Une journée particulière

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jeudi 17 mai 2007

31 mars 1992

(En correspondance à ce ricochet-là)

14 heures et des poussières. On retourne au boulot. On est allées faire une course ou deux : il y a un pot d’adieu ce soir.

Je me souviens de la voiture qui entre dans mon champ de vision et je sais qu’il est trop tard pour l’éviter. Choc. Bruit. Tout va vite. Deux ou trois tête-à-queue avant que la voiture s’immobilise au milieu du carrefour, capot raccourci et fumant. L’autre est allée finir dans une vitrine. Nous n’avons fauché personne, c’est un miracle.

Il y a du monde qui s’agglutine autour de la voiture. J’ai un peu envie de pleurer. Ma passagère va bien, le souffle coupé comme moi par le choc de la ceinture au milieu de la poitrine. Les portières s’ouvrent, on s’inquiète de nous, les gens sont gentils. Deux filles très jeunes fendent la foule en proclamant qu’elles ont leur brevet de secouriste (mon œil) et s’emploient à nous sortir de la voiture. Quelqu’un dit timidement « Je crois qu’il vaudrait mieux ne pas les bouger », se fait rabrouer par les deux donzelles fortes de leur prétendu savoir. Elles se feront engueuler par les pompiers un peu plus tard.

Nous ne sommes pas en état d’opposer quelque résistance que ce soit à n’importe quelle décision. En posant mon pied droit par terre, soutenue par deux volontaires, je me rends compte que ma jambe ne « répond » pas. On me porte et on m’asseoit sur le trottoir. Il y en a du monde. Des gens qui regardent de loin, comme si c’était contagieux. Les commentaires vont bon train. Les témoignages affluent, ceux qui ont vu tout ou un peu, ceux qui n’ont rien vu mais qui n’en pensent pas moins. Pour ma part, j’ignore ce qui s’est passé. Certains disent que je suis passée au rouge. D’autres que c’est celui d’en face qui a grillé le sien. Des gens descendent des immeubles qui bordent le carrefour pour dire que leurs plaintes affluent à la mairie : il paraît que les feux sont désynchronisés, il y a des accidents souvent. On me propose des témoignages écrits, on me donne des bouts de papier griffonnés, des cartes de visite. La tête me tourne un peu. Je dois sourire et dire oui oui bêtement. Et merci.

J’aperçois ma voiture destroy qui saigne un liquide vert fluo. Les pompiers arrivent. Gentils et rigolards quand ils constatent que les blessures sont bénignes « Va falloir amputer, p’têt bien… ». Les donzelles-secouristes de bazar bravent leur regard courroucé pour venir me réclamer… des sous pour leur intervention.

Urgences. Un couloir encombré. On roule mon brancard de coin en coin. Chaque infirmier qui passe lui donne une pitchenette amicale ou agacée. J’ai l’impression de déranger tout le monde. On me sépare de ma passagère. Elle a besoin de quelques points de suture à la jambe. Pour le reste, ça a l’air d’aller. Le gars de la voiture d’en face est là aussi, une minerve autour du cou. Sympa. Il ne sait pas plus que moi qui a grillé ce putain de feu. Après sa radio il viendra me saluer, autorisé à rentrer chez lui, pas de bobo.

Les gens du boulot sont arrivés. Me laisseront un peu plus tard seule sur mon chariot que tout le personnel de l’hôpital s’évertue à pousser d’un bout à l’autre du couloir, jusqu’à ce que quelqu’un me case dans la lingerie, dans l’attente du résultat de mes radios, j’espère qu’on ne va pas m’oublier là. De temps en temps, quelqu’un vient chercher une blouse ou un drap et me salue distraitement. Je n’ai encore prévenu personne. Je ne sais même pas ce que j’ai. Julio est en Espagne. Mes parents à la montagne, le reste de la famille en Bretagne et les portables sont encore inconnus au bataillon, de toute façon. J’attends le verdict avant de demander qu’on me pousse près d’une cabine téléphonique.

A 8 heures du soir, une apparition dans ma lingerie où je commence à m’assoupir. Ce pourrait être un rêve : le plus beau mec que j’ai vu de ma vie ! Sans blague. Il me dit bonjour en souriant, se présente : il est mon chirurgien, c’est lui qui va m’opérer tout à l’heure. Je dois le regarder avec la mâchoire pendante, persuadée qu’il y a une caméra cachée dans les piles de serviettes, pour guetter ma réaction au gag. Quoi, ce gars-là est chirurgien ?! Mais au fait, de quoi donc veut-il m’opérer, ce charmant ? C’est vrai, on ne m’a encore rien dit. Fracture du plateau tibial droit, classique : c’est la clé de contact qui est responsable. Elle m’a un peu séparé l’os en deux sous le choc. On va me mettre quelques vis pour rafistoler tout ça. Et bonne nouvelle, je quitte ma lingerie, on m’a trouvé un lit.

Je décide de prévenir tout le monde demain. Pas la peine d’affoler les populations avant l’opération. Surtout ceux qui sont loin. Et puis je n’ai pas droit à 10 coups de fil. C’est qu’ils sont pressés, maintenant. J’appelle juste une amie qui m’apportera ce dont je pourrais avoir besoin demain matin.

Péridurale. Je m’inquiète : quoi, je vais être consciente pendant l’opération ? J’ai un peu peur des bruits. Qu’à cela ne tienne, on me prête un walkman. J’écoute du piano pendant que l’éphèbe-chirurgien effectue la réparation de l’autre côté d’un drap qu’on a tendu verticalement au niveau de ma taille. Dommage, je ne peux même pas l’admirer. Quand les bruits de perceuse ? marteau ? visseuse électrique ? se font par trop entendre, l’anesthésiste soulève mon casque et me fait la conversation, pour détourner mon attention. Il jette un œil de l’autre côté du drap pour me commenter les opérations : "Ah, il recoud, là. Il vous fait une super-jolie cicatrice". J’entends une autre voix goguenarde qui dit "Ah oui une cicatrice comme ça, c'est que pour les filles. Pour les garçons, il s'applique pas autant"… Des rires.[1] Moi aussi, je ris bêtement, je dois être un peu sonnée par l'anesthésie, quand même.

Lendemain matin. Je me réveille clouée dans mon lit par une gouttière et un drain qui sort de mon genou et part je ne sais où. Et pas de téléphone à l’horizon… J’ai un coup de blues, d’un coup. Je réclamerai bien ma maman. Les infirmières ont pitié, appellent mon amie et l’autorisent à venir me voir tout de suite, bien que les visites soient interdites le matin. Puisqu’il m’est impossible d’aller jusqu’au téléphone, je lui demande de prévenir les uns et les autres. Elle me rapporte plus tard, un peu penaude, un peu hilare, les résultats de sa campagne d’information : mes parents prennent la route, Julio va avoir le message on espère dans la journée sur son chantier. Les copains vont venir à l’heure des visites. La plupart (même mes parents) ont quand même rigolé, certains ne l’ont même pas crue. Il faut dire qu’appeler un 1er avril pour dire "Bonjour, je vous appelle de la part de Traou qui est à Saint Antoine, dans le service du Professeur APOIL", ça sentait un peu la blague… Certains mettront plusieurs jours avant de se dire que ce n’était peut-être pas un poisson d’avril.

La suite de cette journée particulière : ma H*nda chérie au paradis des voitures, une résine jusqu'en haut de la cuisse droite et trois mois de béquilles. Trois mois doux et gais en convalescence dans ma Bretagne ensoleillée. Huit mois plus tard, je me pomponnais particulièrement pour aller me faire enlever mes vis qui me gênaient - psychologiquement ou réellement - par mon sublime chirurgien ("Urgences" n'existait pas encore à la télé, mais franchement, Clooney pouvait aller se rhabiller). Bons souvenirs, finalement.

Notes

[1] Le pire, c'est que ce doit être vrai, sur le genou, j'ai une ligne fine et droite, très discrète même en jupe. Ils doivent considérer que c'est moins grave pour un mec d'avoir une méchante fermeture éclair qui lui barre la rotule...

lundi 9 avril 2007

Un jour de mars 1997

Je me souviens surtout de son sourire, si doux. Et de son regard, de ceux qui « savent ». Un regard que j’ai retrouvé quand il m’a été donné de rencontrer des êtres « éveillés ». De ceux qu’on n’oublie jamais.

Je viens la voir de la part d’un ami, lui-même bouleversé par la rencontre avec cette femme étonnante. Il m’a conseillé d’aller la voir à mon tour. Peut-être sait-il, sent-il mieux que moi que j’en ai besoin, que je ne vais pas si bien que je le dis ou le montre. Peut-être a-t-il compris que je vis comme sur le tranchant d’une lame, prête à tomber à chaque instant, en équilibre instable sur des pieds sanglants. Ce semblant d’équilibre-là m’apparaît toujours plus confortable et moins douloureux que le chaos qui a précédé, alors je m’en satisfais, j’essaie d’avancer, ou au moins de rester sur place sans broncher, vacillante, mais suspendue au moins à quelque chose. Une immobilité glacée a remplacé la chute, c’est déjà ça. Et je me cache les yeux chaque jour pour ne pas le voir. J’attends des jours meilleurs auxquels je ne crois guère.

Appelons là Coline, c’est doux comme elle. Je suis un peu inquiète, je ne sais qui elle est. Je le lui demande. Alors elle me raconte son histoire.

Quand Coline était une toute petite fille, elle voyait des couleurs autour des gens. Du bleu, du jaune, du vert, du rose. Elle les montrait du doigt, elle trouvait ça si beau, ces couleurs mouvantes. Parfois aussi elle voyait du rouge ou du noir et ça lui faisait peur.

Elle a reçu des tapes sur les mains : on ne montre pas les gens du doigt. Et d’abord qu’est-ce que c’est que cette histoire de couleurs ?! Non, il n’y a pas de couleurs autour des gens, qu’est-ce que tu racontes ?! Arrête donc de dire des bêtises !

Alors Coline s’est tue. Elle n’a plus parlé des couleurs. Comme on lui a appris à être propre et polie, on lui a appris à taire les choses « anormales ». Et elle a cru qu’elle l’était, anormale. Elle s’est persuadée qu’elle était sûrement folle de voir autour des gens des couleurs qui n’existaient pas. Trop d’imagination, c’était sûrement ça. Elle n’avait jamais entendu parler d’aura, et quand bien même…

Coline grandit, se marie, a deux petits garçons. Elle est infirmière, en chirurgie. Dans les salles d’op’ parfois elle a vu des gens mourir.

Un jour c’est son tour de passer sur le billard. Une opération banale qui tourne mal. Coline meurt. Coline est morte. Déclarée et constatée comme telle pendant un moment. Avant de revenir à la vie, incroyablement.

Coline se souvient bien de sa mort. Elle est capable de décrire très précisément la scène, de reconstituer le dialogue des médecins et des infirmières affolés au-dessus de son corps inerte, puisqu’elle-même voyait tout du dessus. Elle flottait quelque part au plafond de la salle.

Ensuite, elle est partie « ailleurs », vers une lumière intense qui n’éblouissait pas, où l’attendaient des êtres lumineux eux-aussi, certains qu’elle avait aimés et qui étaient partis il y a longtemps. Qui lui ont dit qu’il fallait qu’elle reparte, que son heure n’était pas venue, et qui l’ont grondée gentiment : on lui a fait le cadeau d’un don précieux, qu’elle ignore. Et ce don peut aider les gens, elle doit s’en servir pour cela.

Coline me dit qu’elle serait bien restée là-bas. Qu’elle ne s’était jamais sentie aussi bien, autant aimée. Elle revient à regret, mais dorénavant, elle sait qu'elle n’aura plus jamais peur de mourir. Et elle décide de ne plus ignorer les couleurs, de s’en servir, d’apprendre à les décoder pour aider. C’est pour cela que des gens viennent la voir. Pour ça que je suis là devant elle.

C’est drôle, elle regarde tout autour de moi, me décrit les couleurs qu’elle voit, y lit des choses connues de moi seule dont elle me parle de sa voix douce en plongeant son regard dans le mien. Voit cette faille profonde et cruelle qui est apparue dans ma vie quatre ans auparavant et qui a assombri tout le reste.

Coline me dit qu’elle sent Julio près de moi, et que ce n’est pas bien. Que les morts doivent faire leur chemin et les vivants le leur. Que je le retiens auprès de moi et qu’il n’ose pas partir, n’ose pas me laisser parce qu’il pense que j’ai encore trop besoin de lui à mes côtés.

Je proteste, non, non, je ne le retiens pas, bien sûr que non, je lui ai dit adieu il y a longtemps déjà, je n’ai pas du tout l’impression de vouloir trop le garder auprès de moi, et d’ailleurs… d’ailleurs... je sais bien que je mens en affirmant véhémentement tout ça. Et le gémissement interminable qui s'élève tout à coup du bois de la vieille armoire, là, au coin de la pièce, semble terriblement humain et confirmer un désaccord profond avec mes paroles malhabiles.

Coline me dit qu’il faut le lui dire, qu’il faut que je lui rende sa liberté, que c’est important, pour lui, pour moi. Qu’on se retrouvera, mais que pour l’instant, il a son chemin à faire. Je dis oui, je promets. Elle m’embrasse quand je pars, me souhaite bon courage. Elle sait, elle, combien je vais en avoir besoin.

Je me souviens de ce train de banlieue quasi-désert qui me ramène vers Paris. Je me souviens que j’ai parlé à Julio sans arrêt pendant le trajet, comme s’il était assis en face de moi. L’ai-je fait tout haut ? Je ne me souviens pas. Peut-être les autres rares voyageurs m’ont cru folle. C’est possible.

Je lui dis tout mon amour, et combien il me manque encore chaque jour, et que ça a été difficile, mais que ça va aller, je vais m’en sortir, je ne vais pas retomber. Il faut qu’il me laisse, maintenant, il s’est suffisamment préoccupé de moi, il faut qu’il suive sa route, et sur celle-là nous nous retrouverons sûrement un jour. Il ne faut pas qu’il s’inquiète, je suis forte, je serai forte. Sans lui. Je lui permets de partir. Sûre, je suis sûre de ce que je dis. Je veux l’être, au moins.

A l’intérieur de moi, il y a une tempête. Pour la première fois je réalise que je ne VEUX pas qu’il parte, que je veux le garder auprès de moi, toujours, toujours. C’est comme un arrachement. C’est la même peur au creux de mon ventre que le jour où je me suis décidée à plonger du plus haut plongeoir de la piscine, persuadée que j’allais mourir ou me blesser grièvement. J’ai peur. J’ai mal. Je ne veux pas être seule sans lui.

Mais je plonge. Je lui dis de partir et je lâche prise, sincère enfin. Pour la première fois, vraiment. Et il part. Peu importe que l’on me croie ou pas. Peu m'importe que l’on me croie folle ou non. A ce moment précis où je lui ai dit adieu pour de vrai, j’ai senti sous mes vêtements, en un éclair, un vent glacé et subit qui me parcourait de la tête aux pieds. Et après, plus rien. Il n’était plus là, en face de moi. Il n’était plus nulle part. Et en moi ne restait plus que du vide.

Pendant les jours qui ont suivi, je me suis traînée comme si mes talons étaient lestés de plomb. Epuisée, un poids terrible sur les épaules, comme s’il était mort une deuxième fois. Un nouveau deuil, lourd, si lourd.

Et pendant quelques matins de ces jours terribles, entrant dans ma salle de bain comme une âme en peine, me demandant comment j’allais tenir jusqu’au soir, j’y ai été accueillie par les effluves puissantes d’un parfum connu, très particulier : l’odeur de la poudre de riz ancienne de ma grand-mère, que je n’avais jamais sentie nulle part ailleurs que chez elle, et plus jamais depuis sa mort, 3 ans auparavant. Etait-elle venue m’accompagner dans ces jours difficiles, me dire « ne lâche pas, je suis avec toi » ? Je ne sais pas. Tout ce que je sais c’est que ce parfum-là, inattendu et bienveillant, m’a aidé à tenir le coup.

J’ai continué, j’ai avancé. Un jour, plus tard, beaucoup plus tard, j’ai même recommencé à aimer.

dimanche 1 avril 2007

Un jour de janvier 1998

Ce jour-là, mon ami Jack m’a invitée à un concert, dans un bar. Il fait partie des musiciens. C’est la première fois que je le vois jouer en public.

K. m’accompagne. J’en suis très émue. C’est notre première sortie toutes les deux, en amies. J’avais cru ne jamais la revoir après ma rupture violente avec l’un de ses très proches quelques mois auparavant. Il était le lien entre nous, nous avait présentées l’une à l’autre. K. est un personnage étrange, aussi attachante qu’insaisissable. C’est un feu follet, un courant d’air, une étoile filante si difficile à attraper. Je suis heureuse qu’elle ait choisi de me conserver son amitié. Elle a décidé de ne pas choisir entre son ami et moi et je lui en suis reconnaissante.

La soirée est gaie, Jack m’épate à la guitare. Il lui arrive de chanter aussi. Je suis fière de lui. Il a du talent. Nous finissons la soirée autour d’un verre, de pas mal de verres. Tard, très tard.

Paris est gelé. Samedi soir, après la fermeture du métro et des bars. Je connais la sanction : inutile d’espérer un taxi. Les files d’attente emmitouflées et grelottantes s’allongent à chaque station.

K. et moi, bras dessus-bras dessous, remontons à pieds vers le nord, d’un bon pas. Elle est la seule fille que je connaisse capable d’arpenter la ville sans faillir sur des kilomètres et des talons aiguilles vertigineux.

Nous parlons, parlons, parlons. Tellement de choses à nous confier pour cette première soirée de pimprenelles, comme elle dit.

Boulevard Magenta, nos chemins doivent se séparer : je continue vers le nord, elle vers l’est. Nous restons un long moment, malgré le froid, à parler en sautillant au bord du trottoir, encore tellement de choses à nous dire, d’histoires à connaître, d’amitié naissante à partager. Je tourne le dos au boulevard. J’ai un long manteau bleu ciel, je crois.

Une voiture s’arrête derrière moi. Une voix me hèle. Je me retourne. C’est un taxi dont le chauffeur se penche vers la vitre passager. Il croit que je lui ai fait signe. Je fais parfois de grands gestes en parlant. Je lui dis que non merci, j’ai du lever le bras fortuitement, c’est tout. Il nous salue, s’apprête à repartir. Je réalise que j’ai encore du chemin à faire, seule cette fois, qu’il fait un froid glacial et qu’il est trois heures du matin. Je fais un rapide baiser d’au revoir à K. et m’engouffre dans la voiture providentielle. Tiens, il a un grand sourire dans le rétroviseur, ce chauffeur-là.

Et il s’excuse d’avoir interrompu notre conversation, mais il a vraiment cru que je l’avais arrêté. Ce n’est pas grave, il est l’heure de rentrer, lui souris-je aussi.

Tiens, je suis sa dernière cliente de la journée, si je veux il peut même me faire faire un petit tour de Paris-by-night pour se faire pardonner.

Je ris. Non, je n’ai pas les moyens de faire Paris-by-night en taxi. Bien que j’aime beaucoup rouler dans Paris la nuit, mais plutôt quand je conduis moi-même.

Vous voulez conduire ? fait-il

Je ris encore. Vous plaisantez, je ne vais pas conduire votre taxi.

Pour toute réponse, il s’arrête au bord du trottoir. Et passe sur le siège passager. Me demande ce que j’attends pour venir devant.

Je me décide, descend, m’installe derrière le volant. Intimidée. Il appuie sur un bouton, me dit qu’il a coupé le signal lumineux sur le toit : il m’interdit de prendre des clients, quand même ! Et il coupe le compteur. Il ne va pas me faire payer une course que j’assure moi-même. Il s’installe confortablement, dit « En route ! » joyeusement. Et que ça lui fait un peu comme des vacances.

Je le regarde. Il a un immense sourire, des yeux sombres et pétillants. Je n’avais pas remarqué qu’il était si beau.

Ce soir-là, fière comme un « petit banc », j’ai conduit dans tout Paris un taxi plein de rires et de bavardages. En plus d’être beau, il était diablement sympathique, ce chauffeur inattendu. Et même un peu plus que ça.

Au petit matin de cette journée-là, je me suis endormie dans les bras d’un inconnu qui allait devenir très important pour moi pendant les mois, les années à venir. Qui l’est toujours, une amitié magnifique ayant survécu au sentiment amoureux. Au nom de celle-là, il ne donnera pas aujourd'hui à son fils un prénom qui risquerait par trop de me faire de la peine...

De cette rencontre-là, restent - encore aujourd'hui, parfois - les facéties des amis à qui je l’avais contée par la suite, qui me demandaient systématiquement, d’où que j’arrive, si j’avais conduit le bus, le métro, le train, l’avion qui m’amenait jusqu’à eux.

Et depuis cette journée particulière, quand je prends un taxi, j’ai très souvent envie de rire, constatant chaque fois qu’il est impossible que l’histoire se répète avec ce gros raciste à casquette, ou ce chinois irascible là…

lundi 19 mars 2007

Un jour de janvier 1999.

(en complément à un ricochet)

Je rentre de New York. J’y ai passé le réveillon, accueillie chez une amie qui y séjourne quelques mois, ai retrouvé avec bonheur cette ville plus intense que toutes les autres réunies.

Aéroport de Roissy. 7 heures du matin. Un peu défaite, je guette ma valise sur le tapis roulant. J’entends des coups sur la vitre un peu plus loin, auxquels je ne prête pas attention. Il me semble soudain reconnaître mon nom appelé, voilé. Ma fatigue s’envole en apercevant le grand sourire de N. qui tente d’attirer mon attention en faisant le pitre derrière la vitre depuis un moment, au grand amusement des autres voyageurs. Il semble que tout le monde l’avait remarqué, sauf moi. Oh, le bonheur de retrouver ses grands bras chauds…

Dans la voiture, il m’annonce :

- Je t’emmène à la campagne. Il ne faut surtout pas que tu dormes, sinon tu vas être toute décalée. J’ai un programme pour t’occuper.

N. habite un village ravissant à une bonne heure de Paris, en pleine forêt ou presque. Du moins, c’est là qu’il habite quand il accueille sa petite fille le week-end. Le reste du temps, nous habitons chez moi. J’aime beaucoup cet endroit. A l’arrivée, il m’accorde à peine une douche (et quelques câlins, si mes souvenirs sont bons), et nous partons illico au club équestre voisin où il a réservé deux chevaux !

Il faut dire qu’en équitation, j’ai pratiqué vaguement une année, cinq ans auparavant, que je n’ai pas eu l’occasion de continuer, et que je suis donc passablement débutante. Et me voilà, en plein décalage horaire, ne sachant plus très bien comment je m’appelle, en train de galoper à toute berzingue (tressauter lamentablement serait plus juste) dans la forêt de Fontainebleau, à la poursuite de sangliers affolés. Forcément, comme j’ignore absolument comment maîtriser ce foutu canasson, il se contente de suivre le rythme de son copain, que monte N. façon western, très à l'aise, lui… Douze heures auparavant, j’étais dans la Grande Pomme, c’est totalement irréel !...

Je descends de ma monture, un peu zigzagante, et avec des promesses de courbatures redoutables pour les jours d’après, rien que de m’être cramponnée comme une folle pour ne pas tomber de la bête déchainée (si quelqu’un a filmé la scène, il peut faire fortune dans le comique à mon avis). Je supplie N. de me laisser dormir un peu, rien qu’un peu. Il est inflexible.

Il va ainsi s’efforcer de m’occuper jusqu’au soir, délicieusement et drôlement, trouvant toujours une activité, une balade, une course, une recette de cuisine (est-ce que nous n'avions pas fait des crêpes ?), une histoire contée, un câlin tendre, pour me détourner du sommeil. C’est de ma faute aussi : c’est moi qui lui avait confié que lors de mon séjour précédent aux Etats-Unis, j’avais commis la bêtise de me coucher en rentrant et que j’avais donc mis plusieurs jours avant de retrouver le rythme français.

Le soir, je me souviens d’un feu de cheminée crépitant et odorant, d’un dîner amoureux et rieur, de vin parfumé dans des grands verres, et qu’enfin j’avais eu le droit de me laisser glisser dans le monde des rêves, lovée à ses côtés. Je ne crois pas m’être endormie un autre jour de ma vie avec autant de bonheur et de soulagement et au soir d’une plus jolie épopée.

dimanche 4 mars 2007

Un jour de 1982

J’ai 18 ans. Pas loin de 19 sans doute, c’est l’automne.
Je suis dans l’émerveillement de Paris que je découvre au quotidien. J’y vis depuis quelques semaines, en vrai. Moi, Bécassine fraichement débarquée de ma Bretagne.
Une chambre de bonne perchée tout en haut d’un escalier en colimaçon interminable et étroit. Je ne me souviens plus du nombre de marches. Je me souviens qu’il n’y avait pas de paliers, et des fous-rires piqués avec mon père le jour de mon emménagement car le moindre sac un peu volumineux se coinçait entre la rampe et le mur tout proche.

7 étages. 9 mètres carrés. Un lavabo. Des toilettes au bout d’un couloir sans fin. La vue sur Sainte Clotilde et les toits de Paris. La fac de ciné. L’apprentissage de la solitude. Le bonheur.

Je n’ai compris que beaucoup plus tard la tristesse de ma mère de me voir partir si tôt. Je me trouvais grande. J’étais petite encore. Et elle savait sans doute mieux que moi que je ne reviendrai pas. La vie de famille était finie pour moi. Je n’en ai plus beaucoup de souvenirs, 25 ans après.

Je vagabonde dans Paris entre mes cours. Je ne connais pas grand monde, ici. J’arbore encore une longue tresse sur le côté et un look de petite fille de bonne famille. A la fac, on me regarde avec étonnement. Je ne m’en rends même pas compte, si heureuse d’être là. Adulte à devenir. On met un peu de temps à prendre le chemin de soi-même.

Ce jour-là, à Montparnasse, il m’arrête dans la rue, armé d’un micro et d’un magnéto. Il me pose une question incongrue :
- Qu’est-ce que tu penses des chaussures ?
- Hein ?!
- Qu’est-ce que tu penses des chaussures ? !
- Mais ça veut rien dire ! Comment ça ce que j’en pense ? J’en pense rien.
(intérieurement : mais il est con, celui-là, ou quoi…)
- Non, mais en fait c’est pas ta réponse qui m’intéresse, c’est pour ça que je pose n’importe quelle question, je fais juste des essais de prise de son.

A quoi tient une amitié. Une question idiote. Il s’avère étudiant en cinéma, comme moi. Lui son truc c’est le son. On en discute autour d’un café sur le Boulevard Montparnasse. Ce soir-là, je m’endors un peu moins seule dans la grande ville : j’ai un ami.

On arpentera la vie ensemble pendant 19 ans. Jusqu’à un noir encadré dans Libé du 12 septembre 2001 qui me sautera violemment au visage.

19 ans à grandir ensemble. La musique pour lui, le ciné pour moi. Et sa saloperie de moto. Les amourettes et les amours, les siens et les miens, qui nous éloignaient parfois, jalousie des partenaires ou manque de disponibilité parce qu’on se consacrait totalement à l’âme sœur ou celle que l’on croyait telle. On se retrouvait toujours. Tous les deux seuls, rien que nous. Je n’ai jamais connu ses copains, il n’a jamais connu les miens. C’est pour ça que je n’ai pas été prévenue le jour où…

Une relation à deux, gaie et forte, et sincère même dans nos chamailleries. Le matin de mes 20 ans, je m’étais réveillée avec lui. On n’a jamais été amoureux, Jack et moi, on se tenait juste dans les bras l’un de l’autre en cas de besoin. On a toujours dormi ensemble sans s’interroger sur un lendemain à deux. Question idiote. Seule comptait cette relation qui nous rendait plus forts, qui nous faisait avancer.

Tous les deux, on s’interrogeait beaucoup sur l’ailleurs, sur l’après, sur le pourquoi de nos présences ici-bas. On en parlait sans fin, de cette quête, de ce mystère. J’ai prié quand il est parti, pour l’accompagner. Je sais qu’il croyait à cette force-là, qu’il en aurait fait autant pour moi. On s’accompagne encore aujourd’hui, je veux le croire. Depuis ce jour d’automne de 1982. Une journée particulière, que celle où on rencontre un ami. Je me souviens du ton de sa voix et du coin de rue exact où il m’a mis ce foutu micro sous le nez. Je ne sais toujours pas ce que je pense des chaussures… (Jack, sans blague, c'était vraiment très con)

dimanche 25 février 2007

Un dimanche de 2002

(en forme de ricochet à certain petit caillou...)

On s’éveille ensemble, torpeurs et chaleurs mêlées. Là-bas, très loin, de l’autre côté de la fenêtre, la campagne a l’air si froide, trop matinale encore. On va rester encore dans notre vaste couette, faire l’amour comme la suite d’un rêve à deux, se rendormir un peu.

Un baiser sur mon épaule. «Café ici ? Café en bas ?». En bas, j’aime bien, les coudes calés sur la longue table en bois, on se regarde par-dessus les bols. Nos yeux s’aiment.

Il y a des lambeaux de blanc qui flottent autour des arbres. Ouatent le silence. Juste nos pas dans la terre et les feuilles odorantes. La vue à perte de campagne. Sa main qui m’aide à enjamber un tronc. Garde la mienne.

Les ados émergent à peine, céréales d’enfance et airs de grands. Ils réclament des frites pour midi. Un poulet aussi. Et repartent dans leur tanière.

La bête est au four, le salon est à nous. On esquisse des pas de danse sur Joao Gilberto. On écoute de vieilles chansons françaises qui nous mettent en joie : «Sous les palétuviers» de Pauline Carton et Jean Nohain. Les ados, l’air écoeuré, préfèrent fuir ces avanies de vieux et affronter la campagne à leur tour. Ils reviendront poussés par la faim.

Au bout de la table, je le regarde découper le poulet avec des gestes sûrs de patriarche. Nourrir sa nichée. Il mange à même la planche qu’il garde devant lui. Nous partageons un très bon vin, réunis par ce plaisir-là aussi, face aux buveurs de bulles trop sucrées.

Après le déjeuner, les ados remontent écouter de la musique décente. Nous restons à table, paresseusement, finissant le vin, parlant.

Il se lève pour aller dans la cuisine. En revenant à table, s’arrête à côté de moi, se penche pour me donner un baiser. J’attrape sa taille, l’entoure de mes deux bras, noue mes mains derrière son dos, le serre contre moi.

Moi assise, lui debout. Mon visage lové contre sa chemise. Nous restons comme ça longtemps, mon oreille tendrement collée à son ventre entend, sent plutôt sa voix venue d’en haut et de l’intérieur de lui, chaude. Je regarde autour de moi et je pose des questions sur les objets que je vois. J’ai envie qu’il me parle longtemps de tout ou de n’importe quoi, juste pour rester là contre lui, à sentir son corps chaud vivre et battre tout contre moi. Je pourrais rester des milliers d’années dans cette tendresse et cette chaleur-là, à écouter vibrer sa voix tout autour, à l’intérieur de moi.

Il s’éloigne doucement pour aller chercher un objet sur lequel je l’interroge et me le montrer de plus près. Je le regarde, l’écoute, il me donne un baiser. Ce moment-là est fini. Il me restera toute ma vie.

Le soir, après une sieste douce, un après-midi paresseux, il m’emmène à la gare. «Tu es sûre, tu ne veux pas rester ce soir ?». Non, je t’ai déjà volé à tes enfants tout le week-end… Et puis demain, et puis mes affaires que je n'ai pas, et puis le boulot, et puis plein de raisons qui n’en sont pas. Dans le train, je rêvasse, Annie Lennox dans les oreilles, en regardant par la fenêtre la campagne se transformer en banlieue triste. Une ou deux gares plus loin, un gamin essaye de me voler mon sac quand la sonnerie retentit, espérant filer avec avant la fermeture des portes. Je m’agrippe dans un réflexe, plus costaud que lui, il renonce. Même pas eu peur, la musique toujours dans les oreilles, juste un dimanche soir un peu amer…

En arrivant, je lui envoie un petit mail :

Objet : Arrivée à bon port…

...Ai juste failli me faire arracher mon sac à Conflans Sainte Honorine...
Heureusement, le voleur était un tout petit gabarit. Donc mon sac était quasi plus lourd que lui. Mais si le garçon avait été un chouïa plus grand et déterminé, je serais à l'heure qu'il est sans argent, papiers, clés...etc... La prochaine fois que je viens chez toi en train, c'est les mains vides !
Là, j'ai un potage de légumes qui cuit et un bain qui coule, je vais donc aller me plonger dans l'un et manger l'autre après (il ne faut pas que je me trompe).
Je t’embrasse aussi doucement et tendrement que ce week-end fut.

Il m’appelle un peu plus tard, inquiet. Ne veut plus que je prenne le train seule dans les banlieues qui mènent jusque chez lui. Me dit d’un ton faussement détaché :

- La solution, c’est peut-être que tu viennes vivre à la campagne….

Je bafouille. Demande s’il en a d’autres, des idées géniales. Je l'entends rire au loin. Me souhaiter une bonne nuit de sommeil et de réflexion. Je m’endors émue.

jeudi 22 février 2007

"Une journée particulière"

J’ai la vague impression d’être rattrapée par mon blog. Comme s’il m’agrippait par la manche en me disant « Oh la, toi, tu vas pas te sauver comme ça, on a encore des choses à se dire, non ? » Oui, oui, je sais, mon pauvre vieux, je te délaisse depuis déjà quelques mois, notre relation s’est essoufflée un peu, j’ai d’autres horizons que toi. Mais tu me manques, alors…

Et puis peut-être que j’avais perdu le fil, que je cherchais une bonne raison de continuer à tisser cette petite toile parmi des millions d’autres. J’ai l’impression depuis quelques temps d’en retrouver l’envie.

D’abord, j’avoue que mon nouveau jouet de Noël, petit Satellite qui a remplacé mon vieux et fidèle ordinateur fixe, et que j’ai marié aussitôt à la petite fée wifi, me change la vie. Je n’ai plus besoin d’être scotchée à mon bureau, j’écris, je blogue de partout : de mon lit pendant mes insomnies, de ma cuisine en petit déjeunant, de mes toilettes… non pas des toilettes, mais je vais y songer.

A l’heure où je vous parle écris, je suis pelotonnée au milieu de moult oreillers, assise en tailleur à moitié sous la couette et j’écoute en même temps la super compil spéciale que m’a concoctée une amie hispanophile pour que je révise mon espagnol (merci M’ame Ya !). Il y a tous ensemble Paco Ibañez et Luz Casal, Manu Chao, des chansons de « El libro de la selva » (Le livre de la jungle ! Baloo et Mowgli chantent en espagnol, j’adore), Mercedes Sosa, et même Julio Iglesias ! Elle a intitulé la compil « Canciones para la señorita Traou » et m’a fait un livret avec toutes les paroles de chansons. Après tout, j’ai quasi appris l’anglais avec les Beatles…

L’envie revient, donc. Après, reste le temps… Denrée difficile à trouver.
L’envie revient aussi grâce aux petits cailloux. Oui, c’est certain. Kozlika nous a fait un sacré cadeau, à nous les quelques 50 ou 60 faiseurs de ricochets qui explorons notre passé de conserve depuis quelques semaines. C’est tout à fait passionnant et émouvant de découvrir ces années déroulées, ces destins parallèles si dissemblables qui nous ont menés néanmoins dans ce même espace. Et je trouve ces textes de plus en plus intenses, de plus en plus attachants au fil des jours.

Quelques-uns – à commencer par nous-mêmes les « ricocheurs » - peuvent s’interroger sur ce besoin que nous avons éprouvé de nous raconter. Sur nos propres blogs ou en ce lieu de nos vies emmêlées. Qu’importe. Je peux concevoir que l’introspection bloguesque dérange certains, mais c’est notre liberté à nous, de la même façon que sont libres de ne pas nous lire ceux qu’elle indispose.

Et ce n’est pas toujours facile, croyez-le. Cela remue des choses délicates. J’ai passé quelques nuits à me tourner et me retourner dans mon lit car j’ai choisi de faire le chemin à rebours, à partir de 2006, et je voyais s’approcher de moi l’année 2002, qui détient dans mon palmarès personnel la deuxième place sur le podium des années au-dessus desquelles j’aurais aimé sauter à pieds joints ou bien voir rayées du calendrier… Je ne savais par quel bout la conter cette sale année-là, sans me faire mal encore. J’ai hésité sur les mots à choisir, recommencé, raturé, et senti mon cœur se serrer au fur et à mesure que ce texte qui venait de loin jusque sous mes doigts s’imposait enfin. (ne cherchez pas, je ne publierai le billet en question que ce week-end, je pense, en partie à cause de ce qui suit...)

Et puis de ce récit-là a émergé une envie, une idée. Celle de zoomer parfois sur une journée, une seule, de ces années semées chez les « Petits Cailloux ». Une journée particulière, un éveil, un chemin de quelques heures de vie, une nuit tombée sur un tour de terre dont j’aurais gardé le goût, le parfum, la couleur jusqu’à aujourd'hui, et peut-être pour toute ma vie. Mes billets ricochets, je ne les publie que là-bas, du moins pour l'instant, mais j’ai envie d’ouvrir ici une nouvelle catégorie dont je vole le titre au beau film d'Ettore Scola. Raconter des instants de vie hors de leur contexte, faire jouer la loupe de la mémoire comme si les choses et les gens étaient éternellement vivants, juste parce qu’on s’en souvient.

Combien de journées particulières me reviendront en mémoire et aurai-je envie d'écrire ici ? Je ne sais. Il s'agit juste d'une envie d'aujourd'hui, de ce jour particulier lui aussi, m'en souviendrai-je encore ? Aucune obligation, rien que le désir, c'est la seule règle que je m'impose ici...

Tiens, pendant que j'écris ces mots, de ma compil magique est sortie Jeanette et sa voix gracile : "Porque te vas", la chanson du film de Carlos Saura "Cria Cuervos". 1976. De cette année-là, je me souviens de plein d'instants, j'avais 12 ans. J'ai encore quelques semaines devant moi avant de la faire ricocher. Ailleurs et ici...