mardi 27 mars 2012

366/2 - Une personne nerveuse

100 mots ? 100 mots ! Mais qu’est-ce qu’ils veulent que je fasse avec 100 mots, moi ?! (et si vous me demandez qui sont ces « ils », je parle des esprits - passablement pervers - qui ont inventé ces « 366 réels »).

C’est que j’aime m’étaler, moi... me répandre... prendre mon temps et les circonvolutions qu’il faut pour conter, raconter, décrire, évoquer, croquer, narrer, ratiociner et louvoyer dans les méandres de mes petites histoires, réelles, supposées ou imaginées.

M’octroierai-je le droit d’inventer, de tricher, de dépasser la ligne ? Assurément sinon je risque d’en devenir nerveuse !

lundi 26 mars 2012

366 réels / J'éviterai de dire que

Eviter de dire que je reprends ce blog : un billet ne fait pas le printemps.

Une envie diffuse de retrouver un rendez-vous quotidien avec les mots (quotidien ? ouh la ! ne pas s’emballer...).

Les « 366 réels à prise rapide » glanés ça et là et pratiqués avec assiduité ou intermittence par d’aucun(e)s me donnent envie de replonger mes doigts dans l’encre... en dilettante.

J’ai écrit tout l’an passé sous la contrainte, en forcenée. Envie de légèreté et de liberté maintenant, rien que pour moi.

100 mots seulement ? Quel pari, moi qui ne sais guère faire court...

vendredi 2 décembre 2011

Donoma

Moi qui suis en dehors du monde depuis onze mois (je risque de refaire surface à compter du début de l'année prochaine et vous raconterai peut-être mon marathon 2011 entre déménagement, boulot, voyages et écriture, surtout écriture mais pas ici...), j'ai néanmoins été atteinte par le buzz Donoma. Et ne suis pas fâchée de l'avoir été !

C'était il y a un peu plus d'un mois et quelqu'une me parle d'un film "fait avec 150€", m'envoie le lien vers un site internet, m'incite à venir à l'avant-première le 5 novembre. Bon.
J'avoue que l'argument du "fait avec 150€", rabaché un peu partout à propos du film, je m'en fous. Limite ça m'agace. So what ? Des gens qui filment avec trois bouts de ficelle, coûte que coûte, j'en connais un paquet. Ce n'est en aucun cas un critère pour m'attirer ou me faire fuir, je m'en fous, vous dis-je (de la même façon que je me fous des records de millions de $ affichés en promo pour d'autres films, l'argent n'a jamais empêché certains de faire des navets avec...). Je fais un tour sur le site et j'en reste là. De toute façon le 5 novembre je ne suis pas là, et je n'ai pas le temps d'aller au cinéma, j'ai vu 5 films cette année, sans blague.

Le 5 novembre, finalement je suis à Paris, on se parle avec un copain comédien qui me propose de venir avec lui "à la projection du film de Djinn Carrénard..." comme il me proposerait d'aller voir le dernier... Scorsese ou Audiard. Euh, est-ce que je suis à ce point hors du monde que j'ai loupé l'émergence d'une nouvelle star de la mise en scène ?... Je ne fais pas du tout le lien avec le site que j'ai vaguement visité quelques semaines auparavant et je prends le chemin du Grand Rex, perplexe.

Là, comment vous dire, une file d'attente comme je n'en ai pas vu depuis le 19 octobre 1983 à 14h00 pour la première séance du "Retour du Jedi", et tout ce monde vient voir Donoma (ah, au fait, c'est du sioux...) ! Des filles portent des T-shirts du film, ça se pousse et se bouscule, on arrive à avoir une place tout là-haut, il paraît qu'ils ont refusé du monde. J'ai l'impression d'être sur la planète Mars, que tout le monde est au courant d'un truc que j'ignore. Ça fait un peu secte, cette affaire, je commence à être inquiète.

Le film commence, la première scène est maladroite, la caméra se promène un peu trop, le point est aléatoire, mais... quelque chose m'accroche, je ne sais quoi, un accent de sincérité immédiat, l'absence d'intro, l'entrée dans le coeur même d'une histoire dont on découvrira le début un peu plus tard, un ton, une patte, tout de suite. Et puis une salle de classe, une prof au regard intense, un élève buté, une confrontation qu'on ressent jusqu'à l'intérieur de soi tellement le ton est juste, tellement les personnages sont incarnés, littéralement, chair et sang. Donoma est une sacrée tranche de cinéma, de vie, une bouffée de fraicheur, une envolée culottée, un maelström d'émotions, de sentiments en pagaille. Ça frotte, ça rape, ça irrite, ça fait rire, c'est chaud et bon. Ce Djinn dont je ne risque plus d'oublier le nom est un cinéaste, certainement doublé d'un stratège un rien roublard, mais cinéaste avant tout. Et après tout, si son buzz un peu bêta sur les 150 € m'a amenée jusque là, je n'ai rien contre.

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Donoma parle d'amour, d'entrecroisements, du jeu des corps et des sentiments. Une prof avec son élève. Une inconnue et un inconnu, volontairement muets. Deux soeurs. Un amoureux sans espoir. Des mystiques aux mots crus. Un couple qui se défait (et s'était rencontré à New York devant la caméra du réalisateur dans un court-métrage visible sur le site du film, quelle jolie idée). Je ne sais pas depuis quand je n'avais rencontré une telle liberté, un tel naturel dans la narration de ces histoires quotidiennes et exceptionnelles, et surtout de tels acteurs. Ils m'ont tous bluffée.

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Je ne saurais trop vous inviter, non seulement à voir Donoma, mais à encourager sa sympathique et talentueuse "guerilla". On retrouve toute la "famille" et ses aventures sur le site Donoma. On peut même aider à financer la tournée ici (je vous recommande particulièrement les savoureux commentaires pour chaque montant de participation dans la colonne de droite, je n'ai pas les moyens de leur filer 500€ mais ça m'a fait tellement rire que ça en vaudrait la peine... mais je vais participer c'est sûr, j'en serai vachement fière !)

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Ah, dernier petit effet accessoire de Donoma, ce beau film m'aura permis de prouver que ce blog n'était pas absolument moribond ! A bientôt !

mardi 2 août 2011

Dimanche 1er août

Neuf heures : on enfourche les vélos. Les maisons de pierre sont endormies et l’on arrive à la plage déserte dans le silence. La mer est haute et transparente, le soleil frais et le ciel clair. Quelques centaines de brasses matinales avant de remonter sur nos vélos pour un petit déjeuner ensoleillé, beurre salé et confitures de mûres du jardin. La journée commence bien.

Un tour de marché rapide pour acheter quelques galettes, du pain et du jambon pour le pique-nique du midi. Nous avons rendez-vous au port : on embarque à 11h30.

Trois bateaux qui se suivent ou s’entrecroisent jusqu’au large. J’ai salué Saint Malo la belle en passant. Cela fait bien longtemps que je n’ai eu autour de moi le cercle parfait de la mer sans l’ombre d’une terre à l’horizon.

Chausey, une collection d’îles et de rochers affleurant la surface de l’eau ou dangereusement cachés. Il convient de serpenter avec prudence si l’on ne veut pas y abimer le bateau, ou même le percher, spécialité locale.

Nous nous arrêtons au milieu d’un cercle pointillé de roches brunes et vertes et je saute à l’eau. Je suis vite entraînée un peu plus loin par le courant et mettrai longtemps à le combattre pour regagner le bord. Un verre de muscadet frais et quelques tartines roboratives me réconforteront d’un effort épuisant.

Très vite la mer se retire et nous pose sur le sable. Le paysage est lunaire. Je marche là où je nageais péniblement il y a à peine une heure. Les bateaux sont obliques et les pêcheurs à pied fouillent sous les rochers avec de longues tiges, débusquant crabes, étrilles et homards. Personnellement, je préfère traquer les anémones vertes et roses avec mon appareil photo et remettre à l’eau les lançons surpris par la marée haletants sur le sable.

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Tout à coup un mouvement irrépressible : la moindre flaque d’eau revit et se met en marche. Elle rejoint ses congénères, des volutes d’eau se forment à toute allure et courent vers les bateaux plus vite qu’un galop. Le paysage de sable redevient liquide, mouvant, il pourrait être menaçant, se venger des crustacés qui se débattent dans les seaux et les paniers. Nous sommes remis à flot en un éclair, les algues se redressent à la verticale, les lançons ont fini de suffoquer, les crevettes sont en sécurité et les anémones vont refleurir. Nous repartons en file indienne, le bateau de tête zigzaguant entre les rochers traitres.

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On passe le petit port de l’île principale et ses quelques maisons. Des enfants plongent du ponton entre les bateaux. Et puis le large à nouveau.

Bien au chaud dans ma veste de quart, je m’alanguis presque aux côtés du capitaine, émerveillée comme toujours de la splendeur de l’horizon de mille bleus et verts quand un mouvement dans l’eau me fait bondir. Et crier pour prévenir : « Des dauphins ! ».

Les bateaux s’arrêtent. Et ils tournent et plongent et émergent tout autour de nous, saluant chaque bateau à son tour, dirait-on. Ils sont une dizaine peut-être, leurs ailerons en file indienne, leurs nez ronds bondissants hors de l’eau, leurs corps gris et lisses à la suite, la queue replongeant la dernière. Nous sommes tous comme des enfants, riant et s’exclamant devant ce prodigieux cadeau. Mes yeux sont tout mouillés d’émotion, rien que de l’écrire encore aujourd’hui. C’est la première fois que je vois des dauphins ainsi. Quelqu’un dit « fais un vœu ». Je n’ai pas d’autre vœu à faire que celui d’être là à vivre cet instant magique. Apothéose d'une journée parfaite. Est-ce que cela ne s’appelle pas le bonheur ?

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dédicace amicale spéciale à Paco Barn de ce billet, des dauphins merveilleux, de la mer belle, d'une région qu'il connait bien.

lundi 18 juillet 2011

Scénario de vacances

C’est arrivé : j’ai laissé plus d’un mois passer sans publier de billet, faisant un « trou » dans les archives de ce blog depuis longtemps réduit à l’état de joli souvenir, celui d’une époque de moi à la fois révolue et constructrice, d’un lieu d’écriture et de confidences que je serais peut-être heureuse de retrouver un jour, qui sait ?

J’ai troqué ces petits carnets réguliers et intimes de ma vie contre les émois de personnages de fiction, enfin pas tant que ça, certains ressemblent drôlement aux gens qui m’entourent et à moi-même. J’ai pris la route de la Bretagne il y a quelques jours, la voiture pleine de ces compagnons joyeux, qui envahissent ma vie depuis 6 mois et à qui je me réjouis de consacrer pleinement les quatre prochaines semaines pour leur donner la parole, les faire s’entrecroiser, se rencontrer, s’émouvoir, s’aimer ou se battre.

Le concours que j’ai passé en fin d’année dernière et heureusement réussi m’a donné accès à un atelier d’écriture de scénario au cours duquel j’ai l’occasion de développer le mien sous des regards professionnels et surtout avec des échéances de remise des différentes étapes d’écriture obligatoires, essentielles à la paresseuse que je suis pour fournir un travail régulier.

Le premier septembre j’ai donc à remettre ma première version de continuité dialoguée (le scénario complet, la précédente étape d’écriture était le séquencier : toutes les scènes du film avec l’action détaillée mais sans les dialogues). Alors mon été est studieux et sédentaire car il va être bien court pour mener à bien ce gros boulot : pas de week-end de 15 août en Cantal parmi d’autres blogueurs, pas de Baléares amicales, pas de virée finistérienne, je bosse ! Les regrets que j’en ai sont tempérés par la raison. Je connais trop ma tendance naturelle à me laisser vivre, à m’assoupir pour des siestes douces, à préférer un verre du soir au travail nécessaire, à la remise au lendemain. J’apprends depuis 6 mois une discipline inconnue, puisque je me sais une sorte de Cadichon de l’écriture, toute soumise à la carotte et au bâton. La carotte, c’est ma satisfaction personnelle d’écrire enfin à visage découvert, d’affirmer et de montrer mes écrits en chair et en os et sous mon propre nom (même si je vais modifier quelque peu celui-ci – en y accolant le nom de ma mère que j’ai toujours aimé – pour faire une distinction entre mon activité professionnelle et mon existence en tant que -apprentie-scénariste). C’est aussi la légitimité que me donne aux yeux des producteurs potentiels le passage par cet atelier dont l’enseignement est dispensé au sein d’une école réputée. Le bâton, ce serait je pense l’exclusion dudit atelier, et le non-paiement des frais afférents par l’organisme de formation professionnelle qui a accepté de me prendre en charge (au titre des contrats de professionnalisation réservés au plus de 45 ans et plus de 20 ans d’expérience professionnelle, youpi ! j’ai été ravie d’afficher mon âge !). Alors depuis janvier, je cumule mon activité professionnelle habituelle avec l’atelier et c’est intense ! Et c’est super ! Même si – on me pose parfois la question – je n’ai absolument aucune garantie que le scénario que j’écris deviendra un film un jour, il me faudra pour cela rencontrer un producteur et un réalisateur que mon histoire intéressera puis, le cas échéant, des financiers d’accord pour le monter, et ensuite, tout au bout, peut-être un public, tout ceci restant tout à fait aléatoire, mais l’espoir fait vivre !

Je suis et serai donc, jusqu’à la fin de cette année, dans un cocon d’imagination et de construction d’une histoire et de personnages au long cours, et ceux-ci forment mon cercle d’amis et ma famille la plupart du temps. J’ai pris le temps d’emménager fin janvier dans un nouvel appartement dont l’écrin de verdure est fort agréable pour travailler, mais je délaisse la vraie vie, un peu. Un peu trop. Ma vie sociale en souffre, ma vie amoureuse je ne vous en parle même pas… S’il m’était donné de vivre de mes écrits, je ne suis pas sûre que ce serait souhaitable : c’est une activité tellement solitaire et je le suis déjà terriblement.

Et je m’en veux – lisant les blogs aussi peu que j’alimente le mien - de passer peut-être à côté des soucis des uns, des joies des autres, des souffrances de quelques-uns. Qu’ils me pardonnent, retrouvons-nous bientôt, ici ou ailleurs !

dimanche 22 mai 2011

Cannes – session 2011

Bon, j'ai loupé le coche : je voulais publier ce billet avant le palmarès et me suis fait avoir par le temps, l'envie de mettre des photos qui sont restées coincées dans mon téléphone, etc... Alors voilà : billet écrit il y a quelques jours dans le train du retour de Cannes, garanti sans retouches après Palme...

Il y a quelques années que je viens chaque joli mois de mai trainer mes guêtres sur la Croisette. Avec, finalement, je ne l’aurais jamais cru, de plus en plus de plaisir. Et oui.

D’abord parce que Cannes est toujours l’antichambre de l’été : premier soleil, première mer bleue (bon, sans marée, donc ce n’est pas VRAIMENT la mer, les bretons me comprendront, les autres pesteront, j’assume :-) ). C’est la première fois de l’année que j’arbore sandales sur pieds vernis de frais, tenues légères exhumées des longues boites où elles dormaient sous mon lit en attendant leur heure, couleurs pastels un peu raccord avec ma peau blanche à peine sortie de l’hiver (j’ai fait la bêtise de tester l’autobronzant soi-disant « sans marques et sans odeur », c’est un mensonge éhonté ! Il pue et fait autant de trainées orange que les autres : poubelle donc, et blanche je resterai… du moins dès que les trainées auront disparu).

Et puis les années passant, je prends mon rythme ici, j’y connais plus de monde, j’y retrouve des visages familiers ou des nouveaux présentés par les précédents, façon boule de neige, et j’aime ça. Je retrouve dans les journaux quotidiens du Festival des têtes croisées depuis quelques années avec de jolis projets qui ont fini par émerger et se faire et je m’en réjouis pour nombre d’entre eux.

Je fais partie de la tranche des festivaliers à contretemps des fêtards : nous nous couchons et nous levons tôt, préférant les projections matinales aux fêtes jusqu’à l’aube, puisqu’à l’aube nous nous levons. J’ai ainsi pu admirer ces deux derniers jours – aux séances de 8h30 du Palais, auxquelles il n’est de surcroît pas nécessaire d’arborer robe de princesse et talons plus ou moins aiguilles, confort appréciable – deux films fort différents et magnifiques chacun dans son genre : « The Artist » de Michel Hazanavicius, superbe hommage au cinéma, 1h40 de pur plaisir et de talent (Dujardin est définitivement un superbe acteur), c’est muet, c’est en noir et blanc, c’est plein de grâce, d’humour et d’émotion, bravo !

Et un autre matin, le toujours étrange Terrence Mallick m’a saisie au cœur, alors que je ne suis pas forcément la plus fervente adepte de son cinéma, je l’avoue. J’ai quand même trouvé la première demi-heure de « The Tree of Life » parfaitement insupportable, et ai eu grande envie de quitter la salle comme l’ont d’ailleurs fait quelques-uns, exaspérés sans doute comme moi par la succession interminable d’images de nature, d’eau, de ciel, de planètes, d’étoiles, de dunes, que sais-je encore, à mi-chemin entre « La Terre vue du ciel », « Océans » et même « Jurassic Park » !... Exaspérée, vous dis-je. Et puis, et puis on revient à l’histoire « simple » d’une famille des années 50, Le père, sévère et brusque jusque dans l’expression de l’amour à ses enfants (étonnant Brad Pitt), la mère, tendre et silencieuse, et les trois garçons, dont l’un plus frondeur et révolté contre son père que les autres. J’ai été touchée au plus profond de mes émotions par la peinture délicate de l’amour infini pour l’enfant tout juste né, les souvenirs créés de premiers pas maladroits, de jeux, de petites coutumes, de lumière irisée et du sentiment mensonger que ce bonheur sensuel est et sera. Jusqu’à la peur qui vient, la violence, le déchirement de la perte. J’ai aimé tout ce qui n’était que vie dans ce film, et je laisserai volontiers de côté les dispersions oniriques du réalisateur qui me sont personnellement bien inutiles pour éprouver l’émotion de l’histoire.

Quoi d’autre : « 17 filles », beau premier film de deux soeurs, Delphine et Muriel Coulin, tourné à Lorient, avec un casting étonnant d’adolescentes, et un sujet insensé (tiré d’une histoire réelle) auquel on croit avec ses touchantes héroïnes, traité avec douceur et humanité.

J'ai vu aussi "The Beaver" ("Le complexe du castor" en français), à qui je n'accorderai au fond que la sympathie que j'ai pour Jodie Foster, car malgré son sujet incongru, il m'a paru finalement assez "formaté", ce qui m'étonne de la part de sa réalisatrice.

Sinon, beaucoup de nourriture délicieuse, un feu d'artifice tiré sur la mer et contemplé d'une terrasse tiède, un verre de champagne à la main, de beaux projets racontés par de belles personnes. Je fais un métier très agréable, j'en suis consciente, et pas seulement à Cannes, d'ailleurs.

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dimanche 24 avril 2011

"L'amanterie"

Le mot nous a fait rire. C'est elle qui l'a inventé, un après-midi ensoleillé de mars, alors que nous buvions du vin blanc en terrasse non loin de la Cinémathèque. La file d'attente qui s'allongeait nous avait facilement dissuadées de l'exposition Kubrick, et il faisait bon piapiater entre filles sur cette petite place, alors que nous ne nous étions pas vues depuis longtemps. Depuis que nous avions fait connaissance, d'ailleurs, pendant un week-end de blogueurs qui nous avait vues hilares deux jours durant.

L'amanterie, c'est venu comme ça. Pour qualifier une situation amoureuse incertaine et disparate que nous avons connue toutes deux. Moi encore aujourd'hui, elle plus.

L'amanterie par opposition à la conjugalité, au couple.

L'amanterie, multiplication des bras dans lesquels on se love, qu'ils soient successifs ou simultanés.

L'amanterie, relations amicalo-érotiques avec des amants différents aussi peu amoureux de moi que je ne le suis d'eux-mêmes, ce qui n'exclut ni la tendresse, ni l'affection, ni même l'amitié parfois (je suis adepte de longue date des amis-amants, l'expression est douce. La réalité qu'elle recouvre aussi. Sa version anglaise en revanche m'est agressive à l'oreille et ne signifie pas la même chose à mes yeux...).

L'amanterie ce sont les même cris et soupirs offerts à des caresses prodiguées fort différemment car il y a autant de comportements amoureux que d'amants. Le lit se fait champ de bataille ou cocon de tendresse, lieu de confidences, d'ébats et de rires, flacon d'ivresses et d'odeurs différentes au gré de l'amant du moment.

L'amanterie c'est la solitude oubliée quelques heures avec l'un, quelques jours ou semaines avec l'autre, retrouvée plus cruellement ensuite, ou ensuite apaisée, selon le degré de complicité que l'on y trouve et l'humeur de la saison. J'ai l'amanterie joyeuse ou morose, selon mon baromètre personnel, qui se met en grève, parfois et me fait préférer la solitude à l'intermittence des corps et du coeur.

L'amanterie est mono ou polyandre selon les saisons, les désirs se cristallisant en un homme ou plusieurs. Il y a l'amant gentil et gai, l'amant bougon et peu bavard mais qui sait parler aux sens comme personne, l'amant des sorties cinéma-théâtre et des discussions sans fin, l'amant bon vivant avec qui il est précieux de partager la cuisine et la cave aussi bien que le lit, l'amant qui écoute et celui qui s'épanche, l'amant qui sait quand on a besoin d'être blottie, l'amant qui l'ignore mais qui est toujours là au bon moment... Il y en a des multitudes, là où j'en souhaiterais un seul, mais puisque celui-là n'a pas daigné montrer ne serait-ce que l'ombre de lui-même depuis fort longtemps, j'ai l'amanterie vagabonde.

Il ne m'étonne plus guère que mon emblème soit le papillon...

(billet ami en écho à celui-ci, ici)

samedi 23 avril 2011

Tomboy, un bijou

Il y a quelques années, j’avais eu l’occasion d’entendre Céline Sciamma, lors d’un festival de cinéma breton, « pitcher » le sujet de « Naissance des Pieuvres », encore à l’état de projet et qu’elle n’envisageait pas, à l’époque, de réaliser. J’avais été impressionnée par la délicatesse du propos de cette toute jeune femme, sa façon de dépeindre une réalité intime avec une telle justesse, pudeur et audace mêlées. Le film, deux ans plus tard, m’avait troublée et ravie, conforme à la force et la subtilité que l’histoire contée avait laissé dans ma mémoire.

Aujourd’hui, Céline Sciamma a 30 ans et il émane d’elle la même beauté grave que de ses films (j’ai eu la chance de voir Tomboy lors d’une projection avant sa sortie et en sa présence).

Je m'interroge, et regrette peut-être un peu que – choix de la réalisatrice, du producteur ou du distributeur ? – la bande-annonce du film et les articles élogieux que l’on lit à son sujet fasse tous état de l'histoire complète du film et du mensonge de l’héroïne principale, que l’on ne peut deviner avant sa révélation, pour peu que l’on n’ait rien lu ou su de l’histoire au préalable et que l’on ignore – ce qui était mon cas – le sens de « Tomboy » en anglais : garçon manqué. Mais le film est splendide, que l’on en ait la surprise ou non.

Le mensonge de Laure, 9 ans, c’est de prétendre le temps d’un été être Michaël auprès des enfants de la cité dans laquelle elle vient d’emménager. Laure qui ressemble à un très joli petit garçon, le corps enfantin encore dépourvu de toute caractérisation féminine adolescente, contrairement à Lisa, la seule fille de la bande, qui va trouver ce Michaël différent des autres garçons et l’aimer pour cela.

Ces quelques jours ou semaines solaires sont contées comme une aventure, l’héroïne en danger d’être démasquée pour un pipi accroupi dans les bois ou des chahuts d’enfants lors d’un bain de rivière. On est avec Laure toujours sur le fil, les situations du quotidien susceptibles de déraper à tout moment, on reste toujours dans le juste.

Céline Sciamma suit le fil subtil de son premier film dans ce second qui évite magnifiquement l’écueil du « trop », péché courant des réalisateurs à leur deuxième opus. Sans doute parce qu’elle a pris son temps pour réaliser à nouveau, préférant l’écriture pour d’autres ces dernières années. Et qu’elle a écrit et réalisé Tomboy dans une économie de moyens et une rapidité exceptionnelles. Le résultat l’est par sa subtilité, sa douce violence, sa peinture incroyable de l’enfance, ses émotions qui pour n’être pas exubérantes n’en sont pas moins intenses. Tomboy est un bijou ciselé qui m’a émerveillée.

Mention toute spéciale au casting d’enfants (mais les parents de Laure, Sophie Cattani et Mathieu Demy sont superbes). Et à la relation fusionnelle de Laure et sa petite sœur, personnage de six ans d’une complexité rare, se jouant même des parents dans une scène de dîner hilarante, dialogue à double sens entrecoupé de rires d’enfant, complice et aimante envers cette grande sœur-frère incompréhensible mais soutenue inconditionnellement.

Après la projection l’autre jour, j’étais incroyablement émue et admirative, et je suis allée bafouiller un simple merci à la réalisatrice, puisque je suis toujours très nulle pour exprimer des émotions fortes à l’oral et en particulier à ceux qui les ont fait naître en moi. Si elle passe par là, que Céline Sciamma soit à nouveau et un peu mieux remerciée pour tant de beauté, de subtilité, de plaisir, de rires, de frissons, pour savoir conter des histoires si belles et qui touchent ce qu’il y a de plus profond en nous.

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vendredi 18 mars 2011

La fenêtre

Chez moi, il y a un petit rectangle ouvert sur la terreur du monde.

Des images de vie et de mort tressautantes et sonores, à la merci de mon index sur un petit bouton de rien.

Depuis des semaines, de la fenêtre ouverte, s’échappent vers moi et le monde entier des pixels d’espoir ou d’effroi, inodores et sans goût, en tous cas pas celui du réel. Et pourtant.

Dans mon salon et si loin de moi, des Autres aux langages étranges et aux teints différents de ma pâleur celte se battent et souffrent et meurent et espèrent et je ne peux que tendre mes doigts impuissants vers les boucles sans fin d’images – véridiques ou menteuses ? - que l’on m’envoie d’eux, frères pourtant, enfermés derrière la vitre minuscule.

La fenêtre me projette dans une dimension irréelle. Moi, devant les images accusatrices et dansantes, tellement vivante, un verre à la main, un chat ronronnant sur les genoux, enfournant un gâteau au chocolat, embrassant un amant, surveillant un risotto, coupable de mon confort et pourtant pas, des larmes dans mes yeux, pour eux.

Il y a eu l’Egypte et l’intense place sur laquelle j’aurais dû me trouver début février, voyage avorté. J’ai retrouvé quelques semaines après à Paris les amis égyptiens que j’aurais dû voir là-bas, enthousiastes et prêts à l’avenir, si beaux et forts, au coeur de l'inimaginable, pas si longtemps auparavant…

Aujourd’hui, le Japon n’a jamais été si près, si loin, si étranger et si familier. Je m’émeus plus que tout à la vision de ces vieillards fragiles et sidérés dont l’univers perdu ne sera jamais retrouvé avant la mort, et j’aimerais leur offrir un abri pour finir moins cruellement une vie. Les plus jeunes reconstruiront, pas eux. Pourquoi suis-je toujours si sensible à la souffrance des personnes âgées alors que j’en ai si peu côtoyées qui m’ont importées ?... Peut-être à cause de cela ?

Aujourd’hui Tobrouk évoque autre chose qu’un camion rempli de nitroglycérine. Quoique.

Le monde a décidé en cette année 2011 de se révolter et de trembler. Terrorisé ou en colère. Et moi je le regarde par la fenêtre. A l’abri. Ou pas. Reliée au monde en proie au chaos que nous avons créé. Comment réparer ? Comment puis-je réparer un tant soit peu, cachée derrière ma fenêtre ? Je cherche la réponse, et n'ai pour l'instant à offrir que ma compassion.

jeudi 24 février 2011

Chez moi

Depuis quatre semaines, dans mon nouveau chez moi, il y a :

  • de la lumière qui rentre à flots par de larges baies vitrées
  • la nuit l'ombre des arbres qui danse dans ma chambre, rêve éveillé
  • du carrelage métro rouge parce que c'est gai
  • un drôle de zèbre qui quadrille un bout de mur
  • une cloison de verre qui se joue des couleurs et des ombres
  • un vieux meuble qui a repris vie grâce à un peu de peinture et de verre rouge
  • un matou heureux qui déambule sur le balcon-débarras au gré de ses envies grâce à une chatière de bon aloi
  • des meubles de métal aux flancs patinés et sonores
  • des papillons bleus qui miroitent de soleil ou de lune
  • un petit rocking-chair facétieux
  • des tas (trop) de bidules qui me racontent des souvenirs d'ici ou d'ailleurs

Et il y a une table assez vaste pour accueillir les amis, les petits-déjeuners tranquilles ou bavards, le vrac de papiers où s'écrit depuis peu une histoire en train de naître dans ma tête, dans mon coeur et sous mes doigts. Je suis si heureuse de retrouver ce bonheur-là.

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Edit du 27/02 : à la demande de Pablo, quelques papillons bleus auxquels la photo ne rend pas leur splendeur (j'avais toujours dit que dans ma collection de papillons - commencée il y a 20 ans, ils sont innombrables chez moi - je n'en voulais pas de vrais, piqués par le milieu du corps dans une boite, mais ceux-là, dénichés chez un brocanteur, ont eu raison de cette résolution : ils sont sublimes et jouent de toutes les lumières pour le plus beau...

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lundi 31 janvier 2011

Cartons Paradis

J'ai toujours bien aimé Vanessa Paradis. Je me souviens parfaitement de la première fois que je l'ai entendue à la radio, un matin d'il y a plus de 20 ans, me demandant quel âge pouvait bien avoir la gamine qui chantait cette histoire de taxi. Depuis, j'ai toujours admiré son talent d'actrice, aimé la justesse de sa voix, apprécié ses choix (elle a tout bon, n'empêche : Gainsbourg, Kravitz, Goude, M... et Johnny Depp). J'étais hier soir aux Folies Bergère, invitée à son concert acoustique, et j'ai passé une excellente soirée : elle est belle et ondule joliment, simplement vêtue d'un jean puis d'une robe tournoyante, les arrangements étaient très beaux et elle peut même se permettre de chanter du Félix Leclerc en suscitant l'émotion (je n'ai pas une folle passion pour Félix Leclerc, il me rappelle mes années adolescentes et me flanque habituellement un cafard noir). Bref, elle m'a encore bluffée : classe et grâce. (mention spéciale à une chanson qui m'était inconnue : "Dans mon café").

C'était un moyen parfait de me sortir la tête et les mains de mes cartons de déménagement. J'étais éreintée mais ce concert m'a fait un bien fou !

Je suis donc installée dans mes pénates nouvelles. C'est encore le bazar mais ça prend tournure. Je sais pourquoi on dit qu'un déménagement est un évènement stressant : c'est fatiguant physiquement et mentalement par tout ce qu'il y a à porter, déplacer, organiser et penser. Et quand par hasard, on se dit qu'on rentrerait bien chez soi pour faire une pause, on n'a plus ou pas encore vraiment de chez soi... Sentiment de transition, d'être étranger en tous lieux. Qui n'a jamais mangé une pizza (ou des nouilles chinoises) sur le rebord d'un carton de déménagement en guise en table, environné de meubles sous couvertures scotchées et de pyramides de caisses en tous genres ne peut toucher du doigt l'ultra-déprimant de la chose. Croyez-moi. Surtout quand vous avez acheté des bières, que le décapsuleur est déjà emballé et que vous vous faites un mal de chien à la main en essayant d'officier avec un briquet... Spleen et gros mots assurés.

Premier retour de boulot ce soir dans ma nouvelle casbah : je vais essayer de ne pas prendre machinalement mon ancienne ligne de métro, j'espère que mon chat n'aura pas fait moult pipis sur canapé pour se venger du changement de décor, et que je vais finir par retrouver quelques foutues lampes qui manquent encore à l'appel (un tuyau en passant : ne jamais marquer "DIVERS" sur un carton de déménagement, mauvaise idée...).

Cartons-Paradis fut le thème de mon week-end. La deuxième m'a rendue les premiers plus jolis.

Et au fait, pour la première fois depuis 28 ans, je ne suis plus parisienne !!! Je vais de ce pas réintégrer ma banlieue (pas lointaine) pour fêter ça.

samedi 1 janvier 2011

1/1/11

On ne se refait pas : j'aime les ciels bleus et roses, les couleurs intenses du soir multipliées par le sable-miroir d'une marée basse. Celles-ci sont du jour de Noël, à l'issue de deux journées familiales douces et gaies. Une balade sur les plages de chez moi, la splendeur de l'instant faisant oublier le froid piquant. On est rentrés ensuite se réchauffer d'un feu de cheminée, de mots, de vin, de nourritures savoureuses et de rires. J'étais bien. Jolie fin paisible d'une année pleine de promesses à réaliser dans celle qui commence aujourd'hui.

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Hier soir, réveillon amical et tranquille dans une maison scintillante : des mets choisis, des vins pétillants, et les éclats de rire merveilleux de petites filles surexcitées et câlines, baisers chocolatés de bonne nuit, leurs petits bras autour de mon cou, joli bonheur.

J'ai pris dans ces jours de fêtes tranquilles et heureux mon élan pour les mois à venir qui s'annoncent intenses de nouveautés, de projets, de rencontres : le début de ce stage obtenu à l'issue du concours passé ces derniers mois, développement attendu d'un projet d'écriture personnel et porte vers un avenir professionnel différent, peut-être. Mon nouvel appartement dans lequel je poserai mes cartons avant la fin de ce mois, quelques voyages et challenges professionnels passionnants. J'ai beaucoup de chance.

Je vous souhaite à tous une année pleine de couleurs et de bonheur(s)

samedi 18 décembre 2010

Perspectives 2011

5h30 du matin. Le gigantesque aéroport de Dubai est noir de monde. Les boutiques de luxe sont assaillies d’hommes qui comparent des montres tapageuses, de femmes intégralement voilées de noir ou d’autres en tenue légère au milieu de monceaux de parfums, de vêtements, de chocolats et de dromadaires de toutes tailles et matières. Les enfants sont surexcités d’avoir trop peu dormi. Pour ma part, je lorgne l’Airbus A380 qui m’attend de l’autre côté de la vitre, pressée d’y reprendre mon sommeil écourté.

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Trois jours dans cet endroit… bizarroïde. Un festival est né là il y a quelques années, très fréquenté car plate-forme privilégiée des productions du Moyen-Orient, et de financiers aux moyens conséquents. Le marché est effervescent et les opportunités nombreuses d’y monter des projets internationaux. Par ailleurs, le festival invite la majorité (peut-être la totalité) de ses festivaliers, partenaires et participants divers, comme moi. Ce séjour-là n’aura pas coûté un centime à ma boite : avion-hôtel-repas-transferts, j’ai été prise en charge intégralement, version luxe : une chambre beaucoup plus grande que mon appartement parisien (tiens, c'est bien la première fois que je trouve un canard en caoutchouc dans une baignoire d'hôtel !) et une horde d'organisateurs dévoués dont l'unique souci semble être de m'épargner le moindre effort.

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Pour aller d'un point à un autre, la marche est bannie : nous sommes transportés par des dizaines de petites voitures électriques, de minibus, et même de bateaux sur les canaux artificiels qui desservent tous les hôtels. La débauche de moyens et d'argent constatée ici est parfois indécente : le buffet du petit déjeuner comporte plus de nourriture que la plupart des habitants de cette planète n'en verront en une année, les Ferrari et autres Rolls pullulent devant des "malls" gigantesques aux enseignes internationales prestigieuses. Au bout de l'un d'entre eux, protégé par des vitres hautes comme des buildings, un bout de montagne a été reconstitué : pendant qu'à l'extérieur on lézarde sur les plages et l'on se baigne dans l'eau tiède, des enfants en doudounes prennent des leçons de ski et l'on fait la queue au télésiège qui se perd dans les hauteurs de la galerie marchande, avant de faire une petite descente sur les pistes poudreuses, sans doute reconstituées chaque nuit au canon à neige.

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L'endroit est artificiel, impeccable, sans âme. Espace pris au désert, sans un grain de sable de travers, ponctué de buildings de verre sans vraie grâce, dont le plus haut du monde, d'une finesse vertigineuse.

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Je rentre enrhumée de trop de climatisation, heureuse de retrouver ma ville chargée d'histoire aux immeubles patinés, dans quelques jours ma côte aux criques sauvages et venteuses. Petite pause avant d'attaquer une année 2011 qui se promet intense : de nouveaux projets en perspective, certains professionnels qui vont me faire voyager encore un peu, et un challenge personnel, surtout, qui m'exalte le coeur et auquel je vais consacrer avec bonheur beaucoup de temps et d'énergie, puisque j'ai été reçue au concours que je préparais depuis septembre, à l'issue de l'oral final. Janvier va être le mois de quelques bouleversements : un déménagement et le début de ce nouveau projet, dont j'espère beaucoup : des rencontres, un scénario abouti, des perspectives autres au bout de l'année, peut-être.

En attendant, je vous offre des palmiers de Noël, pour changer !

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jeudi 25 novembre 2010

D'autres vies...

Dans tous les quartiers de Paris - ou banlieue - où j'ai travaillé, j'ai toujours élu un restaurant préféré, proche de mon bureau mais pas trop, peu fréquenté et surtout pas par mes collègues, où je peux m'isoler pour une heure ou un peu plus à l'heure du déjeuner. Cet endroit où je finis par avoir mes habitudes, je le fréquente assidûment ou par intermittence, le délaisse des semaines entières pour le retrouver avec plaisir plusieurs jours d'affilée, au gré de mes envies de solitude. C'est mon refuge pour les jours où je me sens triste, ceux où je suis agacée ou exaspérée par tel ou tel évènement professionnel, là aussi où je vais célébrer avec moi-même le plaisir du jour, en solitaire le plus souvent, parfois accompagnée amicalement; je n'y organise jamais de déjeuner professionnel, cela doit rester un lieu préservé, une parenthèse rien qu'à moi, un endroit où les contingences du boulot ne peuvent plus m'atteindre. La plupart du temps, j'y noircis mon petit carnet ami de notes disparates, de petites histoires comme elles viennent, du chagrin que j'ai sur le coeur ou bien de mes petits bonheurs.

Celui que j'ai choisi là où je travaille depuis trois ans maintenant - quelque part non loin de l'Opéra Garnier - est un restaurant indien vaste et chaleureux, au décor de velours rouge et d'argent, avec des reproductions de fines gravures indiennes fort jolies, et de la musique Bollywood pas trop envahissante. J'y ai "ma" table blottie près du bar, "mon" menu favori quasi invariable, mon serveur préféré et pakistanais, qui m'accueille en plaisantant et roule des yeux outrés quand il me prend la fantaisie de changer le susdit menu. Le patron m'a à la bonne et m'offre invariablement le digestif maison (que j'accepte une fois sur dix et fait semblant de boire pour ne pas le vexer), des invitations pour le dernier film de Shah Rukh Khan et parfois le disque Bollywood du jour pour ramener à la maison. On me gâte et me cajole, le personnel tout entier vient m'accueillir quand je passe la porte et défile ensuite devant ma table pour savoir si tout va bien au cours du repas. On échange des nouvelles du fils qui est parti travailler à Londres, de la famille restée au loin, je les aime bien.

J'y étais aujourd'hui pour être tranquille d'une part et fêter en tête à tête avec moi-même le bon déroulement d'un concours que je suis en train de passer, et qui a à voir avec l'écriture de scénario : après une première sélection sur le dossier déposé en septembre, j'ai été admise à passer l'épreuve écrite qui a eu lieu il y a un mois (6h30 sur table, je n'avais jamais fait un truc pareil !), et j'ai appris cette semaine que j'étais convoquée à l'oral le 2 décembre prochain, dernière étape avant la sélection finale des 20 heureux élus (sur 140 candidatures de départ). Ça plus la signature prochaine de l'achat de mon nouveau et ravissant home sweet home dans l'est parisien, j'avais envie de lever mon verre et de trinquer avec bibi !

Le déjeuner a commencé sous ces auspices et l'envie de finir tranquillement le beau livre commencé il y a quelques jours et que je lis passionnément matin et soir dans mon métro quotidien, oublieuse de tout ce qui m'entoure, émue et bouleversée par les histoires authentiques écrites là, contées avec une sorte de limpidité, de sincérité, de regard aimant et simple sur les émotions humaines qu'il livre sans jugement, qu'il analyse à l'aune de sa propre humanité, décuplée grâce à elles, sans doute.

Il, c'est Emmanuel Carrère, et le livre s'intitule "D'autres vies que la mienne". Il est le récit - en spectateur intime - d'histoires vraies et terribles : la mort d'un enfant, celle d'une jeune mère, le handicap, le cancer, et la vie bouleversée de ceux qui restent. Pourtant, au bout de ce récit d'indicibles pertes, au bout des chemins souffrants contés là, ceux des parents, des enfants, du mari, des familles amputées à jamais d'un membre essentiel, on trouve l'apaisement, l'acceptation du flot de la vie en marche, de son début à son achèvement, douleurs et chagrins compris. La Vie, comme un tout inéluctable.

Quelques larmes ont coulé sur mes joues en refermant le livre. D'émotion. De partage. D'empathie avec ces inconnus venus éclairer de leur vie un bout de la mienne. De gratitude pour l'auteur capable d'exprimer leurs ressentis, leurs sentiments, leurs chagrins, leurs chemins sans apitoiement, avec simplicité et tendresse, crûment aussi parce que la vie est crue. Et simple, et tendre. Parce qu'elle est tout ça. Leur vie, la vôtre, la mienne aussi.

D'autres vies que la mienne

vendredi 29 octobre 2010

Roma, bellissima

Je commence à avoir mes habitudes à Rome – comme dans quelques villes où mon boulot m’amène annuellement[1]. Arrivée sans encombres bien qu’un jeudi de grève, un monsieur m’attend à l’arrivée avec mon nom écrit maladroitement sur une pancarte. On roule vers la ville – pas trop Fangio, c’est rare, la dernière fois, le chauffeur conduisait à 180, volant tenu au genou, les mains trop occupées par deux telefoninos dans lesquels il criait en même temps. Un salut au Colisée sur le chemin, on passe par des petites rues charmantes aux façades ocres et roses. A peine le temps de poser mon sac dans une chambre d’hôtel simili-antique au confort très 21è siècle, je fonce vers ma petite trattoria préférée, nichée au fond d’une cour ombrée de feuillage, pleine d’italiens en famille et de vieux magnifiques qui s’engueulent en jouant aux cartes. On s’interpelle d’une table à l’autre, je comprends parfois quelques échanges, c’est très gai. Rituellement, je choisis le premier plat de pâtes de la liste du jour, illisible, et que personne ici ne sait me traduire. Je fais confiance et c’est toujours délicieux. Je commence par quelques gressins croustillants, une mozzarella joufflue que j’agrémente de poivre et d’huile d’olive odorante, d’un verre de vin blanc frais. Et je crois bien que je suis heureuse. Tout à l’heure, je me poserai sur le rebord de marbre lisse d’une fontaine exubérante pour offrir ma paresse post-pasta au tiède soleil d’automne, chanceuse…

Le lendemain : matin boulot. Je rencontre une foultitude d’italiens bruyants qui m’étourdissent de projets par milliers, paroles chantantes et mains expressives. Quelquefois, je ne les écoute pas beaucoup ; je les regarde et les aime bien. Une italienne sublimement belle et ronde m’expose avec passion un scénario dont elle est l’héroïne, inspiré de sa vie : les aléas d’un corps détesté, rejeté, malmené, puis accepté et sublimé, façon comédie à l’italienne. J’adore. Aujourd’hui, la belle aux formes généreuses les expose pour éduquer les yeux, les cœurs, changer les préjugés. Elle est connue ici, il parait, grâce à l’association qu’elle a créée qui montre dans toutes les écoles d’Italie, par le biais d’un petit fascicule éducatif et salutaire, des corps de femme différents pour lutter contre les troubles alimentaires adolescents. Elle publie aussi chaque année un calendrier où posent de « vraies femmes » (donna, donna !), m’offre celui de 2010 bientôt obsolète et me propose tout de go de faire partie des modèles 2011. J’accepte, enthousiaste et honorée. Nous tombons dans les bras l’une de l’autre à l’issue d’un rendez-vous professionnel devenu intime. Bon sang, que j’aime mon métier et les gens magnifiques qu’il me permet de rencontrer ! (Cependant, je ne sais pas si je ferai vraiment partie des modèles de l’année à venir : les prises de vues ont lieu à Rome et je ne suis pas sûre de pouvoir y retourner pour l’occasion.)

Après-midi libre et vagabonde, de la place d’Espagne à Santa Maria in Trastevere, en passant par la Piazza Navona, le Campo de Fiori, retour furtif par la Trevi aussi assiégée que si une horde d’Anita Ekberg se baignait encore dedans… Mes jambes fatiguées se réconfortent à la pensée des nouvelles bottes souples trouvées en chemin qu’elles arboreront dès demain (oui, je sais, j’en ai déjà 72 paires au bas mot, mais c’est ici la tentation permanente, des bottes toutes plus sublimes les unes que les autres me guettent à chaque coin de rue, et je suis très faible en ce domaine…). Quelque part au gré de quelques ruelles colorées, je me pose sur une piazza minuscule, devant une église de poupée, pour déguster une glace à la réglisse (à la réglisse !!!) à mourir de plaisir, et je comprends pourquoi une amie m’a dit récemment m'avoir reconnue à chaque ligne du livre « Mange, Prie, Aime », best-seller un peu new age/neu-neu mais néanmoins sympathique, récemment adapté façon comédie romantique américaine typique, et dont la recherche désordonnée du bonheur s'apparente, je ne peux le nier, à la mienne. Oui, j’avoue avoir expérimenté pas mal de formes de méditation et de quêtes spirituelles de tous ordres à certaines époques de ma vie, mais franchement, bien mieux qu’après une séance de zazen torturante ou une heure de méditation ponctuée de « Om » convaincus, quand je suis dans un lieu sublime, le cœur en paix, à déguster une époustouflante glace à la réglisse (à la réglisse !!!), je communie pour de bon avec l’univers tout entier et je crois que Dieu et le Bonheur existent (enfin, j’en suis persuadée la plupart du temps, mais là j’en ai la preuve…et si Javier Bardem ou assimilé est au bout du chemin, je prends, et j'y croirais plus encore !)

Néanmoins, malgré – ou à cause de – toutes ses beautés, Rome me fait parfois irrésistiblement penser à une vieille femme qui ressasserait sans fin ses succès d’antan, ses amants disparus, ses courbes divines désormais ridées et oubliées. J’ai l’impression qu’on ne parle jamais ici que de la splendeur de l’Empire ou de la Dolce Vita. Et que le temps s’est arrêté ensuite… J’avoue en être toujours surprise et parfois agacée. La Ville est peut-être Eternelle mais s’apparente à un grenier, à mes yeux. Un grenier splendide et bourré de merveilles, mais grenier quoi qu’il en soit. J’arrive ici pour un festival récent, et les films dont on parle toujours le plus ce sont « Vacances Romaines », omniprésent, et – éternellement – la « Dolce Vita », dont on fête le 50è anniversaire cette année. J’ai l’impression que – presque - tous les producteurs et réalisateurs que je croise ici se réfèrent sans fin à Fellini. Peut-être faudrait-il les informer qu’il est mort et qu’il conviendrait de passer à autre chose… sans pour autant être coupable de crime de lèse-majesté (à mon humble avis).

J’avoue me plaire parfois plus dans le mouvement de Londres l’excentrique où j’étais la semaine dernière, de Madrid où tout est plus fou et iconoclaste qu’ici, de Berlin dont l’histoire douloureuse s’est faite levier de créativité. J’aime que Paris n’ait pas hésité à construire Beaubourg au centre d’un quartier ancien et à marier une pyramide de verre au Louvre. Rome est à mes yeux un peu trop confite dans la dévotion au passé… mais infiniment belle. J’ai des sentiments partagés à l’égard de cette vieille dame qui m’a offert néanmoins cette année un bien joli séjour.

Notes

[1] C’est pour cela que je renonce aujourd’hui à migrer en Bretagne : mon avenir professionnel serait trop fade comparé à mon actualité passionnante en ce domaine. On verra plus tard.

dimanche 24 octobre 2010

"La vie va où ?..."

Michèle Guigon est un sourire. Un sourire derrière un accordéon valseur. Un sourire qui dit la vie, les souvenirs tendres de l’enfance, l’âge qui avance autant que la vue recule, la mémoire qui occulte les noms propres, les choix insensés à faire parfois : chimio ou ablation ?

Michèle Guigon conte son cancer comme elle chante la caresse de son papa sur ses cheveux d’enfant, ceux qu’elle perdra plus tard : avec tendresse. Et sourire toujours, et les éclats de rire du public dont je faisais partie hier soir au Théâtre du Rond-Point (décidément mon théâtre parisien préféré, j’y trouve si souvent des moments d’émotion intense, de toutes formes).

Michèle Guigon raconte tout ce qui fait sa vie, y compris ce qui l’a rapprochée de la mort, pour devenir une deuxième naissance, un « levier de vie » comme elle l’écrit. Cils et cheveux repoussés, sein « ablati », elle arpente la scène avec une joie qu’elle transmet à ceux qui l’écoutent. J’ai versé des larmes de rire à ses facéties, eu le cœur noué parfois, sans qu’il soit jamais lourd, heureuse de ce partage avec elle, comédienne qui dit « je » et nous parle de nous, aussi.

Je vais dorénavant guetter la publication du texte de la pièce : j’aimerais vraiment le garder à mes côtés, en retrouver à certains moments de ma vie les mots bouleversants, certains résonnent en moi depuis hier que je n’oublierai pas. Son hymne à la vie drôlatique et poétique, cette funambule sur accordéon le joue chaque soir à 18h30 jusqu’au 14 novembre.

Michèle Guigon
(c) photo Anne Artigau

"Plus on met l'acceptation de la mort au centre de notre vie, plus on met la vie au centre de notre vie."
Michèle Guigon
La Compagnie du P'tit Matin

lundi 11 octobre 2010

Cinq ans

Je reviens de quelques jours ensoleillés dans ma Bretagne aimée. Derniers bains de l’année, seule sur mes plages claires. Energisée, vivifiée par la caresse des vagues fraiches, lavée des miasmes de petits chagrins parisiens oubliés là, prête à embrasser le monde à nouveau. Mon pays d’eau et de lande émeraude me dote de tous les courages, toujours. Je repars vers Paris pleine de promesses à moi-même, de mots à apprivoiser, dont je ne sais pas très bien ce qu’ils m’offriront. Mais curieuse, sans fin.

Je me souviens soudain qu’un jour d’octobre 2005, ce blog est né. Cinq ans. Petit anniversaire qu’il ne convient pas tant que cela de célébrer, mais qui m’invite à me retourner vers ces années si vite écoulées.

Aujourd’hui, cet espace où je me nomme Traou est une ombre de blog, un souvenir de moi auquel je tiens mais qui n’attire plus guère ma plume et mes épanchements. Mes mots prennent d’autres chemins. Je tiens cependant à maintenir en vie cet aimable compagnon à qui je dois beaucoup : il a porté des fardeaux dont je voulais débarrasser mes épaules, m’a aidé à orienter la lumière différemment sur des évènements de ma vie, à les percevoir comme des cadeaux, à la fin.

Par-dessus tout, il a été un joyeux dérivatif à ma solitude, un vecteur de rencontres passionnantes et riches, des amitiés ou des camaraderies en sont nées qui me sont précieuses, et si je ne souhaite pas fermer cet espace, c’est essentiellement pour ces rencontres-là. Il arrive encore aujourd’hui que parvienne jusqu’à moi le salut amical d’un(e) inconnu(e) ayant atterri dans mes archives à la faveur d’une requête internet et ces signes-là je ne veux pas m’en priver, quand bien même sont-ils rares et aléatoires.

Cinq ans après, je ne me vois plus alimenter ce blog de mes écrits jour après jour comme je l’ai fait pendant un peu de temps, mais je n’exclus pas d’y revenir un jour de façon régulière, peut-être, pour y conter d’autres voyages, lointains ou immobiles, d’autres émotions, d’autres sentiments, d’autres évènements, d’autres amours ou d’autres chagrins. Je tente de mettre ceux-là sous des formes autres, fiction, récit, scénario, et le blog n’est plus à l'heure actuelle le meilleur support pour cela sous mes doigts. Mais je ne lui dis pas adieu. J'y reviendrai même dans les temps qui viennent, de façon irrégulière, comme on passe aérer une maison d'été au coeur de l'hiver, pour qu'elle n'ait pas l'air abandonnée, ne sente pas trop le renfermé au moment des retrouvailles...

Et je fais l’apologie de l’écriture bloguesque à d’autres qui cherchent leur plume, je leur dis les cadeaux qu’ils pourront recevoir de livrer leurs écrits au regard des autres, comme je les ai reçus moi-même. Aujourd’hui, je quête d’autres regards, d’autres chemins à arpenter, le stylo à la main, dont je ne sais où ils me mèneront. A un autre bout de moi, sans doute.

jeudi 2 septembre 2010

Effluves

L'impression de respirer la vie par chaque pore, par mes yeux grands ouverts, par mes bras frissonnants, mon coeur à l'affût du beau, d'une vibration tranquille ou passionnée.

Rentrée étrange, peuplée de souvenirs colorés ou déjà sépias, d'effluves de la vie condensée de mon été 2010. La chaleur tranquille d'un recoin de rocher abrité pour moi seule, au détour d'une petite plage déserte un midi d'août ensoleillé, la voile rouge vif d'un bateau ancien au loin, que je fais semblant de rejoindre de mes brasses paresseuses.

Une nuit tiède sur le toit d'une maison de village, allongés vers le ciel à guetter les étoiles filantes, chacun s'exclamant d'avoir attrapé la sienne, content. Pas d'autre voeu à faire que d'être là en cet instant serein.

Une crique de Méditerranée, minuscule, turquoise et transparente. Assise sur un rocher chaud, je laisse l'eau s'égoutter de mes cheveux et rafraichir mon dos nu, ignorante des voix joyeuses des enfants dans l'eau et des éclaboussures de ballon. Mes pieds nus baignés d'une vague intermittente, je lis Murakami, une grande douceur en moi.

Au bout d'un avion argent, Paris la belle, chez-moi retrouvé. Effluves quotidiennes de fin d'été. Bureau calme encore. Je reprends pied dans une réalité toute autre, retrouve nouvelles du monde et journaux oubliés quelques semaines durant : d'autres effluves soudain. Remugles nauséabonds. J'entends incrédule et impuissante les mots de la haine institutionnalisée d'un pays qui est le mien, cristallisée dans le mépris d'étrangers qui le sont si peu, familles identiques à nos familles. J'ai honte, et peur aussi.

D'autres, ici et , et d'autres encore, expriment mieux que moi la réalité de ces effluves-là qui nous étouffent, analystes de talent là où je ne sais que ressentir sans pouvoir expliquer le malaise et la colère qui me saisissent. Je ne sais mettre sur mon coeur serré que des mots-sensations. Mais je saurai marcher au côté d'autres comme moi qui refusent de voir s'imposer cette haine insidieuse, samedi 4 septembre

jeudi 5 août 2010

Bretagne, été 2010

Mes vacances bretonnes vont s’achever dans quelques jours. Je les poursuivrai dans une île de Méditerranée, un village écrasé de chaleur au ciel immuablement bleu. J’aime celui d’ici aux couleurs mouvantes, à l’humeur changeante, aux nuages filants qui dessinent des visages mobiles et amicaux. J’en vois beaucoup ici des visages, des regards, des sourires imaginaires, invisibles sauf pour mes yeux et mon esprit vagabond : dans l’herbe du jardin et la mousse de l’allée d’ardoise, dans les détours de la vigne lourde de grappes, promesses d’automne, les feuilles du cerisier tardif, dont les nez rouges et rebondis enchantent mes petits-déjeuners.

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Comme chaque été, je refais ici le plein de calme, d’air, de mer et de plaisirs tranquilles (et aussi de kilos, les spécialités locales sont roboratives et l’ordinaire familial copieux et festif, toujours…). Mon destrier-vélo fidèle et huilé de frais à mon arrivée m’emporte chaque jour vers la marée. Les petits marchés locaux regorgent de plaisirs sucrés, de colifichets colorés, de babioles qui ne serviront qu’à se rappeler l’été au cœur de l’hiver : les bulles de verre turquoise qui flottent à mes oreilles n’auront pas le même reflet de soleil marin dans les rues de Paname, peu importe, j'y verrai tout de même un souvenir de bisquine sur mer si bleue.

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Je chine dans les vide-greniers du dimanche matin des merveilles kitsch et indispensables : une Tour Solidor irisée, en hommage à la vraie qui m’accueille de loin quand je passe le barrage de la Rance, à jamais pour moi baptisée Porte des Vacances, une loupiote rouge au creux d’une moule de faïence, environnée de deux poissons rigolards, et un porte-savon d’où salue une petite baigneuse de porcelaine à l’air sage avec sa charlotte de bain… mais dont on aperçoit les fesses nues en retournant l’objet ! Et dans une boutique de Quimper, un couple bigouden tout blanc qui viendra enrichir mon "petit coin de Bretagne à moi", dont il faudra que je repousse les murs un jour pour y faire tenir tous mes souvenirs d'ici !

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Dans mon lit, le soir, le matin, la nuit, je lis et relis Etty, sereine, encore et toujours émerveillée de trouver à chacune de ses pages un bout de moi, parfois inexpliqué, ma si précieuse amie, ma semblable de tant de sentiments, de perceptions, d’imperfections combattues ou non. Je ne m’étais pas encore plongée vraiment dans l’intégralité de ses écrits, trop denses pour être lus dans le métro parisien avec l’attention nécessaire. Ici, le crayon à la main pour en souligner tant de passages essentiels, je la retrouve plus complète, indispensable sur mon chemin.

Je passe quelques jours amicaux dans ce Finistère aimé qui n’est pas encore ma maison : les emplois auxquels j’ai postulé là-bas n’ont à ce jour rien donné. Je ne suis pas pressée : je saurai toujours trouver le chemin du bout de la terre, de ses couleurs ardentes, de ses mille merveilles, en promeneuse éphémère pour l’instant, pour quelques langoustines goûteuses du côté de l’Ile Tudy, où les culottes locales sèchent sans complexe au vent venu du large, pour des hortensias multicolores et des roses trémières dressées fièrement devant des maisons blanches ou de granit, pour une mini-chapelle nichée au creux des Monts d’Arrée, repeinte naïvement de couleurs gaies et restaurée grâce à la passion de gens du cru. J’y écoute le violon et la voix chaude d’un musicien devenu ami par la grâce de ce blog, que je ne remercierai jamais assez pour ces immenses cadeaux-là. Dehors, après le concert, on boit du cidre et l’on mange des crêpes, et soudain s’élèvent des voix d’hommes dont le chant vif se répond, une bombarde aux notes stridentes, un accordéon, et quelques-uns dansent, naturellement. Je suis si heureuse d’être là.


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Chapelle de Trénivel

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Ah, n'y voyez aucune mégalomanie de ma part, mais le Traou Mad se porte géant, cette année.

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dimanche 11 juillet 2010

Hadrien

Paris se tait. Paris reste immobile de trop de chaleur. Comme mon chat étendu autant qu'il peut cherche la petite fraicheur du carrelage de la salle de bains. Il y laisse des poils par paquets, aurait envie d'être nu sûrement autant que moi. Le plus fin des voiles se fait pelisse aujourd'hui, la peau moite est déjà une trop chaude couverture. Je rêve de mer. Plus que quelques jours. La marée m'attend à 10h26 jeudi prochain. J'ai noté dans mon agenda ce rendez-vous essentiel. Je prendrai la route au petit matin pour l'honorer.

Ne pas bouger. Etendue à l'ombre, j'ai achevé la lecture des "Mémoires d'Hadrien" de Marguerite Yourcenar, dans une sorte d'extase calme. Je ne sais pourquoi, ce livre m'attendait depuis 30 ans dans ma bibliothèque. Je le savais là pourtant, mais remettais toujours son approche à plus tard. Peut-être en avais-je besoin seulement maintenant ? Je dois à l'ami Chondre de l'avoir ouvert il y a quelques temps, lu très lentement, chaque mot virtuose méritant d'être savouré, réfléchi, aimé. Il n'est pas de ces livres qui se lisent comme on se désaltère avec désinvolture, il est un nectar précieux dont chaque mot fait sens, riche même de sa simplicité.

J'ai parcouru parfois des pages en soulignant des mots, des phrases, des paragraphes d'un trait de crayon dans la marge, pour y revenir, pour m'en nourrir encore. Du roman lui-même, de cette vie d'Hadrien, empereur de Rome, racontée par lui à l'orée de la mort, sage et lucide, mais aussi des notes de l'auteur publiées à la fin de l'édition de poche, réflexions brillantes sur l'écriture elle-même, les choix et les doutes d'un auteur face à son oeuvre.

J'ai été impressionnée et touchée qu'elle ait écrit une première version de ce roman érudit entre sa 20è et sa 25è année ! Texte entièrement détruit par elle-même et dont elle affirma qu'il "méritait de l'être"... Les "Mémoires d'Hadrien" seront finalement publiées en 1951, elle avait 48 ans et dit du texte premier : "En tous cas, j'étais trop jeune. Il est des livres qu'on ne doit pas oser avant d'avoir dépassé quarante ans. On risque, avant cet âge, de méconnaître l'existence des grandes frontières naturelles qui séparent, de personne à personne, de siècle à siècle, l'infinie variété des êtres..."

Je crois que je reviendrai souvent rendre visite à Hadrien, goûter à nouveau ses mots apaisés de vieil homme qui parlent de la vie, du mystère du sommeil, de l'approche de la mort, du pouvoir, des hommes, de l'amour, du deuil de l'être aimé, du labyrinthe de la douleur, de la foi, de tout ce qui compose l'aventure humaine, intemporelle.

"Ne jamais perdre de vue le graphique d'une vie humaine, qui ne se compose pas, quoi qu'on dise, d'une horizontale et de deux perpendiculaires, mais bien plutôt de trois lignes sinueuses, étirées à l'infini, sans cesse rapprochées et divergeant sans cesse : ce qu'un homme a cru être, ce qu'il a voulu être, et ce qu'il fut."

Marguerite Yourcenar

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