Jean-Baptiste et Paco

Du premier, je tiens peut-être mon amour de l’écriture. Est-ce que cela peut être inscrit dans un gène ? Sur le faire-part paru dans Ouest-France samedi dernier, il avait voulu que soit écrit « homme de lettres ». Il en avait écrit des milliers, des lettres d’amour à ses deux régions de coeur, la Bourgogne et la Bretagne, sous forme de poèmes en prose, si beaux. Et des articles, et des recueils sur des auteurs qu’il aimait. Une vie entière d’écriture.

Du deuxième, je reçus un jour d’automne 2005 réponse à un de mes commentaires de blog (était-ce chez Tarquine ou chez Samantdi ? je ne sais plus...) où il suggérait que j’ouvre le mien. D’abord interloquée, l’idée ne mit que quelques jours à faire son chemin et Traou était en ligne. Je ne sais pas si je l’ai assez remercié pour cela.

Le premier ne s’appelait pas Jean-Baptiste, c’était son nom de plume.

Le deuxième ne s’appelait pas Paco, c’était son pseudo de Toile.

Le premier m’intimidait quand j’étais enfant. Il était ombrageux et fort en gueule parfois lors de déjeuners dominicaux. On m’a dit un jour que j’avais la même façon que lui d’incliner la tête de côté quand je parlais.

Le deuxième m’a accueilli d’un sourire qui plissait ses yeux derrière les volutes d’une cigarette à un premier Paris-Carnet. Nous y avons trinqué ensuite quelquefois avec sa compagne, son frère, sa belle-soeur, grande famille de la blogosphère !

C’est en rentrant mardi soir de Bretagne où j’étais allée accompagner Jean-Baptiste pour son dernier voyage que j’ai appris le départ de Paco pour le sien.

Jean-Baptiste laisse derrière lui ma toute menue et fragile petite tante, qui tremblait de chagrin de suivre le cercueil de son compagnon de chaque jour depuis 64 ans.

Paco laisse derrière lui une grande famille, des frères et soeurs, des enfants, et des amis. Une Compagne actrice et poète et une Merveille câline à qui je pense spécialement aujourd’hui.

Jean-Baptiste me laisse en souvenir un dessin naïf fait par lui quand il était jeune homme et qu’il déclinait sur différents documents (et même une petite bague en argent dont j’ai hérité et que je porte avec fierté) : une chouette et un épi de blé qu’il appelait « les armes de la famille » (la chouette, symbole du savoir, et l’épi de blé, symbole de la terre, parce que nos ancêtres étaient pour moitié instituteurs et pour l’autre agriculteurs...).

Paco me laisse en plus du souvenir indélébile de son bon sourire l’image d’un nez rouge de clown, le symbole que Luce et lui avaient choisi comme pied de nez à la maladie, pour proclamer leur amour le jour de leur mariage, et que nous avons été nombreux à arborer avec émotion.

J’ai dit au revoir à l’un il y a quelques jours, je dirai au revoir à l’autre demain. (je ne dis jamais adieu...)

Bon voyage à tous les deux, ma tendresse vous accompagne.

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Commentaires

1. Le vendredi 8 juin 2012, 16:50 par Pablo

Ma chère Traou,

La première fois que j’ai rencontré Paco, ça a été chez toi. Je veux dire, sur ton blog où il laissait régulièrement des commentaires, toujours sympathiques (et souvent même instructifs...

(la suite de ce commentaire est là : Adiós, François Granger)

2. Le vendredi 8 juin 2012, 18:07 par Traou

Pablo, ton billet m'a émue aux larmes. Ça fait de la peine mais c'était aussi tellement joli de se rappeler cette soirée chez moi. Et mon anniversaire qu'il me souhaitait chaque année avec un jour d'avance - mais les dernières fois il le faisait exprès pour te devancer. Et les "pâtes à la François Granger" qui resteront ma recette préférée... Merde !

3. Le vendredi 8 juin 2012, 18:46 par Otir

Grâce à vous deux, je me fais l'impression d'être physiquement avec tous, à nous rassembler pour égrener lees souvenirs que nous laissent François, et qu'ils sont nombreux !

Beaucoup d'émotion, et que de vibrations riches !!