Chronique de Saint Louis 1 – Du sang et des macarons !

(Si c’est pas un titre de la mort qui tue, ça coco. On va en faire une saga en douze volumes de ce truc !)

Arrivée jeudi en début d’après-midi au 6è étage du secteur Lavande. Les couloirs font un peu Brazil, mais après ça va, ce n’est pas laid, lumineux et vaste, jaune et bleu.

Je commence par faire bugger l’ordinateur des admissions parce que les urgences n’ont pas enregistré ma sortie la semaine dernière et que je suis donc déjà virtuellement présente dans la maison. Alors la dame est obligée de remplir ma fiche A LA MAIN, et tout le monde regarde cette fiche griffonnée avec étonnement, voire suspicion. Voilà que je me fais remarquer d’entrée.

L’ange gardien qui m’a accompagnée jusqu’ici m’a épargné les allées et venues pour les formalités et de porter mon sac trop lourd (j’ignore combien de temps je reste, bien obligée de prévoir… J’ai apporté une flopée de provisions pour pallier la médiocrité de la cuisine. Et plein de DVD. Et des livres. Et mon ordinateur. Et…)

De mon lit, je vois Paris. Il fait chaud et je suis toute rouge, tant pis.

Ma voisine de chambre s’appelle Paulette, elle bavarde volontiers, est passablement sourde, et manie son téléphone portable qui date un peu comme si c’était un bâton de dynamite. Tout à l’heure, en voyant le nom de son petit-fils affiché à l’écran dans les appels en absence, elle me dit sérieusement « Je le rappellerais bien, mais je n’ai pas son numéro… ». J’ai rigolé et je le lui ai appelé, son petit-fils, elle était épatée.
Elle est sympa, Paulette, elle a surtout une vertu inestimable dans un hôpital : elle ne regarde pas la télé ! Je garde un souvenir cauchemardesque de ma dernière opération : une semaine aux côtés d’une folle dont le premier geste au réveil était d’allumer le poste, ne l’éteignant qu’au coucher, et enquillant toute la journée feuilletons débiles et jeux itou, le son à fond les ballons. Elle m’avait déclaré avec fierté que chez elle, il y avait des télés dans toutes les pièces, que de toute façon, c’était le seul moyen de tenir ses cinq enfants…
Vive Paulette et ses mots fléchés, donc, même si sa « dureté d’oreille » (faut pas dire sourde, ça la vexe) m’oblige à hausser sérieusement la voix pour nos bavardages et donne lieu à des conversations surréalistes façon Professeur Tournesol puisqu’elle comprend de travers la plupart des mots qu’on prononce devant elle. J'aime la mine de chipie conspiratrice qu'elle prend quand nous décidons d'ouvrir la fenêtre malgré l'interdiction "Si on nous gronde, on dira qu'elle s'est ouverte toute seule...", elle a l'air d'avoir 70 ans de moins d'un coup.

On m’a fait subir gentiment un interrogatoire portant aussi bien sur mes antécédents médicaux que ma pratique religieuse (j’ai répondu scientologue, on s’amuse comme on peut, mais j’ai démenti tout de suite, pas envie que ça reste dans les archives). On m’a accroché au poignet un bracelet inviolable avec mon nom et un code barre. J’aime pas. En revanche, j’aime bien les petits infirmiers de l’après-midi (je dis « petits » parce qu’ils sont tout jeunots… ça ne me rajeunit pas), ils sont adorables et plutôt jolis à regarder, c’est bon pour le moral.

Le premier matin, on m’a vidée de mon sang ou presque, pour faire trois milliards d’analyses. L’élève infirmière qu’on avait mandatée pour effectuer la prise de sang avait l’air très novice et surtout très désorganisée, s’installant d’un côté, puis de l’autre, puis changeant d’avis une troisième fois, m’énumérant en pagaille les analyses à effectuer et le nombre de tubes nécessaires (merde, il y en a une vingtaine au bas mot dans son plateau), me nettoyant la saignée du coude avant de retourner dans le couloir chercher un truc oublié, retour égaré « ah, si il était là, j’avais pas vu », me re-nettoyant, mettant ses gants, les enlevant, re-re-nettoyant, avant d’enfin chercher une veine, piquant son attirail dedans et cherchant ensuite maladroitement ses tubes hors de portée. J’étais mal barrée. Au troisième tube, le sang ne coulait plus, et il en restait encore une quinzaine à remplir. Elle me regarde, plus angoissée que moi « J’espère qu’on va y arriver » dit-elle, tremblante. Oui, moi aussi, j’aimerais bien qu’on y arrive, et vite. Quand elle a parlé de me repiquer ailleurs (y'avait peut-être plus de sang dans cette veine-là), j’ai dit OK, mais je préfèrerais que ce soit quelqu’un d’autre, rien de personnel mais bon… Elle n’a pas demandé son reste et est allée chercher une infirmière chevronnée qui a rempli les tubes sans coup férir et avec une dextérité rassurante. Reste juste à savoir ce que mon sang va raconter, maintenant…

Chance, j’ai internet. Merci mon portable 3G, même si ça coûte un œil, ça fait du bien de se sentir reliée au monde : lire ses mails, écrire un billet, comme à la maison ou presque.

La bouffe est… blanche. Ce doit être un concept. Jamais vu des pommes de terre couleur de neige comme ça, assorties à une tranche de rôti de porc qui vous donne une furieuse envie de vous convertir illico à l’islam ou au judaïsme. Le pain est triste, la vinaigrette aqueuse, les prunes ont la consistance d’une pomme verte et l’acidité d’un citron.

Heureusement, un commando-macarons spécialement entrainé, composé de Vazyblogueurs fous, n’écoutant que son courage et bravant les dangers, a investi hier après-midi le secteur Lavande, armé d’une collection de douceurs multicolores spéciales « remonte-moral », auxquelles Paulette et moi avons fait un sort au dessert. Ils m’ont également fait découvrir un jardin ravissant et ensoleillé, à portée de béquille pour moi, où nous nous sommes posés pour papoter. Qu’est-ce que ça fait du bien ! Merci les zamis !

macarons

Commentaires

1. Le samedi 27 septembre 2008, 11:37 par Christine

Je veux être malade aussi !

2. Le samedi 27 septembre 2008, 11:50 par samantdi

Merci de nous donner des nouvelles. Vive la 3G, béni soit son inventeur.
Avec Paulette, tu n'as pas tiré un trop mauvais numéro, c'est un autre point positif.
Pour le reste, la vie à l'hosto, c'est pas rigolo (remember) alors je t'envoie des paquets de bisous, à défaut de caramels.
Bon courage pour les examens. Pourvu qu'ils trouvent vite le petit truc qui cloche, et que les médicaments ad hoc aient bon goût (de bonbons). Après, tu trotteras comme un lapin dans les vertes prairies... Je t'embrasse

3. Le samedi 27 septembre 2008, 12:31 par Valérie de Haute Savoie

Internet à l'hôpital, c'est sans doute un des plus grands progrès de ces dernières années. Toujours pas de diagnostics ? Une sarcoïdose peut être ? (je cherche je cherche ;)) Ta Paulette est aussi une bénédiction, je me souviens de mon mari supportant à longueur de semaines l'inspecteur derrick que son voisin adulait.

4. Le samedi 27 septembre 2008, 13:14 par François Granger

Me voilà rassuré... Ton séjour à l'air de s'organiser pas trop mal.

Je me souvient de ce petit jardin à Saint Joseph ou je m'étais trainé avec ma perf pour fumer ma première cigarette après l'opération ;-)

Nous avons parlé du projet d'aller te voir avec La Merveille. On va voir en fonction de sa température....

Bises

5. Le samedi 27 septembre 2008, 13:40 par gilda

Justement j'allais dire : ah quel titre !

J'adore le concept de la bouffe blanche et comment tu racontes l'infirmière novice (et que oh comme ça me rappelle des trucs).

Sinon fais quand même gaffe à tes petites affaires, à Saint Louis l'homme convalescent s'était fait piquer des trucs qui ne valaient pas forcément grand chose (genre : une écharpe, des chaussons), alors tu penses un ordi portable des macarons ... (tu me diras c'était il y a 11 ans, peut-être c'est moins pas sûr depuis).

6. Le samedi 27 septembre 2008, 14:32 par François Granger

Gilda me fait repenser à ta description de l'infirmière. Heureusement que ce n'était pas sur moi. Je serais tombé dans les pommes aussi sec ! ;-)

7. Le samedi 27 septembre 2008, 15:37 par Patrick

Ah zut ! va falloir penser aux munitions, la boite est presque vide, à ce que je vois. Le problème, c'est toujours le soutient logistique des premières lignes, en fait ;-)

La bise du "commando-macarons".

8. Le samedi 27 septembre 2008, 15:48 par telle

Ta petite Paulette, elle semble drôlement sympathique come voisine, quelle chance !

Une télé dans chaque pièce, je vais étudier la question :-)

Sinon, si tu peux nous en montrer dire plus sur ces petits jeunots...

Bises !

9. Le samedi 27 septembre 2008, 15:51 par Pablo

Traou, plein de bises et de courage !!

Les parisiens, apportez-lui plein de chocolats de ma part (et des fleurs), je vous rembourserai !!

(Je ne sais pas si mon message t'est parvenu, les conexions internationales étant ce qu'elles sont... ; si oui, je t'en enverrai encore pour te soutenir ! – sinon, je passerai au mail...).

10. Le samedi 27 septembre 2008, 20:14 par anita

Et le lendemain, perplexe, le laborantin se demande pourquoi dans cet échantillon de sang, les globules rouges s'agglutinent deux par deux autours d'une mousse de globules blancs. Encore un qui n'avait jamais entendu parler de la macaronisation du plasma...

11. Le samedi 27 septembre 2008, 21:28 par Traou

Christine, y'a pas besoin d'être malade pour avoir des macarons, je suis sûre qu'en envoyant un message très subliminal (tel que celui-ci) au commando... ;-)

Merci pour les bisous caramels, Samantdi, pour le lapin dans la verte prairie, j'ai encore un chouïa de marge... :-) (mais je commence à trotter-béquiller avec célérité)

Valérie, j'ai branché illico les internes sur ma possible sarcoïdose. Il semblerait qu'il y ait une épidémie infectieuse virulente en cours...

François, si la Merveille est malade, vos pensées de loin me sont déjà très douces. En plus, elle est trop petite pour venir ici, ou alors on se donne rendez-vous dans le joli jardin, il y a plein d'enfants. Bises

On est très équipés maintenant, Gilda, avec des placards qui ferment à clé. J'y enferme mes macarons ou bien je les emmène avec moi (on s'est fait un charmant goûter champêtre cet après-midi au soleil)

Ne t'inquiète pas, Patrick, le moral des troupes a été grandement soutenu par votre intervention et nous sommes prêtes à continuer la bataille. D'autant plus que Paulette a reçu un commando-chouquettes cet après-midi, et j'ai moi-même réceptionné un commando-Gavottes avec thermos de café (ah, du vrai café !) qui vont bien nous aider à tenir le cap (il est même vaguement question d'un commando-apéro demain en fin de journée...)

Bonne idée, Telle, je vais essayer de les photographier, mes jolis infirmiers. (sinon, pour la télé dans toutes les pièces, c'est à partir de CINQ enfants... :-) )

Ami Pablo, merci merci pour tes fleurs et chocolats pas si virtuels. Ce commando-là fait chaud au coeur aussi, tu peux le croire. Besos.

Anita, c'est malin, ça me donne faim :-D (encore heureux que le commando soit arrivé après la méga-prise de sang, je n'ose imaginer la glycémie...)

12. Le dimanche 28 septembre 2008, 14:41 par Boutoucoat

à défaut de Traou Mad douceurs, je t' envoie une bonne bolée d' air iodé breton ....

13. Le lundi 29 septembre 2008, 10:52 par Anne

Juste de voir les draps ça me rappelle de mauvais souvenirs. Chouette d'avoir eu une voisine pas trop pénible, quand même !