"Une journée particulière"

J’ai la vague impression d’être rattrapée par mon blog. Comme s’il m’agrippait par la manche en me disant « Oh la, toi, tu vas pas te sauver comme ça, on a encore des choses à se dire, non ? » Oui, oui, je sais, mon pauvre vieux, je te délaisse depuis déjà quelques mois, notre relation s’est essoufflée un peu, j’ai d’autres horizons que toi. Mais tu me manques, alors…

Et puis peut-être que j’avais perdu le fil, que je cherchais une bonne raison de continuer à tisser cette petite toile parmi des millions d’autres. J’ai l’impression depuis quelques temps d’en retrouver l’envie.

D’abord, j’avoue que mon nouveau jouet de Noël, petit Satellite qui a remplacé mon vieux et fidèle ordinateur fixe, et que j’ai marié aussitôt à la petite fée wifi, me change la vie. Je n’ai plus besoin d’être scotchée à mon bureau, j’écris, je blogue de partout : de mon lit pendant mes insomnies, de ma cuisine en petit déjeunant, de mes toilettes… non pas des toilettes, mais je vais y songer.

A l’heure où je vous parle écris, je suis pelotonnée au milieu de moult oreillers, assise en tailleur à moitié sous la couette et j’écoute en même temps la super compil spéciale que m’a concoctée une amie hispanophile pour que je révise mon espagnol (merci M’ame Ya !). Il y a tous ensemble Paco Ibañez et Luz Casal, Manu Chao, des chansons de « El libro de la selva » (Le livre de la jungle ! Baloo et Mowgli chantent en espagnol, j’adore), Mercedes Sosa, et même Julio Iglesias ! Elle a intitulé la compil « Canciones para la señorita Traou » et m’a fait un livret avec toutes les paroles de chansons. Après tout, j’ai quasi appris l’anglais avec les Beatles…

L’envie revient, donc. Après, reste le temps… Denrée difficile à trouver.
L’envie revient aussi grâce aux petits cailloux. Oui, c’est certain. Kozlika nous a fait un sacré cadeau, à nous les quelques 50 ou 60 faiseurs de ricochets qui explorons notre passé de conserve depuis quelques semaines. C’est tout à fait passionnant et émouvant de découvrir ces années déroulées, ces destins parallèles si dissemblables qui nous ont menés néanmoins dans ce même espace. Et je trouve ces textes de plus en plus intenses, de plus en plus attachants au fil des jours.

Quelques-uns – à commencer par nous-mêmes les « ricocheurs » - peuvent s’interroger sur ce besoin que nous avons éprouvé de nous raconter. Sur nos propres blogs ou en ce lieu de nos vies emmêlées. Qu’importe. Je peux concevoir que l’introspection bloguesque dérange certains, mais c’est notre liberté à nous, de la même façon que sont libres de ne pas nous lire ceux qu’elle indispose.

Et ce n’est pas toujours facile, croyez-le. Cela remue des choses délicates. J’ai passé quelques nuits à me tourner et me retourner dans mon lit car j’ai choisi de faire le chemin à rebours, à partir de 2006, et je voyais s’approcher de moi l’année 2002, qui détient dans mon palmarès personnel la deuxième place sur le podium des années au-dessus desquelles j’aurais aimé sauter à pieds joints ou bien voir rayées du calendrier… Je ne savais par quel bout la conter cette sale année-là, sans me faire mal encore. J’ai hésité sur les mots à choisir, recommencé, raturé, et senti mon cœur se serrer au fur et à mesure que ce texte qui venait de loin jusque sous mes doigts s’imposait enfin. (ne cherchez pas, je ne publierai le billet en question que ce week-end, je pense, en partie à cause de ce qui suit...)

Et puis de ce récit-là a émergé une envie, une idée. Celle de zoomer parfois sur une journée, une seule, de ces années semées chez les « Petits Cailloux ». Une journée particulière, un éveil, un chemin de quelques heures de vie, une nuit tombée sur un tour de terre dont j’aurais gardé le goût, le parfum, la couleur jusqu’à aujourd'hui, et peut-être pour toute ma vie. Mes billets ricochets, je ne les publie que là-bas, du moins pour l'instant, mais j’ai envie d’ouvrir ici une nouvelle catégorie dont je vole le titre au beau film d'Ettore Scola. Raconter des instants de vie hors de leur contexte, faire jouer la loupe de la mémoire comme si les choses et les gens étaient éternellement vivants, juste parce qu’on s’en souvient.

Combien de journées particulières me reviendront en mémoire et aurai-je envie d'écrire ici ? Je ne sais. Il s'agit juste d'une envie d'aujourd'hui, de ce jour particulier lui aussi, m'en souviendrai-je encore ? Aucune obligation, rien que le désir, c'est la seule règle que je m'impose ici...

Tiens, pendant que j'écris ces mots, de ma compil magique est sortie Jeanette et sa voix gracile : "Porque te vas", la chanson du film de Carlos Saura "Cria Cuervos". 1976. De cette année-là, je me souviens de plein d'instants, j'avais 12 ans. J'ai encore quelques semaines devant moi avant de la faire ricocher. Ailleurs et ici...

Commentaires

1. Le jeudi 22 février 2007, 23:04 par samantdi depuis sa campagne

Quelle bonne nouvelle de savoir que le blog te chatouille à nouveau ! Vive les petits portables qu'on glisse au creux de son oreiller !

2. Le vendredi 23 février 2007, 06:35 par Pablo

J'aime tes introspections, non parce qu'elles soient bien écrites (autrement je ne les lirais pas) surtout parce qu'elles me disent beacoup de choses sur moi même, et m'aident dans mes introspections à moi ; c'est comme dans les bons films ou les bons romans (qu'on aime parce qu'ils éveillent des connexions, parce qu'on s'y reconnaît, parce qu'ils nous font rêver, parce qu'ils nous déouvrent d'autres mondes ou de nouvelles perspectives) sauf qu'ici en plus c'est intéractif et on te sent là, toute proche en quelque sorte.

Comme journée particulière, je me souviendrai toujours, comme tant de mes compatriotes, du 23 février 1981 : de mes angoisses ma famille mes amis mes rêves de ce jour-là, vingt-six années ont passé et tant de choses ont changé depuis, d'autres pas tellement (dans ma tête et ailleurs).

Merci de ce nouvel élan bloguesque et bon courage, señorita Traou !

3. Le vendredi 23 février 2007, 09:22 par luciole

Oui, kozlika nous a fait un beau cadeau. Je me sentais en panne d'inspiration et je me suis laissée cueillir au rebond d'un ricochet. Parfois me revient l'ambiance globale d'une année, parfois un évènement particulier, aussi je vogue de survol des jours en journée particulière. Je ne parviens pas à tout lire car nous sommes nombreux maintenant et la vitesse de publication m'impressionne, mais c'est une belle aventure à la fois individuelle et collective...

4. Le vendredi 23 février 2007, 09:50 par Anne

C'est drôle, je parlais de cette chanson il y a peu, de la pochette du 45 tours, du film que je n'ai pas vu et que j'aimerais voir, de pourquoi mes parents n'ont été que tardivement "ouverts" vers l'Espagne, de combien le franquisme est récent.

Enfin tu vois, quoi.

En tout cas je suis contente de tes envies de renouer avec le blog.

5. Le vendredi 23 février 2007, 10:34 par Akynou

Erase una vez… :-)
Pour moi, les Ricochets ne fonctionne pas. Je n'y arrive pas. Peut-être parce que j'ai d'autres histoires à raconter et que je ne raconte que ce que je choisis. Ma participation est des plus limitée.

6. Le vendredi 23 février 2007, 12:56 par Madeleine

Un seul impératif à tout ça : que ça te fasse du bien d'exorciser par l'écriture ici ou ailleurs, ces "bonnes ou mauvaises" journées particulières ! Ne pense qu'à toi.

7. Le vendredi 23 février 2007, 13:45 par kowalsky

Si cela permet de continuer de te lire, alors c'est une bonne chose :)

8. Le vendredi 23 février 2007, 17:26 par Pralinette

Buenos dias... Señorita dépêche-toi Et remet ta robe de taff'tas Tous les plus grands airs d'opéra Ont des relents de rumba...

Un petit coucou par ici, comme toi je blogue de façon assez ralentie, mais c'est pour la bonne et belle cause ! (euh... vive les blogs quand même !) Bisous tout plein, bon week-end.

9. Le vendredi 23 février 2007, 17:28 par Chondre

En attente de tes petits cailloux. Et fais gaffe, les coussins, c'est mauvais pour le dos!

10. Le vendredi 23 février 2007, 18:55 par Fauvette

Quelle excellente idée ! De bloguer plus et les billets Une Journée particulière ! Oui l'idée et le cadeau de Kozlika c'est généreux ; mais en même temps cela fait battre le coeur, transpirer, hésiter, renoncer... Je me sens un peu bloquée...

Cria Cuervos ! Je viens de voir qu'il ressort en salle maintenant ! Ah j'adore la photo de la petite Anna... Bises Traou.

11. Le vendredi 23 février 2007, 19:20 par Traou

Merci Samantdi ! Oui, c'est limite si je ne dors pas avec. Pas très moëlleux comme compagnon, mais bon...

Ah Pablo, tu m'as fait peur, je n'étais pas sûre d'avoir bien compris ta première phrase au premier abord... :-) Pas grave, je pardonne tout à mon 83è pensionnaire de Couettes et Houpettes, même s'il me prive de mon blog préféré pour apprendre l'espagnol (mais pas que)

Comme toi Luciole, j'ai un peu de mal à tout lire des Ricochets (et tu dois être un petit peu occupée à la maison, pour ta part...), mais je m'y promène régulièrement avec bonheur. Et ça fait travailler les méninges et l'émotion, et comment.

J'étais très jeune quand j'ai vu le film, Anne, et je ne sais ce qu'il m'en reste aujourd'hui. J'ai envie de le revoir, rien qu'à regarder l'affiche avec cette petite fille et le beau visage de Géraldine Chaplin

Toi, tu fais tes propres ricochets chez toi, Akynou... D'ailleurs ils auraient droit de cité dans ce blog-là, si forts...

Merci Madeleine de penser à moi ainsi. Pas d'inquiétude, même si c'est parfois "dérangeant", c'est très salutaire. Sinon, je ne le ferai plus, promis ! ;-)

Kowalsky, je suis très touchée de ton passage et de ces mots, c'est super-gentil !

Tu as de fort jolies raisons de moins bloguer, Pralinette ! C'est parfait ainsi et continue d'être heureuse

Je ne sais pas si tu ricoches, toi, Chondre ? Ou alors je ne t'ai pas encore lu ou reconnu... Ben quoi, j'vais pas dormir sur une planche ! Pfffff

J'ai tous les mêmes symptômes que toi Fauvette, et je crois qu'on est quelques-uns. Mais quand ça se débloque, c'est tellement bien. Et puis on peut faire des pauses... Bises

12. Le vendredi 23 février 2007, 21:45 par xuan-lay

Bonsoir Traou. Suite à la lecture de votre billet, je découvre "les petits cailloux". Votre description de cette mémoire a réveillée ma curiosité et je trouve cette idée magnifique. Bonne soirée, amicalement merci. xuan-lay

13. Le samedi 24 février 2007, 01:36 par gilda

C'est marrant quand tu m'en as parlé je n'ai pas percuté c'est seulement à présent en lisant ton titre que je repense au film éponyme. Je pense qu'il y a un lien et que ce sera bien.

14. Le dimanche 25 février 2007, 18:39 par Vroumette

J'aime aussi ces ricochets. C'est d'ailleurs amusant comme certains souvenirs se croisent en fonction des âges respectifs des ricocheurs. Pour certains, lorsque je les lis, j'me dis "raaaaaah on a le même âge, pas possible", ou encore de lire comment ont été perçus certains événements jusqu'alors "racontés".