Mariage 3è jour (Carnet Indien 10 et fin)

Dernier jour à Nausari, le lendemain de la cérémonie de mariage. Isabelle et moi, levées les premières, nous installons par terre au soleil devant la belle maison qui nous accueille, à l'ombre d'un bananier, en attendant que les autres occupants soient prêts. La voisine qui nous aperçoit par dessus sa haie vient spontanément nous apporter des sièges et du chaï... Nous communiquons par gestes un petit peu, elle ne parle sans doute que le gujarati, la langue locale (en Inde, il y a les langues officielles : l'hindi et l'anglais, et chaque état collectionne une ou plusieurs langues régionales, on en compte une bonne centaine, peut-être deux, mes sources - indiennes - ne sont pas toutes d'accord sur le nombre...) Nous retournons ensuite dans la maison de Maghanbai et Kaanchan, juste à temps pour assister à la danse traditionnelle des "hijras". Ce mot signifie "ni homme ni femme" : les hijras sont des eunuques, des hommes castrés habillés en femme, au statut particulier dans la société indienne, mi-craints, mi-méprisés, qui viennent "bénir" les maisons où ont eu lieu un mariage ou une naissance - ils sont toujours au courant, on ne sait comment - contre une obole. Ils chantent et dansent en cercle devant la maison et laissent un petit mot écrit à même le compteur électrique pour signaler qu'ils sont déjà passés, pour ne pas que d'autres viennent à leur tour réclamer des sous !

Hijras

Hijras

Ensuite a lieu la dispersion des éléments du petit autel à Ganesh installé dans la maison à l'occasion du mariage. L'eau contenue dans des vases est emmenée en procession pour être reversée dans la fontaine toute proche, autour de laquelle trottinent des dizaines de cochons, et aussi une vache ou deux. Ces petits cochons, il y en a en liberté dans toute la ville. Ils ont un propriétaire, m'a-t-on dit, mais chacun peut utiliser leurs poils pour fabriquer des brosses, par exemple. C'est le prix payé par le propriétaire pour les laisser gambader et se nourrir partout.

cochons

porteuses d'eau

On m'a avertie de ne pas prendre mon appareil photo avec moi pour aller jusqu'à la fontaine, je ne vais pas tarder à comprendre pourquoi : cette expédition donne lieu à l'arrosage systématique de tous les participants ! Et pas qu'un peu ! Nous recevons des seaux d'eau entiers sur la tête. Ça crie et ça rit à qui mieux mieux sous les yeux amusés des voisins. Même la grand-mère de 85 ans court furieuse après le grand-père qui lui a versé un plein récipient sur la tête avant de s'enfuir en pouffant comme un gamin édenté. Je crois qu'elle pensait être épargnée à cause de son grand-âge... Raté ! Quel fou-rire. Je vois mal mes parents, même s'ils sont un peu plus jeunes, se courir après comme des mômes en s'aspergeant d'eau.... (il faut avouer qu'en Bretagne on évite ce genre de sport sous peine d'épidémie de pneumonies...). Après, et bien nous nous essorons et restons au soleil qui sèchera bien vite cheveux et vêtements. La voisine en profite pour nous proposer des dessins au henné sur les bras ou les jambes. Tiens, pourquoi pas... Il me restera tout juste le temps des vacances, effacé totalement à peine 2 jours avant mon retour au bureau. J'admire la dextérité de la dessinatrice (et décidément, je n'arrête pas de mettre des photos de moi sur ce blog !)

dessin henné

dessin henné

henné

Après, la journée s'écoule, douce et paresseuse : des marchands passent dans la rue et proposent des fruits. On négocie le prix accroupi sur le seuil de la maison, et on les mange là au soleil. C'est bon, je ne me souviens plus de leur nom...

marchad de fruits

Plus tard, Maghanbai me croise avec étonnement dans la maison après le déjeuner et s'étonne que je ne sois pas dans la chambre des "filles" à l'étage pour faire la sieste. Ah bon ? Moi je veux bien. Vous avez déjà essayé de coller 10 filles dans une même pièce et de les faire dormir ?... Pas question, ça piapiate à qui mieux mieux même si on ne parle pas la même langue ! Jagu est là pour traduire hindi, gujarati et français. Très peu parlent anglais. Elles se moquent à nouveau gentiment de ma tenue européenne remise aujourd'hui et qui je l'avoue ressemble fort à un pyjama, comme le dit la grand-mère qui déplore chaque fois qu'elle me croise que je ne porte pas le sari, pas de bijoux, et que j'aie les cheveux détachés. Malgré cela, elle a déclaré hier qu'elle voulait me garder ici, voire m'adopter ! Il faut dire que je lui ai demandé l'autre jour la permission de l'embrasser - cela se pratique fort peu ici - et depuis elle ne cesse de m'enlacer par la taille (c'est à sa hauteur, cette adorable grand-mère poids-plume m'arrive à peine à l'épaule) et m'embrasse comme du bon pain à chaque fois qu'elle me croise, au grand étonnement de ses filles et nièces, à qui elle n'a jamais réservé le même traitement !!!

Elles ont tellement envie de me voir en sari qu'elles vont m'en trouver un ! Le sari en lui-même, ce n'est pas un problème, ce n'est qu'une pièce de tissu de 5 ou 6 mètres de long, sur 1,20 mètre de large environ, même format pour tout le monde. Le souci, c'est le "cholit", ce petit caraco ajusté qui se porte en dessous, et qui est fait sur mesure. Pas facile de m'en dégoter un à ma taille. Isabelle finalement m'en trouvera un à elle qui s'ajustera parfaitement. Et me voilà en sari pour la journée ! C'est vraiment un vêtement très agréable à porter, très seyant, et qu'il n'y a aucun risque de "perdre" (ma grande crainte), à condition que ce soit une indienne qui vous l'ait mis ! C'est une sacrée technique....

C'est donc en sari que j'irai faire un tour dans le bazar, ou je me ferai faire, avec l'aide précieuse de Maganbhai pour la négociation, une bague cosmopolite avec une petite émeraude rapportée par ma soeur de Colombie il y a une dizaine d'années (en France, cela coûte une fortune même si on fournit les éléments, ici l'or n'est pas cher, la façon non plus, on m'en demandera 10 fois moins qu'à Paris...). C'est en sari aussi que je vais prendre le soir une leçon de chapatis, ces délicieux pains-galettes. C'est Barini (orthographe incertaine), qui a tant pris soin de moi au cours de ces trois journées qui malaxe la pâte, accroupie par terre comme ma petite grand-mère chérie qui lui tient le plat (vous croyez qu'on y arrivera, nous, à être accroupies comme ça à 85 ans ? J'en doute, en plus elle se relève sans problème...). On laisse reposer la pâte, ensuite on forme des boulettes qui sont étalées avec dextérité sur une petite planche en bois. Il faut le coup de main. J'ai essayé, elles étaient mortes de rire.... Ensuite (mais pourquoi je n'ai pas de photos de ça, moi ?... tssst) le chapati est cuit dans une petite poêle et EN DEHORS de la poêle directement sur la flamme, tenu et retourné avec vivacité entre deux doigts, au risque de sacrées brûlures ! De toute façon, chez moi c'est vitro-céramique, j'oublie....

chapatis

chapatis

Dernière nuit dans la belle maison. Le lendemain matin, les adieux seront difficiles. J'ai été accueillie si chaleureusement ici, comme un membre de la famille. On m'invite à revenir, oh, comme j'aimerai.... La grand-mère pleure à chaudes larmes en m'embrassant, moi aussi. Je reviendrai, promis. Le grand-père farceur m'applique du pouce un peu de cette substance rouge, dont j'ignore toujours le nom, sur le front, comme une bénédiction, en me glissant un billet de 50 roupies dans la main, pour la prospérité, sans doute. Je le garde précieusement auprès de moi, ce porte-bonheur...

Tiens, j'ai envie de finir avec eux, ces grands-parents terribles, si gentils et joyeux. J'espère que je les reverrai.

grands-parents

Mon voyage n'est pas terminé. Je l'ai raconté à l'envers dans les billets précédents. Mon récit, lui, s'arrête là. J'espère que j'aurai l'occasion d'en faire d'autres sur ce pays magique... bientôt.

Un dernier petit cadeau, pour la route : mon ami Ganesh qui trône sur mon fond d'écran, sympathique et coloré, pour veiller sur chacun, dieu de la chance qu'il est !

Ganesh

Commentaires

1. Le mardi 14 mars 2006, 17:54 par Rose

Ton récit me donne toujours envie de partir... Un jour...

2. Le mardi 14 mars 2006, 18:17 par Madeleine

Si j'ai bien compris, ton récit de voyage proprement dit est achevé mais tu as encore des anecdotes à nous délivrer ? Peut-être aussi quelques photos ?

3. Le mardi 14 mars 2006, 18:25 par Cécile

et pas de photo de toi en sari?
Dame Traou ( oui je persiste) ce récit à été un vrai voyage aussi pour moi, un plaisir sans nom, vraiment... merci :)

4. Le mardi 14 mars 2006, 21:18 par Madeleine

Chez toi aussi comme chez Vroumette, j'ai un commentaire de tout à l'heure qui n'est pas affiché :-( Encore un coup de votre "Pamplemousse" :-)

5. Le mardi 14 mars 2006, 21:38 par Traou

Rose > J'ai eu envie de partir longtemps, et puis un jour, l'heure du départ est venue....

Madeleine > J'ai récupéré ton commentaire chez "Pamplemousse", je ne sais pas ce que tu lui as fait... Oui le récit est complet. Peut-être à l'occasion je me remémorerais une anecdote ou j'aurais l'occasion de remontrer une photo.... On verra...

Cécile > Les photos de "Dame Traou" en sari sont classées secret défense ! Mais j'ai mis trois photos de mon bras droit alors....

6. Le mardi 14 mars 2006, 22:42 par nuages

Ce récit est toujours aussi vivant et profondément humain.
A part ça, après les couettes, tu inaugures une nouvelle présentation photo des blogueurs et blogueuses : la photo du bras et de la main ?

7. Le mercredi 15 mars 2006, 08:54 par Crick


Toujours aussi magnifique. Tu m'emmènes toujours par delà les océans près de ceux que j'aime. Mon amie indienne qui a aussi vu les photos, était très contente.
A quand le sud ??? C'est pas mal différent.
Pour moi dès que j'y retourne, nous allons bien sûr voir la famille de mon amie et puis nous irons dans le nord. Merci pour ce partage. Encore, encore, encore...

8. Le mercredi 15 mars 2006, 10:23 par Traou

Nuages > Photo dela main et du bras droits, uniquement ceux qui comportent des tatouages, permanents ou provisoires.... Cet album va être vite vu ;-)

Crick > Encore, encore ? Mais c'est que j'ai tout raconté, maintenant ! Il faut que j'y retourne, alors... Et de toute façon tu as pris le relais chez toi....

9. Le mercredi 15 mars 2006, 11:37 par Ursun

Traou, propulsée de l'autre côté du monde, s'est découverte émerveillée d'instants simples et vrais venus d'ailleurs... Qu'elle nous rapporte sur un plateau, que nous puissions aussi rêver...

10. Le mercredi 15 mars 2006, 20:43 par Pralinette

Quel beau voyage tu nous fais partager, j'étais vraiment là-bas :) J'aime bien le rite de la fontaine, ça doit être vraiment drôle (ne pas oublier le mascara waterprof !)

11. Le mercredi 15 mars 2006, 20:53 par alice

J'ai enfin trouvé le temps de savourer ce dernier (vraiment?) billet indien. Je me suis régalée et je vois que je ne suis pas la seule. Dis donc, tu as la peau drôlement blanche! Presque plus que moi et pourtant ...!

12. Le jeudi 16 mars 2006, 13:53 par Fauvette

Moi aussi je voudrais un sari, un sari...
Merci pour ce beau récit, et ces très belles photos. On parle beucoup de l'Inde ce mois ci, un peu partout, mais avec toi on voyage bien mieux !

13. Le jeudi 16 mars 2006, 23:02 par Traou

Ursun > J'aime bien le "propulsée de l'autre côté du monde" ;-) J'ai garé mon spoutnik en double file pour repartir bientôt

Pralinette > Heureusement que je ne me maquille pas en vacances (et que je ne publie pas de photo ici) parce que c'était terrible, j'étais à tordre et je faisais floc-floc en marchant !

Alice > J'ai effectivement une peau un peu anglaise sur les bords.... Mais c'était le début du voyage, après j'étais beaucoup plus hâlée, si, si...

Fauvette > On m'en a offert un de sari, mais je serai bien incapable de le mettre à moi ou à quiconque !

14. Le dimanche 11 janvier 2009, 18:57 par anjali

bonjour je m'appelle anjali je trouve ton blog coool super j'aime baucoup les dessin fai au henné moi quand j'en fai a ma dee dee sa ne resemble pas au dessin qu'il y a sur tes images et quand je vai en inde ma mataji me le fai pour les mariages ses sur per beau