Ushuaia – Terre de Feu

Adieu Patagonie, ses icebergs et glaciers azuréens, ses vastes espaces et ses lacs turquoise, je m’envole pour Ushuaia. Moi qui ai une « fin de terre » bretonne dans le cœur, je vais en découvrir une autre, aux antipodes de la mienne.

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Ma première impression d’Ushuaia, c’est une lumière incroyable. Peut-être la jonction de la montagne et de la mer, aux confins du monde, non loin de l’Antarctique, crée-t-elle un espace lumineux différent, comme une grande pureté de couleurs. A peine arrivée, en cette fin de journée où subsistent quelques rayons d’un soleil clair, je descends les rues en pente de la ville vers le port, entre les maisons de tôle peinte ou de bois pour aller regarder les bateaux encerclés de montagnes aux reflets bleus ou roses.

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Le lendemain, on vient me chercher de bonne heure : une heure de route dans un minibus au chauffeur enragé, sur des routes sinueuses, un coup à regretter son petit déjeuner. Quand on nous laisse descendre du bolide, on est un peu pâlichons et contents de retrouver le grand air. Il nous faut reprendre nos esprits rapidement : on nous donne pantalons imperméables, bottes, gilets de sauvetage et pagaies et nous voilà sur l’eau, deux canoës à la suite, à pagayer en rythme et en silence sur les eaux du canal de Beagle, environnés de montagnes grises ou lumineuses selon que le soleil nous visite ou qu’une averse sauvage et brutale nous trempe. Nous approchons des rives rocheuses ou reposent quelques lions de mer solitaires et paresseux, des cormorans qui s’abritent de la pluie ou nous accompagnent de leurs vols rasants.

Nous abandonnons les canoës un peu plus tard, montons à bord d’un Zodiac qui nous emmène sur une île plus lointaine, après moult recommandations : nous sommes sur une réserve naturelle de pingouins et il convient de respecter leur tranquillité. Les petits habitants de l’île ne sembleront guère troublés par notre présence, les seuls qui restent à bonne distance sont les quelques pingouins antarctiques qui vivent là, ceux aux becs et pattes orange, l’emblème d’Ushuaia. Je n’en rapporterai que cette image tremblotante, mon appareil n’est pas fait pour les zooms intenses. Nous ne resterons que peu de temps sur l’île, intrus au cœur de cette communauté. Nous nous amusons des démarches pataudes ou sautillantes des pingouins mais restons admiratifs de la vitesse incroyable de leur nage : une fois sous l’eau ils filent comme des flèches autour du bateau.

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Adieu pingouins, nous allons nous restaurer dans une cabane de tôle au poêle bienvenu pour réchauffer nos mains gelées et faire un peu sécher nos gants trempés. Un poisson grillé et un peu de vin argentin nous remettrons sur pieds pour la randonnée de l’après-midi au milieu des montagnes et des barrages de castors. La petite bête aux dents acérées est invisible, mais quelques ibis nous feront cadeau de leur envol élégant. Le soir, je m’endormirai fatiguée et contente, mes rêves pleins d’images de nature silencieuse et d’animaux en liberté.

Le lendemain, je reprends un bateau pour aller jusqu'au phare des Eclaireurs, drôle de repère marin posé au milieu des montagnes sur le canal de Beagle. Autour de lui, et jusqu'à l'embouchure du canal, un chapelet d'îles minuscules abrite des colonies de cormorans ou de lions de mer, dont les moteurs de bateaux n'ont pas l'air de troubler les lourds sommeils tendrement entremêlés.

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Avant de quitter Ushuaia, je rends visite au musée local, installé dans l'ancienne prison qui a abrité de nombreux criminels et détenus politiques jusqu'à la fin des années 50 (dont peut-être l'idole Carlos Gardel, on en est presque sûr). Une partie des cellules a été transformée pour retracer la vie des prisonniers et l'histoire locale. Ils se sont crus obligés d'y mettre des mannequins de bagnards ou de gardiens, tous assez patibulaires et superflus. Une autre partie de la prison a été conservée en l'état et ça fait froid dans le dos. La boutique du musée, par ailleurs, propose à l'achat des souvenirs d'un goût pour le moins... discutable.

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Une autre partie du musée retrace la découverte et l'histoire maritime de la Terre de Feu, avec d'étonnantes cartes de Magellan, notamment. Un petit espace est réservé à l'évocation des Yamanas, les indiens de la Tierra del Fuego, qui vivaient nus dans ce rude climat, avant l'arrivée des missionnaires. Ceux-ci n'ayant eu comme première "charité" à leur égard que de les habiller par souci de "décence" et de leur donner un habitat auquel il n'était guère habitués, vivant au plein air, leur ont offert par la même occasion maladies et problèmes d'hygiène et d'insalubrité inexistants avant leur arrivée : la population Yamana a été décimée en quelques décennies...

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Je quitte Ushuaia à regrets : j'aurais aimé rester plus longtemps, passer le Cap Horn en kayak. Mais aucune expédition n'était prévue aux dates où je séjournais. Une autre fois, revenir pour faire connaissance avec l'Antarctique aussi... Un jour, un jour, tant de choses à découvrir en ce vaste monde...

Je repars vers Buenos Aires pour une dernière journée avant le retour vers la France, un premier janvier où je serais fort occupée à m'éloigner du barnum du départ du Dakar et à me faire dévorer par les moustiques à Puerto Madero, les anciens docks de Buenos Aires transformés en promenade chic ponctuée d'une enfilade de restaurants.

Je préfère garder et vous offrir comme dernières images de mon séjour un ciel rose du soir et un lion de mer méditatif devant les beautés du bout du monde.

BONNE ET BELLE ANNÉE A TOUS !!!

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Commentaires

1. Le lundi 11 janvier 2010, 18:46 par Pierre

Merci pour ce partage de tes impressions de voyage :o)
Ça me donne vraiment envie d'aller vers des destinations aussi singulières...

2. Le mardi 12 janvier 2010, 21:32 par Madeleine

Dépaysement total assuré !
Pas trop dure la vie parisienne ces jours-ci ?

3. Le mercredi 13 janvier 2010, 08:18 par Pablo

Bonne année aussi à toi ! Quelle beau voyage à l'extrême Sud du monde, quelle belle manière de finir l'année (et pour moi une belle manière de commencer ma journée avec ton récit précis et nostalgique, débordant comme toujours de ton amour pour les mots ; je sens que ça va me faire rêver longtemps...) !

4. Le mercredi 13 janvier 2010, 08:59 par Pablo

((Avant ton billet, je ne savais rien sur ce séjour probable de Gardel à la prison d'Ushuaia, mais je vois que c'est un sujet de polémique, aussi bien que son lieu de naissance... En tout cas, j'aime bien ces controverses passionnées sur le mythe de Gardel ! dont, soit dit en passant, j'aime bien aussi écouter les tangos ! (aux paroles souvent affreusement machistes, d'ailleurs)... ))

5. Le samedi 16 janvier 2010, 01:27 par Jeff

oulala!!!
Alors voila, je ne connais pas du tout le monde des blogs, j'écoutais tranquillement la radio d'une oreille, un type parlant de la cité utopique "Auroville", intrigué je regarde sur le net de quoi il s'agit, je tombe sur ton blog, et tout de suite sur ta page "Patagonie". Ayant laissé un petit bout de moi la-bas depuis bientôt 20ans que j'y retourne dès que possible, je me crois malin en te mettant un petit mot! Puis par curiosité, je vais à la découverte du reste.
He bien, je vais revenir souvent, ça fait 3 heures que je lis, et c'est pas fini!!!
Quelle plume!!!
J'ai beaucoup aimé ton mot sur l'usage des "les"
Bon retour dans la froidure
Merci

6. Le dimanche 17 janvier 2010, 08:33 par Traou

Une bise amicale à tous et un petit mot de bienvenue à Jeff, dont les commentaires sur trois billets me font rougir et plaisir. Merci ! (et pour me lire, il vaut mieux effectivement consulter les archives, je suis très paresseuse de plume depuis quelques temps...)

7. Le lundi 18 janvier 2010, 15:26 par Moukmouk

SVP Traou il ne faut pas mêler les manchots (pole sud) et les pingouins (pole Nord), tu le sais c'est une de mes croisades. Merci pour ce reportage sensible.

8. Le vendredi 22 janvier 2010, 14:31 par Otir

Merci pour tous tes carnets de voyage, admirables !