vendredi 2 décembre 2011

Donoma

Moi qui suis en dehors du monde depuis onze mois (je risque de refaire surface à compter du début de l'année prochaine et vous raconterai peut-être mon marathon 2011 entre déménagement, boulot, voyages et écriture, surtout écriture mais pas ici...), j'ai néanmoins été atteinte par le buzz Donoma. Et ne suis pas fâchée de l'avoir été !

C'était il y a un peu plus d'un mois et quelqu'une me parle d'un film "fait avec 150€", m'envoie le lien vers un site internet, m'incite à venir à l'avant-première le 5 novembre. Bon.
J'avoue que l'argument du "fait avec 150€", rabaché un peu partout à propos du film, je m'en fous. Limite ça m'agace. So what ? Des gens qui filment avec trois bouts de ficelle, coûte que coûte, j'en connais un paquet. Ce n'est en aucun cas un critère pour m'attirer ou me faire fuir, je m'en fous, vous dis-je (de la même façon que je me fous des records de millions de $ affichés en promo pour d'autres films, l'argent n'a jamais empêché certains de faire des navets avec...). Je fais un tour sur le site et j'en reste là. De toute façon le 5 novembre je ne suis pas là, et je n'ai pas le temps d'aller au cinéma, j'ai vu 5 films cette année, sans blague.

Le 5 novembre, finalement je suis à Paris, on se parle avec un copain comédien qui me propose de venir avec lui "à la projection du film de Djinn Carrénard..." comme il me proposerait d'aller voir le dernier... Scorsese ou Audiard. Euh, est-ce que je suis à ce point hors du monde que j'ai loupé l'émergence d'une nouvelle star de la mise en scène ?... Je ne fais pas du tout le lien avec le site que j'ai vaguement visité quelques semaines auparavant et je prends le chemin du Grand Rex, perplexe.

Là, comment vous dire, une file d'attente comme je n'en ai pas vu depuis le 19 octobre 1983 à 14h00 pour la première séance du "Retour du Jedi", et tout ce monde vient voir Donoma (ah, au fait, c'est du sioux...) ! Des filles portent des T-shirts du film, ça se pousse et se bouscule, on arrive à avoir une place tout là-haut, il paraît qu'ils ont refusé du monde. J'ai l'impression d'être sur la planète Mars, que tout le monde est au courant d'un truc que j'ignore. Ça fait un peu secte, cette affaire, je commence à être inquiète.

Le film commence, la première scène est maladroite, la caméra se promène un peu trop, le point est aléatoire, mais... quelque chose m'accroche, je ne sais quoi, un accent de sincérité immédiat, l'absence d'intro, l'entrée dans le coeur même d'une histoire dont on découvrira le début un peu plus tard, un ton, une patte, tout de suite. Et puis une salle de classe, une prof au regard intense, un élève buté, une confrontation qu'on ressent jusqu'à l'intérieur de soi tellement le ton est juste, tellement les personnages sont incarnés, littéralement, chair et sang. Donoma est une sacrée tranche de cinéma, de vie, une bouffée de fraicheur, une envolée culottée, un maelström d'émotions, de sentiments en pagaille. Ça frotte, ça rape, ça irrite, ça fait rire, c'est chaud et bon. Ce Djinn dont je ne risque plus d'oublier le nom est un cinéaste, certainement doublé d'un stratège un rien roublard, mais cinéaste avant tout. Et après tout, si son buzz un peu bêta sur les 150 € m'a amenée jusque là, je n'ai rien contre.

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Donoma parle d'amour, d'entrecroisements, du jeu des corps et des sentiments. Une prof avec son élève. Une inconnue et un inconnu, volontairement muets. Deux soeurs. Un amoureux sans espoir. Des mystiques aux mots crus. Un couple qui se défait (et s'était rencontré à New York devant la caméra du réalisateur dans un court-métrage visible sur le site du film, quelle jolie idée). Je ne sais pas depuis quand je n'avais rencontré une telle liberté, un tel naturel dans la narration de ces histoires quotidiennes et exceptionnelles, et surtout de tels acteurs. Ils m'ont tous bluffée.

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Je ne saurais trop vous inviter, non seulement à voir Donoma, mais à encourager sa sympathique et talentueuse "guerilla". On retrouve toute la "famille" et ses aventures sur le site Donoma. On peut même aider à financer la tournée ici (je vous recommande particulièrement les savoureux commentaires pour chaque montant de participation dans la colonne de droite, je n'ai pas les moyens de leur filer 500€ mais ça m'a fait tellement rire que ça en vaudrait la peine... mais je vais participer c'est sûr, j'en serai vachement fière !)

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Ah, dernier petit effet accessoire de Donoma, ce beau film m'aura permis de prouver que ce blog n'était pas absolument moribond ! A bientôt !

samedi 23 avril 2011

Tomboy, un bijou

Il y a quelques années, j’avais eu l’occasion d’entendre Céline Sciamma, lors d’un festival de cinéma breton, « pitcher » le sujet de « Naissance des Pieuvres », encore à l’état de projet et qu’elle n’envisageait pas, à l’époque, de réaliser. J’avais été impressionnée par la délicatesse du propos de cette toute jeune femme, sa façon de dépeindre une réalité intime avec une telle justesse, pudeur et audace mêlées. Le film, deux ans plus tard, m’avait troublée et ravie, conforme à la force et la subtilité que l’histoire contée avait laissé dans ma mémoire.

Aujourd’hui, Céline Sciamma a 30 ans et il émane d’elle la même beauté grave que de ses films (j’ai eu la chance de voir Tomboy lors d’une projection avant sa sortie et en sa présence).

Je m'interroge, et regrette peut-être un peu que – choix de la réalisatrice, du producteur ou du distributeur ? – la bande-annonce du film et les articles élogieux que l’on lit à son sujet fasse tous état de l'histoire complète du film et du mensonge de l’héroïne principale, que l’on ne peut deviner avant sa révélation, pour peu que l’on n’ait rien lu ou su de l’histoire au préalable et que l’on ignore – ce qui était mon cas – le sens de « Tomboy » en anglais : garçon manqué. Mais le film est splendide, que l’on en ait la surprise ou non.

Le mensonge de Laure, 9 ans, c’est de prétendre le temps d’un été être Michaël auprès des enfants de la cité dans laquelle elle vient d’emménager. Laure qui ressemble à un très joli petit garçon, le corps enfantin encore dépourvu de toute caractérisation féminine adolescente, contrairement à Lisa, la seule fille de la bande, qui va trouver ce Michaël différent des autres garçons et l’aimer pour cela.

Ces quelques jours ou semaines solaires sont contées comme une aventure, l’héroïne en danger d’être démasquée pour un pipi accroupi dans les bois ou des chahuts d’enfants lors d’un bain de rivière. On est avec Laure toujours sur le fil, les situations du quotidien susceptibles de déraper à tout moment, on reste toujours dans le juste.

Céline Sciamma suit le fil subtil de son premier film dans ce second qui évite magnifiquement l’écueil du « trop », péché courant des réalisateurs à leur deuxième opus. Sans doute parce qu’elle a pris son temps pour réaliser à nouveau, préférant l’écriture pour d’autres ces dernières années. Et qu’elle a écrit et réalisé Tomboy dans une économie de moyens et une rapidité exceptionnelles. Le résultat l’est par sa subtilité, sa douce violence, sa peinture incroyable de l’enfance, ses émotions qui pour n’être pas exubérantes n’en sont pas moins intenses. Tomboy est un bijou ciselé qui m’a émerveillée.

Mention toute spéciale au casting d’enfants (mais les parents de Laure, Sophie Cattani et Mathieu Demy sont superbes). Et à la relation fusionnelle de Laure et sa petite sœur, personnage de six ans d’une complexité rare, se jouant même des parents dans une scène de dîner hilarante, dialogue à double sens entrecoupé de rires d’enfant, complice et aimante envers cette grande sœur-frère incompréhensible mais soutenue inconditionnellement.

Après la projection l’autre jour, j’étais incroyablement émue et admirative, et je suis allée bafouiller un simple merci à la réalisatrice, puisque je suis toujours très nulle pour exprimer des émotions fortes à l’oral et en particulier à ceux qui les ont fait naître en moi. Si elle passe par là, que Céline Sciamma soit à nouveau et un peu mieux remerciée pour tant de beauté, de subtilité, de plaisir, de rires, de frissons, pour savoir conter des histoires si belles et qui touchent ce qu’il y a de plus profond en nous.

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vendredi 6 juin 2008

Mais je l'ai trouvée très bien, moi, Joyce DiDonato !

J'explique : lundi dernier, j'étais à l'Opéra Bastille avec quelques comparses "prosélytes lyriques" pour assister à une représentation de l'opéra de Bellini (Bladsurb, cesse de rire) "Les Montaigus et les Capulets" (ou l'inverse, peu importe), une version très rouge (dans le décor) de Roméo et Juliette.

Pour résumer grossièrement pour ceux qui arriveraient de Mars et n'auraient jamais entendu parler des deux tourtereaux susnommés : Juliette (Capulet) aime Roméo (Montaigu), lequel a malencontreusement tué son frère (Oups, ça la fiche mal vis à vis de la belle-famille), mais elle l'aime quand même, va comprendre. Les deux familles et leurs partisans sont à feu et à sang, ça barde, ça s'entretue, Juliette est promise à un autre (je ne sais plus ni le nom du personnage, ni celui de l'interprète et j'ai la flemme de chercher, mais je l'ai particulièrement bien aimé, le promis). Pour finir (je résume, je vous dis) Juliette fait croire qu'elle est morte, on oublie de prévenir Roméo qui s'empoisonne de désespoir, Juliette se réveille en disant non mais en vrai j'étais pas morte, ce con de Lorenzo a oublié de te prévenir (m'est avis qu'il est viré, lui), et elle se fait hara-kiri avec le poignard de son Roméo, vu qu'il est trop tard pour l'antidote.

J'ai pas l'air comme ça, mais c'est sans doute l'opéra que j'ai préféré de tous ceux que j'ai vu avec les prosélytes. Contrairement à Gilda, j'ai aimé le décor rouge et austère; contrairement à Kozlika (que je soupçonne d'être arrivée avec un vague a-priori, ainsi qu'une ravissante tenue indienne par ailleurs), j'ai bien aimé la prestation de la soprano Anna Netrebko, sauf qu'il était difficile de croire qu'elle pouvait être une frêle Juliette de 15 ans, vu qu'elle était très visiblement enceinte... Et j'ai particulièrement apprécié (contrairement à ce qu'en pensent certain(e)s et beaucoup plus que sa Juliette, d'ailleurs) la prestation de la mezzo-soprano Joyce DiDonato qui jouait le rôle de Roméo (c'est une tradition semble-t-il dans cet opéra, que Roméo soit joué par une femme, le mélange des deux voix féminines dans les duos étant particulièrement émouvant et pouvant par ailleurs suggérer mieux encore l'amour adolescent de Roméo et Juliette).

Là où je suis d'accord avec ma camarade Gilda, c'est que j'ai trouvé les scènes d'amour entre les deux interprètes des jeunes amants particulièrement tièdes dans leur expression, d'abord parce que Juliette était physiquement bien plus imposante que son Roméo, bébé à venir oblige (et même sans, je pense qu'elle doit lui rendre une tête et quelques kilos), d'autre part parce qu'on avait l'impression que les deux femmes hésitaient à en faire trop dans l'effusion (des fois qu'on aurait pu se méprendre sur leur réelle orientation sexuelle). Enfin, j'avoue que l'agonie interminable des deux amants-femmes, autour du bidon nettement voyant de la Juliette quand elle est sous son linceul, m'a un peu donné envie de rigoler.

Mais j'ai bien aimé, je vous dis !

PS : Pour le blougfight et les avis des uns et des autres, pas le temps de faire les liens, je suis au bureau, ils sont tous chez Kozlika

lundi 24 mars 2008

Anna, encore

Dans le TGV. Retour Paris. En allant chercher une bouteille d’eau voiture 14, j’ai aperçu déjà deux fois « La Consolante » dans les mains de voyageuses. Elle est en route cette mystérieuse « consolante » dont je ne sais ce qu’elle est.

Moi je ne l’ai pas achetée. Pas encore. J’attends un peu. Quoi ? Je ne sais pas. De l’apporter à son auteur pour qu’elle y mette quelques mots. Sans faire la queue des heures pour cela. C’est possible ?

L’autre dimanche au Salon du Livre, une file d’attente serpentait sur des mètres et des mètres devant le stand du Dilettante. Quelques minutes avant l’évacuation qui a duré deux heures. Est-ce que ces gens ont attendu dehors interminablement sous la pluie pour reprendre une autre interminable attente ensuite ? Devant la jeune femme blonde si jolie au regard doux, appliquée à mettre quelques mots pour chacun sur l’énorme bouquin. Fait-elle toujours des dessins ? En a-t-elle encore le temps ? Je me souviens de la dédicace de « Ensemble, c’est tout » un jour dans un grand magasin parisien, au tout début de la sortie du livre, avant la déferlante du succès. Elle, son chien sur les genoux et ses crayons de couleur, délicate et attentive à chacun.

Dimanche dernier, j’étais non loin d’une porte au moment de l’alerte et je me suis sauvée. J’y aurais passé quelques 20 minutes dans ce fichu Salon, moins de temps que je n’ai attendu dehors pour passer le contrôle et arriver aux caisses… J’y venais pour une dédicace aussi, mais pas la sienne, celle d’un auteur ami à qui il m’arrive parfois d’offrir ses propres livres.

Anna Gavalda, je l’ai entendu l’autre matin sur Inter. Elle a éclairé ma journée de quelques mots. Elle dit être plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral. Peut-être. Mais dans ces quelques phrases maladroites (pas tant que ça), il y avait un trésor, alors…

La journaliste faisait remarquer que le héros de son nouveau livre était « amoché par la vie ». Et Anna, de sa douce voix a dit « Mais c’est bien d’être amoché… ».

Je ne saurais retranscrire ses exacts propos et j’espère ne pas trop les déformer, mais je me souviens qu’elle disait que la vie n’est pas facile, qu’on est TOUS amochés, et que c’est tant mieux. Parce que c’est comme ça qu’on avance, comme ça qu’on ressent, comme ça qu’on est vivant.

Et moi, j’ai arrêté de me brosser les dents, la bouche pleine de dentifrice, pour l’écouter et je me suis dit « chapeau ». Est-ce que ce n’est pas incroyable d’entendre de tels propos comme ça le matin, à la radio, où l’on a plutôt l’habitude d’avoir des micros tendus vers des plaintes…

Bien sûr, certains objecteront qu’il est plus facile de dire « tant mieux » quand on a une vie « facile » (mais quelle vie est facile ?) et tant de succès, et l’on sait trop bien qu’il en est plein pour qui le quotidien est rempli d’insoutenable. Mais cette conscience-là que les difficultés sont inhérentes à la vie et qu’elles lui sont nécessaires, c’est incroyable de l’entendre exprimer de cette façon si simple, si évidente. Alors merci pour ça. Et tiens, parce que je sais qu'elle l'aime aussi, un peu de Sempé, pour faire du bien à ceux pour qui c’est difficile en ce moment.

Sempé

mercredi 5 mars 2008

Didine

Je regrette de ne pas avoir fait plus tôt connaissance avec Didine. J’aurais pu en parler au moment où elle bénéficiait d’un peu plus de présence dans les salles… Qu’il est dommage qu’on ne laisse pas à de si jolis films la chance de s’installer. Si vous apercevez ce petit nom dans les pages de votre programme cinéma, n’hésitez pas à aller découvrir cette délicieuse personne.

C’est une comédie douce-amère. Un rien mélancolique. J’en suis sortie à la fois heureuse et un peu triste. J’ai mis quelques jours à comprendre pourquoi. Parce que « Didine » parle d’un sujet qui me touche singulièrement : la solitude. Et plus particulièrement de la solitude des femmes.

Didine, c’est Géraldine Pailhas, qui trouve enfin ici un rôle à la mesure de sa grâce. Didine est seule, vit seule, a des amants parfois, qu’elle ne rappelle pas. Comme le dit l’un d’entre eux, amer : de toute façon, qu’elle rappelle ou pas, elle s’en fout. Et elle n’a pas de portable. Elle est bien toute seule Didine, libre dit-elle simplement, sans le proclamer, doucement, en souriant. C’est tout.

Didine

Elle ne se fout pas de tout, non. Elle est réservée sans doute, gentille sans exubérance mais elle est attentive aux gens. A son amie Muriel (Julie Ferrier), femme de caractère, désespérée sexy, qui ne supporte pas la solitude d’après rupture, mais supportera encore moins celle du retour sans conviction de son homme auprès d’elle.

C’est l’attention de Didine à une vieille dame seule qui la fait recruter par une association pour rendre visite à des personnes âgées. Elle travaille seule chez elle, Didine, elle dessine des fleurs, elle a du temps. Et va, maladroite, boire du thé et écouter des souvenirs chez des plus seuls qu’elle.

C’est chez la redoutable Mme Mirepoix (divine Edith Scob, qu’elle est belle, mais qu’elle est belle ! J’ai eu la chance de la croiser l’autre jour à une projection du film d’Assayas « L’Heure d’été » et j’ai pris mon courage à deux mains pour aller la saluer sans oser tout à fait lui dire à quel point je l’admire, et la remercier un peu d’être si merveilleuse). Redoutable Madame Mirepoix, donc, acariâtre et méprisante, mais dotée d’un sublime neveu (Christopher Thompson) qui va susciter – enfin – l’amour chez Didine, bien qu’elle ait commencé leur relation en l’assommant avec une pelle !

J’ai aimé ce joli parcours, drôle et émouvant, de Didine, pas sûre d’elle, troublée, amoureuse, maladroite, La fin d’une solitude en marche, peut-être, entourée de celle des autres, inéluctable. Celle de Madame Mirepoix, si consciente de la marche cruelle du temps, méchante pour cela sans doute, qui se laissera quand même apprivoiser par Didine, celle de Muriel qui dit trop fort ne pouvoir vivre seule, celle de la vieille dame aux peluches pour seule famille… Et parfois des solitudes qui se trouvent, s’embrassent, se réconfortent. L’espoir.

Le film a été co-écrit par le réalisateur, Vincent Dietschy, et Anne Le Ny qui a signé par ailleurs son premier film cette année « Ceux qui restent ». Encore une histoire de solitude(s)… Mention spéciale à tous les comédiens, parfaits et touchants, Géraldine Pailhas – délicieuse Didine – en tête. J’ai aussi découvert Benjamin Biolay en acteur, aussi ébouriffé qu’en chanson. Il est formidable.

Je vous souhaite en tous cas de rencontrer Didine et d’y prendre autant de plaisir que moi.

dimanche 2 décembre 2007

L'âge de l'amour

Il y a des soirées qui s’annoncent ratées et qui finissent éblouissantes (le contraire arrive aussi).

Vendredi, un ami, coincé à une réunion boulot interminable, annule notre dîner dont je me réjouissais. Trop tard pour que je puisse envisager autre chose. Pas envie d’un ciné. Me voilà donc en tête à tête avec moi-même, ma télé et un frigidaire passablement vide. Perspective morose. Quelle jolie soirée...

Le film s’appelle « L’âge de l’amour », il a été diffusé sur Arte vendredi soir et sera rediffusé les 5 et 9 décembre à 3h00, le 12 décembre à 1h10. Je vous encourage vivement à veiller ou à l’enregistrer.

André et Jamie ont été mariés 40 ans. Divorcés depuis quelques années, ils ne se voient plus et ont refait leurs vies, elle avec un antiquaire amoureux avec qui elle apprend qu’une relation peut être confiante et sereine, lui avec une jeune femme ravissante de 25 ans, qu’il s’apprête à emmener à Venise ("Comme combien d’autres avant moi ?" questionne-t-elle).

Sauf qu’au détour d’un couloir d’hôpital (ils sont à l’âge où le corps lâche, parfois), André recroise Jamie, retombe amoureux. Et va tout faire pour la reconquérir.

Il ne doute de rien André, même pas de lui, alors qu’il semble que leur mariage n’a pas été de tout repos, qu’il n’a sûrement pas été un mari et un père exemplaire : son fils ne lui parle plus, il ne sait pas grand-chose de ses petits-enfants, avoue avoir trompé sa femme. « Sept fois en 40 ans ! tonne-t-il, ça fait une fois tous les 6 ans ! » Il ne trouve pas ça si grave, après tout.

Et il s’engage dans la reconquête comme un jeune homme passionné : campe devant la maison de sa belle, bravant la pluie, le vent, la nuit, plus fatigué pourtant, la poursuit sur son destrier-vélo, maladroitement car il a laissé un œil dans cet hôpital et a du mal à évaluer les distances et perspectives, il est séduisant et pataud, s’essouffle de courir après elle, fine et belle aux cheveux blancs, tentée mais échaudée. « En amour, ce sont les cinquante premières années les plus difficiles », lui dit-il pour la convaincre qu’ils ont désormais le meilleur à vivre.

André et Jamie se tournent autour, retrouvent parfums et goûts du passé, y compris ceux de la colère et de la rancœur, mais le désir surmonte ceux-là. Ils se connaissent par cœur et se découvrent encore. Ils se connaissent si bien qu’ils n’ont plus besoin de musique pour danser le paso-doble, accordés, peut-être pour toujours.

C’est une variation magnifique sur l’amour et le temps qui passe(nt), inexorablement. Ou bien est-ce que l’amour ne passe pas, lui ? Ou pas toujours ? Ou bien revient parfois ?

Ce film m’a infiniment touchée par la délicatesse, la lucidité et l’humour avec lequel ce sujet rare est abordé. Ce n’est pas si souvent qu’un réalisateur[1]ose traiter de l’amour à un « certain âge et un âge certain », sans faux-semblants, scène d’amour comprise. Mais qu’elle est belle cette scène d’amour, réaliste et crue peut-être mais tant mieux, corps dénudés un peu flétris et si beaux pourtant, mouvements plus si fluides, petites douleurs de l’âge, souffles plus courts, et tant d’amour.

Ici les corps sont dévoilés sans fards, avouent le regret de la jeunesse, les ravages de l’âge. André retrouve ses vieux amis à la piscine, lesquels regardent extasiés sa jeune conquête. Il rend visite aussi à Emile, un plus vieux que lui, dont il masse le corps perclus, usé, recroquevillé, taché de vieillesse. Emile râle et pleure sans fin sur sa vie passée, ses souvenirs perdus, plaint son vieux corps inutile qui ne fera plus jamais l’amour, enjoint André de « se faire sauter le caisson » avant de passer les 80, surtout !

André et Jamie (Andrzej Seweryn et Maaike Jansen, magnifiques) passeront peut-être cette dizaine-là ensemble. Ou peut-être pas. On les laisse dansant les yeux dans les yeux, prêts à ne pas laisser tomber, prêts à réessayer.

L'âge de l'amour
photo (c) Arte

Notes

[1] Olivier Lorelle, par ailleurs scénariste, notamment d'"Indigènes", c'est son premier film, à suivre...

vendredi 31 août 2007

Comme la pluie au cinéma

L’autre soir, j’ai loué un improbable film de filles. Le principe du film de filles, pour ceux qui ne seraient pas familiers de la chose, c’est un film où le héros et l’héroïne - plutôt jolis à regarder, en général - mettent une heure trente à réaliser qu’ils sont faits l’un pour l’autre, alors que nous on le sait depuis le début. Tout se termine bien, c’est drôle, éventuellement on pleure un peu aussi, et c’est bon ! Ca devrait être remboursé par la Sécu tellement ça fait du bien.

Au palmarès de mes films de filles à moi, quelques valeurs sûres, genre DVD de secours, vus plein plein de fois :

  • Pretty Woman (Julia Roberts – Richard Gere)
  • Coup de foudre à Notting Hill (Julia Roberts – Hugh Grant)
  • Quand Harry rencontre Sally (Meg Ryan – Billy Cristal)
  • Nuits blanches à Seattle (Meg Ryan – Tom Hanks)
  • Baby boom (Diane Keaton et un peu Sam Shepard à la fin)
  • Love actually (ils ont fait très fort en casting : Hugh Grant – Liam Neeson avec même un petit peu de Claudia Schiffer – Colin Firth – Emma Thompson – Keira Knightley)

Vous noterez une présence marquée de Meg Ryan, grande spécialiste de la comédie romantique, Hugh Grant qui excelle dans le genre beau maladroit (par ailleurs héros génial du mètre-étalon du film de filles « Quatre mariages et un enterrement »), et Julia Roberts à la corde.

Attention, ceux mentionnés ci-dessus sont de « bons » films de filles (selon mes critères perso qui n’engagent que moi), pas gnan-gnan, bien écrits et réalisés, parce que dans le genre, il y a du bâclé et du malodorant (façon eau de rose qui a tourné). J’ai souvenir d’un truc avec Jennifer Lopez - en femme de chambre - et le pauvre Ralph Fiennes dont on se demandait ce qu’il était venu faire dans cette galère, beurk, rien que de l’ennui à cent sous de l’heure !

Il y a d’autres films que j’homologue « films de filles », bien que ne faisant pas partie de la catégorie « comédie romantique » mais qui répondent quand même à la définition. Par exemple « Speed », qui est plutôt dans la catégorie « action adrénaline ». Mais bon, il y a Keanu Reeves, et j’avoue que Keanu, c’est mon péché mignon tellement il est beau (sauf dans « Little Bouddha » où il est étrangement coiffé comme Simone Veil et on a beau dire, une coiffure pareille, même sur Keanu Reeves, c’est pas sexy sexy), et puis il y a Sandra Bullock, que je ne peux m’empêcher de trouver sympathique bien qu’elle ait tourné à peu près autant de navets que Jean-Claude Van Damme et Steven Seagal réunis.

Bref, quand je vois un potentiel film de filles, je le loue pour le tester, et si ça fonctionne, j’achète. Il faut toujours avoir un film de filles chez soi. Je ne rigole pas avec ces choses-là.

Hier donc, il s’agissait de « The Holiday », avec Cameron Diaz, Kate Winslett et Jude Law, du beau linge. Bon, cru moyen, en fait. Je ne l’achèterai pas. Scénario écrit à la truelle : une américaine (Cameron Diaz, formidable actrice de comédie) surbookée, stressée, venant de larguer son mec à trois jours de Noël, échange en trois clics sur internet sa sublime maison californienne contre le mignon cottage anglais de Kate Winslett, en pleine déprime après l’annonce du mariage du mec qu’elle aime sans espoir depuis des années. Elle vont toutes deux se recaser avant la fin du film, l’anglaise avec un musicien pas beau mais sympa, et Cameron Diaz avec le frère de l’anglaise qui se trouve n’être autre que Jude Law. Ben voyons. Cherchez pas, ça n’arrive pas dans la vie, ça !

Parce que je ne sais pas si vous avez remarqué, mais dans les films – de filles ou autres, d’ailleurs – y’a des tas de trucs qui ne se passent pas comme dans la vie. Des tas.

Par exemple la pluie.

Je crois que si je réalisais des films, je ne ferais JAMAIS de scène de pluie. C’est souvent nul, la pluie au cinéma, alors que j’aime bien la pluie, en vrai. Au cinéma, il ne bruine pas, il ne crachine pas, il ne pleuviote pas, la pluie n’arrive pas progressivement en annonçant gentiment sa venue par quelques gouttes disséminées. Non, parce qu’au cinéma, on dit Moteur et puis on fait un signe au gars qui gère le camion-citerne où qu’il y a la pluie dedans. Il ouvre le robinet, et vlan ! Une drache monstrueuse. Des trombes. Des cataractes illico. Sinon ça ne se voit pas à l’écran. Et Sophie Marceau a les cheveux qui dégoulinent et peut concourir pour le titre de Miss T-shirt mouillé en douze secondes chrono.

Il y a plein de bizarreries comme ça, n’empêche, au cinéma. Tiens, vous n’avez jamais remarqué, quand un gus fait sa valise au cinéma, il ne plie pas bien ses vêtements comme vous et moi pour que ça tienne et que ça ne se froisse pas. Non, non, la fille qui fait sa valise, elle est toujours pressée, elle prend la fuite ou un truc comme ça, alors en général elle attrape toutes ses fringues par paquets entiers sans choisir dans sa penderie et les flanque en vrac dans sa valise AVEC LES CINTRES ! Franchement, est-ce que vous n’avez pas vu cette scène des dizaines de fois au cinéma ? Nom d’un chien, moi qui ait un mal fou à voyager léger et à faire tenir tout ce que j’emporte dans mes valises, qu’est-ce que ça serait si j’y mettais les CINTRES ! Et je vous prie de croire que ma mère me ferait une tête au carré si je repartais de Bretagne en lui embarquant tous ses portemanteaux…

Quoi d’autre, d’étrange et qui me fait rire, ou m’agace, selon les cas et mon humeur ? Ah oui, je songe parfois à me reconvertir dans la police quand je vois la taille des appartements des flics au cinéma ou à la télé. Nom de nom, ça gagne méga-bien sa vie un inspecteur ! Ils ont de ces lofts en plein Paris, le rêve…

Ah, alors sinon l’autre soir, dans mon film de filles pas génial, il y avait une scène que je commence à voir de plus en plus dans des films ou des séries (vu dans la dernière saison d’Alias, notamment), et qui me plonge dans la perplexité la plus profonde. Cameron Diaz rencontre Jude Law, donc, au fin fond de la campagne anglaise, vu qu’il ignorait que sa sœur était partie subitement aux States pour Noël et qu’il était bêtement venu sonner chez elle (oui, parce que dans les films, c’est cool, vous pouvez partir à l’autre bout de la planète sans prévenir votre famille que vous ne passerez pas Noël avec eux cette année. Je vois la tête de ma mère si je lui fais un coup pareil…).

Parenthèse à propos de Jude Law ou assimilés : rêvez pas les filles. Si vous ne rencontrez pas l’âme sœur, ne pensez pas qu’aller vous enterrer au fin fond de la jungle, de la brousse, de la savane, de la campagne profonde ou sur une île perdue va vous faire rencontrer l’homme de votre vie, parce que vous avez vu ça des milliers de fois dans les films : ça n’arrive qu’à Katherine Hepburn de tomber sur Humphrey Bogart au fil d’un fleuve africain, qu’à Meryl Streep de croiser Robert Redford dans sa ferme tout aussi africaine. Il n’y a que cette garce de Diane Keaton que j’adore pour dégoter un Sam Shepard dans les congères d’un bled du Maine, et je crains de devoir vous dire que le seul homme parlant votre langue sur un atoll paumé a fort peu de chances d’être Harrison Ford. Fin de la parenthèse.

Donc Cameron et Jude tombent nez à nez, et bientôt dans les bras l’un de l’autre, et beaucoup plus car affinités. On les retrouve au petit matin (ben oui, on est dans une comédie SENTIMENTALE américaine, les gars, pas dans « 37,2° le matin »). Ils sont béats, ont la peau un peu et joliment brillante, vaguement essoufflés après cette nuit que l’on essaie de nous faire croire torride. Ils rejettent les draps au loin tellement ils ont chaud et… Cameron porte un soutien-gorge. Cherchez l’erreur.

Oui parce que vous je ne sais pas (enfin quand je dis vous, ça ne concerne que les filles), mais moi quand je passe une nuit torride avec un monsieur, que ce soit Jude ou quelqu’un d’autre d’ailleurs (enfin avec Jude, pour l’instant, c’est assez calme j’avoue... mais j'm'en fous, je préfère Keanu), et bien – sauf perversion particulière du monsieur, car c’en serait une, quasiment – je ne me réveille pas avec mon soutien-gorge. Je n’ose même pas imaginer d’ailleurs à quel point ce doit être inconfortable pour dormir, surtout un balconnet avec des armatures (et c’est en général ce qu’on porte quand on veut séduire un monsieur). J’en suis restée comme deux ronds de flan tellement c’était ridicule.

Si les actrices ne tiennent pas à exhiber leurs seins à l’écran, ce que je trouve parfaitement légitime, on pourrait peut-être régler le problème « à l’ancienne ». Autrefois, quand on voyait les héros au réveil, la fille avait le drap remonté au-dessus de la poitrine, les épaules sans bretelle apparente et ça allait bien comme ça, c’était même plus sexy. La soutien-gorgite aiguë au réveil tend à se propager dans les films, je vous assure. Même en France, on devient puritain : je ne sais ce qu’il en sera dans le n° 2, mais je me souviens que dans « Le cœur des hommes », toutes les actrices portaient le leur en se réveillant énamourées aux côtés de leurs amants. Ca m’avait fait bien rire.

Bon, je repars à la chasse de mon prochain film de filles, de préférence pas trop anachronique et irréaliste, et puis sympa et futé et drôle et émouvant. Oui, tout ça. Je lance d'ailleurs un appel aux amatrices du genre : si vous avez des titres de films de filles - avec ou sans soutien-gorge - à me suggérer, je suis preneuse ! Merci !

dimanche 3 juin 2007

"Les Chansons d'Amour"

Cela faisait très longtemps que je n’avais été à ce point submergée d’émotion au cinéma.

Quand je suis entrée dans la salle, il faisait beau dehors. Quand j’en suis sortie, le ciel gris ne justifiait pas mes lunettes noires. Mes yeux gonflés de larmes, si.

Christophe Honoré est un conteur du deuil. Il m’avait déjà bouleversée il y a quelques années avec « 17 fois Cécile Cassard », dans lequel Béatrice Dalle incarnait une jeune veuve qui tente de retrouver un chemin de vie. Et je me rends compte qu’il est également l’auteur de « Après lui », le film de Gaël Morel qui traite de la mort d’un fils, sorti au même moment que ces « Chansons d’Amour » qui m’ont fait pleurer comme rarement au cinéma.

Le principe du film était casse-gueule : parler du deuil, de l’absence de l’être aimé, en mots, en images mais aussi en chansons. Et parvenir à n’être jamais ridicule, toujours émouvant. Et drôle. Et vivant.

Oh, comme je les connais bien, les personnages de ce film. Comme je leur ressemble, à tous ou presque. J’ai reconnu leur peine, je me suis reconnue en elle, en eux, un peu ou beaucoup.

Je me suis sentie fraternellement proche d’Ismaël (Louis Garrel) qui cache sa vérité de souffrance derrière une apparente nonchalance et des réparties ironiques, content sans doute de parvenir à faire rire la famille au cours d’un déjeuner « d’après », leurs premiers rires « depuis », sûrement. Et quand Jeanne (Chiara Mastroianni) referme la porte sur lui en lui disant « Je suis contente, tu as l’air d’aller bien », je me le suis pris en pleine poire, moi, autant que lui qui s’en retourne pleurant dans les rues de Paris.

Parce que Jeanne confond silence et indifférence. Parce que Jeanne ne peut pas comprendre, elle qui a le chagrin plus voyant, affirmé, envahissant, voulant à tout prix le partager, le vivre à plusieurs, trouver le soutien dans l’autre. Ismaël ne veut pas, lui. Ne peut pas. Ceux qui ont du mal à dire « Je t’aime » sont souvent les mêmes qui n’arrivent pas à dire « J’ai mal ». Se tenir droit est leur bouée de sauvetage. S’effondrer leur est un acte solitaire. Pas solidaire. Et leur façon d’essayer de continuer à vivre peut apparaître choquante à Jeanne ou d’autres. Parfois, on se perd dans des bras, beaucoup de bras, quels qu’ils soient, on froisse des draps, étrangers ou siens, on erre, on boit des verres, trop de verres, juste pour s’étourdir, se réchauffer d’une peau ou d’un baiser, pour oublier une autre peau, d’autres étreintes disparues. On sait que c’est impossible, mais…

Et parfois, au cœur de cette quête éperdue de l’oubli, on se heurte au sentiment amoureux d’un autre qui n’était censé être que de passage et auquel on ne peut répondre. Ou mal. On en est à la fois encombré et malheureux. Et malheureux de savoir qu’on va rendre malheureux sans doute. Qu’il est touchant et juste le jeune Erwann (Grégoire Leprince-Ringuet) qui tombe amoureux, et qui sans doute va au casse-pipe, parce qu’Ismaël, là, maintenant, a juste besoin d’une peau. Pour sauver la sienne.

Jeanne, elle, parsème son deuil d’actes héroïques ou symboliques : brûler les vêtements de l’absente, hanter un parc empli de souvenirs. S’y confronter chaque jour à la morsure du jamais plus.

J’aime le ton décidé – presque enjoué, pourrait croire un observateur extérieur - sur lequel sa petite sœur Jasmine (Alice Butaud) répond à la question d’Alice (Clotilde Hesme) « Ah non, je ne m’en sors pas du tout ! », parlant de son chagrin comme de ses révisions d’examens. Et ses pas en off qui s’éloignent discrètement du cimetière parce qu’il y a déjà quelqu’un devant la tombe et que ce moment-là, pour elle comme pour Ismaël, ne peut se vivre que seul. Et le seul accès de panique affiché de Jasmine à l'enterrement, c'est quand elle croit avoir égaré son livre...

Les acteurs des « Chansons d’Amours » sont des merveilles. Tous. La partition étant plus « gratifiante » pour ceux de l’après, bien sûr. L’humanité du réalisateur nourrit ses personnages à petites touches quotidiennes, et ces comédiens mêlent le grave au léger, au gré de sentiments et d’émotions auxquels je me suis identifiée, comme beaucoup, je crois.

C’est drôle, il y a un plan qui m’a rappelé mon film fétiche. Je ne sais si c’en était réellement une « citation ». J’aimerais croiser Christophe Honoré pour lui poser la question (j’aimerais croiser Christophe Honoré tout court, pour lui dire merci, ou rien du tout d’ailleurs, je ne sais pas bien faire ça) : Est-ce que ce très gros plan de Julie (Ludivine Sagnier) chantant et couvant du regard Ismaël errant dans un Montparnasse qui ressemble à Las Vegas ne serait pas une référence au « Coup de Cœur » (« One from the Heart ») de Coppola, où Nastassja Kinski chantait pareillement au-dessus d’un Frederic Forrest minuscule ? (cela me fait penser que je n’ai jamais parlé ici de ce film qui m’est essentiel, il faudra que j’y songe).

Voilà, j’écris ces lignes à 18 heures et quelques. Je suis sortie du film il y a deux heures et j’en suis encore sonnée. J’avoue que j’ai vu hier « Le scaphandre et le papillon » et que le week-end a donc été riche en émotions tristes. Mais « Les Chansons d’Amour » me parle personnellement, au cœur, à la mémoire. C’est un film dans lequel j’ai retrouvé mille petites et grandes choses de ma vie, lointaines ou récentes. Essentielles. Je sais que je suis toujours plus à fleur de peau que je ne le devrais au coeur de mes dimanches solitaires, mais la première chose à laquelle j'ai pensé pendant le générique de fin, c'est que si tous ces personnages ne le savaient pas encore à ce stade du récit, ils allaient s'en sortir. Tôt ou tard, plus ou moins heureusement. Mais sûrement. Je suis toujours éberluée de ce à quoi l'on survit.

Les chansons d'amour

lundi 27 novembre 2006

Babel

Qu'est-ce que j'en avais entendu parler, de ce film ! A Cannes, il était celui que j'avais tellement regretté de n'avoir pas pu voir, celui que certains avaient évoqué avec le plus de vibrato dans la voix.
J'aurais dû me méfier.
La déception a été à la hauteur de l'attente.
C'est terrible de se poser dans un fauteuil rouge d'une salle douillette et obscure, de s'y lover, de s'y pelotonner, sûre et certaine d'y passer un moment important, mouchoirs à portée de main (on m'avait prévenue à l'avance, et je suis une pleureuse, alors je prends mes précautions). Et de ressortir mitigée, déçue, puis au fur et à mesure que les heures avancent, furieuse. Après soi-même, de s'être fait avoir, après le réalisateur qui vous a déçue, après tous ces autres qui auraient mieux fait de ne rien dire parce que le désapointement aurait peut-être été moindre... Peut-être.

De Alejandro Gonzalez Inarritu, je connaissais la belle gueule, et surtout les deux films qui l'ont révélé : "Amores Perros" (Amours chiennes) qui m'avait prise aux tripes, et "21 Grammes", qui m'avait prise au coeur. Violemment bouleversée, les deux fois.

"Babel" reprend le procédé de ces deux merveilles : l'entrecroisement des destins, des souffrances d'humains dont la vie se brise ou change violemment de cap, pour un geste, une décision, une seconde suspendue, un mouvement, une émotion incontrolée, un coup de volant de trop...

Une sorte de "maraboud'ficelle-de cheval-de course-à pied...." infini et cruel, ou la vie ne tenait qu'à un fil, où les chiens et les hommes s'entretuaient, où parfois un coeur changeait de propriétaire dans un infime trait d'espoir. Rare chez Inarritu, l'espoir...

Dieu sait que je suis loin d'être quelqu'un d'optimiste, et que je pense très sincèrement que la vie est faite de beaucoup plus de souffrance(s) que de quoi que ce soit d'autre, mais là ! Il me bat à plates coutures, le beau Alejandro, petite joueuse, je suis...

On dirait qu'il a écrit son scénario (il a été aidé, d'ailleurs, par Guillermo Arriaga, le même co-scénariste que les deux précédents opus) avec à l'esprit une sorte de joie mauvaise à faire subir à ses personnages toutes les avanies possibles et imaginables, et rajoutons-en trois couches parce que ça plaît, le malheur, coco ! Et cette façon subtile qu'il avait de tricoter entre eux les destins de façon cruelle et imparable, ne tient plus dans "Babel" que du procédé, artificiel, voire racoleur, et plus du tout d'une alchimie humaine et sensible (c'est qu'il a du budget maintenant, Alejandro, alors il peut tourner au Maroc, et au Mexique, et au Japon, et avec des stars, siouplait !). A ce titre, l'épisode "japonais" de l'affaire, est marié aux autres de façon tout à fait tirée par les cheveux (il devait avoir envie d'aller faire un tour là-bas, sans doute, parce que le "battement d'aile du papillon" qu'est censé être l'épisode japonais aurait pu prendre place n'importe où ailleurs et de mille autre façons).

Bon, en fait, c'est le scénario qui m'emmerde. Lourdingue et m'as-tu-vu. Facile. Du flan. Des rebondissements tellement alambiqués et nombreux qu'ils en tuent l'émotion, qu'on en voit les grosses ficelles à travers la trame à moult reprises. Bel exemple, l'épisode des enfants perdus dans le désert avec leur nounou mexicaine - oui, ceux-là même dont la mère s'est fait tirer dessus alors qu'elle roupillait tranquillement dans son autocar au Maroc et dont le couple ne va pas fort depuis qu'ils ont perdu un bébé de la mort subite du nourrisson, ouf, c'est tout ? - cette scène donc, révèle la perversité (et la maladresse, là, car c'est tellement voyant) du scénario, qui choisit de montrer à leur réveil uniquement la nounou et le petit garçon, ignorant sciemment la petite fille, et offrant ainsi au spectateur quelques minutes supplémentaires d'angoisse et d'adrénaline : mais où est-elle, la gamine ? Que lui est-il arrivé, grands dieux ?

Au niveau de la réalisation, cependant, j’avoue qu’Inarritu m’a quand même bluffée. Il y a des moments magnifiques, une force qui se dégage de ces mouvements de caméra, de ce mariage d’images et de sons violents. Il est un grand faiseur d’atmosphère, et campe des personnages auxquels on s’attache, malgré tout.

Aidé par ses acteurs, tous excellents. Moi qui ne suis pas très « bradpittienne », je l’ai trouvé impeccable (et ça lui va drôlement bien, les tempes grisonnantes et les rides au coin des yeux, ma foi). Gael Garcia Bernal fait de la figuration (quelle pitié, bon j'ai quand même pu réviser un peu mon espagnol), Cate Blanchett fait très bien les femmes déçues par leur mari qui perdent beaucoup de sang en étant presque très courageuses, les enfants sont très blonds et propres ou très bruns et sales, c'est en option. Et la japonaise-sourde-et-muette-qui-est-frustrée-sexuellement-au-point-de-draguer-son-dentiste-sans-sa-culotte-et-qui-a-trouvé-le-cadavre-de-sa-mère-qui-s'était-tiré-une-balle-dans-la-tête est très mignonne quand elle sourit. Si.

Babel

PS pour Madeleine : je crois que je parle des films d'ordinaire dans la rubrique "Vu, entendu", à vérifier...

mercredi 22 novembre 2006

Coeurs et Culs

Chais pas si c'est une bonne idée d'avoir choisi ce titre de billet ?... Bof, j'm'en fiche, après tout.

Je parle ici rarement de cinéma. Une fois n'est pas coutume : tout à l'heure, sort le film d'Alain Resnais "Coeurs", que j'ai eu l'occasion de voir il y a quelques semaines. Ce film m'a laissée dans un état de... jubilation absolue. Que je ne m'explique pas tout à fait. Je deviens de plus en plus nulle pour expliquer pourquoi j'aime les choses que j'aime (les gens aussi).

Je me souviens d'une salle on ne peut plus tiède à la fin du film. Et de la formidable envie de rire qui était la mienne.

Il m'est arrivé de croiser Alain Resnais parfois, dans la rue pas loin de mon bureau, du côté des Champs Elysées. Peut-être habite-t-il par là ? Un être couronné de neige, maigre, un peu vacillant aujourd'hui, si présent !

"Coeurs" est le film d'un homme de plus de 80 ans qui connaît intimement l'humain. Infiniment. C'est un film sur la solitude, sur les secrets de chacun, les secrets qui isolent des autres, un récit de la non-rencontre, permanente. Il filme ses personnages parfois d'en haut, au centre d'appartements sans plafonds, comme autrefois il filmait les errements des souris de "Mon Oncle d'Amérique", pour illustrer les théories d'Henri Laborit sur le comportement humain.

Il a l'air si grave, si sérieux, Alain Resnais quand on le voit, quand on l'entend. Et pourtant, depuis quelques années, l'homme de "Hiroshima, mon amour", de "Providence", est léger, drôle, pointant l'humain d'un doigt tendre bien que lucide, partout, tout le temps. On chante et on danse dans ses films. Et on se moque de la gravité, même si elle suinte de chaque scène. Il se permet tout : marier la prière et le sexe, des frère et soeur qui ont l'âge d'être parent et enfant, un vieillard féroce invisible, des ratages, des espoirs déçus, le tout dans l'ouate d'une neige omniprésente. Pas de cris. Ou si rarement. Ce sont des aspérités tranchantes qui ont l'apparence du lisse. Par politesse sans doute. Que j'aime cette politesse-là. Qui dit merde quoi qu'il en soit. Avec tendresse.

Je me souviens de la perplexité de certains spectateurs (surtout des américains présents : un tel scénario est trop français, inimaginable chez eux...). Et de l'impossibilité que j'avais de dire moi-même pourquoi mon oeil pétillait de joie à la sortie de ce film-là, malgré l'amertume du propos, sans doute à cause de cela, exprimé comme rarement. Une américaine qui cherchait à comprendre m'a dit "Sans doute, tu te reconnais dans un des personnages ?". J'ai éclaté de rire et j'ai dit "Oh oui, je suis TOUS les personnages ! Sans nul doute..."

C'est drôle, le dernier film que j'ai vu parle de coeur aussi. Sous couvert de cul. Mais c'est la même chose, souvent, même si ce n'est pas forcément évident, non ?

J'ai bien aimé "Short Bus". C'est brouillon et modeux, new yorkais exclusivement et ça se termine dans une apothéose de guimauve qui m'a gonflée. Genre : tout finit par une chanson mielleuse, on s'aime tous et on a résolu tous nos problèmes, d'ailleurs plus personne n'a envie de mourir et tout le monde jouit comme il se doit. Pénible. Après nous avoir décrit les divers problèmes sexuels et amoureux des personnages, on dirait que le réalisateur (aidé de ses excellents interprètes eux-mêmes au scénario) a eu envie de boucler à tout prix son film, de façon fort improbable : l'une va connaître son premier orgasme par la grâce d'un joli couple partageur; avec un peu de veine la dominatrice trashy-artiste, qui sait aussi pleurer, trouvera bien le gentil mari auquel elle aspire sûrement au fond; les solos trouvent leur âme soeur en deux coups de cuillère à pot... Sans compter la fraternité sexuelle et le mélangisme homo-hétéro qui tient de la pure vision artistique, quand même. Mais j'ai bien aimé la sincérité foutraque des personnages, le ton libre avec lequel tout ce petit monde parle du sexe et le pratique comme faisant très naturellement partie de la vie, ce qui n'est pas si courant, au cinéma comme dans la vie, il faut bien le dire.

Ce que j'ai moins aimé, c'est le mec - alléché par les promesses de l'affiche et de la bande-annonce (la bien nommée en ce cas) - qui a trouvé le moyen de venir s'asseoir dans le fauteuil juste à côté du mien (en pleine après-midi en semaine - vivent les RTT - 10 péquins dans la salle...). J'ai déménagé 3 fauteuils plus loin, mais comme sa présence de plus en plus haletante commençait à me gâcher le film, je n'ai pas tardé à lui signifier de façon fort peu amène, je l'avoue, de débarrasser fissa MA rangée de fauteuils et d'aller se branler ailleurs ! (c'est de sa faute aussi, il lirait mon blog, il saurait que je ne supporte pas le moindre bruit perturbant au cinéma, et ce QUEL qu'il soit ! Il faudra que je le dise combien de fois ?!!).

Ceci dit, je l'aime bien aussi, cette affiche, je la trouve... douce, allez savoir pourquoi. Je me demande si je ne vais pas la mettre chez moi (en petit format quand même, faut pas charrier, et puis je n'habite pas un hall de gare), avec celle de "Coeurs". Elles seraient dans le ton de celles qui trônent déjà sur les murs de ma chambre, d'ailleurs, quand j'y songe : "Coup de Coeur" (MON film à moi, si vous ne le savez pas) et "Et la tendresse ? Bordel !", pour laquelle j'ai une certaine... tendresse. Quoi, c'est tendancieux ?! Ah bon ?...

Short bus

Coeurs

Coup de coeur

Et la tendresse

lundi 8 mai 2006

Ciné Cinémas

J'essaie de rattraper un peu mon retard de "toiles" ces temps-ci. C'est ainsi que j'ai vu trois films ce week-end et tout autant le dernier. Impressions rapides et en vrac.

La semaine dernière était consacrée aux comédies françaises.
Dans cette catégorie, "OSS 117" est Palme d'Or haut la main : petit bijou de drôlerie loufoque avec un Jean Dujardin bluffant dans un rôle de crétin séducteur et sûr de lui (ah, la scène où il fait taire le muezzin qui l'empêche de dormir... Et le petit jeu de lumière avec ces pauvres poulets...). Une image au grain et à la couleur années 50, des seconds rôles savoureux. Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu une comédie française aussi futée et bien ficelée. Un plaisir dont certaines scènes resteront cultes (notamment une interprétation désopilante de "Bambino" par Dujardin).

Etant personnellement assez fan de Fabrice Luchini, horripilant mais tellement talentueux, j'ai bien aimé "Jean-Philippe", dont je trouvais le "pitch" assez tentant : un monde sans Johnny Halliday. Restait à savoir ce que le réalisateur allait en faire. Ma foi, il s'en est plutôt très bien tiré : toutes les ressources de ce sujet en or sont explorées, portées bien sûr par un Luchini qui pète le feu et tellement "too much" qu'il en évite le ridicule même dans les scènes les plus casse-gueule... Quant à Johnny, il est parfait dans son rôle de patron de bowling au destin qui a tourné court, et personnellement, quand il chante à la guitare "On a tous quelque chose en nous de Tennessee", je l'ai trouvé particulièrement émouvant. Et puis on n'avait pas attendu ce film-là pour savoir qu'il était bon comédien, c'est qu'il a tourné avec Godard, quand même, notre Johnny national. Cela ne m'était jamais venu à l'idée d'acheter un de ses disques, maintenant je me demande si...

Troisième comédie du week-end dernier : "La Doublure", basique classique de Weber sans grande originalité, mais sympathique, avec d'excellents comédiens (Dany Boon, Daniel Auteuil, Michel Aumont...). Gad Elmaleh un peu effacé dans le rôle de François Pignon, il en oublie même d'être beau (quelle pitié !). Quant à Alice Taglioni, en plus d'être sublime, elle est tout à fait délicieuse et parfaite dans le rôle (comme il n'y a pas de justice en ce bas monde, j'ai appris récemment que cette bombe était aussi une talentueuse pianiste classique...)

Tiens, j'ai eu aussi l'occasion cette semaine de voir avec un peu d'avance le film de Liza Azuelos "Comme t'y es belle". J'ai passé un très bon moment et ai beaucoup ri devant ce "La Vérité si je mens" au féminin, avec un quatuor de comédiennes excellentes. Le film qu'on a en DVD chez soi plus tard et qu'on se repasse les soirs de blues...

Ce week-end j'ai changé de style et j'ai fait éclectique.

D'abord le très très très haletant "Mission Impossible III", qui nous mène à un rythme d'enfer. Je n'en attendais pas moins du réalisateur d'"Alias". Je trouve qu'il a même mieux tenu le pari que John Woo dans le numéro 2. C'est exactement ce qu'on attend de ce genre de film : cascades et effets spéciaux spectaculaires, suspense - presque - insoutenable, retournements de situation, une équipe de choc et de charme (j'aime beaucoup le petit "lieutenant" joli de Tom Cruise, où l'ai-je déjà vue cette petite gueule d'ange ?), un méchant hors-pair, un héros qui vient à bout de tout en en prenant quand même plein la gueule (enfin, si Tom Cruise chope 2 égratignures sur le visage, c'est bien le bout du monde, après avoir échappé à : explosion de missiles dirigés droits sur lui, balles et mitraillages en tous genres, sauts d'un immeuble ou deux, capsule explosive dans le crâne, électrocution volontaire, flammes de l'enfer... la routine, quoi). J'ai passé un excellent - et épuisant - moment.

Pour mon deuxième film du week-end, je vous renvoie chez Matoo qui en parle parfaitement : il s'agit du beau "Trans America", un road-movie avec une comédienne époustouflante : Felicity Huffman, dans le rôle d'une transexuelle qui se découvre un fils à quelques jours de l'opération qui fera d'elle une femme. Le trajet qu'ils entreprennent ensemble de New York à la Californie est touchant, drôle et très juste dans son récit d'un "parcours" pas évident, au propre comme au figuré.

Mon troisième film du week-end est une sorte de "perversion" personnelle (si) : Je suis allée voir "Son nom de Venise dans Calcutta désert", de Marguerite Duras, qui manquait à ma culture (il faut avouer qu'il est rarement projeté). Il s'agit d'une "expérience" de cinéma plus que d'un film à proprement parler. Marguerite Duras, après "India Song", film qui fait partie de mon panthéon personnel de films fabuleux, avait décidé de refaire un film avec LA MÊME BANDE-SON. Il faut dire qu'"India Song" est un film dans lequel tout le son est "off". On nous raconte une histoire d'amour et de mort, envoûtante et décousue, et les images sont de longs plans fixes, où les personnages restent hiératiques. Quelquefois les dialogues entendus correspondent à l'image du moment, quelquefois pas... La première fois que je l'ai vu, j'étais en fac, où on nous l'avait projeté dans une méchante salle aux chaises de bois. Le premier quart d'heure (un coucher de soleil en temps réel au son des cris et du chant d'une femme laotienne) était rythmé par le claquement de la porte de la salle à chaque spectateur qui déclarait forfait. Nous avions dû rester à une douzaine de courageux, et à la fin nous avions vu un des plus beaux films de notre vie. Et cette musique...
"Son nom de Venise..." ne m'a pas apporté grand-chose de plus. Je me suis laissée envoûter à nouveau par l'histoire, par les voix de Delphine Seyrig, Michaël Lonsdale, Mathieu Carrière et Marguerite Duras elle-même. Mais les nouvelles images d'une vaste demeure vide, aux vitres et miroirs brisés, aux papiers peints passés et décollés, aux planchers poussiéreux et recouverts de gravats, le tout en plans fixes (ou presque) et pendant deux heures d'affilée, ne m'ont pas bouleversée. Surtout qu'on a très vite très bien compris l'analogie avec l'histoire d'amour finie, la lèpre des murs (on est censé être à Calcutta), le symbolisme est un peu... pataud, disons (Marguerite n'a pas toujours fait dans la dentelle, malgré son immense talent).

Bon je viens de batailler pendant un quart d'heure pour essayer de vous mettre un extrait de la sublime musique de Carlos d'Alessio et je n'y arrive pas, et je suis à deux doigts de balancer mon ordinateur dans le mur, alors on s'en passera... Si vous m'appelez, je vous le chante !

jeudi 16 mars 2006

Esther Kahn

J'ai revu hier soir le magnifique film d'Arnaud Desplechin "Esther Kahn", avec une émotion aussi intense que la première fois (j'avais pompé l'air à tous mes copains avec ce film à sa sortie, bien peu sont allés le voir, j'avais dû trop les saoûler... Dommage pour eux).

Esther Kahn, c'est d'abord une actrice : Summer Phoenix, qui irradie l'écran de sa présence brute, parfois très belle, parfois ingrate, avec un sourire rare qui l'illumine. (note "people" : Summer est la petite soeur du regretté River Phoenix, et de Joaquin Phoenix. Les autres filles de la famille s'appellent Rain et Liberty, quant à Joaquin, il apparait dans certains films sous le doux prénom de Leaf, on est écolo ou on ne l'est pas...). Elle a étrangement tourné peu d'autres films depuis, aurait-elle été "étouffée" par ce rôle ?...

Esther Kahn

Esther est fille d'ouvriers dans l'Angleterre de la fin du XIXè siècle. Horizon gris et brun, murs de pierre, ruelles étroites, univers réduit et sans beaucoup de portes de sortie : elle sera couturière, ou travaillera en usine, les mains brûlées de soufre ou piquetées de trous, qu'elle tente d'effacer le soir, car dit-elle "elle ne veut pas être marquée comme une esclave". Elle a la voix rauque, la bouche boudeuse et les yeux noirs (que son père qualifiera de "bovins"...).

Et puis il y a le théâtre, distraction que goûte Esther avec une intensité différente des autres, jusqu'à se risquer sur les planches un jour pour jouer une soubrette, juste dire quelques mots, qu'importe. Cette entrée sous les feux de la rampe sera sa venue au monde.

Je crois que si j'étais comédienne - ce qu'à Dieu ne plaise - je regarderais ce film trois fois par semaine pour y redécouvrir chaque fois le parcours de cette actrice-là. Car c'est de cela qu'il s'agit : la transformation d'Esther, le chemin de la chrysalide au papillon, la naissance d'une actrice, ses classes jusqu'à "la note" juste, enfin, celle qu'elle ne perdra plus.

Esther veut devenir actrice, une bonne actrice, même plus que ça. Mais il lui manque des clés, la technique, l'émotion, la vie, l'expérience... Elle apparaît lisse et entière, tendant vers son but mais sa passion est sans nuances, brute. Nathan, un vieil acteur va lui apprendre le chemin. Ces moments-là du film, les leçons de Nathan (merveilleux Ian Holm) à Esther sont peut-être les plus intenses, les plus émouvants : Esther apprend à marcher en instillant une émotion différente dans chacun de ses pas, à transformer les gestes en action, le bruit en paroles, et enfin, à perdre le sens des mots pour jouer, jouer...

Esther Kahn

Elle est prête à tout pour aller au bout du jeu, Esther : il faut la voir chercher - froidement - et à tout prix, un amant, le premier, parce que Nathan lui a dit que le fait d'être vierge, de n'être pas amoureuse, lui interdisait toute une panoplie d'émotions. Alors elle jette son dévolu sur un auteur (Fabrice Desplechin, étrange casting décalé, mais intéressant) et va se donner à lui sans minauderie, entièrement, pour que "ce soit fait". Elle n'en ressent d'ailleurs aucune modification sensible dans son jeu et en est presque déçue. Elle a besoin d'un peu de temps pour "apprendre" encore...

Il faudra que son amant s'intéresse à une autre pour que la violence des émotions - enfin - fasse son entrée dans le coeur et la tête d'Esther. Et dans son corps aussi (scène incroyable où elle se frappe sans fin le visage, animale, dans l'appartement vide de son amant parti avec l'autre).

Au cours de la première représentation de "Hedda Gabbler" (son premier grand rôle), longue séquence chaotique, douloureuse, où ses partenaires, les propriétaires du théâtre, la costumière, l'habilleuse, déploient des trésors de patience et de vigilance pour la faire "tenir" en scène, Esther fera l'expérience pour la première fois de sa vie de la souffrance, de la colère, du désespoir, et, au bout de ces émotions, du talent pur, actrice née sous nos yeux et ceux de son public...

Esther Kahn

Je crois que je vais m'offrir le DVD, pour le revoir encore, cette émotion-là ne s'épuise jamais.

jeudi 2 mars 2006

Breakfast on Pluto

Oyez ! Oyez ! (ceci n’est pas un compte-rendu de Paris-Carnet, on verra plus tard, il y a urgence, là, sans blague, et puis je n’ai pas encore lavé le verre que j’ai piqué – sans le vouloir mais bien fait – au Bombardier ! Et en plus je crois bien que j'ai attrapé froid. Atchoum ! Tiens, qu'est-ce que je vous disais)

Non, le plus important c'est que j’apprends ce matin – je suis l’actualité cinématographique, moi, c’est fou…. – qu’est sorti hier le film de Neil Jordan intitulé « Breakfast on Pluto ». Film que j’ai eu la chance extrême de voir en octobre dernier à l’excellent Festival du Film Britannique de Dinard (où j’étais envoyée pour représenter ma boite, je ne leur ai pas coûté très cher en hôtel puisque mes parents habitent à cinq bornes de là, mais cela m’a permis de passer un week-end prolongé sur ma Côte d’Emeraude chérie sans payer le train, en voyant des films à l’œil, et accessoirement en mangeant des petits fours un verre de champ’ à la main, ben à quoi vous croyez que ça s’occupe, un festivalier dans un festival ?....)

« Breakfast on Pluto », donc, d’où j’étais sortie enthousiaste et bouleversée, ayant ri et pleuré 2 heures durant, émue au rythme des battements du petit cœur de Patrick « Kitten » Braden, le héros travesti du film, joué par l’incroyable Cillian Murphy qui, s’il ne fait pas trop d’erreurs dans le choix de ses rôles et la poursuite de sa carrière, deviendra – écoutez-moi bien – l’un des acteurs majeurs de sa génération ! Il y a bien longtemps qu’un comédien ne m’avait bluffée à ce point-là, d’ailleurs je vais retourner voir le film en grande partie pour lui ! (je suis allée spécialement voir le « Red Eye » de Wes Craven dernièrement pour l’y voir « en mec ». Il est très bien aussi).

Cillian Murphy

De Neil Jordan, j’avoue ne connaître que son « Entretien avec un vampire », et surtout « The Crying Game », qui traitait déjà de thèmes chers à ce cinéaste irlandais et que l’on retrouve dans « Pluto » : l’activisme de l’IRA, et l’identité sexuelle double. J’ai eu la chance d’assister, après la projection du film, à une master-class de Neil Jordan auprès de jeunes scénaristes, et j’avoue que le bonhomme m’a touchée et fait rire, et donné envie de voir d’autres de ses films, notamment « The Butcher Boy », « Mona Lisa » et « The Company of Wolves ». Il faut que je trouve les DVD…

« Breakfast on Pluto » est une sorte de conte qui pourrait commencer par « il était une fois ». D’ailleurs on y voit même parler les rouge-gorges… Il était une fois, donc, Patrick Braden, qui se surnommera plus tard lui-même « Kitten » (Minou), fruits des amours d’un prêtre et de sa trop jolie bonne, en Irlande dans les années soixante. Différent dès le départ, il construira son personnage ambigu et gracile, mais doté quand même de suffisamment de force pour s’affirmer au regard du monde, son monde catholique et viril, en tant que travesti, rêvant du grand amour, et de retrouver sa mère, partie à Londres refaire sa vie en abandonnant derrière elle ce bébé inavouable. Extravagant et fantasque, laissant derrière lui une enfance et une adolescence difficiles en Irlande, il tente l’aventure à Londres pour retrouver sa mère, partageant tour à tour la vie et la caravane d’un rockeur extravagant, « assistante » d’un prestidigitateur amoureux, ou « ingénue » de peep-show. Sur ce chemin-là, il sera pris aussi pour un terroriste de l’IRA, auteur d’un attentat sanglant….

Neil Jordan construit son récit en chapitres, comme dans les livres de notre enfance, avec un titre en lettres chantournées. Il y met des fées et magiciens auxquels Kitten devra renoncer à se fier et de sombres méchants qui le malmènent en lui faisant croire parfois qu'ils vont l'aimer (mention spéciale à Brian Ferry dans un très court rôle looké cinéma muet). Il parsème son film de réalités violentes et de rêves trop colorés pour devenir vrais, le tout sur une musique seventies omniprésente. Son héros pailleté avance, cils battants et coeur plein d'espoir vers un quotidien douloureux qu'il apprendra à traverser sans jamais renoncer à être lui-même, travesti affirmé, assoiffé d'amour, évitant l'amertume quoi qu'il advienne...

A chaque moment du film, Kitten est touchant et drôle (scène hilarante où il supplie qu’on le laisse en prison), espiègle et prêt à tout pour aimer et être aimé, des hommes de passage, de ses amis fidèles, de sa mère qu’il laissera à sa nouvelle vie, de son père retrouvé au beau milieu du chaos, et enfin d’un enfant, l’espoir….

Cillian Murphy

La bande annonce est là.

mardi 28 février 2006

"Munich"

Je suis sortie du film « Munich » de Spielberg assez... éprouvée. Ce récit de la prise d'otages d'athlètes israéliens par des Palestiniens aux Jeux Olympiques de Munich en 1972 et surtout de la poursuite et l'élimination des terroristes du groupe Septembre Noir par les agents du Mossad m'a plongée pendant deux heures quarante au coeur d'une violence affichée ou souterraine, permanente...

J'ai lu à droite et à gauche les articles polémiques qu'a suscité la sortie du film, notamment aux Etats-Unis, où l'on reproche peu ou prou à Spielberg, le seul cinéaste totalement autonome de Hollywood, le plus puissant sûrement, juif attaché à ses origines, d’avoir donné dans ce film la parole aussi aux Palestiniens et d'avoir brossé peut-être un portrait peu flatteur du gouvernement israëlien de l'époque, même si Golda Meir est présentée comme d'abord réticente aux représailles, avant de s'y résoudre.

La polémique n'est pas mon propos (je n'y excelle pas du tout et la pratique fort peu pour cette raison...). Je n'ai aucun parti à prendre, mais ce qui ressort pour moi de ce film "inspiré de faits réels" et que Spielberg revendique comme un plaidoyer pour la paix plus que comme un "documentaire" historiquement inattaquable (il l'est sans doute), et ce pour quoi il mérite pour moi d'être mille fois remercié, c'est d'avoir souligné ici l’inanité absolue de la loi du talion. L’inutilité de la violence. La bêtise insondable de la vengeance qui en suscite une autre, puis une autre encore. La spirale sans justification du meurtre qui appelle le meurtre, sans fin, jamais. Quelle que soit la cause défendue, elle ne mérite jamais cela.

La violence souligne juste le caractère tellement identique des adversaires. C'est une ironie qui me frappe toujours, quel que soit le débat, quels que soient les combattants : Mon Dieu, qu'ils se ressemblent ! Et je rêve parfois qu'ils en prennent conscience...

jeudi 10 novembre 2005

En voilà une bonne nouvelle !

baleiniéJ'ai appris ce matin la sortie du "Baleinié 2", et ai semé la panique chez Virgin ce midi en allant le réclamer illico. Pas encore arrivé. Mais j'ai fait fleurir des sourires et des lueurs de plaisir dans les yeux des vendeurs et vendeuses à qui j'ai appris la nouvelle.

"Le Baleinié", c'est ce joli petit livre relié de toile verte (joli objet, pas très cher, rien que du plaisir, je l'ai offert à moult exemplaires), écrit par trois comédiens : Christine Murillo, Jean-Claude Leguay et Grégoire Oestermann, qui y recensent les petits tracas ordinaires et leur donnent - enfin - des noms. Chaudement recommandé aux amateurs de mots inventés.

Exemples du tome 1 :

Zoupard : distance entre le ticket de péage et le bout des doigts tendus.
Patoplasbille : soquette seule au sortir de la machine à laver.

Il y avait une urgente nécessité à sortir enfin le deuxième Baleinié - dictionnaire des tracas, donc, pour en nommer d'autres tout aussi tracassants :

Ertezoute : personne qui vous tient la porte de si loin qu'elle vous oblige à presser le pas.
Kuridazir : Ne plus faire aucun progrès en rien.

Je crois que les trois auteurs ont monté le premier Baleinié sur scène. Je n'ai pas vu ce spectacle mais j'aurais aimé goûter à l'oral leurs petits trésors de poésie et d'absurde.

J'attendrai donc mon retour de Bretagne lundi pour m'offrir et offrir le Baleinié 2. Dommage, je l'aurais bien dégoussaillé dans le TGV qui m'emmènera vers Saint Malo tout à l'heure. Il m'aurait consolé de trois journées sans écrire ici, sans lire ailleurs sur la toile (mon bord de mer ne connaît pas de connexion internet, ni de borne wi-fi, il ne connaît que les embruns et c'est très bien ainsi).

Allez un petit dernier, parce que je l'adore :

Spovia : radio qui ne marche que quand on lui tient l'antenne. Fig. : adolescent peu porté sur les études.

mercredi 9 novembre 2005

A moitié

Entendu à la nouvelle Cinémathèque Française. Deux vieilles dames devant une vitrine :

Vieille dame 1 : "Mais, il ne s'est pas suicidé, lui ?"

Vieille dame 2 : "Oh si, à moitié !"

Cela m'a plongé dans une profonde perplexité, suivie d'un sacré fou-rire.

Je suis allée vérifier dans la vitrine devant laquelle elles se tenaient, après qu'elles se soient éloignées tout tranquillement : c'étaient des objets appartenant à Erich von Stroheim. Comme je ne crois pas qu'il se soit suicidé, j'ignore de qui elles parlaient.

J'adore les vieilles dames quand elles donnent dans le loufoque et l'absurde !

mercredi 2 novembre 2005

Fâchée après Noos

Ce billet devrait plutôt être dans la catégorie "Non vu, non entendu"...

A cause de Noos, qui ne propose pas à ses abonnés toutes les chaînes de la TNT (bon, d'habitude je m'en fiche, mais là non), j'ai raté hier soir le merveilleux film de René Clair diffusé sur Direct 8 (kézaco ?), "Ma femme est une sorcière" ! Un film qui doit être le premier que j'ai vu au Ciné-Club de Claude-Jean Philippe quand j'avais, je ne sais pas, 12 ans peut-être, c'est à dire.... il y a un fameux bail !

J'en garde un souvenir extasié mais n'ai jamais réussi à le revoir depuis. J'espère que ma copine Ya que j'ai appelée à la rescousse à cinq minutes du début du film aura réussi à me l'enregistrer.

"I married a witch" est l'un des films de la période américaine de René Clair, exilé à Hollywood pendant les années de guerre, sorti en 1942, délicieux, drôle, ironique, parfois cynique. Pour preuve, cet extrait de dialogue, dans la bouche de Jennifer, sorcière qui va bientôt se réincarner sur terre par vengeance contre le descendant de l'homme qui l'a autrefois trahie.

"It would be nice to have lips... lips to whisper lies... lips to kiss man and make him suffer. Father, why cannot I have lips, and eyes, and hair?"

Son voeu sera exaucé puisqu'elle aura les lèvres, les yeux et la célèbre longue mèche blonde de la divine Veronica Lake...

J'ai hâte de le revoir !

mardi 1 novembre 2005

Le "débat" selon Arte

Samedi soir, je me préparais pour sortir. J’avais allumé la télé pour regarder les infos et zappé ensuite sur Arte pour éviter les émissions pathétiques du samedi soir, car Patrick Sébastien, même en bruit de fond pendant que je me maquille, j’ai du mal….

Et je me suis retrouvée « scotchée » devant un documentaire passionnant. Heureusement que j’étais invitée à une fête et non un dîner, car je serais arrivée pour le dessert !

Alors me voilà fascinée, en peignoir, les cheveux mouillés, un œil avec du mascara et l’autre pas, en train de « dévorer » (on le dit d’un livre, pourquoi pas d’une émission ?) « Homo sapiens : une nouvelle histoire de l’Homme ».

Le sujet (je vais essayer de faire simple et de ne pas trop m’embrouiller) : une nouvelle théorie de l’évolution, réfutant celle de l’adaptation au milieu (hypothèse soutenue notamment par Yves Coppens, contestée aujourd’hui, selon laquelle les changements climatiques et l’environnement géographique de l’homme auraient donné lieu aux modifications physiologiques majeures ayant conduit à la station debout et à la naissance d’une nouvelle espèce, les australopithèques).

La thèse d’Anne Dambricourt, paléoanthropologue, qui travaille sur le sujet depuis plus de 20 ans, est que notre processus évolutif est au contraire interne. Un petit os crânien en forme de papillon, appelé sphénoïde, situé à la base du crâne, juste sous le cerveau, serait à l’origine des mutations majeures survenues au cours de l’évolution pour arriver à l’homme moderne. Cet os a fléchi à cinq reprises au cours du temps, toujours dans le même sens, chaque flexion correspondant à la naissance d’une nouvelle espèce de la famille humaine. Pour faire simple (explications d’une néophyte, je vous raconte ce que j’ai compris) : une première flexion aurait modifié la position de la colonne vertébrale, permettant la station debout. La flexion suivante aurait libéré le larynx, permettant la parole, une autre aurait permi le développement de la boîte crânienne et donc du cerveau (feu, premiers outils…), une autre flexion aurait permis le développement du cerveau d’une autre façon (apparition de formes artistiques…).

Ce qui était le plus fascinant, c’était que la question induite était « à quand la prochaine flexion ? Que sera l’homme du futur ? ». Des études menées par une orthodontiste révèlent que la plupart des enfants de la planète connaissent actuellement des problèmes de positionnement des dents et des mâchoires. Serait-ce le signe avant-coureur de la nouvelle flexion du sphénoïde ? On nous montrait même le « portrait » dessiné de cet humain à venir : grand crâne et front haut (une meilleure utilisation du cerveau, après tout, nous ne l’utilisons qu’à 10% de ses capacités, il paraît) et petites mâchoires (ceci dit, si l’homme du futur n’a pas les instruments pour bien manger, je préfère faire partie de cette promotion, personnellement…).

Bon, il semble quand même que les paléontologues du monde entier se crêpent sérieusement le chignon entre défenseurs et adversaires de cette théorie, mais je dois avouer que toute candide que je sois sur ce sujet, cela m’a paru tout à fait passionnant et assez plausiblement merveilleux, j’avoue. Je vais lire le bouquin d’Anne Dambricourt à ce sujet pour comprendre un peu mieux sa théorie dans le détail.

Ce qui m’a franchement agacée, c’est le « débat » que nous annonçait Arte ensuite et que je suis restée regarder. Alors en fait de débat, nous avions là deux scientifiques aussi compassés l’un que l’autre et qui en gros ont tenu absolument le même discours, à savoir que « bon la p’tite dame elle est bien gentille avec sa théorie, mais la majeure partie des milieux scientifiques s’accordent à penser que ce n’est pas la vérité, hu, hu…. ». Ce à quoi on peut leur rétorquer que quand Galilée a déclaré que la terre était ronde, les milieux scientifiques s’accordaient à penser que non, et que le malheureux a mis des années avant de faire admettre qu’il avait raison, procès à la clé. Et d'autres "découvreurs", avant et après lui ont eu à combattre des "confrères" sceptiques au point de leur mettre des batons dans les roues et de les dénoncer comme fabulateurs. Alors les milieux autorisés qui s’autorisent à penser (comme dirait Coluche) feraient peut-être bien de la mettre en veilleuse, parfois….

Quant à Arte, peut-être serait-il bon qu’ils apprennent ce qu’est un « débat », parce que deux personnes qui sont d’accord pour discuter d’un sujet, on pourrait tout aussi bien en économiser une, non ? Souvenez-vous, aux « Dossiers de l’Ecran », quand j’étais petite, il y avait toujours 5 mecs qui disaient blanc et 5 mecs qui disaient noir (et quelquefois un qui disait gris ou vert ou rouge, histoire de). Bon, on n’était pas forcément plus avancés à la fin qu’au début, mais au moins c’était animé….

Ou alors chez Polac, souvenez-vous de « Droit de Réponse » : ça c’était du débat, mes aïeux ! D’ailleurs c’était pire que ça. Je pense que Polac, dans une vie antérieure, avait dû être organisateur des jeux du cirque, à Rome. Là où il faisait très fort, c’est qu’il installait les contradicteurs les uns derrière les autres ! Vous avez déjà essayé, vous, de discuter, d’argumenter, de débattre, voire de vous engueuler, avec quelqu’un qui vous montre son dos ?! Ca rend fou ! C’est pour ça que ça pétait tout le temps sur son plateau. Et comme dans une autre vie antérieure, il avait dû être le Commissaire Maigret (genre flegmatique en toutes circonstances, avec sa pipe. Non c’est Field la pipe ? Lui aussi ? Je ne sais plus…), ça rendait les mecs encore plus fous et ils disaient n’importe quoi pour se faire entendre. C’était formidable cette émission, vraiment.

Bon, pour revenir à mon petit os sphénoïde à moi, ça pourrait être pas mal qu’il fléchisse prochainement pour me libérer un peu l’occiput et me donner des capacités de compréhension supérieures, parce que j’ai tenté récemment de décrypter les instructions de montage d’un meuble Ikéa, et franchement, il a fallu que je me dégoussaille méchamment le ciboulot….

(voir chez obni pour la définition et l'utilisation du joli verbe "dégoussailler")

On m'aurait dit...

Nana... que j'aurais un jour dans ma discothèque un disque de Nana Mouskouri, j'aurais bien ri !

Et pourtant j'ai celui-ci, depuis 2 ou 3 ans je crois, et j'ai eu envie de l'écouter encore ce matin parce que c'est une merveille. Elle l'a enregistré en 1962 à New York sous la direction de Quincy Jones; elle avait 25 ans. Cette fille a une voix d'une pureté incroyable !

Pourquoi et comment a-t-elle choisi ensuite une autre voie, celle de la variétoche internationale, sans doute plus lucrative, je l'ignore et c'est son choix (ou celui de ses managers peut-être), mais c'est dommage, très dommage qu'elle nous ait privés de cette voix-là dans un répertoire digne de ce nom.

Ici, elle chante Cole Porter et Gerschwin, et "Smoke gets in your eyes" et "Love me or leave me", et même en anglais "What now my love" une version rigolote de "Et maintenant", de Bécaud et Pierre Delanoé.

Ce CD m'a servi un temps de quizz auprès de mes copains (maintenant ils le connaissent tous, et beaucoup l'ont acheté d'ailleurs). Je le leur faisais écouter et ils devaient deviner qui était l'interprète. Il n'y avait que quand je finissais par les orienter sur la piste de la nationalité de la dame que la lumière se faisait. Il n'y a pas pléthore de chanteuses grecques !

Alors voilà, j'ai un CD de Nana Mouskouri, et j'en suis fière !

Sur ce, je m'en vais de ce pas, et en musique, faire de la compote de pommes (du jardin de mes parents), avec de la cannelle, et peut-être même quelques raisins secs, si l'envie m'en prend.

jeudi 27 octobre 2005

Image...

Ce matin, dans le métro, un homme dormait.
Pour s'isoler du sol froid, il avait étalé au-dessous et autour de lui des dizaines d'exemplaires du journal grand format distribué dans le métro, dont le présentoir était à quelques mètres de lui.

Cette semaine, en couverture de ce journal, il y a le visage en gros plan de Monica Bellucci, le regard tourné vers le côté.

Autour de cet homme épuisé, veillaient des dizaines de Monica Bellucci de papier, les yeux tournés vers lui, comme berçant son sommeil....