"L'amanterie"

Le mot nous a fait rire. C'est elle qui l'a inventé, un après-midi ensoleillé de mars, alors que nous buvions du vin blanc en terrasse non loin de la Cinémathèque. La file d'attente qui s'allongeait nous avait facilement dissuadées de l'exposition Kubrick, et il faisait bon piapiater entre filles sur cette petite place, alors que nous ne nous étions pas vues depuis longtemps. Depuis que nous avions fait connaissance, d'ailleurs, pendant un week-end de blogueurs qui nous avait vues hilares deux jours durant.

L'amanterie, c'est venu comme ça. Pour qualifier une situation amoureuse incertaine et disparate que nous avons connue toutes deux. Moi encore aujourd'hui, elle plus.

L'amanterie par opposition à la conjugalité, au couple.

L'amanterie, multiplication des bras dans lesquels on se love, qu'ils soient successifs ou simultanés.

L'amanterie, relations amicalo-érotiques avec des amants différents aussi peu amoureux de moi que je ne le suis d'eux-mêmes, ce qui n'exclut ni la tendresse, ni l'affection, ni même l'amitié parfois (je suis adepte de longue date des amis-amants, l'expression est douce. La réalité qu'elle recouvre aussi. Sa version anglaise en revanche m'est agressive à l'oreille et ne signifie pas la même chose à mes yeux...).

L'amanterie ce sont les même cris et soupirs offerts à des caresses prodiguées fort différemment car il y a autant de comportements amoureux que d'amants. Le lit se fait champ de bataille ou cocon de tendresse, lieu de confidences, d'ébats et de rires, flacon d'ivresses et d'odeurs différentes au gré de l'amant du moment.

L'amanterie c'est la solitude oubliée quelques heures avec l'un, quelques jours ou semaines avec l'autre, retrouvée plus cruellement ensuite, ou ensuite apaisée, selon le degré de complicité que l'on y trouve et l'humeur de la saison. J'ai l'amanterie joyeuse ou morose, selon mon baromètre personnel, qui se met en grève, parfois et me fait préférer la solitude à l'intermittence des corps et du coeur.

L'amanterie est mono ou polyandre selon les saisons, les désirs se cristallisant en un homme ou plusieurs. Il y a l'amant gentil et gai, l'amant bougon et peu bavard mais qui sait parler aux sens comme personne, l'amant des sorties cinéma-théâtre et des discussions sans fin, l'amant bon vivant avec qui il est précieux de partager la cuisine et la cave aussi bien que le lit, l'amant qui écoute et celui qui s'épanche, l'amant qui sait quand on a besoin d'être blottie, l'amant qui l'ignore mais qui est toujours là au bon moment... Il y en a des multitudes, là où j'en souhaiterais un seul, mais puisque celui-là n'a pas daigné montrer ne serait-ce que l'ombre de lui-même depuis fort longtemps, j'ai l'amanterie vagabonde.

Il ne m'étonne plus guère que mon emblème soit le papillon...

(billet ami en écho à celui-ci, ici)

Commentaires

1. Le dimanche 24 avril 2011, 18:38 par Fajua

Je savais que le cadeau, de ton côté, serait savoureux... ;)

2. Le dimanche 24 avril 2011, 19:03 par Olivier Bonnet

Et même pas une image pour illustrer ? Remboursez !

3. Le dimanche 24 avril 2011, 19:59 par telle

En lisant ton billet, je pensais au film Les Valseuses. gné ? Qu'est-ce qui m'arrivait ? puis aux bijoux de famille. ??? parfois je ne me suis pas moi-même. Et j'ai compris, "amanterie", ça ressemble à "argenterie" et de fil en aiguille...

4. Le dimanche 24 avril 2011, 21:31 par Bladsurb

Hum, l'amanterie, la menterie, la manterie (religieuse), l'âme-hanterie, etc. , y a matière à s'amuser avec ce mot ...

5. Le dimanche 24 avril 2011, 22:39 par Swâmi Petaramesh

Tiens-tiens, vouzici... :-}

6. Le lundi 25 avril 2011, 11:00 par valclair

Quel plaisir de te retrouver chère Traou avec ce si joli billet.
J'aime cette évocation des douceurs du multiple que je n'ai pas connues ou si peu mais, je ne le néglige pas, en contrepartie pour moi, la paisibilité du lien stable! Je me souviens, nous en avions parlé, ces karmas différents de nos vies, le long fleuve tranquille et les ressacs...
Et découverte à l'occasion du beau blog de Fajua.
Quant à Tomboy, j'y cours dès cet après-midi.

7. Le lundi 25 avril 2011, 12:35 par Chomp'

Salut, Traou

"Depuis que nous avions fait connaissance, d'ailleurs, pendant un week-end de blogueurs qui nous avait vues hilares deux jours durant."

On ne refait pas les moments de grâce, certes, certes ...

Mais les retrouvailles sont toujours possibles,
par exemple cette année,
dans le Perche ...

C'est vous qui voyez ...

:-)

8. Le lundi 25 avril 2011, 19:57 par Pierre

Ah Traou, que j'aime ce billet et ta façon de décrire si simplement ces « situations amoureuses incertaines et disparates ».

Dans le même genre de néologisme qu'amanterie j'avais beaucoup aimé celui d'une amie-amante qui vivait les choses ainsi, avant que je n'adopte moi-même cette attitude : la libraimance (libraimant/libraimante)

9. Le mardi 26 avril 2011, 10:02 par Anne

L'amanterie...

Ouh là. Sujet compliqué pour moi. Quant à l'amanterie il ne manque que les draps froissés....

Certains hommes sont bien plus compliqués que ce qu'on reproche aux femmes, quoi.

Mais joli billet !

10. Le mercredi 27 avril 2011, 11:07 par Agaagla

Ce billet vient à point pour donner un peu d'eau au moulin de mes réflexions !

Mais je n'aime pas trop le terme amanterie, on y entend menterie, ou même mante comme le dit Bladsurb, et voilà qui détonne avec l'idéal de respect, d'équité, que je voudrais y lire.

11. Le lundi 16 mai 2011, 08:09 par Anne

Je suis agréablement surprise par ce billet !
Merci de donner un mot pour ce que je ne savais pas nommer ! :-)
Merci pour écrire avec autant de tendresse ce que beaucoup jugent rapidement et injustement. :-)
Et je rejoins mon homonyme : « Certains hommes sont bien plus compliqués que ce qu'on reproche aux femmes »... en tout cas, face à beaucoup, je me trouve bien simple.