Patagonie

El Chaltén, Patagonie, petit village aux maisons de tôle, de brique ou de bois blotties au pied du Mont Fitz Roy, point de départ des expéditions vers le Cerro Torre. On vient là pour marcher vers les cimes voire les escalader, et il y a intérêt à être équipé : je ne sais comment sont les autres saisons ici mais aujourd’hui 26 décembre, plein été, il souffle un vent glacial et d’une force à décorner les bœufs, comme on dit par chez moi. J’ai renoncé à aller dès mon arrivée découvrir le Fitz Roy en me lançant sur les sentiers de randonnée pour plusieurs heures. Mon expédition d’hier et mon « mini-trekking » de deux heures sur le glacier Perito Moreno, ont laissé mon genou droit maussade et je ne veux pas le contrarier aujourd’hui.

Oui je les ai vus ces deux jours derniers, mes icebergs bleus ! Et beaucoup plus que cela puisque je comprends désormais l’expression « bleu glacier », une merveille de bleu. Illusion d’optique, paraît-il, mais cela m’est bien égal. Bleu il paraît, bleu il est. Point.

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Deux jours à El Calafate, mon premier contact avec La Patagonie après quatre heures d’avion depuis Buenos Aires où il convient d’être du côté droit pour admirer la Cordillière des Andes. D’emblée on est ébahi par l’immensité des paysages, la couleur turquoise et laiteuse du Lago Argentino au pied de montagnes si lointaines au bout d’une steppe verte qu’on croirait ne jamais les atteindre, et des moutons, quelques vaches et des chevaux, qui bénéficient de milliers de kilomètres carrés de pâturage.

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A El Calafate, tout le monde porte des chaussures de randonnée et des sacs à dos. Les nouveaux arrivants sont blancs, les autres un peu rouges. Je le serai moi aussi le lendemain malgré mon écran presque total, grand air et réflexion du soleil sur le glacier obligent. Une journée de bateau, pour circuler entre les icebergs, et admirer d’en bas la paroi du glacier, le lendemain, je retrouve celui-ci des passerelles surplombant sa façade sur le lac. Il est vivant, le Perito Moreno, il craque et gronde, chaque morceau qu’il perd dans l’eau s’accompagnant d’un bruit de tonnerre qui se répercute de longues secondes sur toutes ses parois de glace. Enfin, un peu de marche au milieu de ses percées bleues, chaussés de crampons et accompagnés d’un guide, beau… comme un montagnard argentin. Il y a de ces petits plaisirs du voyage qu’il est bon de goûter des yeux.

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J’ai rejoint El Chaltén ce matin, après quatre heures de bus pendant lesquelles le regard ne sait où se porter au lointain, vers les sommets de plus en plus enneigés. J’ai consacré mon après-midi, puisque, fainéante, j’ai décidé de ne rien faire, du moins rien de fatiguant, à buller et écrire au coin d’une cheminée non allumée, puisque nous sommes en été, je vous dis (renseignements pris, l’hiver la température peut descendre à -20°, mais il n’y a pas de vent, chance). J’ai demandé à goûter le maté traditionnel, que les argentins boivent toujours et partout, armés de thermos d’eau chaude, de mini-calebasses aux rebords argentés dans laquelle trempe une bombilla (prononcer « bombicha »), sorte de cuillère en argent creuse, percée de trous sur la face large et qui se finit en paille, qu’ils se passent pour y aspirer tour à tour l’eau infusée d’herbes âcres. Le maté est un partage. J’avoue ne pas avoir apprécié outre mesure son amertume. Au moins j’aurais essayé. Par ailleurs, tous les magasins de souvenirs vendent ces petits récipients à maté, c’est un joli objet à défaut de s’en servir pour y boire le breuvage trop fort pour mon palais délicat…

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Le lendemain, j’ai décidé de ne pas marcher : mon genou s’y refuse et c’est une activité que je n’aime pas pratiquer en solitaire. On vient me chercher après le petit déjeuner : direction une estancia au-delà du village. On me prête des jambières de cuir pour monter une jument charmante nommée Sandi, et nous partons trois cavaliers au milieu des montagnes. Périple magnifique, impossible aux randonneurs. Nous ne croiserons pas âme qui vive, hormis quelques lièvres de Patagonie affolés, et des familles de canards au grand complet sur les lacs petits ou grands de notre chemin de toutes les couleurs. Nous traversons des sous-bois infiniment verts ou bien de bois morts recouverts de poudre neigeuse. Elle tombe sur nous doucement, comme une pluie de sucre glace. Les chevaux grimpent vaillamment, traversent les rivières, enjambent tranquillement les arbres morts et nous mènent plus haut, là où le regard porte sur le Fitz Roy, qui joue à cache-cache avec les nuages. Je peine à dire mon émerveillement en espagnol, mais mes deux compagnons le comprennent et le partagent.

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Nous redescendons à un rythme plus soutenu : les chevaux sont pressés de rentrer à la maison, on dirait. A l’estancia, c’est l’heure du marquage des veaux. On nous attendait pour le déjeuner : des salades fraiches et un « cordero » : un agneau qui grille devant un feu à l’extérieur. La viande est rendue plus délicieuse par la vue sublime qui nous est offerte au cours de ce repas. Quelques chiens amicaux m’assaillent et se disputent des caresses. J’achèverais mon déjeuner assise dans l’herbe avec trois ou quatre museaux posés sur mes cuisses, au grand amusement des gauchos (? j'ignore totalement si on les appelle comme ça ici ?) qui boivent leur maté autour du feu.

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Je retrouve Sandi pour une petite heure de chevauchée. Les chiens nous entourent et nous accompagnent pour un bout de route, slalomant entre les pattes des chevaux débonnaires. Mon postérieur un rien endolori (mais dont je bénis en cette unique occasion le superflu rembourrage…) est heureux de regagner l’hôtel et sa cheminée accueillante. Je crois que je vais bien dormir cette nuit. Et rêver peut-être du Fitz Roy que j'ai presque vu dégagé au cours de ce périple équestre.

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Commentaires

1. Le lundi 28 décembre 2009, 18:33 par Pierre

Ah ben dis donc, quels paysages ! Waouw, tu me fais envie, là...
Un grand merci de prendre le temps de partager un peu de ton périple.

Par contre tu abuses vraiment sur le bleu des glaciers. Faut pas exagérer avec photoshop ;o)

2. Le lundi 28 décembre 2009, 18:42 par samantdi

Les photos sont vraiment impressionnantes et ce doit être encore plus beau en réalité ! Merci de partager tout cela, je ne connaissais pas du tout les glaciers de Patagonie... ces paysages sont fascinants !

Bon voyage dans la beauté du monde, Traou.

3. Le lundi 28 décembre 2009, 21:37 par Pablo

La prochaine fois, demande à goûter plutôt un matesito dulse (un petit maté sucré), personnellement je le préfère à l'amer. Les photos, comme le dit Samantdi, sont impresionnantes, mais j'imagine qu'elles ne sont pourtant qu'un vague reflet de la réalité et de la grandeur de la nature là-bas. Visiblement tu n'as pas besoin qu'on te souhaite une bonne fin d'année : seulement, je te demande de bien en profiter !

4. Le mardi 29 décembre 2009, 00:57 par Traou

@Pierre : parce que tu crois que j'y ai cru, moi, à tes photos insensées pleines de couleurs de l'été indien au Canada ???!!! A Photoshop, photoshop et demi ! ;-)

@Samantdi : il est vrai que mes petites photos ne reflètent qu'imparfaitement l'immensité des paysages, c'est une splendeur. Bonne fin d'année à toi dans ta jolie Couvemaison

@Pablo : il m'était impossible de mettre du sucre dans ce maté là, car je le partageait avec des argentins qui le pratiquent sans et ne mettraient jamais de sucre dans leur récipient bien-aimé. Mais je vais tenter l'essai du "dulce".

5. Le mardi 29 décembre 2009, 08:01 par Pablo

¡Sí, Traou, ya me supongo que nunca permitirían tal sacrilegio! ;-) Y un mate que no se comparte (dulce o amargo) no es lo mismo... ¡Ay, leerte me produce una nostalgia tremenda; y unas ganas de beber mate que no puedo satisfacer de momento! (mi mate, mi bombilla y mi yerba están a mil kilómetros de aquí, de Marsella; y mi argentina preferida, con la cual he compartido algunos mates desde hace años –mi cuñada–, está por lo menos a mil quinientos y no la veré hasta febrero...!). ¡Ché Traou, vieja, cuidate mucho y seguí disfrutando todo lo que podás! (pronunciado evidentemente a la argentina: espero que ya se te haya pegado bien el acento :-) ).

6. Le mardi 29 décembre 2009, 09:12 par Fauvette

C'est émouvant de te savoir là-bas Traou ; je t'imagine admirant ces paysages magnifiques, je t'imagine et je suis heureuse pour toi !
(J'aime tes photos, c'est un joli cadeau que tu nous fais).

Ah je bois du maté (du Paraguay), mais je dois le faire "à la française" je suppose, comme du thé, il n'a pas ce goût dont tu parles ! Je suppose qu'il faudrait que je double, voire triple la dose !

Je t'embrasse.

7. Le mardi 29 décembre 2009, 10:14 par ada

Oh la la c'est magnifique ! Ca me fait envie !
Et c'est vrai que c'est émouvant de te savoir là-bas. Profite de toute cette beauté !
sinon les glaciers ils sont de cette couleur à cause de la couleur de tes yeux à toi ? ;-)

8. Le mardi 29 décembre 2009, 15:53 par Traou

Cher Pablo, je progresse : j'ai tout compris ! ;-) (je boirai un maté sucré à ta santé)

Fauvette, ici, ils remplissent complètement le "bol" à maté avec les herbes, font un trou sur le côté où ils mettent la bombilla, et ensuite versent de l'eau petit à petit dans le trou...

Ada, c'est un très poétique supposition que tu fais là. Mais alors, je m'interroge : que voient les gens aux yeux noirs ? (sans parler de ceux qui ont une conjonctivite carabinée... ça doit être joli en rose aussi, remarque :-D)

9. Le mercredi 30 décembre 2009, 08:59 par Oïnkari

Wouaouhhhhhhhhhhhhhhhhh!
Ca c'est un voyage!
Merci de le partager avec nous!
Bon vent et une heureuse nouvelle année!

10. Le mercredi 30 décembre 2009, 15:15 par Akynou

Quel beau voyage :-)

11. Le jeudi 31 décembre 2009, 11:04 par Fauvette

De retour à Buenos Aires ce soir ?

Pour le maté, évidemment, moi je le prépare comme du thé, trois ou quatre cuillerées à café dans la théière, et hop voila mon maté ! Cela me fait beaucoup rire !
Bonne soirée Traou.

12. Le jeudi 31 décembre 2009, 20:34 par Pablo

Cela me fait rire aussi, Fauvette ! J'espère que Traou apportera tout ce qu'il faut de l'Argentine pour organiser à Paris des soirées maté comme il faut :-)

13. Le samedi 2 janvier 2010, 14:29 par Fauvette

Oui moi aussi Pablo je vote pour une "soirée maté comme il faut" !

14. Le samedi 2 janvier 2010, 21:47 par ada

Pour répondre à ta question Traou: je ne sais pas ce que voient les gens qui ont les yeux noirs ou la conjonctivite, mais moi je vois bien du chocolat partout... Et pas qu'en ce moment.
Je te souhaite une belle année.

15. Le dimanche 3 janvier 2010, 22:07 par Madeleine

Quel voyage Traou !
En plus on dirait que tu fais ça comme si tu visitais la Côte d'Or ou la Haute-Vienne (au hasard pour les 2 départements cités) sauf qu'au lieu de boire du maté tu goûterais la moutarde et des sablés :)

J'attends la suite de ton récit et tes photos avec impatience. Où étais-tu la nuit du 31 décembre ?

Bonne année à toi belle voyageuse ...

16. Le mercredi 6 janvier 2010, 03:16 par Moukmouk

Et le lac vraiment magnifique... ce glacier qui accélère vraiment beaucoup... en restera-t-il un morceau dans 40 ans ? merci pour ce beau reportage.

17. Le vendredi 15 janvier 2010, 23:14 par jeff

Salut à Traou et à tous ses suporters, je tombe par hasard sur ton site, j'ai fait de nombreux voyages en Patagonie, et je t'envie d'être la-bas en ce moment. Pero, quiero decir a Pablo que se puede encontrar mucha gente que le gusta mucho un buen mate tipico en Francia, tengo todo que necesita a Gap, y lo bebo demasiodo a menudo solo. Je repasse au français, c'est quand même plus facile, bon voyage

18. Le samedi 16 janvier 2010, 10:08 par Pablo

Bonjour, Jeff, heureusement je suis rentré à Madrid il y a deux semaines et une des premières choses que j'ai faites en revenant ici a été de me préparer un maté... ! D'après ce que tu dis, si Traou n'a pas pu rapporter le "matériel nécessaire" d'Argentine, elle peut en tout cas se le procurer à Paris, alors tant mieux !

19. Le dimanche 17 janvier 2010, 08:37 par Traou

Moui... j'avoue que le maté, même dulce, je n'ai pas forcément envie d'y regoûter. Ce sont des saveurs que mon palais n'apprécie pas vraiment. Mais à la vôtre, les garçons !