Tomboy, un bijou

Il y a quelques années, j’avais eu l’occasion d’entendre Céline Sciamma, lors d’un festival de cinéma breton, « pitcher » le sujet de « Naissance des Pieuvres », encore à l’état de projet et qu’elle n’envisageait pas, à l’époque, de réaliser. J’avais été impressionnée par la délicatesse du propos de cette toute jeune femme, sa façon de dépeindre une réalité intime avec une telle justesse, pudeur et audace mêlées. Le film, deux ans plus tard, m’avait troublée et ravie, conforme à la force et la subtilité que l’histoire contée avait laissé dans ma mémoire.

Aujourd’hui, Céline Sciamma a 30 ans et il émane d’elle la même beauté grave que de ses films (j’ai eu la chance de voir Tomboy lors d’une projection avant sa sortie et en sa présence).

Je m'interroge, et regrette peut-être un peu que – choix de la réalisatrice, du producteur ou du distributeur ? – la bande-annonce du film et les articles élogieux que l’on lit à son sujet fasse tous état de l'histoire complète du film et du mensonge de l’héroïne principale, que l’on ne peut deviner avant sa révélation, pour peu que l’on n’ait rien lu ou su de l’histoire au préalable et que l’on ignore – ce qui était mon cas – le sens de « Tomboy » en anglais : garçon manqué. Mais le film est splendide, que l’on en ait la surprise ou non.

Le mensonge de Laure, 9 ans, c’est de prétendre le temps d’un été être Michaël auprès des enfants de la cité dans laquelle elle vient d’emménager. Laure qui ressemble à un très joli petit garçon, le corps enfantin encore dépourvu de toute caractérisation féminine adolescente, contrairement à Lisa, la seule fille de la bande, qui va trouver ce Michaël différent des autres garçons et l’aimer pour cela.

Ces quelques jours ou semaines solaires sont contées comme une aventure, l’héroïne en danger d’être démasquée pour un pipi accroupi dans les bois ou des chahuts d’enfants lors d’un bain de rivière. On est avec Laure toujours sur le fil, les situations du quotidien susceptibles de déraper à tout moment, on reste toujours dans le juste.

Céline Sciamma suit le fil subtil de son premier film dans ce second qui évite magnifiquement l’écueil du « trop », péché courant des réalisateurs à leur deuxième opus. Sans doute parce qu’elle a pris son temps pour réaliser à nouveau, préférant l’écriture pour d’autres ces dernières années. Et qu’elle a écrit et réalisé Tomboy dans une économie de moyens et une rapidité exceptionnelles. Le résultat l’est par sa subtilité, sa douce violence, sa peinture incroyable de l’enfance, ses émotions qui pour n’être pas exubérantes n’en sont pas moins intenses. Tomboy est un bijou ciselé qui m’a émerveillée.

Mention toute spéciale au casting d’enfants (mais les parents de Laure, Sophie Cattani et Mathieu Demy sont superbes). Et à la relation fusionnelle de Laure et sa petite sœur, personnage de six ans d’une complexité rare, se jouant même des parents dans une scène de dîner hilarante, dialogue à double sens entrecoupé de rires d’enfant, complice et aimante envers cette grande sœur-frère incompréhensible mais soutenue inconditionnellement.

Après la projection l’autre jour, j’étais incroyablement émue et admirative, et je suis allée bafouiller un simple merci à la réalisatrice, puisque je suis toujours très nulle pour exprimer des émotions fortes à l’oral et en particulier à ceux qui les ont fait naître en moi. Si elle passe par là, que Céline Sciamma soit à nouveau et un peu mieux remerciée pour tant de beauté, de subtilité, de plaisir, de rires, de frissons, pour savoir conter des histoires si belles et qui touchent ce qu’il y a de plus profond en nous.

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Commentaires

1. Le samedi 23 avril 2011, 10:03 par Matoo

J'avais vraiment beaucoup aimé la Naissance des Pieuvres, et je vais aller à mon tour voir ce film (en plus elle est de Pontoise !!! \o/). J'aime beaucoup ce que tu en dis dans ton post, au moins si tu n'as pas dit grand chose à la fin de la projection, le blog permet d'apporter ta pierre à l'édifice. ;)

2. Le samedi 23 avril 2011, 17:43 par Chomp'

Tu as déjà presque réussi à me faire oublier la crasse de Wagner, l'autre fois, alors je devrais être prudent

Mais foin de la prudence, ici, j'ai bien envie d'y aller voir,
dans ce qui t'enchante ...

Mais comment fais-tu !?

Bises

:-)