Mariage 2è jour (Carnet Indien 9)


(spéciale dédicace de ce billet pour Erin, de jolies images à regarder pendant sa convalescence…)

Jour J. La cérémonie. Lever et préparatifs des uns et des autres dans la jolie maison qui nous abrite, non loin de celle des parents de la mariée. Un autre penjabi. Un autre bindi assorti. Plus tard je regretterai vraiment de n’avoir pas porté un sari ce jour-là. Pas osé, peur de ne pas savoir le porter, de ne pas savoir bouger ou marcher avec, alors que c’est un vêtement extrêmement confortable et agréable à porter. Et quand c’est une indienne qui vous le met, ça ne bouge pas d’un pouce. Mais c’est tout un art ! Et une technique !

La sœur de la mariée a fini par arriver au petit matin de Delhi avec Isabelle, une autre invitée française, amie de la famille qui sera ma compagne privilégiée pendant toute cette journée de mariage, me donnant moult explications sur le déroulement de la cérémonie, malgré la fatigue de son voyage (elles auront été coincées plus de vingt-quatre heures dans l’aéroport glacial de Delhi).

On nous conduit au lieu de la cérémonie : une vaste salle décorée de fleurs, prête à accueillir les 1200 invités de la noce ! D’ailleurs ils commencent à arriver, les hommes devant, les femmes suivant : un festival de saris de toutes les couleurs. On s’installe dans la salle aménagée comme pour un spectacle : une estrade sur laquelle trône un dais fleuri sous lequel auront lieu les divers rituels de la cérémonie. De chaque côté du dais, des places réservées à la famille proche : les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Et dans la salle, même répartition des invités, hommes et femmes séparés, qui assistent au spectacle. On sert le petit déjeuner : du riz épicé et du chaï. Je décline le riz, le matin, c’est un peu difficile pour mon palais occidental…

arrivée hommes

arrivée femmes

arrivée femmes

arrivée femmes

femmes

femmes

femmes

Commencent alors les rituels, menés par un brahmane (représentant de la plus haute caste en Inde), tout d’abord avec les parents de la mariée (Maganbhai me fait signe gentiment : pour prendre mes photos, je me suis mise du côté des hommes, je n’ai pas trop le droit d’être là, oups…), rejoints ensuite par leur fille. J’avoue que je ne connais pas trop la signification de chaque rituel, Isabelle et moi avons assisté à tout cela sans comprendre vraiment tout ce qui se passait, le brahmane prononçant des prières en hindi le plus souvent à toute allure (en regardant ailleurs et en ayant l’air de penser à toute autre chose, c’est assez drôle à voir, il paraît que c’est la tradition, en plus il est en chaussettes...). Dans chaque rituel interviennent le feu et l’eau, l’encens, les fleurs, les noix de coco…

Kaanchan & Maganbhai

Kaanchan & Maganbhai

Kaanchan & Maganbhai

Kaanchan, Jayana, Maganbhai

Jayana

Le plus frappant pour un occidental au cours de toute cette cérémonie (qui s’étalera sur toute la journée), c’est l’absence totale de recueillement de l’assistance. Pendant que le brahmane officie, point de silence : tout le monde parle, mange, se déplace, les enfants courent sur l’estrade, chahutent ; on sert des verres d’eau, des glaces, c’est un joyeux foutoir !

Les invités se relaient pour aller déjeuner dans une grande salle à l’étage du dessous, servis par du personnel bien sûr, mais aussi les membres de la famille. Isabelle et moi, assimilées à la famille proche - nous avons nos places sur l’estrade - sommes invitées à aller déjeuner en dernier. Je me souviens avec émotion de ce déjeuner où le grand-père de la mariée, un adorable vieux monsieur très souriant, viendra à la fin du repas nous donner à chacune une cuillère de glace, de la même façon qu’on donne une cuillerée de nourriture à un bébé, à titre de bénédiction, et pour marquer notre statut d’invitées de marque. J’ai été très triste d’apprendre que ce vieux monsieur si charmant est mort quelques jours seulement après le mariage de sa petite fille…

Après le déjeuner, nous sommes conviées, Isabelle et moi – un grand honneur – à accompagner les femmes de la famille pour… aller chercher le marié, chez lui ! Le marié c’est vraiment la star : il se fait attendre et désirer, et c’est toujours sa belle-mère qui vient le chercher !

Nous partons donc en délégation féminine jusque devant le domicile du marié, où stationne une voiture richement fleurie, dans laquelle le héros du jour attend patiemment que sa belle-mère l’invite à en sortir. Tout le monde entre ensuite dans la maison où se tiendront quelques conciliabules en hindi ou gujarati, la langue locale. Puis les femmes de la délégation repartent d’où elles sont venues. Pendant ce temps-là, le marié prend place dans une voiture trainée par des chevaux qui va faire lentement son chemin jusqu’au lieu de la cérémonie, précédée d’une fanfare pour le moins bruyante et accompagnée des amis du marié qui chantent et dansent durant tout le trajet.

voiture

voiture marié

voiture marié

fanfare

En attendant son arrivée, j’ai le droit d’assister à la coiffure et à l’habillage de Jayana, qui va revêtir le sari traditionnel de mariage, rouge brodé d’or (lourd sur son épaule), et arborer une coiffure toute de fleurs fraiches sous son voile rouge brodé. A un moment, elle éclate de rire en me regardant : il paraît que j’ai les yeux écarquillés et la bouche ouverte, médusée. Il est vrai que je me sens comme une gamine devant son premier sapin de Noël, émerveillée… On coiffe et maquille aussi sa sœur, la jolie Jagu, qui ne porte pas trop la fatigue de son interminable voyage.

Jayana

Jayana

Jayana

Jayana

Jagu

Jayana & Jagu

On annonce l’arrivée du marié ! Résonnez trompettes !!! La famille descend en délégation pour l’accueillir, les invités se massent au balcon pour assister à la scène.

C’est toujours belle-maman qui va l’inviter à descendre de son carrosse, pendant que les amis du marié continuent à danser et à chanter. C’est très gai.

accueil marié

accueil marié

voiture chevaux

arrivée Ajai

Ajai, donc, puisque c’est son nom, fait son entrée dans la grande salle, accueilli par sa belle sœur Jagu, et son beau-frère Hiran (l’adorable frère de Jayana qui n’a cessé de courir partout pour tout organiser durant ce mariage, toujours souriant et aux petits soins pour tous les invités). Il écrase du talon une petite boite symbolique (ne m’en demandez pas plus, il n’y avait personne parlant français pour m’expliquer ceci…) avant l’apparition fugitive de Jayana qui vient jusqu’à lui pour lui passer un collier de fleurs autour du cou, avant de repartir avec ses suivantes.

entrée Ajai

Ajai, Jagu, Hiran

Ajai

Jayana

Jayana & Ajai

On installe Ajai sous le dais fleuri, dans l’un des fauteuils de cérémonie, et sa famille, porteuse de cadeaux, d'un côté de l'estrade, hommes et femmes mélangés (!), tandis que la famille de la mariée est regroupée de l'autre côté. On tend devant Ajai un drap blanc, verticalement, tenu à chaque bout par le brahmane et son assistant. On amène Jayana à l’autre fauteuil, et on joint leurs mains sous le drap. Commence alors une très longue litanie du brahmane, sur un rythme chantant et rapide, et qui se poursuivra quand le drap aura finalement été enlevé entre les deux jeunes époux, et qu’on les aura reliés par un fil rouge autour de leurs deux cous.

cadeaux

dais

Jayana & Ajai

Jayana & Ajai

C’est ensuite le moment de la bénédiction des époux par une religieuse venue spécialement de la communauté du gourou familial, un grand honneur... Ensuite les parentes les plus respectées de la famille feront à leur tour à Jayana et Ajai la marque traditionnelle sur le front avec une pâte rouge, agrémentée de grains de riz.

Je crois qu’ils sont vraiment mariés maintenant puisqu’enfin ils posent ensemble, mains unies, pour les photographes.

bénédiction

bénédiction

Jayana & Ajai

Ensuite, le brahmane continue les rituels avec les parents des mariés cette fois, qui échangent fleurs et fruits, au rythme d’une même litanie, et se congratulent mutuellement. Pendant ce temps-là, le marié, toujours lié par son fil rouge, en profite pour passer un petit coup de téléphone !

parents

parents

Ajai

Les parents donnent une dernière bénédiction à leurs enfants, avant que défilent devant eux les invités qui les félicitent et leur offrent les cadeaux qu’ils ont apportés. A la fin, le brahmane s’adresse longuement à eux afin de leur expliquer leurs rôles respectifs dans le couple et la portée spirituelle du couple. Je regrette de ne pas comprendre ces mots-là, dont Hiran, le frère de Jayana, me dira juste qu’ils étaient bouleversants et profonds et apportaient à cette cérémonie et à cet engagement un éclairage essentiel…

parents

brahmane

C’est le retour ensuite à la maison du père de la mariée pour un dernier rituel, le plus émouvant de toute cette journée, celui de l’adieu de Jayana à la maison de son père. Les femmes ont préparé un grand plateau de cette substance rouge qui sert aux bénédictions, avec laquelle les deux nouveaux époux vont enduire les paumes de leurs mains. Paumes qu’ils apposeront ensuite sur le mur extérieur de la maison paternelle, près de la porte d'entrée, les petites mains de Jayana en-dessous de celles de son mari, symbole qu’une fille s’est mariée ce jour-là. Elle quitte ensuite sa famille, prise en charge désormais par celle de son mari. Jayana pleure à chaudes larmes en embrassant ses parents, ses frères et sœurs, ses cousines… Et nous pleurons tous avec elle. Moi aussi, j’avoue.

mains

Commentaires

1. Le lundi 6 mars 2006, 19:03 par alice

Merci de nous avoir permis de vivre ces moments à travers tes yeux et tes mots. Quelle privilégiée tu fais! Jolis, le symbole du fil rouge et les empreintes de mains sur la façade.

2. Le lundi 6 mars 2006, 19:35 par Joël

Très beau. Les saris sont magnifiques de diversité.

> Le plus frappant pour un occidental au cours de toute cette cérémonie (qui s’étalera sur toute la journée), c’est l’absence totale de recueillement de l’assistance.

Au Ganesh Mandir à Indore, cela m'avait aussi beaucoup surpris de voir des gens affalés sur leurs chaises en train de lire leur journal.

3. Le lundi 6 mars 2006, 20:30 par Erin

J'ai tout lu :-) preuve que je vais mieux.

C'est absolument magnifique. Moi qui adore les mariages, ben j'ai pas pu m'empecher de verser une larme... surtout en voyant les empreintes de mains...

Maintenant je n'ai plus qu'à rêver en regardant tous ces beaux sari... c'est vraiment magnifique.

4. Le lundi 6 mars 2006, 21:49 par Cécile

j'ai souris, j'ai pleuré aussi... les empreintes des mains.. que de symboles

5. Le lundi 6 mars 2006, 23:08 par Madeleine

C'est absolument fabuleux ce reportage !
Dis c'était bien un mariage d'amour ? Parce que c'est peut-être dû à la fatigue d'une telle journée mais je trouve que la mariée a un regard un peu figé et presque triste alors que le marié a ce regard noir et dominateur ... Bon ça c'est mon regard d'occidentale n'est-ce pas ?!

6. Le mardi 7 mars 2006, 07:08 par obni

Que de couleurs ! Quelle joie dans les yeux ! Traou était-elle en sari également ?

7. Le mardi 7 mars 2006, 09:19 par Crick

Décidément revoir l'Inde à travers d'autres photos que les miennes me ravient. Tu as eu de la chance de participer à un mariage hindu. Moi, il était catholique et donc quelque peu différent mais cela reste... Waouh.
J'y suis allée trois ans de suite en Inde y restant à chaque fois plusieurs mois mais dans le sud. Là dernière fois, j'y suis restée 6 mois et j'avoue que çà me manque énormément. Merci pour ce carnet. C'est clair que la prochaine fois, j'irai faire un tour dans le nord. Ahhh l'Inde quand tu nous tiens...:)

8. Le mardi 7 mars 2006, 13:01 par Traou

Alice > Oui, assister à ce mariage féérique a été une chance incroyable ! Et je trouve tellement beau ces symboles : la maison du père qui garde la mémoire de l'évènement sur sa façade...

Joël > Tu as assisté à ce même type de mariage aussi ? Il faut que je retourne voir ça chez toi.

Erin > Ah, je suis contente que tu ailles mieux et que tu aies pu faire plus que regarder les photos, c'est bon signe !

Cécile > Je vois que je ne suis pas la seule ici à avoir la larme facile... ;-)

Madeleine > Oui, un mariage d'amour, absolument. Mais cela fait partie de la tradition aussi, de rester "concentré" et grave pendant la cérémonie pour les principaux intéressés (avec 1200 paires d'yeux braqués sur eux, on comprend qu'ils soient un peu tendus...)

Obni > Non, non pas en sari... à mon grand regret, c'est tellement beau !

Crick > Bienvenue ici ! As-tu un site où on peut voir tes photos ?

9. Le mardi 7 mars 2006, 14:27 par Crick

Hélas non, je n'ai pas de site, c'est vrai que je n'avais pas idée de créer un site mais pourquoi pas... Le problème c'est que mes photos sont en papier. Il faudrait que je les scanne. Promis si j'en crée un, je te tiendrai au courant.

10. Le mardi 7 mars 2006, 18:10 par Fauvette

Mais quelle journée ! Fabuleuse. Il faudra que je revienne plusieurs fois pour regarder les photos. Que de couleurs ! Et puis c'est vrai si on a un coup de blues, regarder les photos c'est une bonne idée.
(Et pourtant je ne suis pas une folle des mariages, mais là c'est un vrai reportage ! bravo Miss Traou, et merci).

11. Le mardi 7 mars 2006, 18:24 par samantdi

Le mari qui téléphone, holalalalalala ! :-(

12. Le mardi 7 mars 2006, 19:05 par Joël

Joël > Tu as assisté à ce même type de mariage aussi ? Il faut que je retourne voir ça chez toi.

Non, je n'ai pas eu cette chance, mais je suis entré dans pas mal de temples hindous (jaïns ou bouddhistes) ; dans la plupart, le recueillement était de rigueur, mais dans le temple que je mentionnais ci-dessus <URL: joel.toonywood.org/photos... >, il y avait une certaine agitation (des enfants qui jouaient, des gens lisant leur journal) tandis que les petites cloches rituelles sonnaient et que le prêtre faisait des bénédictions.

En revanche, j'ai assisté par le plus grand des hasards à un repas d'anniversaire de quelqu'un ayant quelqu'importance dans un grand groupe d'adorateurs de Krishna <URL: joel.toonywood.org/blog/2... > dans le restaurant d'un "ashram" chic du côté de Mumbai (il avait été inauguré par Amitabh Bachchan et Hema Malini !) ; les gens étaient particulièrement bien habillés ce soir-là, mais en fait ils étaient tout le temps habillés très élégamment, les hommes en kurta blanc ou plus ou moins ocre, les femmes en saris multicolores, je n'ai pas beaucoup prêté attention aux bijoux (à part ceux portés au niveau des pieds...) ; je n'avais pas mon appareil-photo sur moi...

13. Le mardi 7 mars 2006, 19:43 par Traou

Crick > On t'attend de pied ferme ! ;-)

Fauvette > Toi aussi tu as le droit de ne regarder que les images... :-)

Samantdi > Cela m'a amusée de faire cette photo mais j'aurais dû préciser qu'il n'avait pas passé le coup de fil lui-même ! Quand même ! Quelqu'un de la famille était venu lui passer le téléphone pour qu'il reçoive les félicitations en direct de cousins qui n'avaient pu venir (d'Angleterre, je crois)

Joël > C'est génial de voir de blog en blog des témoignages, des photos, des sensations diverses de l'Inde. Ça donne encore plus envie d'y retourner !

14. Le mardi 7 mars 2006, 21:58 par chondre

Ouhaaaa quel reportage, que de détails, et quelles photos.
Je me suis fait un petit voyage en Inde ce soir.
Merci pour tout

15. Le mercredi 8 mars 2006, 17:48 par samantdi

Ah, je comprends mieux le coup de téléphone du marié !

:-)