lundi 14 juillet 2008

Mal du pays

Il y a parfois des évidences qui prennent leur temps pour arriver jusqu’à la conscience. Comme des graines que l’on aurait semées il y a longtemps, parfois même à notre insu, et oubliées. Les saisons ont passé, quelquefois les années, la graine a germé, poussé timidement, affronté le temps et les intempéries. Une pousse est sortie de terre que l’on n’a même pas vue, un bourgeon minuscule est apparu auquel on n’a pas prêté attention, il s’est étoffé courageusement, a grossi et profité, et tout a coup une fleur s’est ouverte qu’on découvre soudainement et avec stupéfaction parce qu’on ne se souvenait pas avoir planté quelque chose de semblable, que l’on a nourri et encouragé en toute inconscience.

J’ai vu éclore ces dernières semaines une fleur imprévue dans ma conscience, venue d’une graine lointaine et souterraine, invisible et pourtant aujourd’hui si évidente.

Je m’amuse aujourd’hui à en retracer le chemin, à chercher des indices qui auraient dû me mettre la puce à l’oreille, mais sans doute n’étais-je pas prête alors à accepter cette fleur à venir, elle devait prendre son temps pour que je la cueille, ou que j’en espère le fruit.

C’est drôle, c’est peut-être à Boulet que je dois d’avoir permis à cette fleur d’éclore. Et même si je sais qu’on peut faire son miel de tout et que je suis même assez douée pour ça, cela ne cesse jamais de m’étonner que d’un mal sorte un bien (et inversement).

L’affaire Boulet a connu quelques rebondissements ces derniers jours, à savoir que je me suis rendue compte que Boss – pour qui j’ai toujours eu la plus grande estime – devenait d’un coup plus indulgent avec Boulet de façon étonnante, et faisait un peu marche arrière dans la reprise en main prévue du bonhomme. Je n’ai pas tardé à comprendre qu’il avait profité des relations de Boulet pour lui demander un service personnel (une recommandation familiale auprès d’un actionnaire influent…). Idem pour un autre de mes collègues autrefois fort virulent vis-à-vis de Boulet, et soudainement amadoué, qui m’a fait savoir qu’il n’était en rien solidaire de ma « croisade » désormais… Je me suis tout à coup sentie très seule avec ma bête intégrité et ai été prise d’une subite envie d’aller planter mes choux ailleurs. D’autant plus qu’il n’est pas exclu que Boulet, fort de ses nombreux soutiens, y compris de ceux qui étaient de mon avis il n’y a pas si longtemps, entreprenne maintenant de me mener la vie dure, voire de se débarrasser de l’empêcheuse de glander en rond que je suis. Et je me fais peu d’illusions sur le soutien que je pourrais attendre de ses obligés en ce cas…

J’ai donc, pour la première fois depuis 4 ans que je suis dans cette boite que j’aime (que j’aimais…) et dans laquelle je me suis épanouie professionnellement, envisagé une reconversion possible. Et pourquoi pas ailleurs ? Et pourquoi pas autrement ? Et pourquoi ne pas en profiter pour changer du tout au tout, si c’est possible, et m’éloigner de ce milieu assez féru de passe-droits, d’emplois de complaisance et de tout ce cirque malhonnête qui m’insupporte ?

A cela s’est ajoutée la question d’une amie chère qui vit fort loin et m’envoie de temps en temps des mails interrogateurs et chaleureusement préoccupés de moi. Dans le dernier, elle me demandait si j’étais heureuse… Je lui ai répondu que j’avais une vie plutôt agréable… plutôt pas désagréable, allez… Elle m’a demandé en retour ce qui pourrait me rendre vraiment heureuse, en dehors d’un compagnon aimant, bien sûr, puisqu’elle connaît ce manque qui est le mien actuellement. Je me suis posé la question à moi-même : qu’est-ce qui me rendrait VRAIMENT heureuse. Et la réponse s’est imposée à moi aussitôt : vivre auprès de la mer, chaque jour, en Bretagne. Oui, bien sûr.

Vivre auprès de la mer, c’est quelque chose que j’ai toujours envisagé pour plus tard, quand je serai en retraite… J’aime à dire que je finirai ma vie dans le Finistère. Partir là-bas est toujours un bonheur, en revenir chaque fois un crève-cœur plus grand (c’est pour cela que j’y vais peu, d’ailleurs). A lire certaine blogamie, parfois, je suis prise d’une énorme bouffée d’envie et de tristesse d’être si loin de ce pays aimé, mille petits indices de mon appartenance viscérale à cette région, et de mon envie d’y retourner.

Alors, écoeurée de l’affaire Boulet, envisageant de faire de ma vie autre chose, je me suis dit « Et pourquoi pas maintenant ? Pourquoi ne pas faire tout de suite ce qui te rendrait heureuse plutôt que d’envisager cela dans 20 ou 25 ans ??? »

Voilà la fleur qui est née dans mon esprit pas plus tard qu’il y a une dizaine de jours. Fleur d'une envie qui était enfouie en moi depuis fort longtemps, sans doute, et qui n'a d'ailleurs pas surpris une seconde les quelques amis à qui je m'en suis ouverte, timidement. Depuis je rêve et je commence à explorer les possibilités de rendre ce rêve réalité.

Je ne sais pas si cette fleur fructifiera. Je ne sais pas si cela se fera ni quand. Peut-être renoncerai-je ? Je m’octroie ce droit, aussi, si je ne trouve pas de solution satisfaisante. Je ne ferai rien à la légère ou sur un coup de tête. Il faut que j’envisage toutes les données nécessaires. Une reconversion professionnelle et personnelle, ce n’est pas rien. Aurai-je le courage de quitter Paris, cette ville que j’aime et j’habite depuis 26 ans, même si je la trouve parfois difficile à vivre ? Aurai-je le courage de quitter mes amis et de recréer un réseau social ailleurs ? Trouverai-je un boulot aussi passionnant que celui qui m’occupe actuellement ? Est-ce envisageable en célibataire (pas envie de me retrouver dépressive au bout de trois mois pour cause de solitude insupportable, faute de compagnon et d'amis; à Paris, je vois du monde...) ? Comment ? Quand ? Où ? Avec qui ? Plein de questions auxquelles je vais me donner le temps de trouver des réponses adéquates et des solutions. Mais le rêve est là. Et il n’est pas si utopique.

En tous cas, c’est certain : Traou a le mal du pays, je vous le dis.

dimanche 29 juin 2008

Boulet

Je suis en colère. Une colère qui ne date pas d’hier, mais se trouve réactivée constamment par les circonstances. J’ai hésité à en faire part ici car j’essaie de me montrer discrète sur ma vie professionnelle. Et comment la dire sans trop en dire…

Je travaille depuis 4 ans (mon record personnel de longévité dans une même boite) avec bonheur dans une société dont l’activité me passionne, qui m’a permis de m’épanouir professionnellement comme jamais auparavant, avec un Boss en or et une petite équipe sympathique. Sauf que…

Sauf que dans cette petite équipe efficace, bosseuse et passionnée, nous trainons un boulet… Un inutile qui me met perpétuellement en fureur mais dont nous ne pouvons nous débarrasser car il bénéficie de « protections » contre lesquelles il pourrait nous être préjudiciable de nous élever.

Au début, je ne me suis pas bien rendue compte de la situation. J’ai été une des premières arrivée dans l’équipe mais Boulet était déjà là. Je n’ai su qu’après qu’il avait été imposé à Boss et lui avait été remis avec la direction de la boite, sans discussion possible « Au fait, Monsieur Boulet va travailler avec vous, à tel poste et tel salaire. Point. »

Au début, Boulet a peut-être même été utile, je l’avoue. Le fait de bien connaître les actionnaires de la boite qui l’avaient placé là nous a facilité les relations avec eux pendant la mise en place de l’activité, je ne le nie pas. Ensuite, je me suis un peu étonnée qu’il connaisse si mal le secteur dans lequel il était amené à travailler, et j’ai dû le former sur de nombreux points pour qu’il puisse être au moins au courant des préoccupations des professionnels avec lesquels nous travaillons. Puis nous avons recruté une jeune femme brillante et fraichement diplômée qui est devenu son assistante, et là les choses ont commencé à se révéler.

D’abord Boulet a une autre activité et donne beaucoup d’importance à celle-ci. Il prétend que cette activité parallèle est fort utile à notre boite et c’est donc l’excuse qu’il a trouvé pour lui donner la priorité et s’y consacrer la majeure partie du temps, sans s’en cacher ou fort peu, profitant de l’infrastructure de la boite pour cela, et à nos frais… Combien de fois l’un d’entre nous s’est agacé de devoir attendre à la photocopieuse que Boulet ait fini de sortir les douze exemplaires d’un dossier volumineux consacré à son activité n° 2…

Pendant ce temps-là, c’est son « assistante » qui assure 95% du boulot, la plupart du temps, lors de nos réunions d’équipe, il a à peine l’air au courant des dossiers qu’ils sont censés traiter tous les deux. En revanche, les 5% qu’il assure (je suis peut-être même généreuse sur ce pourcentage), il nous en fait tout un tintouin, théatralisant ses compte-rendus au conseil d’administration avec force « Moi, je… », « Grâce à mon intervention… », etc… Boulet est un as pour se faire mousser.

Mais Boulet est aussi une feignasse. Il arrive fréquemment après tout le monde le matin, ou ne vient carrément pas car le pauvre chéri a fait une insomnie, alors il rattrape son sommeil (véridique)… Il ne vient pas au bureau pour un mal de tête ou un rhume (il envoie alors des mails d’anthologie où il explique sans rire à quel point il est à l’article de la mort, Boulet est hypocondriaque). Et quand il ne s’occupe pas de son activité n°2, il lui arrive aussi de passer des journées entières sur Fesse Bouc (il est accro), voire à mater des photos de cul sur son ordinateur.

Il y a des périodes, quand son activité n° 2 connaît des périodes plus intenses, où nous le voyons à peine. Il nous est même arrivé d’en rire, peut-être pour oublier notre exaspération :

- Ah, mais au fait, il est où Boulet ?
- Qui ça ?
- Ben, Boulet, tu sais bien..
- Non, je ne vois pas…
- Mais si, le gars qui vient de temps en temps dans le bureau du fond, qui parle fort !
- Ah oui, je crois me souvenir, mais il fait quoi ici, ce gars ?
- Ah, je sais pas, je crois qu’il nous sous-loue un bureau, non ?

Et ainsi de suite... les jours où nous sommes de bonne humeur, au moins.

Les jours où je suis de très mauvaise humeur, c’est chaque fin de mois, quand notre comptable me transmet les salaires pour que je les valide : Boulet gagne beaucoup plus que tout le monde, et notamment beaucoup plus que moi (nous avons quasiment le même âge, j’ai beaucoup plus d’expérience professionnelle que lui et mes fonctions dans la maison sont plus essentielles à la bonne marche de l’entreprise mais mon salaire est égal à 2/3 du sien… je ne bénéficie d’aucune protection, moi…). Malgré cela, Boulet se plaint perpétuellement d’être sans le sou (il est rémunéré également pour son activité n°2), et accessoirement déclare régulièrement regretter que nos bureaux ne soient plus sur les Champs parce que c’était quand même plus pratique pour lui d’être proche de l’avenue Montaigne pour faire son shopping fringues…

Alors, voilà, depuis quelques temps, je rue dans les brancards. J’ai d’abord fait en sorte que son assistante obtienne une augmentation substantielle de salaire et une prime conséquente en fin d’année dernière (alors que lui-même ne doit même pas savoir combien elle est payée et s’en fout royalement, pas de danger qu’il réclame pour elle la moindre gratification alors qu’elle se tape tout le boulot). J’ai déjà fait quelques remarques bien senties à Boulet qui change un peu de trottoir quand il me voit et m’évite autant qu’il peut (Boulet n’est pas un courageux). Et je fais le siège du bureau de Boss pour lui demander d’intervenir, dans les limites du possible, mais quand même. Boss acquiesce toujours à mes doléances d’un air navré mais a peur d’affronter la « tutelle » qui est la nôtre et redoute les conséquences d’un remontage de bretelles de Boulet.

Il a quand même, récemment, demandé à Boulet de cesser d’exercer sa deuxième activité au sein de nos locaux, celle-ci prenant de plus en plus d'importance, arguant de la mauvaise influence que ceci avait sur l’humeur de l’ensemble de l’équipe, et a proposé à Boulet de travailler 4 jours sur 5 pour consacrer une journée par semaine à son autre activité, salaire au pro-rata. Boulet a poussé des cris de putois et a refusé (baisser son salaire ! Et son shopping avenue Montaigne, vous n’y pensez pas !). La négo est redescendue jusqu'à ce qu'il prenne des 1/2 journées le vendredi après-midi sur ses RTT... Il refuse également. La chose est remontée jusqu’à nos actionnaires. Boss m’a demandé de participer à une réunion sur le sujet auprès d’un représentant de ceux-ci, pour exprimer mes doléances au nom de l’équipe sur cette situation. Je me suis entendue répondre d'un air embarrassé qu’on n’ignorait pas le problème, qu’on comprenait fort bien que cette situation soit préjudiciable à la bonne marche de la société et à l’humeur de l’équipe, et qu’en conséquence on allait demander à Boulet de se montrer discret sur ses activités parallèles…

Discret. C’est tout. Je suis en colère.

dimanche 22 juin 2008

1er dimanche de l'été

Je meurs de ce soleil dont la chaleur nouvelle ne me procure que peu de plaisir mais l'envie croissante de la morsure de l'eau salée sur ma peau.

Ce jour est étrange, coloré d'espoirs et de projets, enfouis sous ma paresse, mon sourire silencieux, l'envie d'amis chers autour de moi. D'un jardin ombré.

Scolaire je reste. L'année presque finie me rend incapable d'envisager ma vie bizarre sous un autre jour avant la rentrée. J'aviserai en septembre de ce qu'il convient d'en faire. En attendant, je mange, je bois, je ris et je m'étonne des mots que j'écris qui semblent ne rien faire d'autre que me fuir de toutes leurs petites jambes déliées, pressées.

Je me retrouve parfois au coin d'un couloir de métro, adossée au carrelage blanc, entre une affiche et une poubelle argent, à griffonner des lettres vite assemblées dont je perds le fil si elles se bousculent par trop dans ma tête envahie.

Je garde pour moi ces bribes de phrases grotesquement assemblées parfois, musicales les jours de chance. Je m'endors dessus comme Harpagon sur son or. Sauf que j'ignore si mes louis ne sont pas tous faux et mous. On verra.

J'échoue parfois à une terrasse bruyante, dans l'urgence de poser mon petit carnet noir pour le noircir plus encore. Je sursaute, surprise et étonnée que l'on vienne me parler, déranger mon stylo fébrile. Je commande la première chose qui me vient à l'esprit, juste entendu à la table voisine, un panaché, moi qui ne bois jamais ça. C'est bon, sucré et frais.

Je relis parfois ces petits textes urgents avec amusement, curiosité, surprise parfois que ces mots-là aient traversé ma tête, couru le long de mon bras, alimenté ma main et l'encre de mon stylo orange. Mes yeux ne les reconnaissent pas, mon coeur un peu.

Je finis par fuir moi aussi la fumée des cigarettes qui me dérange autant qu'elle me fait envie.

samedi 14 juin 2008

Une feuille au vent

Je suis une feuille volant au gré d'un vent malin
Malin léger, malin coquin
Je volette joyeusement sans plus me soucier du lendemain
Il souffle sur moi comme un zéphyr serein

Et puis certains jours il devient le Malin
Quand il se fait fétide, puant de chagrin
Ou juste mistral amer, relent mesquin

vendredi 6 juin 2008

Mais je l'ai trouvée très bien, moi, Joyce DiDonato !

J'explique : lundi dernier, j'étais à l'Opéra Bastille avec quelques comparses "prosélytes lyriques" pour assister à une représentation de l'opéra de Bellini (Bladsurb, cesse de rire) "Les Montaigus et les Capulets" (ou l'inverse, peu importe), une version très rouge (dans le décor) de Roméo et Juliette.

Pour résumer grossièrement pour ceux qui arriveraient de Mars et n'auraient jamais entendu parler des deux tourtereaux susnommés : Juliette (Capulet) aime Roméo (Montaigu), lequel a malencontreusement tué son frère (Oups, ça la fiche mal vis à vis de la belle-famille), mais elle l'aime quand même, va comprendre. Les deux familles et leurs partisans sont à feu et à sang, ça barde, ça s'entretue, Juliette est promise à un autre (je ne sais plus ni le nom du personnage, ni celui de l'interprète et j'ai la flemme de chercher, mais je l'ai particulièrement bien aimé, le promis). Pour finir (je résume, je vous dis) Juliette fait croire qu'elle est morte, on oublie de prévenir Roméo qui s'empoisonne de désespoir, Juliette se réveille en disant non mais en vrai j'étais pas morte, ce con de Lorenzo a oublié de te prévenir (m'est avis qu'il est viré, lui), et elle se fait hara-kiri avec le poignard de son Roméo, vu qu'il est trop tard pour l'antidote.

J'ai pas l'air comme ça, mais c'est sans doute l'opéra que j'ai préféré de tous ceux que j'ai vu avec les prosélytes. Contrairement à Gilda, j'ai aimé le décor rouge et austère; contrairement à Kozlika (que je soupçonne d'être arrivée avec un vague a-priori, ainsi qu'une ravissante tenue indienne par ailleurs), j'ai bien aimé la prestation de la soprano Anna Netrebko, sauf qu'il était difficile de croire qu'elle pouvait être une frêle Juliette de 15 ans, vu qu'elle était très visiblement enceinte... Et j'ai particulièrement apprécié (contrairement à ce qu'en pensent certain(e)s et beaucoup plus que sa Juliette, d'ailleurs) la prestation de la mezzo-soprano Joyce DiDonato qui jouait le rôle de Roméo (c'est une tradition semble-t-il dans cet opéra, que Roméo soit joué par une femme, le mélange des deux voix féminines dans les duos étant particulièrement émouvant et pouvant par ailleurs suggérer mieux encore l'amour adolescent de Roméo et Juliette).

Là où je suis d'accord avec ma camarade Gilda, c'est que j'ai trouvé les scènes d'amour entre les deux interprètes des jeunes amants particulièrement tièdes dans leur expression, d'abord parce que Juliette était physiquement bien plus imposante que son Roméo, bébé à venir oblige (et même sans, je pense qu'elle doit lui rendre une tête et quelques kilos), d'autre part parce qu'on avait l'impression que les deux femmes hésitaient à en faire trop dans l'effusion (des fois qu'on aurait pu se méprendre sur leur réelle orientation sexuelle). Enfin, j'avoue que l'agonie interminable des deux amants-femmes, autour du bidon nettement voyant de la Juliette quand elle est sous son linceul, m'a un peu donné envie de rigoler.

Mais j'ai bien aimé, je vous dis !

PS : Pour le blougfight et les avis des uns et des autres, pas le temps de faire les liens, je suis au bureau, ils sont tous chez Kozlika

vendredi 30 mai 2008

Bulle de doute

Vous avez construit autour de vous une bulle de doute, a dit Toubib, et dans une bulle comme celle-là, personne ne peut entrer…

Je ne vous ai jamais parlé de Toubib. Parce que je ne le revoyais plus depuis plus de deux ans. Et parce qu’il fait partie de ces gens étranges et essentiels qu’il m’est arrivé de croiser avec bonheur dans ma vie, mais qui ne font pas appel à la pure rationalité dans leur appréhension du monde et des hommes. Et risquent donc d’être incompris par certains.

Je n’ai jamais fréquenté de médecin vraiment traditionnel. En tous cas plus depuis l’adolescence et le vieux médecin de famille qui m’avait connue au berceau et comptabilisait sans faillir et avec bonhommie mes vaccins, rougeole, oreillons, varicelle et tutti quanti. Et un vague refroidissement de loin en loin. J’ai la chance d’être de nature robuste.

Quand les choses ont un peu dérapé dans ma vie et que quelques chagrins m’ont mise à terre, j’ai été amenée à fréquenter des médecins qui envisageaient leurs patients autrement que comme des amas organiques à remettre en état de marche. Plutôt comme des ensembles corps-esprit, voire corps et âme, dont il convenait de rétablir l’équilibre subtil de façon harmonieuse, c'est-à-dire sans privilégier la marche du corps en tout premier lieu, ce que font le plus souvent les médecins dit traditionnels. Même si ceux-là peuvent aussi, à condition d’être dotés d’un minimum de bon sens, considérer que le corps peut ne pas fonctionner de façon optimale quand la tête ne va pas.

Dans la catégorie des médecins prenant en compte l’âme, j’en ai connu un pendant plusieurs années qu’un de mes amis appelait avec un amusement mêlé d’un rien de mépris « ton mage », car il employait des méthodes quelque peu singulières (genre baguette de sourcier et magnétisme, ce serait trop long et complexe à vous raconter), mais qui m’a bien aidée pendant une période, même s’il m’intimidait et me disait parfois des choses parfaitement obscures qui me laissaient perplexe… Il exerçait dans un vaste bureau au décor improbable dans lequel régnait un capharnaüm innommable et sympathique, même si j’avais parfois peur de me prendre une pile de livres sur la tête quand j’attendais dans sa salle d’attente biscornue et encombrée. Il est celui qui m’a fait connaître mon premier atelier d’écriture, car il croyait à l’expression artistique comme thérapie de tout premier ordre et envoyait régulièrement des patients parfois interloqués faire de la danse ou de la peinture.

C’est au moment de la mort de Choul qu’une amie m’a parlé de Toubib. Et durant trois années de visites régulières, je crois bien que c’est lui qui a grandement contribué à me sortir du trou.

Toubib est médecin généraliste mais pratique « l’étiomédecine », c'est-à-dire la médecine qui s’intéresse à la cause d’un mal plutôt qu’à ses effets. C’est parfois frustrant car Toubib a souvent l’air de s’en battre l’œil des symptômes dont on lui fait part et qui peuvent être gênants. Il ne prescrit rien pour les soulager ou fort rarement, il cherche d’où ils viennent. Et il trouve.

Toubib a un œil infaillible et incroyablement bienveillant pour détecter et comprendre les blessures de l’âme qui abiment le corps, qui abiment la vie, la rendent parfois insupportable. Il est sans concession, mais fait preuve d’infiniment de compassion, et de pas mal d’humour aussi, quand le contexte le permet.

Je me souviens lui avoir parlé un jour de maux de gorge à répétition qui m’ennuyaient généralement tout au long de l’hiver. C’était la fin de la consultation et il griffonnait des hiéroglyphes incompréhensibles aux simples mortels (il est bien toubib, il a une écriture insensée) sur les petites fiches me concernant. Il a à peine levé la tête, m’a jeté un œil vaguement amusé, et a déclaré « Ah oui, vous avez sans doute un problème avec le pardon… ». C’était le tout début de notre « collaboration » et je ne connaissais pas encore l’animal. J’en étais restée comme deux ronds de flan. Voyant ma surprise, il me dit « Oui, vous savez, les expressions populaires ont souvent du vrai : on a quelque chose en travers de la gorge. » Je balbutiai un je ne sais quoi, parce que je voyais parfaitement ce qu’il voulait dire : il se trouve que je peux être particulièrement rancunière, éprouve souvent une peine infinie à pardonner, et qu’à l’époque, ce devait être le cas envers une ou deux personnes essentielles… Il m’a beaucoup fait avancer sur ce sujet, ce jour-là et par la suite, là où un médecin plus traditionnel m’aurait peut-être juste collé quelques antibios ou des pastilles. J’ai beaucoup moins mal à la gorge, merci.

C’est ainsi, en décryptant les maux, et en traitant aussi directement ceux de l’âme affirmés – pour moi à cette époque, un deuil intolérable à traverser – qu’il arrive à nous remettre comme il dit « sur les rails de la vie », après des périodes de sortie de route plus ou moins sévères. Je lui dois beaucoup.

Je suis retournée le voir ces dernières semaines car je ressentais depuis quelques mois un profond besoin de son aide pour quelques colères violentes et destructrices que je n’arrivais plus à contrôler, pour qu’il m’aide aussi à comprendre et supporter mieux peut-être cette solitude qui m’affecte parfois de façon insupportable.

Il a dit « Vous avez construit une bulle de doute autour de vous, et dans cette bulle, il est impossible d’entrer ». Le doute, c’est celui que je nourris vis-à-vis de moi-même et qui ne fait que s’amplifier au fil de mon temps solitaire : « Mais enfin, qu’est-ce que j’ai qui cloche pour ne pas parvenir à rencontrer quelqu’un ? ». Cette remise en cause, qui se fait de plus en plus présente et douloureuse à mesure que le temps passe ne sert à rien d’autre qu’à empêcher l’autre de s’approcher de moi, car elle se voit, elle se sent, elle éloigne… Voilà, c’est à peu près ce que j’ai compris et ce que je peux résumer de notre conversation. Je lui dis « Alors, qu’est-ce que je fais maintenant, vous me donnez une pilule briseuse de bulle ? ». Il se marre et me dit que d’en être consciente et de lutter contre ces interrogations stériles sur le pourquoi du comment je suis seule (ou presque, les « aventurettes » de 3 jours, 3 semaines ou 3 mois comptent pour peu de chose), peuvent suffire à retrouver le chemin de celui qui m’attend sans aucun doute quelque part ou bien à qui il faut juste laisser le temps d’arriver de là où il se trouve. Il dit « Si celui qui est fait pour vous est à Hong Kong, ça risque d’être un peu plus long, c’est sûr ». Euh Hong-Kong, franchement, ça ne m’arrange pas bien… Et Toubib se marre encore. J’ai beaucoup pleuré dans son bureau, mais on y a aussi souvent ri ensemble, c’est important.

J’ai trouvé avec Toubib l’interlocuteur parfait, d’une humanité rare, pour m’aider à guérir mes maux, en les identifiant et les affrontant en toute conscience, la seule thérapie qui me convient. Pas toujours évident à traverser, c’est souvent cahotique, et douloureux de remise en question, mais au final j’en sors toujours convaincue, apaisée, plus forte.

Reste plus qu’à coincer la bulle…

mercredi 21 mai 2008

"Cââânnes" express

Retour ce matin, mal réveillée d'une courte nuit : une "fête" dans une villa jolie, un peu trop champagnisée (parce que les fêtes c'est pas mon truc, je m'y sens extrêmement mal à l'aise, il faut bien que je me donne une contenance...). Les pieds quasi-nus dans l'herbe mouillée d'une pluie de début de soirée : C'est chaque fois la même chose, je rentre de cette côte dite d'azur avec un mal de gorge carabiné. Vive la Bretagne !

Sinon, pas vu grand chose en deux jours et demi. Je retiendrai pour cette cuvée (non je ne parle pas QUE de champagne !) :

  • Comme d'habitude, une flopée de filles "mutantes", longues comme des jours sans pain, ravissantes pour certaines, voire d'une beauté irréelle, drapées dans des robes improbables, scintillantes ou savamment déchiquetées, fendues tout en haut de jambes interminables, décolletées jusqu'au bas de reins étroits, chaloupant sur des aiguilles chiquissimes, parlant avec des accents inconnus, des gestes gracieux et des battements de cils infinis sur leurs yeux en amande aux couleurs aquatiques ou mordorées. Des mutantes, je vous dis. A côté de certaines, je me fais l'effet d'une porcelette boueuse, grasse et pataude, en train de se goberger goulûment dans son auge. J'adore Cannes, vraiment. C'est bon pour l'ego.
  • Joaquin Phoenix mérite le prix d'interprétation pour son rôle d'amoureux passionné, désespéré, déchu, résigné, du très beau film de James Gray "Two lovers".
  • Gwyneth Paltrow est adorable et brille dans le même film, dans un tout autre registre que son rôle de Pepper Potts, gouvernante rigolote et amoureuse d'"Iron Man" dans lequel je venais de la voir.
  • L'année dernière, j'avais été choquée de la promotion flamboyante de l'église de scientologie. Cette année c'est Raël... On prend vraiment les arpenteurs de la Croisette pour des gogos influençables.
  • On crapahute toujours autant (mais je suis devenue experte en "chaussures spéciales Croisette")
  • Il y a des gens bourrés de talent et de passion brûlante. Et des cons, aussi.
  • Pas de photos, j'ai perdu mon appareil photo dans la villa d'hier soir. On vient de m'appeler : ils l'ont retrouvé. Youpi !
  • Pas fachée d'être de retour à Paris, je vous le dis.
  • Oui c'est tout.

lundi 19 mai 2008

Cadeau

Samedi soir, je sortais de chez mon amie Mili, qui exposait encore quelques tableaux émouvants à l'occasion des journées portes ouvertes des ateliers de Belleville. Je profitai d'une accalmie brutale et ensoleillée entre deux accès d'orage pour me glisser dans la rue, essayant d'éviter de glisser dans la gadoue toute fraiche avec mes sandalettes incongrues. Les yeux rivés sur mes pieds, je ne l'ai pas vu tout de suite. En levant le nez vers le soleil bienvenu, tout à coup il était là. Bien fiché quelque part derrière le square de Belleville, il s'élevait en splendeur colorée. Cadeau.

arce en ciel

Pendant quelques minutes rares, la rue a vécu en communion avec cette beauté, les gens s'interpellaient, se montraient les uns aux autres la merveille de soleil et de pluie, souriaient de ce partage, de ce paysage renouvelé. On faisait descendre les petites vieilles cachées derrière leurs fenêtre, juste pour voir, venez voir ! Les gens sortaient des cafés, leurs demis à la main, alertés par le bruissement soudain si vivant de la rue grise devenue lumière. Les plus petits riaient et regardaient étonnés les adultes qui d'un seul coup se mettaient à leur ressembler. J'ai pris par les épaules le petit monsieur sourd et toujours emmitouflé qui descendait la rue dans le mauvais sens et ignorait l'arc-en-ciel tout neuf. Il a eu un peu peur sûrement quand je l'ai fait pivoter, puis il m'a remercié, est resté bouche-bée quelques instants avant de reprendre son chemin tremblotant. A la porte de mon immeuble, j'ai vu sur le visage d'un voisin revêche un sourire d'enfant. Il a répondu à mon bonjour pour la première fois depuis 5 ans. A dit quelque chose d'incompréhensible dont je n'ai capté que le mot "beau".

Je suis rentrée chez moi le coeur léger, réconciliée en cet instant avec tout le reste de la vie.

arc en ciel

PS : Oui je suis bien à Cannes, mais rien d'intéressant à dire pour le moment. Je n'ai vu ni Steven, ni Harrison, je boude. Ce soir, je monte les marches pour le film de James Gray "Two lovers", je suis contente de le voir.

dimanche 11 mai 2008

Télégramme

Connexion intermittente. Excuse pour ne pas bloguer ? Un Paris-Carnet chaleureux l’autre soir me donne pourtant envie de faire encore partie des blogueurs actifs. J’ai des billets dans la tête, au bout des doigts. Il ne me reste plus qu’à.

Résiliation expédiée chez Noos. Bien fait. Je vais me débrouiller.

Envie de mots dans des cafés, écrits dans le bruit des demis à la pression, du bruissement des terrasses, d’éclats de voix ou de rires, à regarder passer les passants, se faire gentiment draguer par un serveur taquin, discuter avec des inconnus de comptoir, qu’on reverra ou pas.

Festival de Connes (copyright Chondre) dans quelques jours. Passage éclair, le temps de voir une mer qui n’est pas la mienne, croiser des milliers de regards, serrer des mains nouvelles, échanger des cartes vite oubliées, embrasser des inconnus qui ont l’air de se souvenir de moi et moi pas (et vice-versa). J’espère voir Indiana.

Arrêter de subir la solitude. Réapprendre à l’apprivoiser comme j’ai su le faire il y a des siècles, m’en servir, profiter de cette liberté en ne la voyant que légère et l’oubliant pesante. Oser aller seule au spectacle (j’ai fait bien rire quelques comparses blogueurs, habitués à prendre des places de théâtre à l’unité, à leur conter cette audace nouvelle pour moi). Ne plus attendre stérilement l’imaginaire « lui » qui la comblerait. Accepter la séduction de passage, après tout des bras éphémères autour de moi c’est mieux que pas de bras du tout. Et je m’octroie le droit de changer d’avis sur ce sujet dans 3 mois, ou 3 semaines, ou 3 jours, ou à peine cette phrase écrite. Mais pour l’instant ils sont drôlement bienvenus et confortables ces bras-là, même s’ils ne se conjuguent qu’au présent de l’indicatif, pas du tout au futur, même pas au conditionnel. C’est bon de rire le dimanche matin en partageant son café. C’est aussi simple que ça. Parfois.

Je suis d’humeur, en ce jour, à n’accepter que ce qu’il veut bien offrir et m’en réjouir. Profitons-en tant que cette humeur dure. J’ai appris à composer avec ma propre versatilité, revendiquée, au gré de mes époques troublées.

L’envie de l’Inde revient déjà. Projets de parcours nouveaux ou connus (Bénarès, bien sûr). J’ai commencé à apprendre l’hindi, un peu. Mais je manque de temps pour toutes choses, futiles ou importantes. Je picore. Un peu de boulot par-ci, un peu d’écriture par-là. Un peu de rêve saupoudré dans la réalité. C’est ma vie qui volette comme les papillons qui la jalonnent, que j’ai choisis comme emblèmes, éphémères, colorés, beaux et pas si inutiles, sûrement.

lundi 14 avril 2008

Noos c'est nase, qu'on se le dise !!!

Je sais, c'est un marronnier, mais il faut bien que je passe ma colère. J'ai déjà eu moult ennuis avec Noos qui s'intitule désormais Numéricable, mais ça ne change rien à la nullité des prestations de cette maison et au "service" client déplorable.

Premier agacement : j'ai reçu il y a quelques semaines une nouvelle carte à insérer dans mon décodeur TV pour "mieux recevoir mes chaînes". Depuis, ça pixellise à mort, l'image se fige, il est impossible de suivre un film sans avoir mal au crâne au bout d'une demi-heure et de sérieux problèmes de compréhension de l'intrigue puisqu'on est obligé de la suivre principalement avec le son...

Je me décide à appeler l'autre soir. Une voix mâle m'indique mon numéro de client et le numéro de téléphone spécial que je dois appeler pour tout ce qui a trait à cette nouvelle carte télé. J'appelle mais le répondeur automatique ne reconnait pas le numéro client que l'on vient de me donner et me raccroche au nez. Ah bon.

Je rappelle donc le numéro de téléphone classique, où l'on me met en attente en me précisant toutes les 30 secondes que celle-ci sera inférieure à 10 minutes. Au bout de 35 minutes, je jette l'éponge...

Dernier avatar en date : depuis hier, je n'ai plus ni télévision, ni internet, ni téléphone. Tout s'est interrompu d'un coup. Les modems clignotent, le numéro de la chaîne s'affiche sur le décodeur mais rien, écran noir, silence radio, niet, nada...

J'ai donc appelé ce matin, du bureau puisque je n'ai plus de téléphone chez moi (et qu'à 0,34 € la minute, de mon portable professionnel, ça la fout mal).

Dialogue de sourds, en boucle :

L'opératrice Numéricable : Ah mais Madame, il faut que vous appeliez de chez vous pour que nous fassions des tests.

Moi : Vous ne semblez pas bien comprendre : mon téléphone Numéricable ne marche plus.

L'opératrice Numéricable (récitant sa leçon, imperturbable) : Je vous invite donc à rappeler notre service téléphonie de votre domicile pour que nous fassions des tests.

Moi (de plus en plus énervée) : Et avec quel téléphone voulez-vous que j'appelle puisqu'il ne marche plus ?!!!

Refus catégorique de la donzelle d'envoyer un technicien sans ces foutus tests. Résultats des courses, mon employeur va être achtement ravi de payer la facture d'attente de ces connards incapables.

Le pire, c'est que la dernière fois que j'ai passé des semaines à tempêter au téléphone auprès de cet opérateur nase (quelques mois sans e-mail, une paille, sans réponse à aucun courrier recommandé ni aucun dédommagement...), j'avais cherché à changer de crémerie, et que c'est encore plus compliqué, et je ne suis pas sûre que les services soient meilleurs ailleurs...

Si quelqu'un connaît un responsable de cette maison, que je lui passe le savon qu'il mérite...

édit de 13h50 : Suis repassée chez moi à l'heure du déjeuner pour téléphoner en direct. Le seul "test" qu'on m'a fait faire, c'est de vérifier que les voyants étaient bien allumés (des fois que j'aurais eu l'électricité coupée et que je ne m'en serais pas aperçue, prenez-moi pour une imbécile...). On m'a ensuite conseillée de passer à la boutique (prévoir d'y être à 7h00 du mat' pour l'ouverture à 9h00, dans l'espoir d'être servie avant le dîner = minimum 1/2 journée de congé foutue en l'air) pour changer mon modem internet (le jeune homme que j'ai au téléphone ne s'occupe pas de la télé et propose de me passer le service concerné). Je réclame un technicien, on me répond qu'il n'y a plus de "quota" disponible (???). Je tempête. On doit, paraît-il, me rappeler sous 24h00.

Sauf qu'ils sont suffisamment cons pour me rappeler... sur mon poste fixe qu'ils sont censés réparer. J'ai l'habitude : quand mon adresse e-mail est restée en carafe, le service technique continuait à m'envoyer des mails, des fois que ça l'aurait incitée à remarcher toute seule... (je les ai tous trouvés en vrac, plusieurs mois après, quand ça s'est décidé à fonctionner à nouveau...)

lundi 31 mars 2008

Liste de courses

A acheter d'urgence, aux Galeries Farfouillette, rayon Charouk :

  • un accessoire qui fait que le fauve il miaule pas à 5 heures du matin
  • une lotion capillaro-féline pour que l’affreux jojo cesse de semer des poils partout et surtout des noirs sur mes pulls blancs et des blancs sur mes pulls noirs
  • des gélules anti-caprice qui l’empêchent de prendre un air dégouté des frites devant la sublime pâtée saumon-crevettes de chez Félix qu’il adorait la veille
  • un gratouilleur à chats automatique pour qu’il arrête de me poursuivre même aux toilettes pour que je le caresse (avec miaulement de protestation quand je fais une pause pasque je suis un peu occupée là maintenant excuse-moi mais je fais pipi, merde à la fin !)
  • une potion magique qui rend le chat invisible quand il a décidé de camper devant l’écran de télé ou d’ordinateur (et qu’il regarde d’un air attentif, mais vaguement méprisant, ce que je suis en train d’écrire)
  • un marqueur de place pour que je défende mon pauvre bout de couette la nuit

A part ça, je l’adore positivement, cette bestiole (juste les jours d'aube bruyante, je le jetterais par la fenêtre... si quelqu'un connait un silencieux à chat...). Et puis il faut que je m’estime heureuse qu’il veuille bien que j’habite (un peu) chez lui…

Charouk

lundi 24 mars 2008

Anna, encore

Dans le TGV. Retour Paris. En allant chercher une bouteille d’eau voiture 14, j’ai aperçu déjà deux fois « La Consolante » dans les mains de voyageuses. Elle est en route cette mystérieuse « consolante » dont je ne sais ce qu’elle est.

Moi je ne l’ai pas achetée. Pas encore. J’attends un peu. Quoi ? Je ne sais pas. De l’apporter à son auteur pour qu’elle y mette quelques mots. Sans faire la queue des heures pour cela. C’est possible ?

L’autre dimanche au Salon du Livre, une file d’attente serpentait sur des mètres et des mètres devant le stand du Dilettante. Quelques minutes avant l’évacuation qui a duré deux heures. Est-ce que ces gens ont attendu dehors interminablement sous la pluie pour reprendre une autre interminable attente ensuite ? Devant la jeune femme blonde si jolie au regard doux, appliquée à mettre quelques mots pour chacun sur l’énorme bouquin. Fait-elle toujours des dessins ? En a-t-elle encore le temps ? Je me souviens de la dédicace de « Ensemble, c’est tout » un jour dans un grand magasin parisien, au tout début de la sortie du livre, avant la déferlante du succès. Elle, son chien sur les genoux et ses crayons de couleur, délicate et attentive à chacun.

Dimanche dernier, j’étais non loin d’une porte au moment de l’alerte et je me suis sauvée. J’y aurais passé quelques 20 minutes dans ce fichu Salon, moins de temps que je n’ai attendu dehors pour passer le contrôle et arriver aux caisses… J’y venais pour une dédicace aussi, mais pas la sienne, celle d’un auteur ami à qui il m’arrive parfois d’offrir ses propres livres.

Anna Gavalda, je l’ai entendu l’autre matin sur Inter. Elle a éclairé ma journée de quelques mots. Elle dit être plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral. Peut-être. Mais dans ces quelques phrases maladroites (pas tant que ça), il y avait un trésor, alors…

La journaliste faisait remarquer que le héros de son nouveau livre était « amoché par la vie ». Et Anna, de sa douce voix a dit « Mais c’est bien d’être amoché… ».

Je ne saurais retranscrire ses exacts propos et j’espère ne pas trop les déformer, mais je me souviens qu’elle disait que la vie n’est pas facile, qu’on est TOUS amochés, et que c’est tant mieux. Parce que c’est comme ça qu’on avance, comme ça qu’on ressent, comme ça qu’on est vivant.

Et moi, j’ai arrêté de me brosser les dents, la bouche pleine de dentifrice, pour l’écouter et je me suis dit « chapeau ». Est-ce que ce n’est pas incroyable d’entendre de tels propos comme ça le matin, à la radio, où l’on a plutôt l’habitude d’avoir des micros tendus vers des plaintes…

Bien sûr, certains objecteront qu’il est plus facile de dire « tant mieux » quand on a une vie « facile » (mais quelle vie est facile ?) et tant de succès, et l’on sait trop bien qu’il en est plein pour qui le quotidien est rempli d’insoutenable. Mais cette conscience-là que les difficultés sont inhérentes à la vie et qu’elles lui sont nécessaires, c’est incroyable de l’entendre exprimer de cette façon si simple, si évidente. Alors merci pour ça. Et tiens, parce que je sais qu'elle l'aime aussi, un peu de Sempé, pour faire du bien à ceux pour qui c’est difficile en ce moment.

Sempé

lundi 17 mars 2008

Métro

Qu’elle est jolie cette très jeune fille au teint de porcelaine en face de moi. Sage ou qui en a l’air. Elle lit avec attention – et un rien d’ostentation – un livre signé Berlioz, intitulé « Chef d’orchestre ». Oui, on le remarque, ce livre. Elle ne lève pas ses cils courbes mais sait qu’on la regarde, sûrement, moi ou quelqu’un d’autre dans ce wagon bruyant. Aime-t-elle être regardée ?

Autour de moi, beaucoup arborent des casques imposants, ou bien d’autres plus discrets, juste deux petits serpents fichés dans le creux de l’oreille. Et pourtant, il est silencieux ce métro du matin. Personne ne parle. Et tant de musiques rassemblées en ce même lieu. Quelle cacophonie si chacun faisait entendre tout haut la sienne d’un coup. Qu’y aurait-il à entendre ? J’essaie d’imaginer parfois derrière les visages impassibles, les corps immobiles, quels rythmes, quelles voix se cachent. C’est peut-être incongru, pas du tout à l’image de celui qui écoute, yeux clos parfois. Ce cadre cravaté, là, peut-être écoute du hard rock, son cartable sage à bout de bras ? Et cette jeune fille à l’air déluré, du Brel ? Lui, là, son casque est tellement mauvais qu’on ne peut rien ignorer de ses chansons : on en perçoit presque les paroles…

Un homme s’assoit à côté de l’élève chef d’orchestre. Agé et douloureux, le menton déformé d’une excroissance spectaculaire. Il y a beaucoup de douceur dans ses yeux. J’y vois le souvenir de moqueries sans fin, l’appréhension de rentrées scolaires cruelles et trop nombreuses, la solitude et le rejet, les amours inavouées parce que sans espoir. Ou peut-être que je me trompe. Peut-être que cet homme au visage terrifiant a connu l’amour et la joie d’une famille ? D’amis innombrables séduits par sa gentillesse ou son humour. Qui sait ?

Je regarde les gens. J’imagine des histoires, les liens qui les unissent, les souvenirs qui les rongent, la raison de leur colère visible, des larmes qui jaillissent parfois, impudiques et belles. Il m’arrive de rire avec eux, ou de cacher mon effarement devant des propos imbéciles ou méchants. Je regarde les enfants blottis ou ceux, frondeurs, qui tournoient autour du pilier argent, au risque de tomber au premier coup de frein. Je regarde les couples paisibles qui échangent un baiser bref, un « à ce soir » muet, parce qu’il descend une station avant elle. J’écoute la voix stridente de celle qui crie dans son portable des banalités sans intérêt ou l’annonce d’un retard certain. J’entrevois la distance d’un couple qui ne se regarde pas, l’amour naissant de deux ados qui parlent trop fort pour cacher leur émoi.

Vingt-cinq ans que je croise presque quotidiennement ces milliers de destins en chemin. Vers un boulot, un ciné, des courses, des amis, une famille, un amant, une solitude. Je chemine à leurs côtés vers mes paradis ou mes démons. Mon quotidien aussi, le pas lourd ou léger selon ma destination, l’émotion du jour. Parfois indifférente, parfois amusée, intéressée le plus souvent. Ils sont passionnants, ces gens du métro, mes frères et sœurs d’un trajet si bref. Nous nous regardons sans nous voir. Pas si sûr. Nous sommes nombreux à observer, imaginer, admirer, rire ou pleurer. Oui j’ai versé des larmes, quelquefois, sur une ligne rose ou jaune, pour un chagrin trop lourd, plus facile à laisser glisser dans l’anonymat d’une rame aux banquettes de skaï. J’ai tendu un jour un mouchoir à une jeune fille triste qui secoua la tête rageusement pour le refuser. Elle voulait se noyer dans ces larmes-là, peut-être.

Je regarde avec tristesse, parfois, les soirs où je ne vais vers personne, ceux qui se disent à tout à l’heure, tu prends le pain ? sur le portable d’après bureau. Ceux qui disent j’arrive je suis à trois stations, qui raccrochent l’air paisible de ceux qui sont attendus. Petit pincement de n’avoir pas, plus, un « à la maison » qui ne serait pas qu’à moi. Mais la plupart du temps je dévore la vie ici concentrée. J’écoute de tout mon corps, je regarde de toute mon âme, tant d’humanité rassemblée, passionnante. Je ne dors jamais dans le métro, à l’affût toujours d’un regard, d’un geste, d’une histoire devinée ou inventée, peu importe. La vie est là, intense vivier.

mercredi 5 mars 2008

Didine

Je regrette de ne pas avoir fait plus tôt connaissance avec Didine. J’aurais pu en parler au moment où elle bénéficiait d’un peu plus de présence dans les salles… Qu’il est dommage qu’on ne laisse pas à de si jolis films la chance de s’installer. Si vous apercevez ce petit nom dans les pages de votre programme cinéma, n’hésitez pas à aller découvrir cette délicieuse personne.

C’est une comédie douce-amère. Un rien mélancolique. J’en suis sortie à la fois heureuse et un peu triste. J’ai mis quelques jours à comprendre pourquoi. Parce que « Didine » parle d’un sujet qui me touche singulièrement : la solitude. Et plus particulièrement de la solitude des femmes.

Didine, c’est Géraldine Pailhas, qui trouve enfin ici un rôle à la mesure de sa grâce. Didine est seule, vit seule, a des amants parfois, qu’elle ne rappelle pas. Comme le dit l’un d’entre eux, amer : de toute façon, qu’elle rappelle ou pas, elle s’en fout. Et elle n’a pas de portable. Elle est bien toute seule Didine, libre dit-elle simplement, sans le proclamer, doucement, en souriant. C’est tout.

Didine

Elle ne se fout pas de tout, non. Elle est réservée sans doute, gentille sans exubérance mais elle est attentive aux gens. A son amie Muriel (Julie Ferrier), femme de caractère, désespérée sexy, qui ne supporte pas la solitude d’après rupture, mais supportera encore moins celle du retour sans conviction de son homme auprès d’elle.

C’est l’attention de Didine à une vieille dame seule qui la fait recruter par une association pour rendre visite à des personnes âgées. Elle travaille seule chez elle, Didine, elle dessine des fleurs, elle a du temps. Et va, maladroite, boire du thé et écouter des souvenirs chez des plus seuls qu’elle.

C’est chez la redoutable Mme Mirepoix (divine Edith Scob, qu’elle est belle, mais qu’elle est belle ! J’ai eu la chance de la croiser l’autre jour à une projection du film d’Assayas « L’Heure d’été » et j’ai pris mon courage à deux mains pour aller la saluer sans oser tout à fait lui dire à quel point je l’admire, et la remercier un peu d’être si merveilleuse). Redoutable Madame Mirepoix, donc, acariâtre et méprisante, mais dotée d’un sublime neveu (Christopher Thompson) qui va susciter – enfin – l’amour chez Didine, bien qu’elle ait commencé leur relation en l’assommant avec une pelle !

J’ai aimé ce joli parcours, drôle et émouvant, de Didine, pas sûre d’elle, troublée, amoureuse, maladroite, La fin d’une solitude en marche, peut-être, entourée de celle des autres, inéluctable. Celle de Madame Mirepoix, si consciente de la marche cruelle du temps, méchante pour cela sans doute, qui se laissera quand même apprivoiser par Didine, celle de Muriel qui dit trop fort ne pouvoir vivre seule, celle de la vieille dame aux peluches pour seule famille… Et parfois des solitudes qui se trouvent, s’embrassent, se réconfortent. L’espoir.

Le film a été co-écrit par le réalisateur, Vincent Dietschy, et Anne Le Ny qui a signé par ailleurs son premier film cette année « Ceux qui restent ». Encore une histoire de solitude(s)… Mention spéciale à tous les comédiens, parfaits et touchants, Géraldine Pailhas – délicieuse Didine – en tête. J’ai aussi découvert Benjamin Biolay en acteur, aussi ébouriffé qu’en chanson. Il est formidable.

Je vous souhaite en tous cas de rencontrer Didine et d’y prendre autant de plaisir que moi.

lundi 3 mars 2008

Des poêles plein la tête... Ah bon ?

Il y a en ce moment sur les murs du métro une pub qui me fait rire et me sidère. C’est une pub pour des poêles à bois, ce qui déjà est étrange pour une campagne en 4x3 (hors de prix) dans le métro. D’habitude, on voit plus volontiers les mannequins de Goude pour les Galeries Farfouillettes ou encore quelques affiches de films (de moins en moins, au prix que ça coûte, peu de distributeurs peuvent encore se payer de telles campagnes pour des sorties de films qui s’avèrent toujours aléatoires).

Donc la maison Invicta, dont j’ai appris à cette occasion qu’elle fabriquait des poêles à bois, fait publicité. Que dis-je la maison Invicta, c’est plutôt son PDG en fait, un dénommé Dupire (enchantée, moi c’est Traou) qui affiche dans toutes les stations RATP de la capitale sa gueule de rocker sur le retour, d’une façon tellement omniprésente qu’on ne peut pas la louper !

Jean-Pierre

Alors, Monsieur Jean-Pierre Dupire, je ne vous connais pas personnellement et vous êtes peut-être un homme charmant, mais permettez-moi de m’étonner : pourquoi diable votre photo sur l’affiche est-elle dix fois plus grande que les produits que vous vendez ?... Je m’interroge. N’y aurait-il pas là de votre part – et loin de moi l’idée d’être désagréable, mais bon - un sacré culte de la personnalité ? Hein ? Un peu ?

Sans blague, ces affiches me rappellent furieusement celles de l’ARC (Association pour la Recherche contre le Cancer) il y a quelques années, où un dénommé Crozemarie (qui sera pris plus tard la main dans la caisse de ladite association, tiens donc) affichait toujours sa bobine la plus grande possible sur les appels de fonds pour cette noble cause (ce qui m’avait toujours paru suspect, d’ailleurs, si on m’avait demandé mon avis, tout ça ne serait peut-être pas arrivé).

Non mais qu’est-ce qui peut faire croire à un gars qu’on va avoir envie d’acheter un poêle à bois sur sa mine à lui ?!!! Ça me dépasse…

Bon, personnellement, les poêles à bois, je m’en fous, j’suis pas cliente, mon chez moi est trop petit. Mais si je voulais en acheter un, très franchement je me foutrais éperdument que le gars qui les vend porte des dreadlocks ou des lunettes noires (comme le dénommé Dupire, il est assez inquiétant, en fait). Et sur les affiches, je préférerais nettement qu’on me mette… des poêles à bois, et seulement des poêles à bois. Mais, bon, je suis sans doute d’une logique trop basique…

Et alors, le Jean-Pierre, il se fend d’un texte, en plus, sur l’affiche. Pas piqué des hannetons dans le genre prétentieux-grandiloquent : « La détermination d’un homme explique l’esprit et l’éthique de son entreprise », ça dit. Ah bon ? Il y a une éthique du poêle à bois ? Je savais pas. J’ai cherché sur le site internet, je n’ai trouvé aucune explication de cette fameuse « éthique », c’est un mystère.

Très franchement, Jean-Pierre, il faut qu’on te le dise : ta bobine, on s’en fout, et ta détermination aussi. Pour acheter un poêle à bois, je crains que tes clients se préoccupent principalement :

1 - qu’il leur plaise esthétiquement
2 - qu’il ne leur coûte pas la peau du cul
3 - qu’il marche

Après, ta coiffure rasta, ta photo en 4X3, ta tenue de rocker has-been, très franchement ça vaut pas tripette et tu aurais dû t’abstenir.

Et là, j’ai un doute : il n’y a eu personne pour te le dire, ça, dans ta boite, et dans ton agence de pub ?... Dis donc, tu serais pas un peu tyran, par hasard ? Y’en a pas un qu’a toussoté, un peu gêné, pour dire « Heu, M’sieur Dupire, sauf vot’ respect, vous ne ressemblez pas précisément à George Clooney et nous on vend pas du café (ça ressemble à rien, le café, alors forcément ils sont obligés de trouver des trucs pour nous mettre l’eau à la bouche), alors peut-être que votre photo en grand sur l’affiche, c’est pas une bonne idée… Pardonnez-moi de m’excuser de vous déranger, sauf vot’ respect, M’sieur Dupire. J’vous demande pardon. Tapez pas, M’sieur Dupire… Allez tiens, faites comme si j’avais rien dit. Oui, je vois bien la porte, M’sieur Dupire, j’vous dérange pas plus longtemps. »

Enfin bon, le pauvre gars, là, désolée de te le dire, mon brave Jean-Pierre, mais il avait raison. D’ailleurs, et pour ne rien te cacher, tu serais même un peu limite, façon repoussoir. Tes poêles à bois, ils font pas envie, comme ça… Tu vois, il y en a, ils auraient mis une jolie fille pour les présenter, les mettre en valeur, attirer l’œil (peut-être même en porte-jarretelles, la fille, il y en a qui ne reculent devant rien pour vendre des poêles à bois).

Invicta, non. Invicta ne mange pas de ce pain-là. Invicta, à la place de la jolie fille nous met son moche PDG à la gueule patibulaire-mais-presque (copyright Coluche). Je voudrais bien connaître la courbe des chiffres de vente après ça...
Remarquez, si ça se trouve je me plante complètement et une foultitude d’usagers de la RATP se sont rués sur les poêles de Jean-Pierre, extasiés par sa mâle arrogance. Vi, p’têtre…

Enfin bon, mon Jean-Pierre, au fond, tu fais bien ce que tu veux, je ne suis pas ta cliente. Ce que j’en dis, moi, c’est pour rendre service.

dimanche 24 février 2008

Sous ma couette

Ce matin, quand je me suis réveillée, Charouk était couché à côté de mon oreiller, sa petite tête triangle posée à côté de la mienne. Il guettait mon souffle, ses yeux verts attendant que j’ouvre les miens. Il m’a gratifiée d’un petit miaulement amical, l’air de dire « Ah, enfin, tu te réveilles, paresseuse ! » (je m’étais quand même levée au radar vers les 7 heures, pour lui donner le petit déjeuner qu’il réclamait, avant de me recoucher illico et de me rendormir aussitôt). Un peu plus tard, alors que je m’étais remise sous la couette, café à portée de main, ordinateur sur les genoux, il est venu se glisser à côté de moi (oui, oui SOUS la couette, lui aussi, il adore), surveillant quand même ma réaction et prêt à battre en retraite au moindre signe de refus de ma part, ce qui est habituellement le cas. Mais j’ai l’intention de changer les draps ce soir, alors j’ai fait celle qui ne voyait pas la discrétion de sioux qu’il déployait pour arriver à ses fins… Et j’ai passé un moment avec ma bouillotte ronronnante qui soulevait de sa respiration endormie les fleurs du drap à mes côtés… Plaisir du dimanche avec un compagnon pattes de velours… Je ne connaissais pas. J’apprécie.

Cela m’a fait penser néanmoins que cela fait un sacré bail que je n’ai pas savouré les joies d’un petit déjeuner dominical amoureux (je veux dire avec un compagnon à deux pattes et sans oreilles en pointes avec un tatouage à l’intérieur, du type hominidé, vous voyez ce que je veux dire).

Et aussi vachement longtemps que je n’ai pas dormi avec quelqu’un. (Soupir)

Je veux dire, vraiment dormir. Pas juste partager un lit. Ça c’est à la portée de n’importe quelle paire d’humains. Tout amant de passage peut se prêter à l’exercice fort simple de demander « tu dors à droite ou a gauche ? » et de sombrer en ronflant et sans plus s’occuper de l’autre.

Non, je veux dire vraiment dormir AVEC l’aimé, en faire une partie intégrante de l’histoire d’amour, partager des rituels d’endormissement et de rêve, sentir un lit trop vaste quand l’autre manque à l’appel. Ne pas se contenter de sa moitié de matelas et de couette. Faire de sa place celle de l’autre aussi. Sommeils entremêlés, chaleur d’un souffle dans un cou, battements de cœurs paisibles, forme d’un dos que l’on épouse de son ventre, étreintes de jambes dont on se sait plus très bien de qui elles sont, moiteur de peaux amoureuses, odeurs mêlées et intimes connues de nous deux seulement. Ce petit grain de beauté sur sa nuque, caché sous ses cheveux caressés, je suis la seule à en connaître la forme et le goût de sel.

Et puis des mouvements comme des vagues, le lit se fait bateau quand la nuit devient houle douce. Tu pars à tribord et je te suis. Je roule au creux de mon rêve et tu me rattrapes de tes bras filets. Nous sommes en sécurité l’un dans l’autre, arrimés, solides, inconscients ensemble, tellement ensemble…

Oui. Soupir…

lundi 18 février 2008

Nouvelles en vrac, Shah Rukh, Charouk & Co

Je suis fort consciente – et ce n’est pas nouveau – que ce blog ne tient plus qu’à un fil. Si j’écris deux billets par mois, c’est le bout du monde. Mais je tiens à ce fil et à tout ce à quoi il me relie, tous ceux surtout à qui il me relie ! Alors ce fil je le garde avec moi, et de temps en temps je le renforce de quelques mots quand je le peux. Aujourd’hui, un réveil bienvenu sur le coup des 5h30 du matin me permet de consacrer un peu de temps à mon clavier pour égrener quelques nouvelles de ce qui est ma vie en ce moment :

  • J’ai eu 44 ans la semaine dernière. J’aime bien. Merci de vos petits mots amicaux, d’être là de par la toile et le réel (même en avance pour certains !). Je ne les ai pas fêtés spécialement, je m’en fiche un peu. Allez, j’avoue que ma coquetterie naturelle apprécie qu’on me dise que je ne les fais pas. On est une fille ou on ne l’est pas ! Ceci dit, Demi Moore qui a un an de plus que moi a l’air d’avoir 15 ans sur les publicités pour certains cosmétiques, que je ne citerai pas tellement cela confine au grotesque. A quoi ça rime, ce jeunisme effréné ? Un hebdomadaire féminin bien connu que je ne lis plus que chez le coiffeur (soit deux fois par an grand max) m’exaspère de faire ses couv’ sur le thème « vieillir en beauté » où l’on découvre dans le dossier correspondant qu’il n’est question que de bistouri et de botox et pas une seule fois d’assumer ses rides et d’apprécier la sagesse qui est censée venir avec. On dirait que certain(e)s deviennent de plus en plus superficiel(le)s au fur et à mesure qu’ils (elles) prennent de l’âge. Je n’en reviens pas !
  • On m’a offert une « Smartbox » pour mon zanniv, intitulée « Aqua Vitalité ». J’ai donc le choix entre 200 forfaits vitalité dans toute la France. J’hésite entre une séance de « cocon de flottaison » doublée d’une séance « d’energy sphère » (ne me demandez pas de quoi il s’agit, je vous raconterai après). Je peux aussi aller me ressourcer dans une « grotte de sel » en plein Paris, je vous jure ! Mais en fait, je crois que je vais opter pour le « body scratching » aux sels de la Mer Morte et aux huiles essentielles… Et à titre perso, je complèterai par un vrai massage thaï qui dure une heure et dont on ressent les bienfaits pendant au moins trois semaines. J’ai testé il y a quelques années, j’en garde encore un souvenir béat. En tous cas, j’aime beaucoup cette formule de coffret-cadeau à thème avec plein de choix différents…
  • Je n’ai pas fait de carnet de mon voyage indien. Peut-être prendra-t-il une autre forme. Une photo/une histoire, peut-être… Tiens, ma préférée de cette année, c’est mon fond d’écran d’ordinateur depuis que je suis rentrée : un singe qui rêve au petit matin sous un parasol des ghâts de Bénarès. Je la regarde et je suis transportée ailleurs instantanément. Cet ailleurs que j’aime et qui me manque déjà…

    Bénarès


  • J’ai pris une sacrée bouffée d’Inde… à Berlin, si, si. Une Berlinale ensoleillée et active. Pas eu le temps de voir des films ni de vagabonder dans la ville comme j’en avais envie. Je me suis juste réservée trois heures rien qu’à moi et que je n’aurais sacrifiées pour rien au monde pour aller voir « Om Shanti Om », le dernier film de Shah Rukh Khan, super-méga-star indienne pour ceux qui ne connaitraient pas. Un demi-dieu omniprésent là-bas, à l’aune d’un milliard d’habitants qui l’adorent… Et je l’avoue : je suis une absolue groupie ! (avec un clin d’œil à Nawal si elle passe par là je ne sais quand avec le décalage horaire de son île). J’ignore quand le film sortira en France, mais je vous recommande chaudement ce bijou bollywoodien, drôle, tonique, où SRK-le-grand s’auto-parodie avec jubilation. La salle trépignait de plaisir au rythme des chansons (que j’écoute en boucle depuis un mois : j’avais acheté le CD à Delhi), des danses superbement chorégraphiées où Shah Rukh pour la première fois dans un film indien se montre… torse nu ! (hurlements des fans en délire). Bon d’habitude, ses chemises (le plus souvent transparentes, en voile rose, vert pomme, jaune vif ou bleu turquoise…) sont très très très ouvertes, mais là : tombée la chemise !!!! (cris hystériques). Et c’est pas pour dire, mais le Shah Rukh, il est plutôt bien foutu à 42 ans (il utilise peut-être les mêmes cosmétiques que Demi, mais pour les abdos ?...). Et puis, je ne sais pas, il n’est pas le plus beau, il n’est pas bien grand, il surjoue un rien, mais il a…. ce je ne sais quoi absolument charmeur et craquant qui fait que même Traou se trémousse en chantant à tue-tête dans la salle et oui, c’est comme ça !

    SRK

  • Bon, sinon, j’ai lutté jusqu’à présent, mais vous allez y avoir droit : je suis entrée depuis un mois dans le club des blogueurs-à-chat. Alors, la photo du fauve, vous n’y couperez pas ! (ou alors il est encore temps de zapper pour les réfractaires). Il n’est pas tout jeune, je l’ai adopté dans une association qui recueille les chats abandonnés (pas folle, je ne voulais pas d’un chaton qui allait me destroyer mon appart pendant les longues journées où je ne suis pas là), et on ne sait pas trop l’âge qu’il a puisque qu’il ne lui reste plus qu’une canine en haut à droite, les autres ont été cassées dans une chute ou un accident... Il est super cool, avec quand même son petit caractère, mais il dort la nuit (pourquoi vous croyez que je l'ai choisi...). Et j’avoue que j’apprécie de le retrouver le soir, de lui faire des câlins, de lui raconter des bêtises (« T’es pas content, appelle la SPA ! » quand il miaule l’air de réclamer un truc que je ne comprends pas). Je l’ai appelé Charouk. Ben quoi ?...

Charouk
(l'activité préférée du fauve : se glisser sous ma couette dès que j'ai le dos tourné...)

  • Vous noterez que j’ai fait un effort louable pour NE PAS parler du 14 février et de la « fête » qui y est associée… parce qu’après on dit « Ouais, c’est parce qu’elle a pas de zamoureux qu’elle s’énerve comme ça… ». Heu… oui, il y a sans doute un fond de vrai, allez…

dimanche 3 février 2008

Air France : 1 – Traou : 0

Et oui, le score est toujours d’un bagage à zéro pour Air France. Zéro pour moi, 23 jours après mon retour. Et à compter du 22è jour, il est considéré comme perdu… mais les recherches continuent jusqu’au 45è jour, rassurez-vous Madame, toutes nos excuses au nom d’Air France pour la gêne occasionnée. Retournez-nous votre billet, votre carte d’embarquement, le n° d’enregistrement et la lettre d’inventaire de ce bagage accompagnée des factures, bien sûr, et nous lançons la procédure de dédommagement. Au revoir Madame, mille pardons et bonne journée.

Alors, forte de cette expérience nouvelle pour moi, voici les conseils que je peux donner – aux autres autant qu’à moi-même - pour de futurs voyages en avion :

1 – Ayez le bagage le plus voyant possible : rose vif, vert pomme, customisé, qui se voit de loin, quoi. Déjà c’est pratique pour les repérer sur les tapis à bagages au milieu de toutes ces valises noires, mais ça facilite l’identification au milieu des hangars pleins de bagages perdus (il y en a des milliers en souffrance, à ce qu’il paraît). Ceci dit, le mien est (était) du genre sport, gris clair avec des bordures orange et un énorme logo L*afuma sur une carte du monde au milieu, et il est toujours invisible, donc…

2 – N’ayez RIEN de précieux dedans, et si possible rien non plus que vous ayez acheté pendant vos vacances. Ayant suivi cet intéressant conseil moi-même au cas où, je m’étais fait un petit bagage cabine supplémentaire avec tous les petits cadeaux achetés sur place et une ou deux bricoles pour moi, dont deux magnifiques vestes brodées que j’avais cherché en vain à acheter lors de mes deux précédents voyages et que j’aurais été un peu "vénère" d’égarer avant même d’avoir le plaisir de les porter. Bien sûr, on ne met pas en soute son appareil photo, son ordi, ses bijoux à supposer qu’on en emporte, etc…

3 – Mettez vos coordonnées à l’extérieur solidement arrimées et aussi A L’INTERIEUR, bien visibles. Je ne comprenais pas vraiment l’utilité de ceci, maintenant si : quand le sac traîne depuis quelques temps dans les méandres des aéroports, il perd tour à tour sa fiche d’identification en papier (celle qu’on lui accroche autour de la poignée à l’enregistrement) puis l’étiquette avec les coordonnées du propriétaire si elle n’est pas bien fixée. Alors le bagage va être ouvert et on va comparer ce qu’il y a dedans avec la liste d’inventaire qu’on vous a demandé de remplir. Avoir son nom et son téléphone inscrit en fluo dès l’ouverture peut éviter qu’un gars mette son nez et ses grosses pattes dans vos frous-frous perso (sales, les frous-frous, quand on est sur le retour… ça doit un peu sentir le fauve…). Je ne sais pas si ça évite cependant certains désagréments des fouilles : une de mes amies qui a connu la même mésaventure et n’avait pas suivi mon conseil numéro 2 a eu le plaisir de voir revenir son bagage au bout de 15 jours, mais SANS l’appareil photo qu’elle avait bêtement laissé à l’intérieur…

4 – Pour rendre plus facile le conseil n° 3, listez ce que vous avez dedans AVANT de partir, ça peut servir…

3 – N’espérez aucune aide du numéro spécial mis en place par Air France pour suivre l’avancée du dossier et économisez vos sous : oui, le numéro en question est surtaxé ! Déjà ils ne manquent pas d’air de faire raquer des gens qui ont déjà paumé leurs affaires, mais en plus, les seules informations que j’ai pu obtenir des –fort aimables – personnes qui officient dans ce service sont : mon nom (des fois qu’un Alzheimer foudroyant me l’ait fait oublier dans les 15 derniers jours), la description de mon sac et sa marque (pareil, je suis bien au courant, merci) et on s’enquérait chaque fois très poliment d’un éventuel déménagement ou changement de n° de téléphone de ma part (c’est sûr, si j’avais eu un kilo de came planqué dans mon foutu sac, j’aurais pu avoir envie de déménager à la cloche de bois). Après, c’est extrêmement flou et les informations sont contradictoires selon les jours et l’interlocuteur : un coup mon sac a été localisé à Londres (lieu de la correspondance que j’ai loupée pour cause d’arrivée tardive du vol en provenance de Delhi) et il est revenu à Roissy par un vol du 12 janvier (quel n° de vol, quelle heure, ils ne sont pas « habilités » à avoir ces informations…), ensuite comme Roissy dit n’avoir jamais réceptionné le sac et que Heathrow reste muet face aux relances par télex (tiens, ça existe encore le télex ? Ils n’utilisent pas de mails ? Moderne, Air France…) on finit par me dire que peut-être, ce n’était PAS mon sac, mais qu’on l’a confondu avec un autre (vive les codes barres !!!).

Donc à l’heure qu’il est mon sac navigue quelque part entre Londres et Paris, peut-être au fond de la Manche, qui sait ? A moins qu’il ne soit reparti en Inde, comme j’ai envie de le faire moi-même ? Donc à moi les joies de la paperasse et des dossiers à établir pour être remboursée de… je ne sais pas combien vu que je n’ai pas l’habitude de demander des factures quand je vais chez Horreurs et Merveilles acheter des T-shirts ou une mignonne jupe en solde, oups… D’où les conseils suivants :

5 – Demander des factures pour TOUT ce qu’on achète, ça peut servir. Surtout quand on voit le prix de la flopée de culottes que j’ai été obligée de racheter depuis 3 semaines ! Ben oui, dans mon sac, il y avait surtout des fringues d’été qui ne me manquent pas vraiment pour l’instant, mais les culottes, hein, les culottes, ce sont les mêmes en été qu’en hiver, alors j’ai été bien obligée de remettre mon stock à niveau ! (d’ailleurs, je songe à lancer une vaste opération « Des culottes pour Traou », envoyez vos promesses de dons – en monnaie sonnante et trébuchante, je préfère les choisir moi-même, et puis il est hors de question que je vous donne ma taille, non mais quoi ! - à traou(at)traou(point)net, à vot’ bon cœur, merci)

6 – Souscrire une assurance avant de partir, avec le billet d'avion, surtout si vous n’avez pas de factures de vos culottes et T-shirts, ça vous permettra d’obtenir un dédommagement plus conséquent. Et payez le billet d’avion avec une carte bancaire qui couvre elle-même ce genre de désagréments (utile aussi en cas d’évènement plus grave genre urgence médicale, rapatriement, etc…)

Voilà, voilà, c’était les conseils de Tante Traou, en ce dimanche où je vais aller lister tout ce qu’il faut que je rachète pour me reconstituer une trousse de toilette pour partir à Berlin dans 3 jours. Et oui, comme je suis une fille organisée (paresseuse donc organisée, ça va souvent ensemble, ça économise du temps et de l’énergie d’être organisée…) et que je fais de fréquents déplacements pour le boulot ou perso, cela fait belle lurette que je n’avais plus à « faire » ma trousse de toilette. Elle était prête à l’avance, pleine de tous les objets et produits nécessaires, dont je n’avais plus qu’à refaire les niveaux de temps en temps. Il faut que je reprenne à zéro… Zut et Flûte !

Dernier conseil, le n° 7 : rester zen. Après tout, ce n’est pas bien grave, juste casse-pieds. Je rentre d’un pays où les gens n’ont rien ou pas grand-chose, et le peu qu’ils ont, ils vous l’offrent souvent, et avec le sourire. Alors ce ne sont pas quelques T-shirts de plus ou de moins qui justifient la colère parfois violente de certaines personnes qui faisaient leur déclaration de perte en même temps que moi à Roissy. Bon, j'avoue quand même que si on me le rend, ça me fera plaisir de retrouver ma jolie tunique brodée achetée l’an passé sur un trottoir de Pondichéry (pas de facture pour celle-là non plus) ou ma longue jupe en crêpon bleu qui me caresse doucement les jambes en été. Mais bon, ce n’est pas si grave (mais pas une raison pour ne pas suivre mes conseils !).

Dernière chose : si un lecteur de ce billet a des accointances avec Roissy et notamment un accès aux hangars à bagages perdus, je suis candidate pour aller faire les fouilles moi-même. Je l'ai déjà proposé aux messieurs-dames du numéro surtaxé d'Air France mais ils n'étaient pas "habilités" pour m'y autoriser...

lundi 28 janvier 2008

« L’amitié » selon F*ce B**k

Je ne suis pas sur F*ce B**k (Fesse Bouc en phonétique). Plus précisément je n’y suis plus. Je m’y suis inscrite il y a quelques mois pour voir ce qu’était ce truc dont on me rebattait les oreilles : j'ai tenu deux jours.
48 heures au bout desquelles j’ai pris la fuite. J’ai beau avoir un blog (un peu en friche depuis quelques temps, je vous l’accorde), je déteste singulièrement ce type de réseau virtuel, générateur de liens factices.

Il y a pas loin d’un an, je crois, que j’ai reçu le premier message sur mon mail : X vous demande d’être son amie sur F*ce B**k. J’ignorais alors ce qu’était ce Face Truc, et je m’étonnai juste que X, un copain plutôt lointain par ailleurs, me demande soudain d’être son « amie », alors qu’il n’avait manifesté jusque là qu’un intérêt sympathique, certes, mais limité pour ma petite personne. Je n’ai compris que bien plus tard les raisons de cette volonté soudaine « d’amitié » : sur Face Machin, ce n’est pas la qualité qui compte, c’est la quantité ! Le but du jeu c’est d’avoir le plus « d’amis » possible, quitte à solliciter le dernier de ses camarades de classe promotion 1971, qu’on n’a peut-être jamais pu encadrer et à qui on n’avait sans doute pas adressé un regard cette année-là, qu’on n’a d’ailleurs pas la moindre intention de revoir dans la vraie vie, faut pas déconner, mais qui est bien pratique pour faire du « chiffre ». Du chiffre « d’amitié », ça me fait frissonner.

Parce que le mot-clé, c’est « ami ». Et surtout le nombre qu’on peut inscrire devant. Et on entend des choses surréalistes du style « Oh la la, j’en ai marre, j’ai TROP d’amis sur F*ce B**k ! » (authentique) ou « Untel m’a demandé d’être son ami sur F*ce B**k, tu te rends compte ! » (air excédé ou extasié selon la côte de popularité du Untel en question). Ou des conversations compétitives du type « Moi j’ai 63 amis sur F*ce B**k (ton dégagé), et toi ? »… Si l’autre en face annonce 72, on voit son interlocuteur accuser le coup et son petit cerveau se mettre à mouliner à 1000 à l’heure pour voir où il pourrait bien trouver des amis supplémentaires. Et vite ! Si l’autre n’en avoue – honteux – que 47, quel soulagement, quelle bouffée de fierté, quel sentiment de victoire discrètement exprimé par un petit sourire un rien narquois . Ces gens vivent à l’ère narcissique du « J’ai plus d’amis que toi ». Sur un réseau internet, s’entend.
Je serais curieuse de savoir combien certains en ont dans la vraie vie. Des vrais amis, je veux dire, à l’ancienne, quoi.

Et oui, je dois être vieux jeu, faut croire, mais moi les amis, je les aime fabriqués artisanalement, avec du temps et de la patience. Rencontrés de façon aléatoire et sans connaître leur CV au préalable. Vous savez : on fait connaissance doucement, on rit ensemble, on parle, on refait le monde, on se passionne pour les mêmes trucs essentiels ou futiles, on se prête des livres et de la musique, on partage des goûts et des refus catégoriques, on apprend les failles et les forces de l’autre, on se console mutuellement, on s’épaule, on se dit des choses quotidiennes ou intimes, on se manque quand on ne se voit pas, on s’écrit ou on passe des heures au téléphone quand on est éloignés, on a des secrets en commun, une chanson qui nous rappelle un fou-rire ou des larmes, et un ou deux chagrins d’amour qu’on a noyés dans des cuites mémorables. C’est parfois fulgurant comme un coup de foudre ou ça met des années à s’installer, et puis un jour on se dit, tiens, ça fait 5 puis 10 puis 15 puis 25 ou 30 ou 40 ans et plus qu’on est côte à côte, et qu’on est toujours aussi bien. Parfois on rompt, aussi, et c’est aussi dur qu’une rupture amoureuse. Il y a des aléas et des fâcheries parfois, qui nous rapprochent plus encore ensuite. Ou bien on s’éloigne inexorablement parce qu’on change, parce que la vie nous emmène ailleurs, mais ça a été une belle histoire, voilà.
L'ami, le vrai, a aussi cette particularité qu'il se cultive avec autant de soin qu'une plante fragile, et est aussi rare que certaines variétés d'orchidées. On le comptabilise sur les doigts d'une main, parfois des deux, mais certainement pas par champs entiers et pas non plus sous forme de fiches signalétiques on line interchangeables. L'ami ne forme pas troupeau, ne s'exhibe pas comme un trophée, se respecte en ne lui donnant pas de numéro d'ordre.

Alors Face Truc, j’ai du mal. Et je ne comprends pas. Je ne comprends pas comment quelqu’un que j’aimais bien, qui est parti s’installer à l’étranger avec dans ses bagages, mes adresses, courrier et e-mail et même celle de mon blog, a très vite cessé de me donner signe de vie, et pourquoi à peine quelques heures après mon inscription sur Face Bidule a su que j’étais là, je ne sais comment, et a demandé à devenir mon « ami ». Tu l’étais mon ami, bonhomme, ou en tous cas en bonne passe de le devenir. Faut juste se donner un peu de peine pour ça. C’est sûr, ça demande un peu plus d’effort de répondre à mes mails en composant des mots et des phrases personnalisées que de cliquer sur « demander à Traou de devenir votre amie » sur ce foutu site à la mode.

Je n’ai rien contre les amitiés créées sur le net. Bien au contraire, elles me sont essentielles. Cet espace où j'écris (de moins en moins, oui je sais et le déplore) et les rencontres précieuses qu’il m’a permis de faire en est le témoin. Sans doute Face Schmilblick a-t-il une utilité professionnelle dans certains cas (Boss avait même suggéré que toute l’équipe soit en fiches sur ce site : il m’a vue prête à mordre et n’en a plus reparlé) mais cette notion artificielle « d’amis » me débecte autant que je la trouve pathétique.

Tiens c'est drôle, le lampiste qu'une grande banque a trouvé pour justifier les quelques milliards d'euros de pertes (oups !) de la semaine dernière, il avait des "amis" sur Face Machin figurez-vous. Ils ont mystérieusement disparu dans la journée où la nouvelle est tombée. De si belles amitiés, pourtant, c'est à n'y pas croire...

A l'heure où je vous parle, je m'apprête à aller retrouver quelques amis au zinc d'un bistrot chaleureux. On ira ensuite dîner sans doute, et on parlera et rira beaucoup, sûrement. Y'a pas de zinc, je suis sûre, chez Face Trucmuche ?

dimanche 13 janvier 2008

Retour

J’ai poussé la porte de chez moi vendredi soir tard. Impression d’être partie depuis bien plus longtemps que deux semaines tellement je me suis déconnectée d’ici.
Mon bagage, lui, a décidé de poursuivre ses vacances quelque part entre Delhi et Paris : il a sans doute loupé la correspondance à Londres et erre dans les méandres gigantesques d’Heathrow pour une durée inconnue et que j’espère aussi courte que possible. Pas très grave pour l’instant : il ne transportait que des fringues d’été (sales de surcroît). Une bonne excuse pour aller fouiner dans les soldes samedi pour trouver quand même quelques culottes de remplacement.

On est déjà presque mi-janvier et j’ai à peine vu démarrer 2008. J’aime assez cette habitude prise depuis 3 années de ne pas fêter facticement un changement de millésime somme toute sans grande importance. Pour ma part, le « réveillon » a consisté cette année en un film à la télé dans une chambre d’hôtel de Calcutta accompagné d’une bière (la fête !). A minuit, les pétards ont couvert pendant quelques minutes le bruit habituel des klaxons. A Paris, il était 19h30 seulement.

De ces deux semaines indiennes, je reviens paisible et reposée, les idées comme remises en place, avec le sentiment renouvelé d’aimer infiniment ce pays et le projet d’y retourner encore et encore. Là comme ça, tout de suite, quelques images, sons, impressions en vrac de ces vacances colorées :

A Kolkata (Calcutta), des ados lavant leur linge gaiement au-dessus de l’évacuation des égouts

Kolkata

Au cœur d’une interminable procession sikh, un jeune homme au turban rouge et aux yeux d’or

Kolkata

Et la fatigue d’un rickshaw-puller, une vie entière à gagner quelques roupies à la force de ses seuls bras et jambes

Kolkata

A Bodhgaya, la ferveur et la beauté des prières psalmodiées par des pèlerins venus de toute l’Asie, et le regard grave d’un enfant moine

Bodhgaya

Bodhgaya

Bodhgaya

A Varanasi, que je préfère sous le nom de Bénarès, ville magique si chère à mon cœur cette année encore, la vue du Gange du haut de mon balcon miniature, au travers d'un grillage peu esthétique mais bienvenu pour éviter l’invasion de la chambre par les singes

Bénarès

Sur le bateau de Gopal, la cérémonie des bougies du soir, un vœu pour chacune avant de les confier à Mother Ganga

Bénarès

et le rire et les cabrioles de la petite Artie qui venait glisser sa menotte dans ma main chaque fois qu'elle me voyait passer devant l'éventaire de perles de verres multicolores de sa maman pour m'y amener prendre le chaï (thé indien au lait et aux épices) offert chaque fois. Je porte aujourd'hui-même le collier fait spécialement à mon attention par Suneeta, cadeau émouvant avant mon départ...

Bénarès

J'ai été rattrapée par l'actualité, parfois, au cours de ce voyage : 27 décembre, dans un Boeing quelque part au-dessus des montagnes d’Afghanistan, j’apprends l’assassinat de Benazir Bhuto sur le petit écran fixé au dossier du fauteuil devant moi, qui diffuse des news entre deux films Bollywood. Et à mon escale londonienne du retour, les journaux m'apprennent la libération de Clara Rojas et Consuelo Gonzales.

Et puis, on n'est vraiment tranquille nulle part, le 1er janvier à Calcutta, le journal du matin m'offrait ceci, je vous le donne en mille :

Une

avec le titre "Will an Indian leader dare do this in 2008 ?", et juste en dessous de la photo ce commentaire qui m'a fait rire : "The French media has speculated that Sarkozy is parading his new girlfriend as a diversion from a series of negative headlines - a reason compelling enough for Indian politicians to try out the same tactic here."

Allez, je n'ai pas envie de finir là-dessus, je vous souhaite une très belle année 2008 à tous et vous offre pour l'inaugurer un lever de soleil sur le Gange, à l'heure où il convient à cette époque de l'année sur les ghâts de Bénarès de se réchauffer d’un châle de laine et d’un chaï brûlant. Tiens, j'y retournerais volontiers maintenant...

Bénarès

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