mon talon droit, qui s’est avéré tronqué de trop de kilomètres catalans, m’OBLIGEANT (si, si !) à racheter des chaussures pour achever ma route du jour.

J’ai fait une cure de tapas et de Gaudi, dont j'avais oublié le foisonnement et les courbes folles, saoulée de mosaïques multicolores et de jambon noir, gras et parfumé. J’aime cet endroit, mais je ne sais pas si j’aurais encore envie d’y vivre. J’entends la langue sans problème, la parle plus difficilement, manque de vocabulaire. Je dois réviser très sérieusement avant mon départ prochain en Argentine.

IMG_8721.JPG

L'émotion inattendue, à la fin de ce séjour bref et gai, viendra finalement, comme autrefois, du regard fiévreux et noir et des dessins de génie de Dali, qui nous avait réunis, Julio et moi, il y a vingt ans, et dont chaque trait de crayon, chaque fulgurance de couleur peut me laisser le coeur battant. Du peintre de Port Lligat, j'avais l'image de l'homme fou de mon enfance, dont je ne connaissais que les moustaches un rien ridicules et une publicité pour le chocolat. Je dois à l'amour d'un homme d'en avoir découvert le talent et la grâce. Et en ce jour de décembre 2009, j'ai retrouvé intacte mon admiration, non pour ses peintures monumentales et célèbres ("La girafe en feu"), rarement visibles, mais pour ses dessins innombrables, dont un nombre conséquent est exposé dans un musée récent, tout proche de la cathédrale de Barcelone. J'y ai passé une heure hors du temps et des contingences du quotidien, nourrie de la beauté de la moindre esquisse[1] et mise en joie par les titres iconoclastes dont Dali avait le secret : "Phallus familier, escargot en mouvement transformé en visage anamorphosé devenu base pour une grotesque licencieuse", "Bossu à la cornemuse nourrissant un crocodile"...

IMG_8711.JPG

IMG_8694.JPG

Enfin, pour clore ce séjour émouvant, une minuscule place à l'église abimée, dont la façade garde la mémoire cruelle des fusillés de la guerre d'Espagne...

IMG_8733.JPG

Je reviendrai à Barcelone, sans crainte de regrets ou de souvenirs noirs, il y a ici la mémoire et la beauté. Oui, je reviendrai sans crainte.

IMG_8652.JPG

Notes

[1] pardon pour la médiocre qualité du dessin publié, il s'agit d'une esquisse minuscule que j'ai photographiée sans flash...

jeudi 19 novembre 2009

Bleu Iceberg

Bon, il serait temps que je donne à ce blog une couleur un peu moins triste que ces derniers temps. A part en ce qui concerne mes (sublimes) bottes (non encore photographiées, je sais, je sais), je reconnais avoir tenu des propos pour le moins moroses depuis quelques temps, amours contrariées et actualité obligent…

Et pourtant tout n’est pas si noir en cet automne doux et clair. Je suis paresseuse, les mots me manquent et mon petit cœur est tout couturé de partout façon marionnette de Tim Burton, mais j’ai des projets et des envies, et ma nonchalance automnale fait naître des rêves dans ma tête dont il faudra bien que je fasse quelque chose à un moment ou à un autre.

Le projet de voyage en Argentine est venu et s’est concrétisé à toute allure. Une envie de ce pays-là, diffuse et indéterminée, des flashs de paysage, la musique d’une langue, un espace vaste et si peu familier, l’envie d’ailleurs, c’est tout. Alors je suis infidèle à l’Inde, Bénarès me manquera encore cette année, mais sera toujours là. Comme la Bretagne (c’est idiot sûrement, mais dans mon cœur, dans mes pensées, Bénarès et la Bretagne sont indissolublement liées, deux facettes de mon univers, deux lieux de la terre où je me sens à ma place, étrange lien à travers l’espace…).

Je m’envole vers Buenos-Aires dans un mois. J’ai des billets d’avion et des points de chute là-bas. On m’a donné quelques noms amis, quelques adresses. J’ai acheté un guide ou deux que je n’ai pas ouverts. Les 14 heures d’avion à venir suffiront à les survoler aussi. La musique des noms chante parfois fugitivement à mes oreilles : El Calafate, El Chalten, Ushuaia, mais je ne prépare pas grand-chose. Il faudra pourtant que j’achète les chaussures et vêtements nécessaires pour faire la connaissance des glaciers de Patagonie. J’ai tout juste entré dans mon téléphone portable la météo de ces noms lointains, et je regarde parfois rêveusement les petits soleils ou nuages qui s’inscrivent, mes yeux effleurent les températures indiquées sans y prêter vraiment attention. Pour l’instant le voyage est irréel, j’ai envie d’ouvrir les yeux simplement sur ce pays inconnu et de me laisser porter, de prendre ce qu’il voudra m’offrir, sans rien en préjuger.

Des images flottent dans mon esprit, devant mes yeux perdus dans le plafond blanc de ma chambre, vraies ou fausses, je le découvrirai bientôt : je vois des chevaux, des bateaux, des montagnes, et un iceberg bleu turquoise qui me poursuit de sa lumière irréelle car j’en ai croisé l’image l’autre jour dans un reportage sur la Patagonie, côté chilien. J’ignore tout à fait s’il me sera donné de croiser l’un de ses semblables, mais pour l’instant, la couleur de mon voyage est celle-là : un bleu insensé fait de lumière et de glace, merveille cristallisée, promesse de beauté.

Je n’ai pas hâte d’y être. L’attente du voyage en fait partie, sans impatience, tourbillon d’images rêvées qui deviendront des souvenirs, ou pas. Frissons de désirs sans nom, imaginer ce que l’on ne sait, tout est permis. J’aime infiniment ce voyage-là aussi. Immobile, plein d’espoir et de couleur. Bleu iceberg.

vendredi 13 novembre 2009

Paresse automnale

Un rien de nonchalance dans l’air de mon quotidien. Et l’activité débridée que je déploie au boulot n’y change rien. Quand je referme la porte pailletée de mon appartement derrière moi le soir, je m’alanguis, je m’étale, je m’enveloppe de matières douces et tièdes, je me fais contemplative et désoeuvrée. Délicieusement. Je regarde autour de moi, je touche, je goûte, je hume, j’écoute le silence. Je me blottis contre mon chat, avide de caresses autant que lui. Est-ce lui ou bien moi qui ronronne si fort ?

Parfois je m’ennuie un peu. Ce n’est pas grave. Envie de ne rien entreprendre des mille projets qui sont miens, futiles ou essentiels, ou les deux à la fois. Même les mots restent frileusement au creux de moi. Je les sens désireux de s’échapper, timides et imparfaits. Mais je les garde là au chaud, et je regarde grésiller la cigarette au bout de mes doigts, que les mots prisonniers semblent picoter sans grand danger. Ils viendront à leur heure…

Tout est attente autour de moi. Des soupirants anciens reviennent frapper à ma porte, tous en même temps. Etrange. Est-ce que l’un d’entre eux pourrait cette fois trouver le chemin de mon cœur convalescent ? Je ne sais pas. Je n’exclus rien. Ni la solitude silencieuse, ni le rire et la tendresse d’un amour éphémère. Ou pas.

Je prends dans un mois un chemin inattendu. J’avais achevé l’année passée à la « fin de la terre », ma terre. J’ai choisi cette fois-ci le bout du monde pour voir commencer douze autres mois : Ushuaia, la Patagonie. Je vais pour la première fois m’aventurer dans l’hémisphère sud de ma petite planète, découvrir l’été dans mon hiver, parler espagnol. Arpenter des espaces aussi vastes que ceux que j’ai la sensation d’avoir à défricher en moi...

samedi 19 septembre 2009

Rentrée en 78 tours

titre de billet à l'usage de ceux qui se souviendraient de ce qu'était un 78 tours (même moi je suis trop jeune pour les avoir utilisés eh oh !!!)

Tout d'abord merci à mes lecteur(trice)s chéri(e)s (dont le nombre s'amenuise singulièrement au fur et à mesure que mes billets s'espacent dans le temps) de se préoccuper de ce que je deviens et de m'envoyer des mails pour me signaler un job en Bretagne... c'est adorable.

J'avoue que cela fait un moment que je me morigène de laisser ce blog en grand danger de rouiller (dotclear 2 est cependant réputé inoxydable), mais j'ai donné la priorité à mon emménagement depuis mon retour de vacances. Il y avait tellement de bazar chez moi que j'avais du mal à retrouver mon ordinateur de toute façon. Si, c'est vrai !

J'entame une période de transition vers je ne sais quoi ni où. C'est une sensation parfois étrange mais finalement pas désagréable. J'ai un nouvel appartement « provisoire » (la durée de ce provisoire m’étant inconnue) que je viens à peine de débarrasser de son dernier carton après un travail de titan. On s'étonne que je n'aie pas le temps de bloguer : je voudrais vous y voir, vous, le contenu de 120 cartons (!!!!!) à répartir dans 47 m², et je ne vous parle pas (enfin si, je vous en parle) du chat traumatisé dont il faut traquer les pipis sauvages sur canapé, le salopiot (et on vient de me livrer ma nouvelle méridienne-de-la-mort-qui-tue, s'il fait pipi sur celle-là, je le cloue sur la porte le Charouk, parole de Traou !!!).

J'ai repris le boulot soulagée : c'est finalement plus reposant d'être au bureau qu'en tenue de combat au fin fond d'une cave pour essayer d'y faire entrer le superflu, et Dieu sait que le superflu, j'en ai ! J'ai vite déchanté : la rentrée qui s'annonçait façon tornade maîtrisée a viré à l'ouragan débridé depuis le congé anticipé et sans doute de longue haleine d'une collaboratrice précieuse. Sa remplaçante fraîchement arrivée est super zen, et ce que nous faisons est passionnant, donc je ne me plains pas, je constate juste que les heures passent comme l'éclair et que j'aimerais parfois en ajouter 8 ou 12 à ma journée pour boucler.

Par ailleurs et pour ne rien vous cacher, je me trouve parfois ces derniers temps dans cet état délicieux d'épuisement absolu doublé d'une forme éblouissante qui accompagne les lendemains de révision nocturne et prolongée de son petit K*m* Sutr* illustré en fougueuse compagnie (dans les temps de disette sentimentale, je ne me refuse jamais les friandises, qu’elles soient très éphémères ou d’un « provisoire durable », comme mon appartement, quoi). Bien sûr, si cet état se renouvelle trop fréquemment dans les temps à venir, il risque de compromettre quelque peu mon rendement professionnel... Mais après tout, je ne serais pas contre.

Attention, attention ! L'appellation juste du fougueux susnommé est "amant", je n'ai pas dit "amoureux". Je vois mal en l'occurrence ce premier se muer en second, mais peu importe. En cette rentrée pleine de nouveautés, m'amuser - et seulement m'amuser - n'est pas pour me déplaire, et je n'ai jamais renié mon plaisir où le bien qu'on me fait, quand bien même le dispensateur du bien aurait les pectoraux plus séduisants que le cerveau. Je suis d'humeur lutine, que voulez-vous.

Ben quoi, on me demande ce que je deviens, je réponds… A part ça, je suis contente d’avoir un balcon pour les apéros-copains, Charouk aussi pour observer les oiseaux du jardin d’en bas (quand il ne se soulage pas sur le canapé). J’aime mon nouveau quartier, pas vraiment dérangée par la bande de jeunes qui campe en bas de mon immeuble et organise des matches de boxe nocturnes passablement bruyants (des vrais matches, avec des gants et tout, le ring, c’est le carrefour). J’ai le plus gentil boucher du monde qui fait des boulettes à tomber, deux « vraies » librairies ouvertes le dimanche, un joli marché sur une jolie place ronde, mon club de gym à 100 mètres pour mon « body pump » hebdomadaire, une cantoche qui sert de délicieux couscous pour 7€, et le Père Lachaise à deux pas, que je traverse à pied pour aller au cinéma. Ce n'est pas la Bretagne que je souhaitais (elle sera toujours là) mais un décor agréable pour cette rentrée où je hume l’air du temps, prête à accepter ce qu’il m’apportera. Je laisse les fils du destin tricoter mon chemin tranquillement, surveillant quand même le dessin qui se forme sous mes pas, pour éviter les plus grosses pierres, sauter à cloche-pied jusqu’à la case d’après en vacillant le moins possible, comme à la marelle de mon enfance, et jusqu’au « Ciel », j’espère…

samedi 4 juillet 2009

Loto

J'ai joué au loto hier. Etant donné le marasme qu'est ma vie amoureuse (j'ai même trouvé le moyen, du coup, de me fâcher avec mon amant intermittent des derniers mois, je suis d'humeur pugiliste), et si les adages populaires ont un fond de vrai, je devrais être "heureuse au jeu" et multimilliardaire pas plus tard que ce soir, je vous le dis ! A moi la maison bretonne, le bateau, les voyages... Mais toujours pas de zamoureux, ça ne s'achète (heureusement) pas.

Si j'arrive à récupérer mes billets de TGV que la SNCF a généreusement envoyés à une autre Traou parisienne (j'ai quelques homonymes enregistrées dans l'ordinateur central des chemins de fer...)[1], je devrais être à quelques minutes de mon premier bain breton dans une semaine, perspective de félicité. J'ai rendez-vous avec la marée samedi prochain, à 10h18...

En attendant, je regarde sans motivation aucune les milliers, que dis-je, les millions d'objets qui composent mon intérieur et qui sont censés transiter ailleurs dans moins de trois semaines. Quelqu'un connaît un déménageur qui pratique la téléportation ?

Un autre appartement m'attend, Paris 20è, avec un balcon qui donne sur quelques jardinets parisiens. On est loin encore de la campagne bretonne, de la mer, c'est déjà un espace miniature où être dehors, au moins. Peu satisfaisant, mais je ne vais pas me plaindre : j'ai un toit sur ma tête. Une fois passées les vacances qui me nettoieront j'espère de la fatigue de l'année et d'un chagrin soluble dans l'eau de mer (?), je serais même sans doute contente de m'aménager un nouveau décor. Décor où j'espère redémarrer ma vie un peu moins de guingois à la rentrée.

Allez, un auto-coup de pied au postérieur : fais tes cartons, fainéante ! Et va donc acheter une mini-table pour ton mini-balcon ! Où diable va-t-on prendre l'apéro sinon !!!

Notes

[1] Et la SNCF, souveraine, qui a fait l'erreur d'expédition et bien sûr débité mon compte du prix du billet perdu, me demande, pas gênée, de REPAYER pour un duplicata de billet, somme dont je devrais être remboursée dans un délai non précisé et après réclamation et paperasses diverses. Cela m'a donné l'occasion de piquer une gueulante, ça défoule

dimanche 21 juin 2009

Voiles

On s’y est fait. Les années passant, il y en a de plus en plus mais on s’y fait. Elles les portent austères ou colorés, avec de la dentelle et un bijou pour le fermer, parfois. On s’y est fait, ou presque. Au début, je sursautais presque à chaque voile croisé, c’est si loin de moi. Et puis cela me rappelait les religieuses voilées de gris de mon enfance. Sauf que les visages dans ces tissus-là, en ce début de 21è siècle, sont jeunes et jolis. Cela me choquait moins sans doute sur une vieille femme qui avait voué sa vie à renoncer aux plaisirs du monde.

Aujourd’hui j’avoue ne savoir trop que penser. A propos de cette « burka » de nos contrées (j'appelais cela une "abaya", pour ma part, mais le terme "burka" est utilisé par les médias, sans doute pour marquer plus les esprits en se référant à l'Afghanistan), "burka", donc, dont on parle beaucoup depuis quelques jours. Interdire ou pas ? Au nom de quoi ?

J’en vois dans mon quartier, de ces fantômes de femmes, couvertes de noir des pieds à la tête, yeux compris. Pas une once d’elles n’est livrée à l’air et au regard. Parfois leurs mains gantées poussent un landau, et je me demande ce que ressent le bébé, s’il s’éveille, de poser les yeux sur une ombre noire à qui il ne manque guère qu’une faux pour ressembler à l’Ankou de chez moi. Une ombre qui est sa mère. Les jours où j’ai de l’humour j’imagine un tueur en cavale sous ces oripeaux-là, quelle meilleure cachette ? Ces femmes-là, on ne les approche pas, on ne leur parle pas, on s’éloigne un peu même, mal à l’aise. A qui viendrait-il à l’idée de leur demander son chemin ?

Les ados voilées en jean, je m’y suis faite, un peu. Je mets ça parfois dans la même catégorie d’affirmation identitaire adolescente que les capuches de leurs homologues masculins, et cela m’apparaît aussi étrange et un peu ridicule que la mode des slips apparents avec le pantalon qui tient par miracle sous leurs fesses… Et je me dis que ça leur passera, peut-être. Pour beaucoup d’entre elles, leurs mères n’étaient pas voilées. Peut-être leurs filles le leur jetteront à la figure. J’en doute un peu, j’avoue l’espérer, pour elles.

Parce que j’ai du mal, en tant que femme, à penser qu’on renonce ainsi à une part de féminité, au vent dans ses cheveux, à la liberté d’être et de paraître. Parce que, quand je croise les femmes-fantômes, ou pire encore peut-être (et très rares, heureusement) des fillettes voilées, de 6, 8 ou 10 ans, je ne peux m’empêcher de me demander quelle obsession perverse conduit à considérer les cheveux et les bras d’une femme – et plus encore d’une petite fille - comme indécents.

Et je ne peux m’empêcher aussi de considérer comme vaguement pervers – ou imbécile – l’imagination débordante – ou l’aveuglement - de certains qui semblent penser que ce type de contrainte leur est demandé par une puissance divine (Dieu, ou quel que soit le nom que l’on choisit de lui donner, n’a objectivement aucune raison de VOULOIR quoi que ce soit, étant la puissance créatrice de toutes choses, à moins que l’on considère qu’il se serait trompé quelque part dans sa création ?). Il apparaît très clairement que les diktats de comportements imposés par les dogmes religieux par le biais de textes sacrés à l’interprétation très humaine, ont été imposés par les hommes aux hommes, en l’occurrence aux femmes. Pour le pouvoir.

J’ai tendance à penser personnellement que Dieu est trop grand pour en avoir quoi que ce soit à faire que l’on aille nus (tels qu’Il nous a créés, soit dit en passant) ou habillés. Et que c’est lui prêter des sentiments bien petits et mesquins de penser que ce genre de détail vestimentaire lui importe. Les vêtements ont été inventés par l’homme d’abord pour des raisons climatiques, et ont véhiculés ensuite les messages d’appartenance sociale, géographique, culturelle ou religieuse. Avec des excès, parfois, qui ne sont qu’humains.

Mais au nom de quoi interdire ? A titre personnel, je suis choquée de ces excès : par cette burka, en l’occurrence, mais je suis tout aussi choquée par les filles qui se promènent en short mini et bustier moulant dans des pays – comme l’Inde par exemple - où montrer ses jambes ou ses épaules n’est pas la coutume. Un respect réciproque des traditions me semble de mise. Mais moi, si je vais dans certains pays, on me contraindra, que j’en ai envie ou non, à mettre un voile sur mes cheveux. Au nom de cette contrainte-là, je n’aime pas l’idée que l’on impose chez nous l’inverse : que l’on contraigne des femmes à se dévoiler si elles ne le souhaitent pas, que je partage ou non leurs convictions. La seule question qui compte à mes yeux est : sont-elles vraiment libres de ce choix ? Et à cette question-là, il est fort difficile de répondre. Ou bien la réponse n’est pas la même pour chacune, je le crains.

Sûrement (certaines de) ces femmes sont-elles heureuses ainsi. Je le souhaite. Je goûte pour ma part chaque jour ici le bonheur d’être libre de mes mouvements et pensées. J’aime avoir le droit de dévoiler mes jambes, mes bras, mon corps, mes cheveux, sans honte ni arrière-pensée. J’aime avoir le droit de m’asseoir seule, sans mari ni frère, à une terrasse de café et savourer une bière si je le souhaite sans être jugée ou punie. J’ai même le droit de regarder un homme et de lui dire qu’il me plaît. Ces choses si naturelles à nos yeux sont impensables pour des millions de femmes dans le monde. C’est au nom de cela qu’il faut être vigilant, et s’interroger. Je m’interroge, mais je n’ai pas encore de réponse. Interdire ou pas ?

La loi française s'en sortira sans doute comme certaines villes belges l'ont déjà fait, sur le mode sécuritaire : selon une très vieille loi belge, il est interdit de circuler dans l'espace public à visage couvert, hormis pendant le temps du carnaval. C'est cette loi qui a permis d'interdire le voile intégral des femmes. Peut-être le législateur français trouvera-t-il une loi-carnaval similaire pour faire retrouver leur visage aux femmes, le livrer à l'air et aux regards. Qu'y a-t-il de mal à cela ?

dimanche 26 avril 2009

Marathon par procuration

Telle que vous me voyez là (mais non, chuis bête, vous ne me voyez pas, enfin telle que vous m'imaginez, quoi), j'ai couru pas plus tard que tout à l'heure le kilomètre 14 du marathon de Madrid, moi ! Farpaitement ! En direct de Paris-Belleville et sans lever mon cul de ma chaise, je suis trop forte !

Bon, en fait c'est l'ami Pablo qui a couru pour moi, car pour être franche, je déteste courir. Je détestais ça même avant d'avoir une cheville et un genou qui partent en cacahuète et m'empêchent de toute façon de courir même après le bus la plupart du temps...

L'ami Pablo, donc, a fini tout à l'heure le marathon de Madrid en 4 heures et 27 minutes et avait offert chaque kilomètre de ce marathon à une bonne cause, et à chaque blogueur désireux de s'y associer.

Pablo a couru aujourd'hui une autre course de fond que la sienne, celle que mène Otir chaque année pour lever des fonds pour l'école de son fils autiste, M. Zitti, là-bas de l'autre côté de l'Atlantique. Pas de fonds, pas d'école. Alors Pablo a eu l'idée merveilleuse d'associer chaque kilomètre de son marathon d'aujourd'hui à un donateur de cette belle cause.

A l'heure qu'il est, il a fini sa course, mais vous pouvez toujours courir vous aussi pour M. Zitti et son école en allant sur le blog de sa maman, colonne de droite, cadre levée de fonds F.E.C.A.

Bravo Pablo et merci à toi !

Pablo.jpg

Photo prise ce matin avant la course, là il se repose !

mercredi 18 février 2009

Le retour de la vengeance des poêles !

Oyez, oyez, braves gens, Jean-Pierre est de retour !!!

Mais si, vous savez, Jean-Pierre Dupire, le patron rasta des poêles à bois Invicta, qui afficha sa bobine des semaines durant en grand format dans le métro l’an passé, que les parigots[1] ne connaissent désormais plus que lui, certains ont même cru qu’il se présentait aux élections ! (je crois bien qu’il a eu des voix)

A l’époque, j’avais quelque peu raillé cette campagne et le look peu avenant du PDG géant des poêles Invicta, dans un billet dont j’avais dû couper les commentaires, les partisans et les opposants du Jean-Pierre menaçant de s’étriper dans les pages de ce blog couleur de ciel dont je tiens à préserver la tranquillité.

Mais alors là, Jean-Pierre, mon Jean-Pierre (tu m’excuseras d’être familière, mais nous sommes de vieilles connaissances), je dis bravo !

Invicta_2.JPG
(merci à Monsieur Ka de m'avoir procuré cette photo et évité à ma paresse naturelle d'en faire une bien moi-même)

Nul doute que mon billet précédent a eu une influence notable sur la nouvelle campagne (si, si, j’en suis sûre), car à la place de la mine que j’avais qualifiée de patibulaire de mon Jean-Pierre (j’espère qu’ils ont viré le photographe de l'époque et le maquettiste stagiaire responsable du moche détourage de la chevelure foisonnante de Jean-Pierre), le revoilà maintenant arborant un sourire éclatant (c’est qui ton dentiste ?) sous un slogan hilare : « Toujours de bons poêles », et pour enfoncer le clou, l’affirmation en sous-titre « le sourire de l’industrie française ». Et je dis non seulement bravo, mais merci !

Merci de cette bonne humeur affichée en ces temps catastrophistes où l’on entend et constate chaque jour un peu plus que la veille l’enfoncement dans une crise qui promet d’être noire. Sans blague, moi qui me tiens à l’écart des nouvelles du monde la plupart du temps, je l’avoue, les bribes qui m’en parviennent font redouter d’un jour à l’autre l’annonce d’une pluie de sauterelles carnivores, une épidémie de peste noire à bubons, l’élection de Sarko à la présidence, et l’extinction prochaine de notre soleil comme cerise sur le gâteau (ah non, merde, c’est vrai, l’un de ces fléaux s’est déjà abattu sur nos pauvres têtes… indices pour ceux qui n’auraient pas trouvé lequel : ça ressemble à une petite sauterelle, ça donne des boutons comme la peste, mais ce n’est pas ça…).

Si Jean-Pierre tient le même rythme de campagne que l’an passé, nul doute qu’on va voir fleurir sur les murs en carrelage du métro son sourire porcelaine (et accessoirement des poêles en petit en dessous, mais on s’en fout des poêles, c’est Jean-Pierre la star !) et ce pour plusieurs semaines. Et je dis tant mieux, ça va nous changer la tête. Je propose même à son agence d’inonder le marché avec des produits dérivés à l’effigie de Jean-Pierre : des T-shirts Jean-Pierre, des porte-clefs Jean-Pierre, des boites à cachous Jean-Pierre, des bijoux de portable Jean-Pierre, des petites culottes Jean-Pierre, des yo-yo Jean-Pierre, tous produits excellents pour le moral des troupes !

Ne vous méprenez pas, loin de moi l’idée de flatter Jean-Pierre ou de le brosser dans le sens du poêle (ha, ha, cet humour canaille est contagieux !) dans le but d’équiper d’un produit Invicta à prix préférentiel ma future maison bretonne… Quoique. (il faut absolument que j’arrive à installer Piwik sur mon nouveau blog dotclear 2, un an que mes statistiques sont en rade, mais j’ai sûrement des milliers, que dis-je, des millions de lecteurs, mon Jean-Pierre, tu peux me croire. Ce blog constitue une vitrine extraordinaire pour tes produits, d’ailleurs selon la dernière étude de marché, je suis lue principalement par des amoureux du chauffage au bois, je le jure).

Non, non, Jean-Pierre est sans nul doute un gars au poil, que dis-je un gars au poêle (ce blog est de plus en plus désopilant), et je tenais à le faire savoir. Vive Jean-Pierre !

(Qui a dit « A poêle, Jean-Pierre ! » ??? Franchement, Chondre, Vroumette, si vous croyez que je ne vous ai pas reconnus… Pffffff, c’est d’un goût…)

Notes

[1] qui, soit dit en passant, sont peu nombreux à avoir des appartements suffisamment grands pour y mettre un poêle à bois, mais bon moi ce que j’en dis…

dimanche 19 octobre 2008

Migration en préparation

Non, non je ne parle pas encore de ma migration en Bretagne, celle-ci risque de prendre un peu de temps (une réponse négative à une première candidature, des touches professionnelles peut-être d'ici quelques mois mais pas dans l'immédiat...).

Non, je parle de la migration vers Dotclear 2 (ce blog tourne pour l'instant en Dotclear 1.2.6) que j'ai entreprise par étapes avec quelques camarades de classe et sous la férule (bienveillante) de la maîtresse-fée qui nous donne un cours par semaine et des devoirs à faire à la maison. Mon cahier d'exercices est là et bientôt j'aurai un blog tout beau tout neuf. Je commence déjà à apprécier l'interface d'administration et ses possibilités (on peut insérer des vidéos d'un simple clic et on a plein d'outils à portée de main), je sens que je vais m'amuser.

Bon, le souci, c'est que je n'ai pas le temps de bloguer, mais justement, le fait d'avoir une trousse et des cahiers neufs va peut-être me motiver pour m'y consacrer un peu plus.

Allez, j'y retourne, je n'ai pas fini mes devoirs et la maîtresse ramasse les copies mardi sinon on est convoqué chez le dirlo. Ah, ça ne rigole pas !

lundi 15 septembre 2008

Vazyblogstock

Retour de week-end festif, en compagnie d’une vingtaine de blogueurs (nœud à faire à mon mouchoir : continuer à publier un billet de loin en loin pour être considérée encore un petit peu comme blogueuse et avoir le droit d'être invitée au prochain !).

Vazyblogstock

Je me dois d’adresser mes félicitations et remerciements chaleureux :

  • à la maîtresse des lieux, aux bras grands ouverts, au sourire sans faille et à l’optimisme solide pour son accueil charmant de plus de vingt olibrius en goguette, venus de tous les coins de France (et d'Italie), mangeurs, buveurs, chanteurs, rieurs, j’en passe et des meilleures… Options matelas dans tous les coins et tentes dans le jardin !
  • à l’équipe logistique et organisation pour la préparation de l’évènement et l’animation sur place : débats de haute portée philosophique et politique, ateliers jeux de construction en bois, répertoire musical de qualité (je déplore l’oubli de Gérard Lenorman ou Daniel Guichard, cependant, mais me félicite que nous ne soyons pas allés jusqu’à une certaine chanteuse francophone québécoise… à un moment, j’ai eu presque peur, je l’avoue). Vous me croirez si vous voulez mais certaines activités étaient programmées au quart d’heure près !
  • à l’équipe cuisine dont l’inventivité et la maestria nous ont nourris de délices sous l’égide d’une « maîtresse queux » hors pair (Ben quoi ? Pourquoi diable n’y aurait-il pas de féminin à maître queux !!!? C’est un monde, quand même !). Vous me croirez si vous voulez mais une Sardine peut nourrir 25 personnes !
  • A mon conducteur de diligence personnel qui m’a menée à bon port à l’aller et au retour au son de chansons espagnoles ou russes, entre autres. Je ne sais pas lequel de nous deux s'est montré le plus bavard, à l’aller en tous cas. Au retour, qu’il ne m’en veuille pas de m’être parfois assoupie et ne s’inquiète pas si j’ai gardé mes lunettes noires : Grand Corps Malade a tendance à me faire venir les larmes aux yeux…

Ce week-end a été placé également sous le signe du sport extrême et du dépassement de soi : intempéries et rafales ne nous ont pas empêchés d’être dehors la plupart du temps, ma gorge et celle de quelques autres s’en souviennent. Au rayon des activités insolites, l’écriture de billet sur cubi remporte la palme (tous les cubis vidés utilisés lors de ce week-end étaient sous Linux, bien entendu), suivie de près par le concours de vitesse de débarrassage de plateaux ou d’assiettes (record personnel du gourou de l’assemblée qui s’est souvent fait prendre de vitesse, malheureusement : 7 secondes 65 centièmes de portage).

Peu d’idylles se sont nouées au cours de ce week-end bloguesque, à ma connaissance. Etant donné la forte teneur en ail, en fromages particulièrement goûtus et en anchoïade qui fouette (mention spéciale au mélet-de-la-mort-qui-tue), tous trucs délicieux que nous avons ingurgités en nombre tout au long du week-end, le contraire eut été étonnant. Voire pervers si vous voulez mon avis. En revanche, des amitiés fortes sont nées entre deux verres, c'est fou le pouvoir des blogs : c'est bien la première fois qu'on me sollicite pour être témoin d'un mariage au dessert, alors qu'on avait fait connaissance à l'apéro ! (mais c'est toujours OK, hein, pas de problème...)

Vous me pardonnerez de ne publier aucune photo ou illustration de l’évènement hors son affiche officielle (création Patrick), la décence me l’interdit (mais nan, j’rigole…).

En tous cas, je ne sais pas quel crétin avait dit qu'un bon rire vaut un steak (végétariens mes zamis, évitez de vous gondoler...), mais si c'est vrai, je crois que ce week-end, j'ai (au moins) mangé un boeuf entier !

mercredi 21 mai 2008

"Cââânnes" express

Retour ce matin, mal réveillée d'une courte nuit : une "fête" dans une villa jolie, un peu trop champagnisée (parce que les fêtes c'est pas mon truc, je m'y sens extrêmement mal à l'aise, il faut bien que je me donne une contenance...). Les pieds quasi-nus dans l'herbe mouillée d'une pluie de début de soirée : C'est chaque fois la même chose, je rentre de cette côte dite d'azur avec un mal de gorge carabiné. Vive la Bretagne !

Sinon, pas vu grand chose en deux jours et demi. Je retiendrai pour cette cuvée (non je ne parle pas QUE de champagne !) :

  • Comme d'habitude, une flopée de filles "mutantes", longues comme des jours sans pain, ravissantes pour certaines, voire d'une beauté irréelle, drapées dans des robes improbables, scintillantes ou savamment déchiquetées, fendues tout en haut de jambes interminables, décolletées jusqu'au bas de reins étroits, chaloupant sur des aiguilles chiquissimes, parlant avec des accents inconnus, des gestes gracieux et des battements de cils infinis sur leurs yeux en amande aux couleurs aquatiques ou mordorées. Des mutantes, je vous dis. A côté de certaines, je me fais l'effet d'une porcelette boueuse, grasse et pataude, en train de se goberger goulûment dans son auge. J'adore Cannes, vraiment. C'est bon pour l'ego.
  • Joaquin Phoenix mérite le prix d'interprétation pour son rôle d'amoureux passionné, désespéré, déchu, résigné, du très beau film de James Gray "Two lovers".
  • Gwyneth Paltrow est adorable et brille dans le même film, dans un tout autre registre que son rôle de Pepper Potts, gouvernante rigolote et amoureuse d'"Iron Man" dans lequel je venais de la voir.
  • L'année dernière, j'avais été choquée de la promotion flamboyante de l'église de scientologie. Cette année c'est Raël... On prend vraiment les arpenteurs de la Croisette pour des gogos influençables.
  • On crapahute toujours autant (mais je suis devenue experte en "chaussures spéciales Croisette")
  • Il y a des gens bourrés de talent et de passion brûlante. Et des cons, aussi.
  • Pas de photos, j'ai perdu mon appareil photo dans la villa d'hier soir. On vient de m'appeler : ils l'ont retrouvé. Youpi !
  • Pas fachée d'être de retour à Paris, je vous le dis.
  • Oui c'est tout.

- page 1 de 2