J’ai promis. Je me suis promis. Et puis à d’autres aussi. Aux fidèles qui me demandent parfois si je reprendrai le cours de mes billets un jour (salut amical à Sprite). J’aimerais bien.
Je m’étais dit en arrivant ici que je ferais revivre mon blog, pour conter mon aventure bretonne, pour garder le contact avec les amis lointains, en trouver de nouveaux peut-être. Mais je manque de temps. Quand j’ai fini de bosser 12 heures par jour 6 jours sur 7, parfois plus, celui qui me reste est consacré à m’émerveiller devant les paysages qui m’entourent, y compris Brest la blanche que je trouve belle, intense et douce. A explorer les environs, à exercer quelques activités pour créer du lien en dehors du boulot (un atelier d’écriture, des cours d’œnologie, du kayak, un peu de danse parfois, pas assez…), bref je n’ai pas vu passer mes quinze premiers mois sur cette terre chérie.
Chaque jour qui passe je me dis que j’ai fait le bon choix, à tous points de vue : professionnellement un chantier passionnant, une équipe idéale, des responsabilités nouvelles, en lien avec tous les acteurs culturels bretons, (et Dieu sait qu’il y en a, cette région est un vivier d’art, de culture et de traditions), bref, je ne pouvais rêver mieux (et par-dessus le marché, la boite que j’ai quittée à Paris pour venir ici est en passe de fermer aujourd’hui !...). En qualité de vie, cela ne se calcule même pas : je suis rentrée dans le club très fermé de ceux qui voient la mer chaque jour, vont à la plage le week-end en été et se baigner après le boulot. J’ai baissé mon salaire de 25% mais je vis beaucoup mieux néanmoins, tout est tellement moins cher : le loyer de mon appartement de 75m² est à peine celui d’une studette parisienne, un trimestre de cours de danse ou de club de gym équivaut tout juste à un mois d’abonnement dans la capitale, et tout est l’avenant.
Ce qui me manque de ma vie d’avant ? Mes amis bien sûr, on ne remplace pas en un an des amitiés de 10, 20, 30 ans ou plus. Mais je suis tellement mobilisée par mon boulot où je rencontre tellement de monde que je ne ressens pas trop la solitude. Et puis il y a internet, skype, les mails et les textos quotidiens. Et j’ai instauré des apéros-téléphones qui fonctionnent plutôt pas mal (si, si, on se donne rendez-vous à l’heure de l’apéro, on s’installe chacun(e) de son côté avec une bouteille de blanc et des cahuètes, et on piapiate en trinquant à distance. Quelquefois on est chez soi, quelquefois sur une terrasse - parisienne pour l’autre, face au port pour moi - ça peut durer des heures et on est même parvenus à finir très très très pompettes avec quelques-uns, mais ça fait du bien !)
Etrangement, ce qui me manque – un peu – c’est de parler anglais ! C’est vrai, je passais une bonne partie de ma vie professionnelle avec des gens du monde entier et nous baragouinions* la langue de Shakespeare avec tous les accents possibles. Et j’aimais ça. Mais je trouverais bien quelques cousins Grands Bretons par ici pour pallier ce manque.
En revanche, les voyages ne me manquent pas tant que ça, je suis tellement ici là où je dois être… J’ai adoré tous mes voyages professionnels, et j’en ai bien profité, mais j’ai ici l’air que j’ai envie de respirer et les plus beaux paysages du monde à mes yeux, alors… Il est vrai que j’ai connu des endroits féériques que j’ai visités dans des conditions idéales, que j’ai assisté à des réceptions somptueuses et bu du champagne dans des décors de luxe, face à la baie de Rio ou sur la terrasse du Palais Farnese à Rome, entre autres lieux enchanteurs. Mais je n’ai pas connu meilleur breuvage que ce verre de cidre offert l’été dernier, au cœur de la splendide baie de Douarnenez, en pleine mer sur le pont d’un vieux gréement. Une bouffée de bonheur extrême, comme j’en connais souvent ici. Quelle chance j’ai.
Cerise sur le gâteau (ou sur la crêpe), après une trentaine de visites, j’ai trouvé MA maison. Comme une évidence. Une ferme qui porte l’année 1898 gravée dans le granit de son fronton, toute de pierres et de blancheur, un jardin face à la mer, nichée au creux de la rade de Brest, cette merveille méconnue. Entre mer et campagne. J’ai hâte de vivre là, de devenir familière du vieux noyer, du camélia géant, des hortensias bleus et roses, du hangar qui abrite encore quelques vestiges agricoles : une carriole de bois et son attelage, un soc de charrue fier et rouillé, un vieux sabot oublié qu’on a accroché près de la cheminée et que l’on me laisse car il est là chez lui. Comme moi dans quelques semaines. J'essaierai de raconter ce rêve qui devient réalité.
Et au fait, bonne année ! Il est tout juste temps !
- du breton "bara" (pain) et "gwin" (vin), enfin c'est ce que j'ai toujours entendu dire, mais il y a d'autres hypothèses ici.