Il y a parfois des évidences qui prennent leur temps pour arriver jusqu’à la conscience. Comme des graines que l’on aurait semées il y a longtemps, parfois même à notre insu, et oubliées. Les saisons ont passé, quelquefois les années, la graine a germé, poussé timidement, affronté le temps et les intempéries. Une pousse est sortie de terre que l’on n’a même pas vue, un bourgeon minuscule est apparu auquel on n’a pas prêté attention, il s’est étoffé courageusement, a grossi et profité, et tout a coup une fleur s’est ouverte qu’on découvre soudainement et avec stupéfaction parce qu’on ne se souvenait pas avoir planté quelque chose de semblable, que l’on a nourri et encouragé en toute inconscience.
J’ai vu éclore ces dernières semaines une fleur imprévue dans ma conscience, venue d’une graine lointaine et souterraine, invisible et pourtant aujourd’hui si évidente.
Je m’amuse aujourd’hui à en retracer le chemin, à chercher des indices qui auraient dû me mettre la puce à l’oreille, mais sans doute n’étais-je pas prête alors à accepter cette fleur à venir, elle devait prendre son temps pour que je la cueille, ou que j’en espère le fruit.
C’est drôle, c’est peut-être à Boulet que je dois d’avoir permis à cette fleur d’éclore. Et même si je sais qu’on peut faire son miel de tout et que je suis même assez douée pour ça, cela ne cesse jamais de m’étonner que d’un mal sorte un bien (et inversement).
L’affaire Boulet a connu quelques rebondissements ces derniers jours, à savoir que je me suis rendue compte que Boss – pour qui j’ai toujours eu la plus grande estime – devenait d’un coup plus indulgent avec Boulet de façon étonnante, et faisait un peu marche arrière dans la reprise en main prévue du bonhomme. Je n’ai pas tardé à comprendre qu’il avait profité des relations de Boulet pour lui demander un service personnel (une recommandation familiale auprès d’un actionnaire influent…). Idem pour un autre de mes collègues autrefois fort virulent vis-à-vis de Boulet, et soudainement amadoué, qui m’a fait savoir qu’il n’était en rien solidaire de ma « croisade » désormais… Je me suis tout à coup sentie très seule avec ma bête intégrité et ai été prise d’une subite envie d’aller planter mes choux ailleurs. D’autant plus qu’il n’est pas exclu que Boulet, fort de ses nombreux soutiens, y compris de ceux qui étaient de mon avis il n’y a pas si longtemps, entreprenne maintenant de me mener la vie dure, voire de se débarrasser de l’empêcheuse de glander en rond que je suis. Et je me fais peu d’illusions sur le soutien que je pourrais attendre de ses obligés en ce cas…
J’ai donc, pour la première fois depuis 4 ans que je suis dans cette boite que j’aime (que j’aimais…) et dans laquelle je me suis épanouie professionnellement, envisagé une reconversion possible. Et pourquoi pas ailleurs ? Et pourquoi pas autrement ? Et pourquoi ne pas en profiter pour changer du tout au tout, si c’est possible, et m’éloigner de ce milieu assez féru de passe-droits, d’emplois de complaisance et de tout ce cirque malhonnête qui m’insupporte ?
A cela s’est ajoutée la question d’une amie chère qui vit fort loin et m’envoie de temps en temps des mails interrogateurs et chaleureusement préoccupés de moi. Dans le dernier, elle me demandait si j’étais heureuse… Je lui ai répondu que j’avais une vie plutôt agréable… plutôt pas désagréable, allez… Elle m’a demandé en retour ce qui pourrait me rendre vraiment heureuse, en dehors d’un compagnon aimant, bien sûr, puisqu’elle connaît ce manque qui est le mien actuellement. Je me suis posé la question à moi-même : qu’est-ce qui me rendrait VRAIMENT heureuse. Et la réponse s’est imposée à moi aussitôt : vivre auprès de la mer, chaque jour, en Bretagne. Oui, bien sûr.
Vivre auprès de la mer, c’est quelque chose que j’ai toujours envisagé pour plus tard, quand je serai en retraite… J’aime à dire que je finirai ma vie dans le Finistère. Partir là-bas est toujours un bonheur, en revenir chaque fois un crève-cœur plus grand (c’est pour cela que j’y vais peu, d’ailleurs). A lire certaine blogamie, parfois, je suis prise d’une énorme bouffée d’envie et de tristesse d’être si loin de ce pays aimé, mille petits indices de mon appartenance viscérale à cette région, et de mon envie d’y retourner.
Alors, écoeurée de l’affaire Boulet, envisageant de faire de ma vie autre chose, je me suis dit « Et pourquoi pas maintenant ? Pourquoi ne pas faire tout de suite ce qui te rendrait heureuse plutôt que d’envisager cela dans 20 ou 25 ans ??? »
Voilà la fleur qui est née dans mon esprit pas plus tard qu’il y a une dizaine de jours. Fleur d'une envie qui était enfouie en moi depuis fort longtemps, sans doute, et qui n'a d'ailleurs pas surpris une seconde les quelques amis à qui je m'en suis ouverte, timidement. Depuis je rêve et je commence à explorer les possibilités de rendre ce rêve réalité.
Je ne sais pas si cette fleur fructifiera. Je ne sais pas si cela se fera ni quand. Peut-être renoncerai-je ? Je m’octroie ce droit, aussi, si je ne trouve pas de solution satisfaisante. Je ne ferai rien à la légère ou sur un coup de tête. Il faut que j’envisage toutes les données nécessaires. Une reconversion professionnelle et personnelle, ce n’est pas rien. Aurai-je le courage de quitter Paris, cette ville que j’aime et j’habite depuis 26 ans, même si je la trouve parfois difficile à vivre ? Aurai-je le courage de quitter mes amis et de recréer un réseau social ailleurs ? Trouverai-je un boulot aussi passionnant que celui qui m’occupe actuellement ? Est-ce envisageable en célibataire (pas envie de me retrouver dépressive au bout de trois mois pour cause de solitude insupportable, faute de compagnon et d'amis; à Paris, je vois du monde...) ? Comment ? Quand ? Où ? Avec qui ? Plein de questions auxquelles je vais me donner le temps de trouver des réponses adéquates et des solutions. Mais le rêve est là. Et il n’est pas si utopique.
En tous cas, c’est certain : Traou a le mal du pays, je vous le dis.