vendredi 13 novembre 2009

Paresse automnale

Un rien de nonchalance dans l’air de mon quotidien. Et l’activité débridée que je déploie au boulot n’y change rien. Quand je referme la porte pailletée de mon appartement derrière moi le soir, je m’alanguis, je m’étale, je m’enveloppe de matières douces et tièdes, je me fais contemplative et désoeuvrée. Délicieusement. Je regarde autour de moi, je touche, je goûte, je hume, j’écoute le silence. Je me blottis contre mon chat, avide de caresses autant que lui. Est-ce lui ou bien moi qui ronronne si fort ?

Parfois je m’ennuie un peu. Ce n’est pas grave. Envie de ne rien entreprendre des mille projets qui sont miens, futiles ou essentiels, ou les deux à la fois. Même les mots restent frileusement au creux de moi. Je les sens désireux de s’échapper, timides et imparfaits. Mais je les garde là au chaud, et je regarde grésiller la cigarette au bout de mes doigts, que les mots prisonniers semblent picoter sans grand danger. Ils viendront à leur heure…

Tout est attente autour de moi. Des soupirants anciens reviennent frapper à ma porte, tous en même temps. Etrange. Est-ce que l’un d’entre eux pourrait cette fois trouver le chemin de mon cœur convalescent ? Je ne sais pas. Je n’exclus rien. Ni la solitude silencieuse, ni le rire et la tendresse d’un amour éphémère. Ou pas.

Je prends dans un mois un chemin inattendu. J’avais achevé l’année passée à la « fin de la terre », ma terre. J’ai choisi cette fois-ci le bout du monde pour voir commencer douze autres mois : Ushuaia, la Patagonie. Je vais pour la première fois m’aventurer dans l’hémisphère sud de ma petite planète, découvrir l’été dans mon hiver, parler espagnol. Arpenter des espaces aussi vastes que ceux que j’ai la sensation d’avoir à défricher en moi...

vendredi 16 octobre 2009

Bottes italiennes (ou non)

A l’instant où j’écris ces lignes, mes yeux aperçoivent par un hublot oblong une mer de nuages bleu sombre bordée d’un ciel rouge. Nous avons décollé de Fiumicino il y a quelques minutes et je vole dans le beau.

Deux petits jours à Rome : J’ai mangé du jambon fondant et bu des vins divins aux noms chantants dans un petit ristorante ombragé de ma connaissance. Et du café si « ristretto » qu’on hésite à mettre un sucre dans sa tasse de peur qu’il n’en reste plus. J’ai acheté des pâtes de compétition et du parmesan au kilo, un petit portefeuille de cuir doux et turquoise, une jupe en maille tournoyante. On ne pourra pas dire que je ne fais pas honneur aux spécialités locales !

J’ai tenté d’aller voir l’expo Bacon-Caravaggio à la Galerie Borghese, mais ce n’est possible que sur réservation et je n’avais que quelques petites heures à moi. De dépit, je suis repartie dans les petites rues ensoleillées de Rome où des bottes sublimes ont eu la bonté de me rendre le sourire.

Je ne vous ai jamais dit ma passion des bottes, italiennes ou pas. Elle m’est venue tardivement et sans doute parce que j’en ai été frustrée longtemps : ma mère se refusait à nous en acheter quand j’étais enfant puis adolescente car elle prétendait que c’était mauvais pour la circulation. C’est peut-être vrai mais je m’en fous absolument. Mes bottes chéries camoufleront les varices qu’elles m’auront données si c’est le cas, na !

Je me suis grandement rattrapée depuis et j’avoue qu’il m’arrive parfois de trépigner d’impatience quand l’hiver tarde à pointer son nez, en manque de mes amies de cuir après tant de mois d’été et de sandales.

Je suis par ailleurs une fétichiste adepte depuis pas mal d’années de la botte très haute, dite cuissarde, bien que je trouve ce mot aussi laid que ce qu’il désigne est beau. J’ai toujours trouvé que les bottes sous le genou coupaient la jambe inesthétiquement et qu’un genou, ma foi, n’était que rarement joli, sauf peut-être chez Rohmer. Les miens sont par ailleurs assez dissymétriques depuis mon accident de voiture lointain et l’opération qui s’en est suivie, raison de plus pour ne pas les dévoiler.

Je peux vous dire que j’en ai entendu de belles à l’époque ou je portais ces accessoires sexy alors que ce n’était pas la mode. La connotation péripatéticienne de la chose m’a souvent été jetée fort élégamment à la figure. Et je m’amuse aujourd’hui de croiser certaines filles qui me disaient d’un air pincé qu’elles trouvaient que « ça faisait un peu pute, quand même », en arborer aujourd’hui sans vergogne sous prétexte que c’est la mode. Elles les abandonneront et reprendront sans doute leur air dégouté dès que les magazines féminins leur intimeront l’ordre de les mettre au rencard. (Sans blague, je hais la « mode » et les diktats imbéciles des fashionistas des magazines ; non mais vous avez vu la tendance de l’hiver : les boots à bouts OUVERTS !!!??? Le concept est aussi stupide que hideux, non ?). Moi je m’en fous : quand j’aime un truc, je le porte, mode ou pas. Et tant pis si je fais ringarde ou déplacée (la plupart du temps, je pourrais me vanter d’être d’avant-garde, ceci dit, tout revient toujours, par cycle, une horloge arrêtée est bien à l’heure deux fois par jour…). Le gros problème dans ce cas, c’est de s’approvisionner (Ah la moue méprisante d’une vendeuse qui vous informe que « ce n’est pas du tout la mode cette année » quand vous lui demandez si elle n’aurait pas le même en prune. Mais je m’en fous, moi, que ce soit la mode ou pas, j’aime le prune quoi qu’il en soit ! Pourquoi devrais-je être punie, privée de prune un jour, pour en être gavée le jour où ça revient en grâce ?)

En attendant que ça passe, donc, moi je jubile de trouver désormais les objets de ma passion dans tous les magasins de la planète, de toutes les sortes, et à tous les prix. Enfin, conseil d’amie, pour des bottes hautes, il y a intérêt à ne pas prendre trop bas de gamme, sinon ça s’avachit, ça tournicote, c’est inconfortable, ça n’a plus de ligne… (je viens quand même d’en acheter des grises stretch soldées 50€ à la Red*ute, je verrais bien ce qu’il en est, s’ils se décident à me les livrer un jour). Bref, je nage en plein bonheur bottifère : plus besoin d’aller faire mon shopping à Pigalle (quoique je recommande assez les magasins SM pour les pompes, il y en a de très belles – et jusqu’en pointure 48, 50 ou plus pour ceux/celles que ça intéresserait ; bien sûr, il faut aimer les talons… moi j’aime). J’assouvis par les temps qui courent ma passion non coupable avec fort peu de ménagement pour mon compte en banque… On va dire que je fais des réserves pour quand la mode sera passée… On va dire ça, oui.

Et puis, il fallait bien que je me fasse un cadeau pour mes 4 ans de blog, nom de nom ! (et merci à l’ami Pablo de me l’avoir si gentiment souhaité dans le billet précédent). Et oui, farpaitement, tous les prétextes sont bons !!!

Bon, je viens de rentrer et je mets vite vite en ligne ce billet avant d'aller déballer mes nouvelles copines italiennes. Pourvu que le froid se maintienne !!!

dimanche 27 septembre 2009

Petits démons familiers

Est-ce qu’on ne passe pas une vie entière à combattre ses démons ? Avoués ou camouflés, enfouis ou bien en vue, rigolards, bruyants, pleurnichards, insupportables ou finalement indispensables. Vieux compagnons presque sympathiques, de ceux avec qui l’on sait qu’on devra toujours composer. Dont on ne pourrait se passer ? Alors peut-être qu’on ne les combat pas autant qu’on les aime…

Je recroise parfois celui qui m’a si fort bouleversé le cœur il y a quelques mois. Auquel je m’efforce impossiblement de ne pas penser. Celui qui me jette dans les bras d’un amant gentil dont je me moque éperdument. Celui pour qui je me cramponne sur l’interrupteur OFF de mon cœur blessé, qui cicatrisera, je sais. Il a connu d’autres sutures, d’autres dérivatifs ; il s’en est remis. Il s’en remettra.

Quand je sais que je le verrai, les matins sont fébriles et gais, les vêtements voltigent en désordre, choix futile et cornélien, essentiel, auquel il ne prêtera nulle attention sans doute. Et je m’amuse de son ignorance de l’émoi qu’il suscite. Ou bien sait-il ? Se doute-t-il ? Que je bafouille quand je prononce son nom, que son visage accompagne mon endormissement du soir, souvent, que le moindre mail anodin que je lui adresse me demande une attention concentrée sur chaque mot, chaque virgule, parce que c’est pour lui, pour qu’il ait l’air encore plus anodin que tous les autres mails de ma journée alors qu’il est le plus important, que je peux le préparer des heures durant. Des heures pour quelques mots qu’il balaiera d’un regard sans enjeu aucun. Enfin je crois. Si je me trompais ? Espoir. Infime, merveilleux et démoniaque espoir.

Quand je le vois, le temps s’accélère, la parole est facile, la boule qui pèse au creux de mon ventre s’envole légère. On a tant à se dire. Parfois il évoque la femme qui partage sa vie à qui je ne peux donner de visage autre que le rasoir qui me laboure à l’intérieur. La femme-rasoir. Acérée et cruelle. Pour qu’il l’aime, pourtant, je me dis qu’elle doit être une fille bien. Pourvu que je ne la rencontre jamais. Peut-être la trouverais-je atrocement sympathique. Qu’elle reste cette lame-cauchemar que je ne peux même pas détester.

Quand nous nous séparons, mes semelles s’alourdissent. Je suis la femme-plomb. Je traine mon corps lesté de mon cœur mort un peu. J’envisage une soirée solitaire avec horreur. Appelle un ami pour rire, pour partager trop de mots et de vin amical. Trop. Avant de dormir seule. Démon.

Et pourtant, je vais bien. Je m’en étonne presque. Je regarde parfois tout cela de l’extérieur comme une spectatrice habituée au spectacle. Comme un film déjà vu. Il y a un temps infini que je n’ai été amoureuse à ce point et je crois que je goûte les instants de joie que cela me donne. Même s’ils sont sans espoir d’avenir et suivis tout aussitôt de ce brouillard de chagrin qui glace jusqu’à la moelle.

Il y a des jours où je m'étonne moi-même de mes apprentissages. D'arriver à attraper ce drôle de truc hérissé de tessons de bouteille en parvenant à trouver une extrémité moins blessante que les autres. D'y trouver de l'intérêt parce que ressentir est essentiel et passionnant. Même en y laissant des forces et le coeur essoré. Je suis vivante. Consciente. Et je ne comprends pas moi-même très bien ces derniers mots que j'écris ce soir qui viennent incohérents et évidents. Mon propre désarroi m'intéresse et je me demande ce que je pourrai en faire de bien. J'y réfléchirai mieux demain.

edit du coeur de la nuit : les mots viennent sous mes doigts la plupart du temps sans que je les contrôle vraiment. Parfois à ma propre surprise, comme ceux des paragraphes ci-dessus, que j'ai écrits tout à l'heure lucide et claire, sans bien me les expliquer pourtant, jaillis d'une source à moi-même mystérieuse. J'ai écrit "Je vais bien", donc, et c'est une forme de vrai, sûrement, puisque c'est sorti de moi avec une telle facilité. Alors pourquoi cet éveil nocturne, oppressée et pleine de larmes, le coeur-étau et l'envie mortifère de ne jamais voir finir cette nuit noire ? Parce que je L'ai vu ces derniers jours, bien sûr, et que c'est si difficile, après. Et qu'Il est source d'un bonheur exalté et fulgurant, écroulé sitôt qu'éprouvé, chaque fois, et aussi de toutes ces colères après tout et rien, qui m'épuisent et me consument en ce moment, d'énergie violente vite brûlée puis de culpabilité, mon amour non consommé défoulé ainsi sans ménagement pour d'autres qui n'y sont pour rien, les pauvres. "Je vais bien", alors, sans doute, puisque c'est sorti de mon coeur tourmenté qui ne se l'explique pas lui-même, mais c'est dur, c'est difficile, c'est invivable au coeur de cette nuit, parmi tant d'autres nuits pareilles. Et j'espère le matin plus doux sans y croire tout à fait...

vendredi 25 septembre 2009

Jean-Pierre on TV !!!

Qu'on se le dise : Jean-Pierre, mon Jean-Pierre, après une première campagne d'affiche mochedingue dont je lui avais quelque peu fait reproche ici; après une deuxième campagne d'affichage beaucoup plus riante dont je l'avais félicité ici; Jean-Pierre donc, mon Jean-Pierre à moi, le "poêleux" Invicta le plus trendy du moment, joue les gourous, bikers, rock stars et autres divas à éventail, à la téloche dans un spot hilarant qui donne envie d'acheter un poêle à bois à tout propriétaire foncier quel qu'il soit (igloo, cabanocanada, camping car, studette parisienne, manoir hanté, Jean-Pierre a un poêle pour tous les intérieurs !)

Moi je dis bravo Jean-Pierre (enfin, heureusement que j'étais là pour recadrer la campagne à ses débuts, parce que ça ne s'annonçait pas si bien...)


invicta fait sa rentrée sur les écrans TV

edit : Je vais finir par croire que je suis la biographe officielle de Jean-Pierre vu le nombre de messages que je reçois depuis quelques jours à propos de ce spot... Par ailleurs, je tiens à démentir toutes les rumeurs concernant Jean-Pierre et moi, je suis une honnête bretonne !

edit 2 : Merci à El Minzah qui vient de me signaler qu'un long métrage Invicta est en préparation...

edit du samedi matin : Sans blague, je viens d'aller faire un tour sur le site Invicta (ben oui, quoi, je vais prendre des nouvelles de mon Jean-Pierre régulièrement, sinon je m'inquiète), et je vous recommande d'aller voir les gagnants du concours de design organisé par Invicta - Présidente du jury Matali Crasset, quand je vous disais que c'était trendy. Il y a des trucs superbes. Vivement ma maison en Bretagne ! J'y installerais volontiers le 2è prix intitulé Chanoyou, et le projet Cube est drôlement bien aussi... (quand au projet intitulé 360°, il faudrait revoir le dessin : on dirait qu'il y a un bébé dans le feu... ?... Gaffe, ça pourrait donner des idées à un Barbe-Bleue new wave)

samedi 19 septembre 2009

Rentrée en 78 tours

titre de billet à l'usage de ceux qui se souviendraient de ce qu'était un 78 tours (même moi je suis trop jeune pour les avoir utilisés eh oh !!!)

Tout d'abord merci à mes lecteur(trice)s chéri(e)s (dont le nombre s'amenuise singulièrement au fur et à mesure que mes billets s'espacent dans le temps) de se préoccuper de ce que je deviens et de m'envoyer des mails pour me signaler un job en Bretagne... c'est adorable.

J'avoue que cela fait un moment que je me morigène de laisser ce blog en grand danger de rouiller (dotclear 2 est cependant réputé inoxydable), mais j'ai donné la priorité à mon emménagement depuis mon retour de vacances. Il y avait tellement de bazar chez moi que j'avais du mal à retrouver mon ordinateur de toute façon. Si, c'est vrai !

J'entame une période de transition vers je ne sais quoi ni où. C'est une sensation parfois étrange mais finalement pas désagréable. J'ai un nouvel appartement « provisoire » (la durée de ce provisoire m’étant inconnue) que je viens à peine de débarrasser de son dernier carton après un travail de titan. On s'étonne que je n'aie pas le temps de bloguer : je voudrais vous y voir, vous, le contenu de 120 cartons (!!!!!) à répartir dans 47 m², et je ne vous parle pas (enfin si, je vous en parle) du chat traumatisé dont il faut traquer les pipis sauvages sur canapé, le salopiot (et on vient de me livrer ma nouvelle méridienne-de-la-mort-qui-tue, s'il fait pipi sur celle-là, je le cloue sur la porte le Charouk, parole de Traou !!!).

J'ai repris le boulot soulagée : c'est finalement plus reposant d'être au bureau qu'en tenue de combat au fin fond d'une cave pour essayer d'y faire entrer le superflu, et Dieu sait que le superflu, j'en ai ! J'ai vite déchanté : la rentrée qui s'annonçait façon tornade maîtrisée a viré à l'ouragan débridé depuis le congé anticipé et sans doute de longue haleine d'une collaboratrice précieuse. Sa remplaçante fraîchement arrivée est super zen, et ce que nous faisons est passionnant, donc je ne me plains pas, je constate juste que les heures passent comme l'éclair et que j'aimerais parfois en ajouter 8 ou 12 à ma journée pour boucler.

Par ailleurs et pour ne rien vous cacher, je me trouve parfois ces derniers temps dans cet état délicieux d'épuisement absolu doublé d'une forme éblouissante qui accompagne les lendemains de révision nocturne et prolongée de son petit K*m* Sutr* illustré en fougueuse compagnie (dans les temps de disette sentimentale, je ne me refuse jamais les friandises, qu’elles soient très éphémères ou d’un « provisoire durable », comme mon appartement, quoi). Bien sûr, si cet état se renouvelle trop fréquemment dans les temps à venir, il risque de compromettre quelque peu mon rendement professionnel... Mais après tout, je ne serais pas contre.

Attention, attention ! L'appellation juste du fougueux susnommé est "amant", je n'ai pas dit "amoureux". Je vois mal en l'occurrence ce premier se muer en second, mais peu importe. En cette rentrée pleine de nouveautés, m'amuser - et seulement m'amuser - n'est pas pour me déplaire, et je n'ai jamais renié mon plaisir où le bien qu'on me fait, quand bien même le dispensateur du bien aurait les pectoraux plus séduisants que le cerveau. Je suis d'humeur lutine, que voulez-vous.

Ben quoi, on me demande ce que je deviens, je réponds… A part ça, je suis contente d’avoir un balcon pour les apéros-copains, Charouk aussi pour observer les oiseaux du jardin d’en bas (quand il ne se soulage pas sur le canapé). J’aime mon nouveau quartier, pas vraiment dérangée par la bande de jeunes qui campe en bas de mon immeuble et organise des matches de boxe nocturnes passablement bruyants (des vrais matches, avec des gants et tout, le ring, c’est le carrefour). J’ai le plus gentil boucher du monde qui fait des boulettes à tomber, deux « vraies » librairies ouvertes le dimanche, un joli marché sur une jolie place ronde, mon club de gym à 100 mètres pour mon « body pump » hebdomadaire, une cantoche qui sert de délicieux couscous pour 7€, et le Père Lachaise à deux pas, que je traverse à pied pour aller au cinéma. Ce n'est pas la Bretagne que je souhaitais (elle sera toujours là) mais un décor agréable pour cette rentrée où je hume l’air du temps, prête à accepter ce qu’il m’apportera. Je laisse les fils du destin tricoter mon chemin tranquillement, surveillant quand même le dessin qui se forme sous mes pas, pour éviter les plus grosses pierres, sauter à cloche-pied jusqu’à la case d’après en vacillant le moins possible, comme à la marelle de mon enfance, et jusqu’au « Ciel », j’espère…

vendredi 14 août 2009

"Dans la main du diable" ou le rapt de l'écriture

J’ai lu en cet été paresseux – quoique très occupé de cette paresse, le temps coule sans que je m’en aperçoive – « Dans la main du diable » de Anne-Marie Garat, que l’on m’avait offert il y a quelques mois et dont je reportais l’abord, à cause de son millier de pages dans sa version poche chez Babel (édition originale Actes Sud), et aussi parce que je lis finalement fort peu à Paris, hormis dans les transports en commun (je ne lis que très rarement au lit, par exemple, la position m’est inconfortable et je baille au bout d’une demi-page).

Je me suis donc a(ban)donnée avec délices à la lecture de ce pavé, des heures durant, dans mon jardin principalement et aussi dans mon lit au cœur de la nuit, incapable de lutter contre l’appel invincible des péripéties vécues l’année 1913-1914 par Gabrielle Demachy, héroïne magnifique, et la galerie de personnages rencontrés par elle au cours de ces aventures. « Dans la main du diable » est de ces livres pour lesquels on repousse le sommeil pour tourner une page de plus, puis encore une autre, sans fin, pour connaître la suite, oh si, encore un petit peu et après j’éteins, après celle-là, absolument. La prochaine…

Dans la main du diable

Il est de ces romans qui font trembler de plaisir, de peur délicieuse, de compassion non feinte pour les épreuves des personnages, de frissons sensuels et de cœur battant. On y sent des parfums, on y entend le bruit des foules et le murmure des complots, on partage l’émoi des amours débutantes et l’élan fougueux des amants. On y vit des deuils terribles et l’on se réjouit des trêves. On a envie de rassurer les héros, de leur dire que ça va s’arranger, forcément, ce serait trop horrible si… Et l’on referme le livre avec un rien de chagrin.

« Dans la main du diable » est de ceux-là et je ne saurais trop conseiller sa lecture aux amateurs de fresques romanesques, de feuilletons à rebondissements passionnants, de plongées dans un monde inconnu peuplé de mille histoires. Je vous laisse en découvrir les tours et les détours palpitants, et ne vous en ferai pas ici de résumé ou autre analyse (le style est remarquable et aussi foisonnant que l’intrigue, avec des consonances et tournures propres à l’époque), je ne veux évoquer que mon plaisir et remercier l’auteur pour son grand talent.

Je me suis précipitée sur le net, une fois l’ouvrage refermé, soulagement et regrets mêlés, pour connaître les autres romans d’Anne-Marie Garat, que je lisais pour la première fois. J’ai découvert que je connaissais son visage (d’où, je ne sais pas, une impression de l’avoir déjà croisée) et que « Dans la main du diable » avait une suite, que je me promets de découvrir prochainement, après une petite pause peut-être (c’est épuisant !), pour retrouver en héroïne, autour de la deuxième guerre mondiale cette fois, et en jeune femme, la petite Millie de 4 ans de la «Main du diable », et savoir ce qu’il est advenu de Gabrielle, son institutrice, laissées toutes deux sur le pont d’un transatlantique à l’orée de la Grande Guerre.

J’ai lu aussi, magie du net, des interviews de l’auteur, des présentations de la dame, engagée et plutôt sympathique, amoureuse de la fiction et du cinéma qu’elle a enseigné (l’œuvre regorge de références cinématographiques).

J’ai été fort intéressée (interpellée, dirais-je, si ce terme ne m’agaçait pas) par ses propos sur l’écriture elle-même, qu’elle définit comme un « rapt ». Et sur le fait qu’elle ait pris une fois une année sabbatique pour écrire, qui s’est avérée stérile, avant de réaliser que de jongler entre famille, activité professionnelle et temps de création était un mode de fonctionnement qui lui convenait et parfaitement propice à l’écriture dans son cas.

Bon, sans doute chacun a-t-il un mode de fonctionnement particulier concernant l’écriture ou toute forme de création, mais j’avoue que – au vu du talent de la dame et de la qualité et quantité de sa production – je me suis sentie un peu bête, moi, avec mes proclamations de mon incapacité à écrire autre que du format court, étant donné mes activités (professionnelles, amicales et de loisir seulement, je ne peux même pas me réclamer d’une famille).

Sans doute l’écriture ne m’est-elle qu’un agréable divertissement dilettante, même si je le pratique depuis que je sais tenir un crayon entre mes doigts et que j’aurais du mal à m’en passer, et non le « rapt » dont elle parle. Je l’ai parfois évoqué ici, j’ai un projet d’écriture plus élaboré que les billets de ce blog, entamé l’année dernière, un roman en l’occurrence (j’ai également un scénario, achevé celui-là, que j’essaie de remanier pendant ces vacances, mais l’écriture scénaristique est très différente). Or ce roman, je n’arrive pas à en voir le bout, et j’envisage parfois la possibilité de m’arrêter de travailler provisoirement pour l’achever (il y a encore du boulot !), ne voyant pas d’autre possibilité pour ma part. Est-ce un leurre ?

Est-ce que, quand l’écriture vous est une réelle urgence, on ne trouve pas le temps pour elle, de quelque façon que ce soit ? Je connais des gens – publiés - qui écrivent par petits bouts, une heure par jour, avant le lever des enfants, après leur coucher, avant le boulot, entre deux, sur un coin de table, à tout prix, avec souvent une réelle discipline, pour arriver à trouver l’énergie et la concentration nécessaires au cœur d’un planning infernal. Et qui y arrivent. Moi non.

Je crois que je suis fondamentalement une paresseuse. Très active, mais paresseuse, et procrastineuse-née. Et que j’aime l’écriture, mais la vie aussi, qui me réclame, qui m’accapare. Il y a les plaisirs et les rires à entretenir, les larmes et le vin à verser, les moments amicaux à partager et l’intensité d’une tâche professionnelle à passionner, les rues à arpenter, les gens à regarder, à écouter. Il y a des dialogues émouvants et des moments à ne pas perdre, d’autres précieux à ne rien faire, si doux, les petits riens du quotidien à humer ou supporter, les petites misères à faire semblant d’ignorer et les secondes, les minutes, les heures, à vivre sans les compter. Quand je vous dis que je suis très occupée !

Pourtant j’aime quand l’écriture me submerge. Quand je m’y perds, quand je m’y noie. Quand je vis avec mes personnages, confondue en eux, mon souffle sur leur bouche, mes larmes dans leurs yeux, leur rire jaillissant de moi, leurs émotions à fleur de ma peau. J’ai souvenir d’avoir perdu parfois le fil du temps au gré de leurs émois et pérégrinations qui naissaient sous mes doigts au même rythme que mon cœur, de relever la tête, surprise du jour couchant, affamée d’un coup, emportée que j’étais avec eux depuis le petit matin, sans trêve. Vertigineux.

C’est un vertige que je n’arrive pas à recréer au quotidien, un fil que je n’arrive pas à renouer sur commande, juste pour une heure, je n’y parviens pas, je n’en ai peut-être pas l’urgence ? Que faire ?

Pour l’instant mes personnages dorment, et ils me manquent, mais je n’arrive pas à m’organiser de rendez-vous quotidien avec eux. Je ne les ai même pas emmenés avec moi durant ces vacances, que je voulais consacrer au « rien », et à mon scénario en priorité sur lequel il y a moins de travail à apporter et dont je voudrais peut-être essayer de faire quelque chose à la rentrée, puisque ses premiers lecteurs ont eu la bonté d’y trouver quelque intérêt.

Je refuse de me contraindre à l’écriture. Elle vient sous mes doigts si elle veut, comme elle peut, je ne peux en faire un devoir, je l’accepte comme elle me visite, légère, et si elle me rend heureuse. Je peux écrire parce que je souffre, mais pas dans la souffrance d’écrire… Or donc, je crois que je vais m’accepter en dilettante des mots et, sauf solution non encore imaginée (un mécène, une potion magique, une crise aiguë qui me jetterait à corps perdu dans la création et ravalerait la fresque de 1000 pages d’Anne-Marie Garat au rang d’historiette…), je crois bien que je vais me satisfaire encore quelques temps au moins de ce format court dans lequel je me sens à l’aise, de mon statut de picoreuse d’écriture (c’est mignon, picoreuse, je m’en ferais bien un titre de carte de visite), et ne pas m’angoisser de ne pas ou « pas assez » écrire.

Il n’y a pas d’obligation, pas de besoin. On écrit ce qu’on doit. Point. Ce blog et mes quelques pages en dehors sont peut-être mon écriture à moi. Ni plus. Ni moins.

mardi 4 août 2009

Août déjà, un matin

Se réveiller au son de turbine ronronnante du chat qui quémande un câlin et effectue un gymkhana savant sur l’oreiller, vous tirant affectueusement les cheveux au passage. La montre avoue 5h00. On envoie promener le fauve.

Nouveau réveil miaulant et caressant. Il est 7h00. D’accord. On se lève en titubant pour ouvrir un sachet de pâtée molle (on évite le poisson, écoeurant à cette heure) pour le vieux chat qui a perdu le seul croc qui lui restait lors de sa virée nocturne de la veille, on se demande comment.

On se recouche, bien décidée à reprendre son rêve là où on l’avait laissé, et pour un moment. On se souvient soudain que la mer est haute à 7h15. Oh non, trop loin du lit la mer…

Et puis si, on se relève. On met le café en route. Un maillot, une serviette, le vieux vélo. Il n’est pas encore 8 heures. La plage est déserte, l’eau frémissante de vagues fraiches. On va jusqu’aux bateaux et retour. Brasses régulières, bienfaisantes.

Les cheveux mouillés entortillés, le maillot sablé noué autour du guidon, on revient vers la maison par les petites rues de pierre ponctuées de roses trémières, nue sous une robe douce, la serviette lourde de sel autour du cou.

On est accueillie par un chat qui s’endort repu et reconnaissant, une odeur de café, un rayon de soleil sur la vieille table de bois qui éclaire joliment la faïence bleue des déjeuners bretons chinés chez un brocanteur la veille.

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On entend son nom appelé par-dessus le portail. Une balade à vélo ? Oh oui ! Un paysage de petits chemins de campagne le long d’un bras de mer, beau et silencieux. Un rien cahotant. Et un petit crachin bref et bienvenu sur le retour pour se rafraichir après l’équipée. Tiens, si on retournait se baigner ?

La serviette n’a pas eu le temps de sécher du bain de 8 heures. Tant pis. Enroulée dans ses rayures d’éponge roses et blanches, les pieds dans le sable doux, regarder le petit phare bleu au loin, les bateaux comme des virgules blanches et les mouettes comme des circonflexes, la trouée de lumière dorée insensée sur l’ile aux oiseaux, l’horizon bleu-vert mouvant.

Remercier le Ciel, la Mer, le Vent, la Vie, d’être née ici.

mercredi 29 juillet 2009

Vacance, vacances

Je ne connais pas de bien-être plus grand que de partir en vacances épuisée. Et de savoir que s’allongent devant soi trois pleines semaines de… rien.

Les quelques mois écoulés m’ont vue crapahuter en tous sens pour faire visiter mon appartement bellevillois en vue de le vendre (70 visites en deux mois, j’y ai consacré du temps et de l’énergie pour ne pas devoir laisser une commission à une agence). J’ai ensuite enchainé avec les visites d’un nouveau logement (en location celui-là, j’entame une période de transition avant de savoir où diriger mes pas). Le tout entrecoupé de quelques épisodes professionnels pas tout à fait négligeables (Festival de Cannes & tutti quanti).

Je viens d’achever la dernière ligne droite du déménagement : une bonne centaine de cartons qui ont formé des canyons vertigineux dans mon ancien appartement puis le nouveau, au grand étonnement des déménageurs qui ont prétendu avoir rencontré des familles de 4 ou 5 moins encombrés équipés que moi.

J’ai laissé une bonne partie de ceux-là (les cartons) reposer doucement dans la pénombre de mon nouveau logis parisien et ai pris la route de la Bretagne, soulagée, n’ayant en tête que trois idées : dormir, me baigner, buller.

Charouk le chat, un peu stressé par le changement de son logis (et sans doute aussi d’avoir quitté son amoureuse du 6è à qui il miaulait aubade et sérénade jour après jour) a été ravi de retrouver la campagne des vacances : il a passé les trois premières nuits en vadrouille, rentrant au petit matin égratigné, affamé et câlin. J’espère qu’il ne rencontrera pas sur son chemin une voiture assassine ou un renard belliqueux et friand de félin pour son petit déjeuner.

J’ai retrouvé ma vieille porte délavée juchée sur ses tréteaux malmenés par l’hiver, qui accueille sans faillir à l’ombre du vieux cerisier le café du matin, le muscadet frais de l’apéritif, mes cahiers et mon ordinateur s’il me prend le courage d’écrire un peu. Une rose trémière d’un beau pourpre a enfin daigné fleurir à côté du vieux fumoir à poissons recyclé en range-outils. Le potager nous offre une salade chaque soir, parfois une courgette, et je chipe à la passiflore grimpante son tuteur-fil de fer pour sécher ma serviette salée après le bain du matin. Mon t-shirt nocturne fleure bon le linge frais lavé parfumé de jardin. Je suis bien.

potager d'été

Repos. Silence. Sommeil. Rêveries. Je dois deux heures par jour à mon genou blessé, malmené par mes activités des derniers mois qui l’ont sollicité au-delà de ses forces : je le tartine d’argile fraiche et ai ordre de rester tranquille. Je ne me fais pas prier.

J’irai peut-être faire un tour dans mon Finistère adoré. Pas sûr. Cela dépendra de ma jambe fragile, de mon énergie recouvrée, du temps que je m’accorderai pour profiter d’ici, de mes parents, de ce paysage aimé, de ce jardin ami, de l’heure de la marée et de l’âge de mon petit capitaine intérieur qui me souffle pour l’instant de ne pas bouger. Et d’écrire, si je peux, et de lire. Pour commencer, le merveilleux « Eloge de l’ombre » de Tanizaki, premier choisi de la pile de livres emportés ici, qui nourrirait quelques mois, j’ai toujours « les yeux plus grands que le ventre » en matière de lecture. En guise de marque-pages, j’ai glissé dans l’essai japonais une feuille ramassée dans l’herbe, qui y séchera à son gré et imprimera peut-être au papier l’empreinte en relief de ses nervures fragiles.

jeudi 9 juillet 2009

Tribute to

Ce site me met en joie. J'adore le net quand il offre des choses comme ça. Attention, on peut y passer des heures...

Et merci à Michaël J. dont la disparition inspire moult internautes et blogueurs, même sur la ménopozattitude (copyright Samantdi), c'est pour dire !

mercredi 8 juillet 2009

Complètement à l’ouest

Drôle de tournesol je fais, tourné vers l’ouest. Toujours à l’ouest. Mon soleil à moi est là-bas. Même quand il n’y en a pas (et pour ceux qui seraient tentés de faire des réflexions vaseuses, il y en a beaucoup du soleil ! Et je suis extrêmement susceptible sur ce sujet, tenez-le vous pour dit).

Mon menton se tend vers le couchant, et mon corps à sa suite. Il me faut lutter pour rester là où je suis, loin de mon ouest. Si ça se trouve, je dois être un peu penchée, tout le temps, flèche humaine pointant la côte découpée en forme de visage tout là-bas. On dirait un cri, une bouche hurlante. Ou juste qui avale à grandes goulées l’air du large, je ne sais.

C’est pour cela sans doute que ma tête penche de côté souvent. Pour écouter le bruissement du vent ou des vagues qui me parvient de là-bas, infime et essentiel. Le son de ma vie, couvrant celui de la ville, parce que gravé dans mes oreilles à jamais.

Dans mes yeux il y a les couleurs fauves et le bleu-gris-vert-noir de la mer des jours de colère. Jours de joie. Infinie. Je suis née de cette aquarelle-là, violente et pastel tout à la fois.

Je ne cesserai jamais de respirer des embruns imaginaires, des souvenirs d’algues, d’aspirer le vent salé même s’il est loin de moi et couvert par les odeurs du train souterrain qui étouffe. Le temps s’efface, l’espace se ratatine et je suis là-bas, tout le temps. Même quand je n’y suis pas. Bretagne est terre de légendes et de magie. Je l’emmène avec moi dans une goutte d’eau, un grain de poussière voltigeant, un rayon de lumière couleur lune, un cri d’oiseau inconnu. Tout me la rappelle. Tout m’y ramène. Pensée, corps, âme. Quand j’ai l’air heureux, c’est sans doute que je suis là-bas. Même si j’ai l’air d’être là, à cette terrasse de boulevard.

Bientôt, bientôt, très bientôt, les tours de roue du train vont m’emporter à l’ouest, rythmant mon bonheur grandissant. Enfin à l’ouest. Pause adorée. J’ai rendez-vous avec l’essence de moi. Chez moi. Nul autre endroit ne peut porter ce nom. Pourtant, là où je pars dans quelques jours, je resterai encore un peu penchée. Vers l’ouest. Encore un peu plus loin à l’ouest. La fin de la terre est mon aimant. La bouche ne hurle pas, en fait, elle m’appelle, elle chante, elle susurre des mots d’amour, elle m’aime sans doute aucun. Finistère est ma sirène.

Finistère

samedi 4 juillet 2009

Loto

J'ai joué au loto hier. Etant donné le marasme qu'est ma vie amoureuse (j'ai même trouvé le moyen, du coup, de me fâcher avec mon amant intermittent des derniers mois, je suis d'humeur pugiliste), et si les adages populaires ont un fond de vrai, je devrais être "heureuse au jeu" et multimilliardaire pas plus tard que ce soir, je vous le dis ! A moi la maison bretonne, le bateau, les voyages... Mais toujours pas de zamoureux, ça ne s'achète (heureusement) pas.

Si j'arrive à récupérer mes billets de TGV que la SNCF a généreusement envoyés à une autre Traou parisienne (j'ai quelques homonymes enregistrées dans l'ordinateur central des chemins de fer...)[1], je devrais être à quelques minutes de mon premier bain breton dans une semaine, perspective de félicité. J'ai rendez-vous avec la marée samedi prochain, à 10h18...

En attendant, je regarde sans motivation aucune les milliers, que dis-je, les millions d'objets qui composent mon intérieur et qui sont censés transiter ailleurs dans moins de trois semaines. Quelqu'un connaît un déménageur qui pratique la téléportation ?

Un autre appartement m'attend, Paris 20è, avec un balcon qui donne sur quelques jardinets parisiens. On est loin encore de la campagne bretonne, de la mer, c'est déjà un espace miniature où être dehors, au moins. Peu satisfaisant, mais je ne vais pas me plaindre : j'ai un toit sur ma tête. Une fois passées les vacances qui me nettoieront j'espère de la fatigue de l'année et d'un chagrin soluble dans l'eau de mer (?), je serais même sans doute contente de m'aménager un nouveau décor. Décor où j'espère redémarrer ma vie un peu moins de guingois à la rentrée.

Allez, un auto-coup de pied au postérieur : fais tes cartons, fainéante ! Et va donc acheter une mini-table pour ton mini-balcon ! Où diable va-t-on prendre l'apéro sinon !!!

Notes

[1] Et la SNCF, souveraine, qui a fait l'erreur d'expédition et bien sûr débité mon compte du prix du billet perdu, me demande, pas gênée, de REPAYER pour un duplicata de billet, somme dont je devrais être remboursée dans un délai non précisé et après réclamation et paperasses diverses. Cela m'a donné l'occasion de piquer une gueulante, ça défoule

dimanche 28 juin 2009

Etrange maladie

J’avais oublié les symptômes. A quel point ça submerge, vague invincible contre laquelle on ne peut rien. J’avais oublié les nuits agitées pleines de songes dont on ne sait au réveil s’ils furent des rêves terrifiants ou des cauchemars gais.

J’avais oublié cette boule au creux du ventre qui s’alourdit ou s’allège au fil des heures, au fil des pensées, au fil du mal qui ronge.

J’avais oublié la faim inassouvie d’un impossible met, et qu’on ne parvient plus à se nourrir. A boire, si, et il vaudrait mieux pas.

J’avais oublié les pensées folles, les « si » et les « mais », les paroles espérées qui ne viendront pas, l’espoir trop bref qui s’envole avant de revenir à la terre ferme du découragement.

J’avais oublié la fièvre insupportable qui dévaste, la fuite impossible. Rester là et attendre que ça passe car aucun médicament ne soulage. Le seul remède au mal en est sa cause, et il ne peut être prescrit.

Trouver des dérivatifs pour penser à autre chose qu’à cet Autre qui a allumé les flammes inextinguibles, qui a ouvert la porte du congélateur où était enfermé un cœur. Depuis si longtemps. Alors l’énergie qu’on aurait voulu consacrer à L’aimer, décuplée, affolante, la mettre au service de cartons de déménagement, s’épuiser. Et espérer l’eau bretonne glaciale dans quelques semaines pour calmer le feu. Un peu.

dimanche 21 juin 2009

Voiles

On s’y est fait. Les années passant, il y en a de plus en plus mais on s’y fait. Elles les portent austères ou colorés, avec de la dentelle et un bijou pour le fermer, parfois. On s’y est fait, ou presque. Au début, je sursautais presque à chaque voile croisé, c’est si loin de moi. Et puis cela me rappelait les religieuses voilées de gris de mon enfance. Sauf que les visages dans ces tissus-là, en ce début de 21è siècle, sont jeunes et jolis. Cela me choquait moins sans doute sur une vieille femme qui avait voué sa vie à renoncer aux plaisirs du monde.

Aujourd’hui j’avoue ne savoir trop que penser. A propos de cette « burka » de nos contrées (j'appelais cela une "abaya", pour ma part, mais le terme "burka" est utilisé par les médias, sans doute pour marquer plus les esprits en se référant à l'Afghanistan), "burka", donc, dont on parle beaucoup depuis quelques jours. Interdire ou pas ? Au nom de quoi ?

J’en vois dans mon quartier, de ces fantômes de femmes, couvertes de noir des pieds à la tête, yeux compris. Pas une once d’elles n’est livrée à l’air et au regard. Parfois leurs mains gantées poussent un landau, et je me demande ce que ressent le bébé, s’il s’éveille, de poser les yeux sur une ombre noire à qui il ne manque guère qu’une faux pour ressembler à l’Ankou de chez moi. Une ombre qui est sa mère. Les jours où j’ai de l’humour j’imagine un tueur en cavale sous ces oripeaux-là, quelle meilleure cachette ? Ces femmes-là, on ne les approche pas, on ne leur parle pas, on s’éloigne un peu même, mal à l’aise. A qui viendrait-il à l’idée de leur demander son chemin ?

Les ados voilées en jean, je m’y suis faite, un peu. Je mets ça parfois dans la même catégorie d’affirmation identitaire adolescente que les capuches de leurs homologues masculins, et cela m’apparaît aussi étrange et un peu ridicule que la mode des slips apparents avec le pantalon qui tient par miracle sous leurs fesses… Et je me dis que ça leur passera, peut-être. Pour beaucoup d’entre elles, leurs mères n’étaient pas voilées. Peut-être leurs filles le leur jetteront à la figure. J’en doute un peu, j’avoue l’espérer, pour elles.

Parce que j’ai du mal, en tant que femme, à penser qu’on renonce ainsi à une part de féminité, au vent dans ses cheveux, à la liberté d’être et de paraître. Parce que, quand je croise les femmes-fantômes, ou pire encore peut-être (et très rares, heureusement) des fillettes voilées, de 6, 8 ou 10 ans, je ne peux m’empêcher de me demander quelle obsession perverse conduit à considérer les cheveux et les bras d’une femme – et plus encore d’une petite fille - comme indécents.

Et je ne peux m’empêcher aussi de considérer comme vaguement pervers – ou imbécile – l’imagination débordante – ou l’aveuglement - de certains qui semblent penser que ce type de contrainte leur est demandé par une puissance divine (Dieu, ou quel que soit le nom que l’on choisit de lui donner, n’a objectivement aucune raison de VOULOIR quoi que ce soit, étant la puissance créatrice de toutes choses, à moins que l’on considère qu’il se serait trompé quelque part dans sa création ?). Il apparaît très clairement que les diktats de comportements imposés par les dogmes religieux par le biais de textes sacrés à l’interprétation très humaine, ont été imposés par les hommes aux hommes, en l’occurrence aux femmes. Pour le pouvoir.

J’ai tendance à penser personnellement que Dieu est trop grand pour en avoir quoi que ce soit à faire que l’on aille nus (tels qu’Il nous a créés, soit dit en passant) ou habillés. Et que c’est lui prêter des sentiments bien petits et mesquins de penser que ce genre de détail vestimentaire lui importe. Les vêtements ont été inventés par l’homme d’abord pour des raisons climatiques, et ont véhiculés ensuite les messages d’appartenance sociale, géographique, culturelle ou religieuse. Avec des excès, parfois, qui ne sont qu’humains.

Mais au nom de quoi interdire ? A titre personnel, je suis choquée de ces excès : par cette burka, en l’occurrence, mais je suis tout aussi choquée par les filles qui se promènent en short mini et bustier moulant dans des pays – comme l’Inde par exemple - où montrer ses jambes ou ses épaules n’est pas la coutume. Un respect réciproque des traditions me semble de mise. Mais moi, si je vais dans certains pays, on me contraindra, que j’en ai envie ou non, à mettre un voile sur mes cheveux. Au nom de cette contrainte-là, je n’aime pas l’idée que l’on impose chez nous l’inverse : que l’on contraigne des femmes à se dévoiler si elles ne le souhaitent pas, que je partage ou non leurs convictions. La seule question qui compte à mes yeux est : sont-elles vraiment libres de ce choix ? Et à cette question-là, il est fort difficile de répondre. Ou bien la réponse n’est pas la même pour chacune, je le crains.

Sûrement (certaines de) ces femmes sont-elles heureuses ainsi. Je le souhaite. Je goûte pour ma part chaque jour ici le bonheur d’être libre de mes mouvements et pensées. J’aime avoir le droit de dévoiler mes jambes, mes bras, mon corps, mes cheveux, sans honte ni arrière-pensée. J’aime avoir le droit de m’asseoir seule, sans mari ni frère, à une terrasse de café et savourer une bière si je le souhaite sans être jugée ou punie. J’ai même le droit de regarder un homme et de lui dire qu’il me plaît. Ces choses si naturelles à nos yeux sont impensables pour des millions de femmes dans le monde. C’est au nom de cela qu’il faut être vigilant, et s’interroger. Je m’interroge, mais je n’ai pas encore de réponse. Interdire ou pas ?

La loi française s'en sortira sans doute comme certaines villes belges l'ont déjà fait, sur le mode sécuritaire : selon une très vieille loi belge, il est interdit de circuler dans l'espace public à visage couvert, hormis pendant le temps du carnaval. C'est cette loi qui a permis d'interdire le voile intégral des femmes. Peut-être le législateur français trouvera-t-il une loi-carnaval similaire pour faire retrouver leur visage aux femmes, le livrer à l'air et aux regards. Qu'y a-t-il de mal à cela ?

vendredi 5 juin 2009

Bleu

Je contemple mon avant-bras bleu et jaune, marbré de marron. Là, à l’intérieur, la peau est d’ordinaire si fine et blanche, presque transparente.

Un gadin majuscule. Accident de tong sur escalier de bois usé-ciré. Dévalé sur les fesses jusqu’au palier salvateur, tentant de me retenir de mon bras nu. Eût-ce été un colimaçon que j’aurais peut-être continué jusqu’en bas, glissant sans secours jusqu’aux tréfonds de la terre.

Aujourd’hui l’hématome m’est amer, journée triste. Hier il me faisait rire, journée gaie. Comme les moindres anecdotes de nos vies prennent les couleurs de nos soucis ou de nos joies, c’est bête au fond.

Une altercation mineure au bureau m’exaspère les nerfs, inutilement, mais je n’arrive pas à « laisser pisser ». Sans doute n’ai-je jamais su faire ça.

Un monsieur dans mes pensées s’avère être accompagné, dans sa vie, déjà, alors je fuis à toutes jambes, pas pour moi, ça. Et j’enlève Fantomette [1] de ce lieu, crainte du ridicule. Je me suis fait des idées. J’ai été bête, je le serai encore.

J’ignore où je serai dans un mois, sur quel décor se fermeront mes yeux le soir. Bientôt plus de maison, pas encore de nouvelle. Inconfortable. Tout ce que je sais, c’est qu’elle ne sera pas en Bretagne. Je n’ai pas trouvé le chemin.

Les vacances sont à portée de pensée. Je les imagine calmes, familiales, amicales, mais toujours pas amoureuses. Et cela m’attriste, cette année encore, pas de main dans la mienne sur les routes du monde ou le cocon de ma maison bretonne. Est-ce que je serai seule désormais toute ma vie ? Ça me fait peur, souvent. Mais je dois bien y être pour quelque chose.

Ce jour est morose. Je me suis enfermée ce midi dans mon restau-refuge, un livre-baume devant mes yeux. C’était « 80 étés » de Jeanne Herry, un talent si doux de phrases simples et sentiments-ancres qu’il m’a tiré des larmes, mi-joie, mi-envie. Que fais-je de mon talent à moi quand d’autres savent si bien l’employer, le livrer ? Avec autant d’évidence et de simplicité. Je hais d’un coup mes circonlocutions et subterfuges de bazar.

Mon corps m’encombre et se déplace sans grâce. Mes pensées tournent dans le mauvais sens et ne produisent rien de bon. J'ai dû me faire un bleu géant à l'intérieur aussi. Je ne m’aime pas beaucoup ce soir. Jusqu'à demain, au moins.

Notes

[1] allusion réservée aux lecteurs d'un billet précédent, mis hors ligne. Merci de vos gentils commentaires en tous cas. Ce furent quelques jours d'une excitation bienvenue, même si elle s'est éteinte aussi vite...

dimanche 31 mai 2009

Henri

Quand je pense à lui aujourd’hui, c’est son prénom que j’utilise. C’est assez récent. Je ne l’ai longtemps appelé que Papi.

Cela fait plus de 40 ans qu’il m’accompagne, ami désormais. Cela fait plus de 40 qu’il est mort, peu importe.

J’avais 4 ans et je me souviens du silence de la maison, du regard attristé sur mes jeux. Sans doute me demandait-on d’être sage. Ma mère m’avait pris la main pour aller le voir dans son lit, son beau sourire, ses yeux si bons. Sans doute suis-je la dernière chose gaie qu’il ait vue.

Ma petite sœur n’avait que 2 ans et ne s’en souvient pas. Mes grands cousins en avaient 8, mes sœurs 10 et 13. Eux et elles l’avaient mieux connu que moi, comprenaient ce qui se passait et éprouvaient du chagrin. Moi j’ignorais tout à fait ce qu’était le chagrin à ce moment-là, j’avais bien le temps d’apprendre. Et j’avais quand même eu le temps de le connaître, de graver dans ma toute fraîche mémoire des souvenirs indélébiles. Merveilleux.

Je me souviens de sa blouse blanche et de l’odeur du bois dans son atelier, de la sciure au sol et des planches interminables encore à couper.

Je me souviens d’une histoire avec un renard, que j’écoutais perchée sur l’accoudoir de son fauteuil. Je me souviens d’avoir fait le zouave une fois, de joie sans doute, et je suis tombée de l’accoudoir, en arrière sur la cheminée de granit. Je ne me souviens pas de l’hôpital.

Toutes les années qui ont suivi, c’est à lui que j’ai confié mes peines d’enfant, le soir avant de m’endormir. Et je plongeais dans le sommeil, apaisée toujours, la sensation d’une caresse de sa main sur ma joue. Je ne crois pas l’avoir confié à quiconque à ce moment-là, c’était entre lui et moi.

Des années plus tard, j’ai aimé des hommes qui lui ressemblaient, je crois. Gentils et fantasques. Créatifs et au regard doux sur moi.

Aujourd’hui encore, il est l’ami à qui je pense quand je suis triste, à qui je confie mes chagrins par la pensée. Je ne l'ennuie jamais. Il m'écoute toujours avec bienveillance. J’ai une photo de lui dans mon portefeuille, à côté de celle d’Etty. Une photo de mon jeune grand-père dont j’aime tant le regard. Cet Henri-là, j’aimerais bien lui proposer d’aller prendre un verre au zinc, trinquer à nos années communes, par delà le temps et l’espace, comme une passerelle au-dessus de nos vies distantes, si proches.

Aujourd’hui j’étais un peu triste et j’ai pensé à lui, comme souvent. Et j’ai réalisé que je n’avais jamais parlé de lui ici, alors qu’il est quelqu’un de si important dans ma vie. Henri, mon ami…

jeudi 21 mai 2009

Festival

De retour de Cannes, après quelques jours seulement passés là-bas. Jamais mes séjours festivaliers n’auront été aussi passionnants et riches que celui-ci.

Je n’ai vu AUCUN film (je me suis bien présentée à une projection matinale au Marché pour le film d’Emmanuel Mouret, mais je m’étais trompée de jour… j’avais du lire mon programme à l’envers, du coup j’ai pris un café avec le projectionniste, on a bien ri). J’ai à peine mis les pieds sur la Croisette, n’ai pas monté les marches juchée sur des talons meurtriers, je n’ai pas fait la fête jusqu’à l’aube, à peine ai-je bu une coupe pétillante et croqué un petit four rescapé d’une armée de vampires italiens (mais les vampires de buffet parlent toutes les langues du monde, là-bas). Je n’ai pas vu de star, ni porté de robe de Scarlett. Cannes off, en quelque sorte, le meilleur.

Non, j’ai fait là-bas ce qui me rappelle pourquoi j’aime mon métier, qui consiste principalement (je résume) à aider des gens, auteurs, réalisateurs, producteurs, à mener à bien leurs projets, à trouver des partenaires et des sous pour ce faire, à avancer, aller plus loin.

Je me suis consacrée entièrement à eux, avec un bonheur extrême. Je reviens saoulée de rencontres et de sourires, d’espoirs et d’énergies incroyables toutes entières dévouées à des histoires magnifiques, folles, drôles, tendres. Je garde le souvenir d'heures entières passées à écouter des rêves en passe de devenir des images et sur mes épaules la chaleur d’un blouson de cuir posé là gentiment une fin de nuit fraiche par un auteur passionné avec qui nous avons parlé de projets, d’histoires, de la vie, de la mort, de choses sensibles et tendres. Une remontée de la Croisette aussi, sous un soleil chaud, bercée par l’accent d’un réalisateur foufou aux yeux rieurs emplis de mille fictions que j’aimerais tant aider à mettre sur écran la prochaine. Un chaleureux espagnol qui m’embrasse comme du bon pain après m’avoir raconté l’histoire terrible de sa famille qu’il veut écrire, produire, réaliser, pour me remercier de l’avoir écouté, si émue, la gorge serrée. Le lendemain j’organise un rendez-vous pour lui avec d’autres producteurs qui me semblent partager le même feu, le courant passe entre eux, et je les regarde, heureuse. On promet de se revoir bientôt, de me donner des nouvelles du projet. A San Sebastian en septembre, il aura avancé peut-être, je vais le suivre de très près. Et ce duo de producteurs italiens, mes chouchous depuis le dernier festival de Rome, dont je suis si fière d’avoir pu les aider à trouver un partenaire ici. On dirait bien que le film va se faire, il est si joli. On me montre les photos des enfants, me fait promettre de venir dîner à la maison à Rome la prochaine fois, je fais partie de la famille maintenant. Et on se quitte en se serrant dans les bras. J’ai des sourires plein le cœur.

On m’aurait dit qu’un jour j’aimerais Cannes que je ne l’aurais pas cru. Il y a les paillettes, le paraître, les fêtes VIP (rien que le terme « very important person » me fait courir des frissons d’horreur dans le dos, quel con faut-il être pour se croire plus « very important » que quiconque ?), il y a les airs blasés et les qui se la pètent, il y a les médisances et ce sentiment de supériorité insupportable de beaucoup. Et puis, tout à côté, il y a les gens qui « font » les films, qui écrivent, qui tournent, qui n’ont pas peur de leurs émotions, de leur fragilité, de leurs passions, qui y croient et qui vous entrainent avec eux. Que de beaux regards j’ai croisé, que de belles histoires on m’a raconté, que de conversations passionnantes avec des êtres humains formidables. J’ai beaucoup de chance.

J’admire tous ces gens, de vivre leurs passions au grand jour, de n’avoir pas peur de leurs émotions, d’oser les livrer au monde, publier, filmer, scénariser et signer de leur nom et leur prénom, les vrais ! Quelquefois, à ceux avec qui je me sens en confiance, je dis timidement que j’écris, un peu, anonymement, clandestine, en secret de tous, ma famille, la plupart de mes amis, mon boulot, comme honteuse… Et on m’encourage, voire on m’engueule gentiment, on m’exhorte à ne pas avoir peur ni honte de ce que j’écris en secret, de faire se rejoindre celle que je suis dans la vraie vie, si différente en représentation professionnelle de celle que je suis dans les pages de ce blog ou d’autres écrits. Ils me font du bien, me donnent à penser que oui, peut-être, le moment viendra bientôt de ne plus séparer mes vies, d’assumer le moi secret et de l’associer pleinement à moi-même, aux yeux de tous. De quoi ai-je peur, au fond ?

dimanche 26 avril 2009

Marathon par procuration

Telle que vous me voyez là (mais non, chuis bête, vous ne me voyez pas, enfin telle que vous m'imaginez, quoi), j'ai couru pas plus tard que tout à l'heure le kilomètre 14 du marathon de Madrid, moi ! Farpaitement ! En direct de Paris-Belleville et sans lever mon cul de ma chaise, je suis trop forte !

Bon, en fait c'est l'ami Pablo qui a couru pour moi, car pour être franche, je déteste courir. Je détestais ça même avant d'avoir une cheville et un genou qui partent en cacahuète et m'empêchent de toute façon de courir même après le bus la plupart du temps...

L'ami Pablo, donc, a fini tout à l'heure le marathon de Madrid en 4 heures et 27 minutes et avait offert chaque kilomètre de ce marathon à une bonne cause, et à chaque blogueur désireux de s'y associer.

Pablo a couru aujourd'hui une autre course de fond que la sienne, celle que mène Otir chaque année pour lever des fonds pour l'école de son fils autiste, M. Zitti, là-bas de l'autre côté de l'Atlantique. Pas de fonds, pas d'école. Alors Pablo a eu l'idée merveilleuse d'associer chaque kilomètre de son marathon d'aujourd'hui à un donateur de cette belle cause.

A l'heure qu'il est, il a fini sa course, mais vous pouvez toujours courir vous aussi pour M. Zitti et son école en allant sur le blog de sa maman, colonne de droite, cadre levée de fonds F.E.C.A.

Bravo Pablo et merci à toi !

Pablo.jpg

Photo prise ce matin avant la course, là il se repose !

dimanche 19 avril 2009

Susan

J'ai cherché dans ma mémoire cinéphile quel scénariste aurait pu inventer une scène aussi incroyable que celle qui a révélé au monde une voix d'exception ces jours derniers, celle de Susan Boyle, écossaise de 47 ans, candidate d'une émission de télé britannique révélatrice de talents, cette fois-là en tous cas.

"A star is born" en effet, en direct l'autre soir sous les yeux du public présent dans la salle, debout et hurlant d'enthousiasme, devant quelques millions de téléspectateurs ébahis [1], et dans les heures et les jours qui ont suivi, devant les yeux éblouis de plusieurs millions d'internautes - dont je fais partie - le buzz démultipliant à l'infini sur internet la notoriété toute neuve de Susan.

J'avoue avoir visionné en boucle le fameux extrait de "Britains got talent", et que j'ai été émue aux larmes chaque fois. Susan et sa voix d'ange ont ensoleillé mon week-end. Le scénario est parfait : une héroïne inattendue et sympathique, sujette aux moqueries non déguisées du public et du jury "hype" et sans pitié, bientôt remis à sa place par la performance vocale de Susan, sans conteste...

Susan Boyle

Un billet sur mon petit blog, comme un minuscule caillou dans l'océan d'hommages à la chanteuse inattendue qui fleurissent sur le net. Pour la remercier d'un moment de beauté et d'émotion authentiques, au milieu de tout le fatras "d'émotions" frelatées qui sont le lot quotidien d'une télévision qui s'obstine à qualifier de "star" la moindre ado braillante pour peu qu'elle soit jolie et suffisamment insolente. Et aussi éphémère que la minute qui l'a vue se faire connaître.

Pourquoi nous sommes des millions à avoir adoré Susan, en dehors de la qualité exceptionnelle de sa prestation ? Sans doute parce qu'elle est arrivée là sans fioritures, sans jouer un rôle, avec une robe de dimanche et une coiffure aléatoire, simplement elle-même jusqu'à l'aveu souriant de sa vie solitaire avec son chat, et de n'avoir même jamais été embrassée... Elle aurait pu être pathétique, elle a été magnifique. Et ça fait du bien. A nous tous. A nous tous qui avons, dans des rêves fous, imaginé de vivre un jour un moment pareil.

Susan, je vous souhaite le meilleur pour la suite, de ne pas croiser trop de requins, de continuer à chanter, chanter et enchanter. Je vous souhaite de rencontrer celui qui vous embrassera le premier. Vous avez séduit des millions de gens, je vous souhaite d'en séduire un seul.

Je ne mettrai pas ici l'extrait de l'émission, il est accessible partout, on l'a vu partout, des JT du monde entier au show de Larry King sur CNN qui a interviewé Susan. On la verra bientôt chez Oprah Winfrey et sans doute dans les bacs de la FN*C et d'ailleurs. Je préfère donner ici sa version de "Cry me a River", retrouvée sur un "CD de charité" et mise en ligne très vite après sa révélation. J'en ai rarement entendu une aussi belle.


Susan Boyle - Cry Me A River - 1999 Recording (From The Scottish Daily Record Newspaper)

Notes

[1] façon de parler, en fait, j'ignore si l'émission est en direct, d'une part, et quelle audience elle a, mais peu importe

dimanche 12 avril 2009

Bonheur, bonheurs ? (propos désordonnés)

Une vaste question circule sur les blogs, que Fajua m’envoie aujourd’hui : ‘C’est quoi le bonheur ? ». Heureusement qu’il est spécifié qu’on peut y répondre « à sa façon », après tout, c’est très personnel, le bonheur, enfin je crois.

J’avoue que « le » Bonheur, avec un grand B, s’il existe, je l’ignore tout à fait. Je suppose que c’est réservé à de grands mystiques, des chanceux qui ont trouvé leur place dans ce monde pas facile, des miraculés ayant échappé aux épreuves classiques de la vie, ou des inconscients. Bienheureux les simples d’esprit…

Moi je ne sais que les petits bonheurs, mes préférés. Les moments de bien-être fulgurants ou tranquilles, le cœur transporté pour un instant fugace, éphémère, mais dont les effluves se prolongeront, avec un peu de chance. J’ai déjà écrit ici, souvent, mes bonheurs, que d’aucuns qualifieront peut-être de simples plaisirs, qui passent pour moi souvent par les sens : bonheur(s) chaque jour de sentir, goûter, voir, entendre, toucher, caresser, respirer la vie. Plus forts, au bout du compte, que tous les désespoirs.

C’est drôle, en réfléchissant à cette immense notion, je me suis rendue compte que je suis très douée pour le bonheur à contretemps : le bonheur de l’attente, le bonheur rêvé, le bonheur du souvenir. Avant le bonheur, c’est déjà le bonheur, après le bonheur, c’est encore le bonheur. Je le jure !

Un autre blogueur, il y a quelques temps, m’interrogeait sur mon « petit bonheur » préféré (ou était-ce « petit plaisir » ? Les deux notions sont si liées pour moi…) Je n’avais le droit d’en donner qu’un seul, et de ne pas trop y réfléchir. Et celui qui m’est venu immédiatement à l’esprit (et que je savoure plus encore désormais quand il m’arrive de le vivre, d’ailleurs), c’est ce bonheur/plaisir que j’éprouve d’arriver la première à un rendez-vous, dans un bar ami, et d’y attendre quelqu’un que j’aime, de savoir qu’il sera là bientôt. Ces quelques minutes sont parmi les plus heureuses de celles que j’ai la chance de vivre, c’est drôle. Commander un verre et savourer en solo une première gorgée de vin blanc frais, lever mon verre à la beauté de l’instant présent, si consciente du privilège d’avoir un ami, un être aimé à attendre, heureuse de savourer l’écoulement des minutes, confiante, à ne rien faire d’autre qu’être là pleinement, sans impatience, ces moments-là sont des trésors.

Je jouis tout autant du bonheur rêvé, imaginé, projeté. En le sachant du domaine de l’irréel, sans me leurrer sur son incertitude, mais heureuse à l’avance d’un hypothétique avenir, heureuse de savoir que je pourrais l’être… C’est ce que j’ai vécu ces derniers mois, en rêvant ma vie bretonne, une maison près de la mer, une nouvelle vie, j’en voyais les couleurs, j’en goûtais les saveurs, et ce voyage mental m’a rendue heureuse. Absolument. Aujourd’hui le rêve a cédé la place à l’incertitude, une certaine déception sans doute, mais ces semaines d’imagination de ma nouvelle vie à venir ont été du bonheur quoi qu’il en soit. Et l’espoir est toujours là. Finalement, il m’arrive d’être heureuse tout simplement d’espérer qu’un jour je vais l’être.

Je sais aussi que, finalement, mes bonheurs passés ont laissé une trace indélébile en moi. Ils sont aujourd’hui peut-être mon meilleur remède aux jours difficiles, aux douleurs à venir. Oui, se souvenir du bonheur, c’est heureux, encore. La mémoire des moments magiques, le souvenir d’une peau chaude à l’odeur aimée contre la mienne, le souvenir de l’amour dans les yeux d’un autre, c’est un peu de mon bonheur à moi. Le bonheur c’est aussi, apaisée, s’en souvenir quand il appartient au passé.

A l’heure où j’écris ces lignes, je suis au cœur d’un week end familial. Une vaste maison envahie, mes parents si heureux de me voir. Ce matin, j’ai acheté du pain craquant au village, suis revenue à la maison par le chemin des écoliers, le long de la côte. Me suis assise sur un vieux banc de pierre moussue pour regarder les bateaux aux mâts cliquetants, les reflets du soleil et des nuages dans la mer émeraude, avant de retrouver la maison embaumée des parfums du repas dominical. L’empreinte de mes pas dans le sable, les fous-rires de mes neveux, les petites nouvelles échangées, le vin dans les verres entrechoqués, le plaisir de se retrouver, c’est du bonheur avant, c’est du bonheur maintenant, c’est du bonheur plus tard, de savoir que ça existe quelque part. Et même si je me laisse aller parfois à la mélancolie de me retrouver seule, je sais que cette vie coule en moi comme un cœur battant, plus forte que les maux de l’âme, et que le bonheur, si ce n’est pas ça, ça y ressemble drôlement. Le mien en tous cas.

jeudi 2 avril 2009

Ouvrir la malle

Dans mon grenier il y a une malle. Close, soigneusement. Je suis seule à en avoir la clé, mais je ne sais plus très bien ce que j'en ai fait. Elle n'est ni poussiéreuse, ni pleine de toiles d'araignée, cette malle, pas du tout oubliée. Non, juste absolument fermée. Je l'entretiens, sais sa présence. Quand je passe, je sais qu'elle est là, près de moi, pleine de... De quoi au juste ? De souvenirs déchus, de sentiments mortifères, de petites hontes bues, de tourments indicibles, mes trésors noirs à moi. Rien qu'à moi.

Il y a longtemps que je sais qu'un jour il me faudra l'ouvrir, sous peine de ne pas vivre totalement. Mais j'étais trop occupée, depuis beaucoup trop d'années. J'avais une vie à vivre tant bien que mal, des priorités matérielles, des souffrances à traverser, un chemin cahotique à arpenter les yeux vers le sol pour ne pas trop me casser la gueule, des gens à aimer, des mains à tenir ou à agripper, des regards à croiser, certains à garder. Trop occupée vous dis-je. Trop chargée déjà du poids des évènements pour y ajouter ces secrets-là. Peur de m'alourdir encore. Ou de m'alléger à trop de frais, peut-être.

Je sais que dans la malle, il y a des lambeaux de moi qui m'empêchent de vivre. Il y a un puzzle dont j'arriverais trop difficilement à assembler les pièces toute seule. Elle sont tranchantes, ces pièces-là. C'est pour ça que j'ai enfermé le puzzle et les lambeaux blessés. Pour ne pas me couper cruellement. C'est comme une partie de moi trop encombrante dont je me serais amputée. Que j'ai occultée pendant un temps infini. Mais ce membre-là me fait mal de loin, de plus en plus.

En cette époque de ma vie où je ne sais vers où diriger mes pas, toute tendue vers une envie de changement indéfini en tous domaines de ma vie; en cette période où retombe comme un soufflé trop attendu la belle énergie que j'avais dirigée vers la Bretagne; en ces mois printaniers où je vois mes espoirs de migration se flétrir comme feuille d'automne; en ce temps de doute et de tristesse confuse, la malle se rappelle à mon bon souvenir. Elle ne cesse de me tomber sur le pied, ces dernières semaines, l'air de me dire "C'est bien beau de vouloir changer, partir. Mais si tu me déménages avec tout le reste, sera-ce vraiment un changement?"

J'ai fêté mes 45 ans, renoncé à avoir un enfant, accepté pas mal de tours et détours de ma vie-labyrinthe. Ceci réglé, il est temps d'ouvrir la malle. Pour recoudre les lambeaux, assembler le puzzle douloureux, affronter ce moi-même qui me fait peur parce qu'il est tellement moi.

J'ai retrouvé la clé : elle pendait autour de mon cou, attachée à un ruban ancien, scintillante. Je faisais juste semblant de ne pas la voir là chaque jour de ma vie. Mes mains tremblent au moment de m'en servir. Mais je crois qu'au bout du ruban délavé, j'ai l'espoir de découvrir le secret de ma solitude, cette salope qui me tue chaque jour un peu plus.

Quelqu'un va m'assister, j'en ai besoin. J'espère que le contenu de la malle ne sera pas trop nauséabond, pas trop long à inventorier, pas trop plein de démons, pas trop désespéré. Et que le regarder en face, le décrire pour la première fois à haute voix, me guérira de moi.

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