(spéciale dédicace de ce billet pour Erin, de jolies images à regarder pendant sa convalescence…)
Jour J. La cérémonie. Lever et préparatifs des uns et des autres dans la jolie maison qui nous abrite, non loin de celle des parents de la mariée. Un autre penjabi. Un autre bindi assorti. Plus tard je regretterai vraiment de n’avoir pas porté un sari ce jour-là. Pas osé, peur de ne pas savoir le porter, de ne pas savoir bouger ou marcher avec, alors que c’est un vêtement extrêmement confortable et agréable à porter. Et quand c’est une indienne qui vous le met, ça ne bouge pas d’un pouce. Mais c’est tout un art ! Et une technique !
La sœur de la mariée a fini par arriver au petit matin de Delhi avec Isabelle, une autre invitée française, amie de la famille qui sera ma compagne privilégiée pendant toute cette journée de mariage, me donnant moult explications sur le déroulement de la cérémonie, malgré la fatigue de son voyage (elles auront été coincées plus de vingt-quatre heures dans l’aéroport glacial de Delhi).
On nous conduit au lieu de la cérémonie : une vaste salle décorée de fleurs, prête à accueillir les 1200 invités de la noce ! D’ailleurs ils commencent à arriver, les hommes devant, les femmes suivant : un festival de saris de toutes les couleurs. On s’installe dans la salle aménagée comme pour un spectacle : une estrade sur laquelle trône un dais fleuri sous lequel auront lieu les divers rituels de la cérémonie. De chaque côté du dais, des places réservées à la famille proche : les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Et dans la salle, même répartition des invités, hommes et femmes séparés, qui assistent au spectacle. On sert le petit déjeuner : du riz épicé et du chaï. Je décline le riz, le matin, c’est un peu difficile pour mon palais occidental…







Commencent alors les rituels, menés par un brahmane (représentant de la plus haute caste en Inde), tout d’abord avec les parents de la mariée (Maganbhai me fait signe gentiment : pour prendre mes photos, je me suis mise du côté des hommes, je n’ai pas trop le droit d’être là, oups…), rejoints ensuite par leur fille. J’avoue que je ne connais pas trop la signification de chaque rituel, Isabelle et moi avons assisté à tout cela sans comprendre vraiment tout ce qui se passait, le brahmane prononçant des prières en hindi le plus souvent à toute allure (en regardant ailleurs et en ayant l’air de penser à toute autre chose, c’est assez drôle à voir, il paraît que c’est la tradition, en plus il est en chaussettes...). Dans chaque rituel interviennent le feu et l’eau, l’encens, les fleurs, les noix de coco…





Le plus frappant pour un occidental au cours de toute cette cérémonie (qui s’étalera sur toute la journée), c’est l’absence totale de recueillement de l’assistance. Pendant que le brahmane officie, point de silence : tout le monde parle, mange, se déplace, les enfants courent sur l’estrade, chahutent ; on sert des verres d’eau, des glaces, c’est un joyeux foutoir !
Les invités se relaient pour aller déjeuner dans une grande salle à l’étage du dessous, servis par du personnel bien sûr, mais aussi les membres de la famille. Isabelle et moi, assimilées à la famille proche - nous avons nos places sur l’estrade - sommes invitées à aller déjeuner en dernier. Je me souviens avec émotion de ce déjeuner où le grand-père de la mariée, un adorable vieux monsieur très souriant, viendra à la fin du repas nous donner à chacune une cuillère de glace, de la même façon qu’on donne une cuillerée de nourriture à un bébé, à titre de bénédiction, et pour marquer notre statut d’invitées de marque. J’ai été très triste d’apprendre que ce vieux monsieur si charmant est mort quelques jours seulement après le mariage de sa petite fille…
Après le déjeuner, nous sommes conviées, Isabelle et moi – un grand honneur – à accompagner les femmes de la famille pour… aller chercher le marié, chez lui ! Le marié c’est vraiment la star : il se fait attendre et désirer, et c’est toujours sa belle-mère qui vient le chercher !
Nous partons donc en délégation féminine jusque devant le domicile du marié, où stationne une voiture richement fleurie, dans laquelle le héros du jour attend patiemment que sa belle-mère l’invite à en sortir. Tout le monde entre ensuite dans la maison où se tiendront quelques conciliabules en hindi ou gujarati, la langue locale. Puis les femmes de la délégation repartent d’où elles sont venues. Pendant ce temps-là, le marié prend place dans une voiture trainée par des chevaux qui va faire lentement son chemin jusqu’au lieu de la cérémonie, précédée d’une fanfare pour le moins bruyante et accompagnée des amis du marié qui chantent et dansent durant tout le trajet.




En attendant son arrivée, j’ai le droit d’assister à la coiffure et à l’habillage de Jayana, qui va revêtir le sari traditionnel de mariage, rouge brodé d’or (lourd sur son épaule), et arborer une coiffure toute de fleurs fraiches sous son voile rouge brodé. A un moment, elle éclate de rire en me regardant : il paraît que j’ai les yeux écarquillés et la bouche ouverte, médusée. Il est vrai que je me sens comme une gamine devant son premier sapin de Noël, émerveillée… On coiffe et maquille aussi sa sœur, la jolie Jagu, qui ne porte pas trop la fatigue de son interminable voyage.






On annonce l’arrivée du marié ! Résonnez trompettes !!! La famille descend en délégation pour l’accueillir, les invités se massent au balcon pour assister à la scène.
C’est toujours belle-maman qui va l’inviter à descendre de son carrosse, pendant que les amis du marié continuent à danser et à chanter. C’est très gai.




Ajai, donc, puisque c’est son nom, fait son entrée dans la grande salle, accueilli par sa belle sœur Jagu, et son beau-frère Hiran (l’adorable frère de Jayana qui n’a cessé de courir partout pour tout organiser durant ce mariage, toujours souriant et aux petits soins pour tous les invités). Il écrase du talon une petite boite symbolique (ne m’en demandez pas plus, il n’y avait personne parlant français pour m’expliquer ceci…) avant l’apparition fugitive de Jayana qui vient jusqu’à lui pour lui passer un collier de fleurs autour du cou, avant de repartir avec ses suivantes.





On installe Ajai sous le dais fleuri, dans l’un des fauteuils de cérémonie, et sa famille, porteuse de cadeaux, d'un côté de l'estrade, hommes et femmes mélangés (!), tandis que la famille de la mariée est regroupée de l'autre côté. On tend devant Ajai un drap blanc, verticalement, tenu à chaque bout par le brahmane et son assistant. On amène Jayana à l’autre fauteuil, et on joint leurs mains sous le drap. Commence alors une très longue litanie du brahmane, sur un rythme chantant et rapide, et qui se poursuivra quand le drap aura finalement été enlevé entre les deux jeunes époux, et qu’on les aura reliés par un fil rouge autour de leurs deux cous.




C’est ensuite le moment de la bénédiction des époux par une religieuse venue spécialement de la communauté du gourou familial, un grand honneur... Ensuite les parentes les plus respectées de la famille feront à leur tour à Jayana et Ajai la marque traditionnelle sur le front avec une pâte rouge, agrémentée de grains de riz.
Je crois qu’ils sont vraiment mariés maintenant puisqu’enfin ils posent ensemble, mains unies, pour les photographes.



Ensuite, le brahmane continue les rituels avec les parents des mariés cette fois, qui échangent fleurs et fruits, au rythme d’une même litanie, et se congratulent mutuellement. Pendant ce temps-là, le marié, toujours lié par son fil rouge, en profite pour passer un petit coup de téléphone !



Les parents donnent une dernière bénédiction à leurs enfants, avant que défilent devant eux les invités qui les félicitent et leur offrent les cadeaux qu’ils ont apportés. A la fin, le brahmane s’adresse longuement à eux afin de leur expliquer leurs rôles respectifs dans le couple et la portée spirituelle du couple. Je regrette de ne pas comprendre ces mots-là, dont Hiran, le frère de Jayana, me dira juste qu’ils étaient bouleversants et profonds et apportaient à cette cérémonie et à cet engagement un éclairage essentiel…


C’est le retour ensuite à la maison du père de la mariée pour un dernier rituel, le plus émouvant de toute cette journée, celui de l’adieu de Jayana à la maison de son père. Les femmes ont préparé un grand plateau de cette substance rouge qui sert aux bénédictions, avec laquelle les deux nouveaux époux vont enduire les paumes de leurs mains. Paumes qu’ils apposeront ensuite sur le mur extérieur de la maison paternelle, près de la porte d'entrée, les petites mains de Jayana en-dessous de celles de son mari, symbole qu’une fille s’est mariée ce jour-là. Elle quitte ensuite sa famille, prise en charge désormais par celle de son mari. Jayana pleure à chaudes larmes en embrassant ses parents, ses frères et sœurs, ses cousines… Et nous pleurons tous avec elle. Moi aussi, j’avoue.
