dimanche 12 mars 2006

Blog en RTT

Voilà, j'avais préparé un billet jeudi, avant de partir en week-end prolongé, et puis j'ai oublié de le mettre en ligne. Alors un bref compte-rendu à la place, à peine descendue du train.

J'étais "chez moi", là :

Chez Moi sur Mer
photo IGN

Oui, c'est sûr, c'est difficile de repérer la maison... Vous avez remarqué, la mer est basse !

Impressions rapides, en vrac.

Au programme : Noël en famille (ben oui, nous étions plusieurs à ne pas être là...). J'avais trimballé avec moi une malle de cadeaux indiens. Nous avons dressé une grande table avec des violettes du jardin au milieu. J'ai choisi le vin avec mon père, fait la cuisine avec ma mère (elle avait déjà préparé terrines et foie gras, comme si on était le 25 décembre, parce qu'elle sait qu'on adore ça... j'ai fait des crumbles avec des framboises du jardin). On a parlé tous en même temps, rit, regardé des photos de loin (un de mes neveux rentre de Chine, ils n'avaient pas vu l'Inde). On a mis de côté les tensions qui existent parfois. Au fond, on s'entend plutôt bien alors qu'on est si différents. Je perds un peu de vue mes neveux, ils sont grands, ils font leurs chemins, si divers, passionnants, mais je ne les vois plus très souvent et je ne suis plus la "tata adorée" de quand ils étaient petits. Ils viennent avec leurs chéri(e)s, maintenant. Nous avons des opinions divergentes, des goûts parfois très opposés. C'est la vie qui avance...

violettes

Grandes balades le long de mes plages à moi. Je regrette de ne plus pouvoir emprunter le chien de ma soeur, trop âgé, pour m'accompagner, j'aimais à arpenter la côte avec lui, et le ramener tout mouillé, sablé, haletant, content.

J'ai essayé de prendre soin de mes parents, comme ils prennent soin de moi. Nous nous voyons si peu. Ils viennent me chercher et me raccompagnent tous les deux à la gare, immuablement, pour être avec moi le plus longtemps possible. Mon père vieillit en souriant et ronchonnant, alternativement. Ma mère a une énergie folle et ne me lâche pas d'une semelle ou presque, il lui arrive même de me parler à travers la porte de la salle de bains... Elle répand des graines pour les oiseaux devant la porte-fenêtre du salon, et nous prenons notre café en contemplant les mésanges, les rouge-gorges, les verdiers, les pinsons, l'ascenteur mouchet, et le merle dit "à lunettes blanches" (notre merle à nous) qui viennent se nourrir à deux pas de nous. Elle m'a demandé de trier des choses qui m'appartenaient. J'ai retrouvé des cahiers d'école, des dessins d'enfant, mes livres d'adolescente. Bouffées de souvenirs et de poussière...

Une soirée avec ma soeur. Dans un bar ami. Elle m'apprend la mort de T. le mois dernier, qui a tant compté pour elle et qu'elle n'avait pas revu depuis 10 ans. Souvenirs. Je l'ai un peu connu moi aussi. Si beau, si drôle, si fou. Je garderai de lui l'image - il y a plus de vingt ans - d'un "gamin" pas comme les autres qui aimait à proclamer qu'il était un oiseau. Envolé. Ce n'est presque pas triste, la vie l'avait brûlé.
Nous parlons jusque fort tard, quand on éteint presque toutes les lumières, qu'on ferme la porte à de nouveaux visiteurs et que les chaises se retournent sur les tables, faisant comme une forêt de bois nus dans la pénombre. Les habitués seuls accoudés au bar, on rit et on donne des nouvelles de gens perdus de vue depuis longtemps, naissances et morts, blessures et fêlures. Untel, si chaleureux et gai qui est passé tout à l'heure a voulu mourir pas plus tard que le mois dernier, il paraît, tout se sait ici. Je l'ai connu quand il avait 15 ans. Il a aujourd'hui des rides au coin des yeux, des enfants dispersés chez deux mamans, et une sorte de désespoir dans le sourire... mais il a l'air amoureux à nouveau. On parle d'un bateau revenu trente ans plus tard aux mains de son tout premier propriétaire, ému, qui va nettoyer les moules et les algues incrustés sur la coque, laquelle porte encore les prénoms accolés de ses parents (puisque bien sûr, on ne change jamais le nom d'un bateau, jamais). On écoute des musiques de partout et même on valse-rocke en riant, là devant le bar, juste parce qu'on est bien, que la vie n'est pas facile toujours, mais qu'il y a ces moments-là où l'on a quand même envie de danser.

Les camélias sont en fleur un peu partout et cette fleur est une image de bonheur, quoi qu'il advienne.

Camélia

Camélias

Dans le TGV Paris-Saint Malo, j'ai écouté à l'aller l'album de Lio (merci Labosonic, merci Obni). Et aussi celui de Juliette (merci Samantdi). Et au retour les tangos tristes, les rumbas mélancoliques et le piano envoutant de Carlos d'Alessio (la musique du film de Marguerite Duras "India Song", qui est par ailleurs un des films de ma vie)

Carlos d'Alessio

Sinon, Jim a fait sa première balade à l'extérieur. Je lui en programme d'autres... Voir billet ci-dessous.

mardi 15 novembre 2005

Week-end flou (bis)

Week-end flou, oui, et pas seulement à cause des photos (voir billet précédent). Trois journées familiales en demi-teintes. Et un bol d’air géant.

Je rentre enrouée d’avoir « forcé » ma voix tout le week-end pour que mon père – qui devient complètement sourd mais le nie farouchement et refuse formellement de s’appareiller – puisse m’entendre. C’est crevant. Déjà que la communication n’était pas évidente avec lui… Et quand nous sommes nombreux à table, j’ai un peu de peine de le voir souvent isolé, ne captant pas un mot de ce qui ne doit être pour lui qu’un vaste brouhaha sans forme. Il se coupe de nous, de ses petits-enfants. Est-ce que c’est vraiment son choix ?....

Mon Papa à moi : austère, rigide, intransigeant, si maladroit avec les émotions humaines, qui les tient entre ses mains quand elles lui arrivent fortuitement comme on attrape en jonglant une pomme de terre bouillante pour l’éplucher. Je n’ai pas souvenir qu’il m’ait jamais prise dans ses bras. Ni embrassée autrement que pour me dire bonjour ou au revoir. Ni fait un compliment, ni exprimé à mon égard quelque sentiment que ce soit. Le jour où j’ai appelé à la maison pour annoncer la mort de Schoul, il y a un peu plus de trois ans, c’est lui qui avait décroché le téléphone, et j’avais immédiatement pensé « Mon pauvre Papa, il fallait que ça tombe sur toi… ». Je l’entends encore s’exclamer : « Ah, ma pauvre fille ! Ca fait quand même deux fois ! Bon, je te passe ta mère, moi je ne sais pas parler de ces choses-là ! », et lâcher l’appareil comme il l’aurait fait d’un tison ardent pour l'appeler à travers la maison. Quelques jours plus tard, quand je suis venue me réfugier un moment à la maison, il a gardé le silence. Et passait prudemment dans la pièce d’à-côté quand il sentait mes larmes trop proches. Je ne lui en veux pas. Ou plus.

Il vieillit, mon père. Pas loin de 80 ans. Une opération du genou l’empêche désormais de marcher comme il aimait à le faire, chez lui le long de la côte, ou bien dans ce massif du Mont Blanc qu’il adore et qu’il a arpenté pendant près de 40 ans. C’est fini pour lui et ça lui a fichu un sacré coup de vieux…. Alors que pendant ce temps, ma mère pète la forme, joue au tennis quelques trois fois par semaine (à presque 76 ans, il lui arrivait encore il y a peu de temps de mettre la pâtée à son petit-fils…), s’active, jardine, bricole, est curieuse de tout, aime voir du monde… Ils n’ont plus vraiment le même rythme, c’est difficile pour tous les deux, je pense. Et pour moi de les voir vieillir, radoter un peu, me raconter tout et rien : Madame Machin du bout de la rue dont ils me parlent comme si je savais qui c’était, ma tante P. qui n’a plus le droit de conduire et c’est une catastrophe, la vente de la maison Untel, tu sais ceux qui.... Je partage des petits riens avec eux et je crois que c’est ce qui leur fait plaisir : admirer les aquarelles de ma mère, déguster du vin avec mon père, acheter du poisson sur le marché, goûter la confiture de coings que j’ai confectionnée la semaine dernière. C’est doux, c’est simple et ça fait un peu mal parce qu’on tait tellement tout le reste. Ce qui est au fond de soi reste tapi là, interdit de parole. Ils ne savent rien de mes fêlures, les imaginent peut-être. Je leur épargne désormais mes chagrins qui les plongent, eux, dans le plus profond désarroi.

J’ai renoncé il y a déjà quelques années à les souhaiter différents de ce qu’ils sont. Je prends les moments qu’il y a à vivre avec eux du mieux possible, en me disant qu’ils ne seront pas éternels et qu’il faut profiter de ce qu’on peut partager. Et il y a de très jolis moments même si le silence est parfois pesant.

Mais au fond, je suis peut-être aussi maladroite et malhabile qu'eux à dire les choses essentielles. Parce que nous sommes faits du même bois, parce que j'ai poussé entre ces deux-là. Ce que je sais, ce que je vois, c'est qu'ils viennent tous les deux me chercher à la gare à 11 heures du soir (parce que que j'arrive avec deux heures de retard à cause d'un TGV qui a heurté une vache...), alors qu'à cette heure-là mon père est en général dans les bras de Morphée mais qu'il se ferait couper un bras plutôt que de manquer d'aller chercher sa fille. Je sais qu'un petit plat et un verre de vin, cuisiné par elle, choisi par lui avec ce qui ne peut être autre chose que de la tendresse, m'attendront à mon arrivée. Je sais qu'ils étaient heureux l'année dernière quand je vivais avec Fox de ne plus me savoir seule, et que notre séparation leur a fait de la peine, pour moi. Et qu'ils sont inquiets parfois mais ne le diront pas.

Finalement, nous allons continuer à nous taire, je crois. Du moment que nous savons entendre ce silence.....

Week end flou

Parce que même flou, c'est beau, chez moi !
Il faut que je change ce satané appareil, quand même !

Ombre de Traouombre
Miroir de sable miroir-C
VaguesVagues
Marée bassemarée basse
bateaux
bateau

Et il s'est écoulé moins d'une heure entre la première et la dernière photo, la lumière change sans arrêt. Et puis avec ce grain-là, on pourrait presque croire que je les ai peints, non ? Bon....

dimanche 6 novembre 2005

Automne

C’est comme un frémissement. Comme un deuxième printemps. Les feuilles meurent et je renais.

J’ai fui le soleil tout l’été. Me redresse quand sa chaleur se fait moins forte, plus amicale. Hume avec bonheur le parfum du premier matin frais.

Les rues s’animent. Les cartables refleurissent derrière les grilles de l’école d’en face. Zut, huit heures et quart. Maintenant je sais quand je suis en retard.

Il y a la ville qui se réveille. Et « là-bas » qui se calme. Où j’aime à célébrer le repos retrouvé.

La dernière grande marée avant que la plage ne se vide pour tant de mois, pour m’être rendue enfin, lavée, bruissante de mes pas sur le sable et l’eau.

On a rentré les bateaux. C’est le règne désormais des oiseaux. Et là-bas, libre enfin, Saint Malo.

Je me sens protégée par la caresse douce de la laine et des manteaux. A l’abri sous mon chapeau de pluie. Et mes bottes arpentent sans fin les remparts, les îles et les chemins.

J’aime la lumière douce et les couleurs de feu, d’émeraude et d’or. Et les étendues roses de bruyère qui consolent de tant de fleurs mortes.

Il y a dans tout une certitude d’avenir. Dans chaque branche sèche le souvenir de bourgeons. Et l’espoir des nouveaux. Je les attends. Je ne suis pas pressée.

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