Mariage 1er jour (Carnet Indien 8)
Par Traou le mercredi 1 mars 2006, 17:03 - Inde - Lien permanent
25 décembre. Convocation à 4 heures du matin (!) à l’aéroport de Bombay, avec d’autres invités de la noce. C’est l’heure d’arrivée de l’avion en provenance de Paris via Delhi de la sœur de la mariée et d’une autre invitée française. Il est prévu ensuite de nous répartir dans des voitures à destination de Nausari, dans l’état du Gujarat, où a lieu le mariage.
8 heures du matin. Ce fichu avion a l’air bloqué à Delhi par le mauvais temps. Les sièges en plastique de la salle d’attente de l’aéroport se font de plus en plus inconfortables, surtout avec le manque de sommeil…
On finit par nous mettre dans une voiture sans attendre les voyageuses (qui n’arriveront finalement, épuisées, que 24 heures plus tard… on a bien fait d’y aller). Quatre heures de route au son de chansons indiennes parfois ravissantes, parfois suraiguës, reprises en chœur par les deux jeunes gens qui nous conduisent, et accompagnées d’incessants coups de klaxons pour faire dégager la route.
Nous sommes accueillis chaleureusement par Kaanchan la maman de Jayana, la mariée (pardon, la fiancée encore ce jour-là) qui nous offre ce qui sera mon premier « chai », le délicieux thé traditionnel indien, au lait avec des épices (cardamome et cannelle et sans doute plein d’autres choses. J’ai rapporté le mélange d’épices pour le faire mais il faut que j’aille prendre un cours avec Kaanchan et ses filles maintenant pour le confectionner comme il faut).
Il y a du monde dans la maison. Les enfants me regardent avec tout l’étonnement de leurs grands yeux noirs ou dorés. C’est la première fois qu’ils voient des étrangers, comme me l’explique gentiment Jayana. Il faut dire qu’ici je fais figure de géante, et je détonne aussi par ma peau très blanche, mes yeux clairs et surtout mes cheveux détachés et ma tenue européenne que la délicieuse grand-mère qualifiera plus tard en riant de « pyjama » (elle n’a pas tout à fait tort). La famille est arrivée depuis quelques jours déjà. Hier avait lieu la soirée des femmes, une soirée de chants, avant laquelle les pieds et les mains de Jayana ont été peints au henné avec les motifs traditionnels de mariage. La mariée est cantonnée dans la maison de son père et n’a pas le droit d’en sortir. Elle porte à la ceinture un énorme trousseau de clés cliquetant qui doit permettre de toujours savoir où elle se trouve dans la maison.
Jayana me montre l’autel à Ganesh installé dans une pièce de la maison, devant lequel brûle dans du ghee (du beurre clarifié) une flamme que la tante de la mariée doit veiller à ne jamais laisser s’éteindre. J’ai le droit d’assister devant cet autel à l’onction du visage, des bras et des jambes de la fiancée avec une crème additionnée de safran et de diverses herbes, laquelle est destinée à lui adoucir la peau et à lui donner bonne mine. Elle subit cela (il paraît que ça pique) trois fois par jour. On ne peut pas la louper la mariée, c’est celle qui est toute jaune ! (mais le soir, habillée et maquillée, quelle mine superbe… je vais me maquiller au safran, moi maintenant)
Au-dessus de la cour de la maison est dressé un grand auvent sous lequel des femmes épluchent des légumes pour le repas du soir, sous le regard endormi du cuisinier qui se réveille de sa sieste, allongé dans un coin. Jayana me rapportera qu’elles ont été très heureuses que je demande à les prendre en photo et que je passe ensuite parmi elles pour leur montrer le résultat sur mon petit écran.
Ce soir, c’est la soirée de la danse, avec tous les représentants des deux familles (sauf le marié !), soit 150 personnes environ. J’avoue m’y perdre un peu et ne pas retenir toujours qui est qui, sauf qu’ils me saluent et me sourient tous avec la plus extrême gentillesse, et beaucoup de curiosité.
Nous sommes quelques « happy fews », invités européens, à manger à table avec les parents de Jayana (Maganbhai, son papa, est arrivé tout à l’heure, de retour d’une réunion traditionnelle des hommes de la famille chez le marié). Même la mariée mange par terre, au milieu des invités, servis à même le sol recouvert d’un tapis par les membres de la famille, dans des plateaux ronds en métal. Cuisine végétarienne, variée et délicieuse. On mange avec les doigts, de la main droite uniquement. Pas facile pour le riz, au début...
J’arbore mon premier « penjabi », acheté à Bombay la veille : tunique longue sur un pantalon avec l’inévitable voile. Ici, même les toutes petites filles en portent, rejetés en arrière de leurs petites épaules avec infiniment de grâce. J’y ai ajouté un bindi assorti collé sur le front, entre les deux yeux, offert par une cousine indo-britannique. En revanche tout le monde a l’air stupéfait que je ne porte aucun bijou. Les bracelets, notamment, semblent être une parure indispensable (même pour les petites filles), se portant par dizaines tintinnabulant à chaque bras, assortis au sari ou au penjabi, toujours. Beaucoup de femmes viendront toucher mes bras, l’air interrogateur (« mais enfin, où sont-ils ? »), et me montrent leurs colliers d’or, visiblement éberluées par mon cou nu.
La mariée, elle, s'est changée après le dîner et est parée merveilleusement (j'aime notamment ces boucles d'oreilles qui viennent s'attacher jusque dans les cheveux, elle en aura d'encore plus belles le lendemain, pour la cérémonie). Et ici, même les dos sont maquillés.
L’orchestre se met en place. Des chants indiens s’élèvent, rythmés, deux ou trois voix d’hommes, une de femme, belles et fortes, comme on les aime ici. Au début, on écoute, les femmes assises d’un côté, les hommes de l’autre. Une cousine danse, seule, puis une autre. Enfin le cercle se forme. Il durera plusieurs heures, sans interruption. On tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, quatre temps, on frappe dans ses mains à droite, quatre temps, on frappe dans ses mains à gauche, sans fin. Les saris colorés succèdent aux saris colorés, avec parfois l'habit blanc brodé du père de la mariée. On rentre dans le cercle puis on en sort, au fur et à mesure des sollicitations des uns et des autres. Même l’adorable grand-mère de 85 ans entre dans la danse !
Après pas mal de tours de piste, je rentre me coucher. Cette journée a été longue. Et demain, c'est la cérémonie, je veux être en pleine forme.
Commentaires
Merci pour ce reportage, j'attendais impatiemment l'épisode du mariage, je ne suis pas déçue : costumes, "robes qui tournent", coiffures et maquillages, c'est "beaullhywodien" à souhait. Les femmes sont très souriantes et paraissent chaleureuses.
Vivement demain (le marié va faire son apparition!)
C'est trop beau.... Ces couleurs, le thé, les épices, les bijoux, la danse, cet accueil, ce partage... j'y suis!
J'ai dû être indienne dans une autre vie...
Autant te l'avouer, j'attendais depuis longtemps cette note... merci de nous faire partager cette longue journée et toutes ces couleurs. Je trouve adorables les petites filles "déguisées" en dames même si j'ai un peu tendance à être choquée par cette féminisation précoce des fillettes. La suite, la suite !
Quel monde coloré à côté de notre blancheur !
Oh Traou, quelle surprise ! Tu as assisté à un mariage ? Je ne m'attendais pas du tout à ce récit-là...
(bon, trêve de plaisanterie. En tout cas, je constate avec plaisir que je n'étais pas la seule à attendre ce billet-là)
En tout cas, ça valait effectivement la peine d'attendre ce compte-rendu et ces photos. Ce mélange étroit et souriant, reposant même (pardon pour tes courbatures) de tradition séculaire (ah, le trousseau de clés à la ceinture de la mariée...) et de modernité (la sono sur la scène), de convivialité et de fraternité, de gastronomie et de danses sans fin, dessine un monde de couleurs et de gentillesse dans lequel je te remercie de nous avoir plongés... Et maintenant, on sait quoi t'offrir pour ton anniversaire : des bracelets ! Une collection de bracelets tintinnabulant à chaque bras ! Et s'il faut venir t'aider à te maquiller dans le dos, n'hésite pas à nous appeler !
Que ces femmes sont belles ! Et que dire des petites filles, elles sont à croquer.
J'adore leur tenue, très légère, joyeuse, plein de vie. Ptêt que je vais me mettre ça cet été.
Samantdi > Ah, le marié, c'est la star, il se fait attendre et soigne son entrée...


Rose > J'ai ce sentiment aussi parfois, d'ailleurs il faut que j'y retourne pour vérifier !
Telle > En fait je crois surtout qu'il y a (ou avait traditionnellement, c'est peut-être un peu moins vrai, les tenues occidentales débarquent en force) une tenue unique pour adultes et enfants. Et les bracelets et le voile en font partie intégrante pour les petites filles.
Madeleine > Là-bas j'avais l'impression d'être une grosse géante toute blanche et assez maladroite... elles sont tellement gracieuses les indiennes... et effectivement quand on rentre ici, la couleur dominante est le noir chez nous.
Anitta > Et la journée du lendemain, c'est..... rouge et or, une merveille... Je m'y mets ! Quant aux bracelets, j'en ai rapporté plein, mais ça m'agace, ça m'agace !
Vroumette > Si tu réussis à mettre un sari toute seule sans te retrouver en culotte dans le quart d'heure, je t'offre un magnum de champagne rosé au prochain Paris-Carnet ! (et dis donc, tu ne révises pas beaucoup, toi ce matin... ça fait au moins plusieurs fois que je te croise dans des commentaires.... Au boulot !)
J'entends d'ici les cliquetis des bracelets de ces dames. Mais dis donc, comment ils font pour être en forme le jour J, après des agapes pareilles ? !!

je lis encore
dame Traou encore!!
Anne > En fait, comme la cuisine est végétarienne, et qu'on ne passe pas des heures à table, on est super en forme (j'arrive pas bien à être végétarienne ici, dommage)
Cécile > Il reste encore deux jours de mariage, on s'en occupe, on s'en occupe !
Quels beaux visages et tenues soignées.
Quelles belles couleurs, un enchantement ; c'est comme un rêve ce que tu nous racontes ! Je t'écouterais des heures !
Est-ce que tu as des photos de toi au mariage ? Et si oui, est-ce que tu nous les montreras ?
Pralinette > Les femmes indiennes sont souvent très belles, avec beaucoup de grâce, le sari est un vêtement très élégant, qui bouge très joliment. Et ces couleurs !
! Mais dans un cadre plus privé, je peux éventuellement montrer les photos où je porte un penjabi, et même un sari !
Fauvette > Les seules photos de moi autorisées sur ce blog sont celles ou j'ai moins de 5 ans
D'accord je veux bien voir tes photos puisque tu insistes !
rien à dire, tout simplement magnifique...