Intégrismes

Je me demande si je ne suis pas un peu ayatollah, parfois ?....

Par exemple, je ne SUPPORTE pas qu’on parle au cinéma. Pour moi, ça devrait être passible de peines lourdes et douloureuses. Bon, d’accord, c’est ma religion. Quand j’étais étudiante en ciné à Censier, celui qui se risquait à proférer un mot, un seul, pendant une projection (surtout celles où tout le monde était dans un état de transe quasi-mystique, c’est parfois un peu « secte », les cinéphiles fous…) faisait l’objet au mieux d’un rabrouement immédiat et collectif, au pire d’une mise à la porte sans sommation. Il paraît même qu’il y a eu des lynchages secrets dans le cas d’atteintes de type blasphématoire à des films sacrés (Bergman, Melville, Welles…), mais je n’y ai jamais participé, je le jure.

Aujourd’hui je vais beaucoup moins au cinéma, et j’y suis certainement moins mystique qu’autrefois, mais je continue à asséner des « chut ! » féroces et comminatoires à mes voisins trop bavards (mais enfin, on s’en fout de leur opinion immédiate ! Ils ne peuvent pas la fermer juste pendant 90 minutes et faire part de leurs réflexions APRÈS ? Ça me rend dingue….). Dans les cas de récidive, il a même dû m’arriver de solliciter - aimablement mais fermement – un fermage de gueule immédiat. En général, ça pourrit un peu l’ambiance, je n’y ai donc recours que dans les cas graves (adolescentes gloussantes en groupe et en goguette… je sais, c'est un pléonasme), et j’essaie d’estimer auparavant le potentiel de violence éventuelle de l’adversaire, on ne sait jamais….

Je songe à fonder une association de lutte contre les mangeurs de pop-corn qui scroutch-scroutchent et fourraillent sans fin dans leur gigantesque et ridicule pot en carton que j’ai toujours envie d’attraper pour le jeter loin, loin, loin, en plus est-ce qu’ils ont vraiment envie de ressembler à des américains obèses ?

Je suis pour l’interdiction formelle des bonbons à papiers qui crissent et des canettes qui glougloutent. Quand aux brouilleurs de portable qui commencent à être en vigueur dans certaines salles, je les considère comme une victoire personnelle, carrément ! J'en ai vu qui RÉPONDAIENT et PARLAIENT à leur interlocuteur quand leur portable sonnait en plein film !

Je tolère tout juste le mec enrhumé, le pauvre ; il m’est arrivé un jour d’offrir un mouchoir à un renifleur particulièrement tenace : le film durait quatre heures, c’était ça où je l’étranglais avec son écharpe, comme quoi je peux quand même faire preuve de mansuétude… Mais bon, les gens qui toussent seraient quand même beaucoup mieux dans leur lit, non ?.....

Je suis heureuse que mon Baleinié chéri et plein de bon sens ait également souligné le tracas que constitue ce qu’ils ont baptisé le :

Xataplu,e : Pote qui veut votre opinion sur le film dès que la salle se rallume

Moi, j'ai résolu le problème : les trois quarts du temps je vais seule au cinéma (même quand j'ai un fiancé, si, si...), d'abord parce que j'aime bien m'étaler sur deux sièges (au milieu de l'écran, au troisième ou quatrième rang max...), et deuxièmement parce qu'après un film, je n'ai jamais envie de parler, sauf si c'était un navet et que je suis furieuse, ou si c'était très drôle et qu'on a envie de se re-raconter les meilleurs passages. De plus, il se trouve que je suis une pleureuse professionnelle au cinéma, alors dans ces cas-là, je préfère qu'on ne me voit pas. Et ma réputation ?! (c'est surtout parce que je me transforme en fontaine pour un oui pour un non au cinéma ou même devant la télé; il m'est déjà arrivé de pleurer à chaudes larmes devant un épisode de "La petite maison dans la prairie", c'est pour dire... et je n'en suis pas fière)

Ma séance préférée, c'est celle du dimanche matin quand j'arrive à me lever de bonne heure : je fonce à la séance de neuf heures et je demande un café que j'emporte dans la salle (comme je bois très proprement et très silencieusement sans slurper du tout, j'ai le droit, moi). Et je dois avouer que ce petit café du matin en regardant les bandes-annonces ou le début du film est un petit plaisir hautement appréciable QUE JE REFUSE DE VOIR GACHÉ PAR DES MALOTRUS QUI FERAIENT MIEUX DE REGARDER UN DVD CHEZ EUX SANS EMMERDER PERSONNE !

Mais pourquoi je m'énerve comme ça, moi ?....

Bon, je vais me calmer. La prochaine chronique sur mes petits intégrismes personnels concernera sans doute ceux que j'appelle les "pleurnicheurs météo".... Qu'est-ce que qu'ils m'énervent, ceux-là !.....

Commentaires

1. Le vendredi 2 décembre 2005, 16:08 par Anne

Aïe. En arrivant au pop-corn, j'ai eu un flash avec cette scène inoubliable du non moins mythique "La Boum" et impossible de continuer à lire à cause des spasmes de rire (surtout si on combine à cette scène une intégriste du bruit indignée !).

Oui je sais où est la sortie :-D

2. Le vendredi 2 décembre 2005, 16:35 par Traou

Anne > Nom d'un chien, je n'y avais pas pensé à cette scène de "La Boum" ! Je vais essayer d'éviter de céder à ma pulsion de jeter au loin les pots de pop-corn, je pourrais provoquer un accident grave !.... Merci.... ;-)

3. Le vendredi 2 décembre 2005, 16:52 par Jenny

Je suis à 100% d'accord avec toi ! Mais il y a pire encore : être accompagnée par une de ces personnes qui ne peuvent s'empêcher de parler (fort) pendant le film. Ca m'est arrivé avec une amie italienne : des personnes lui ont demandé de se taire et elle était indignée... Et moi, je ne savais plus où me mettre...

4. Le vendredi 2 décembre 2005, 18:43 par alice

Nous allons enfin pouvoir retourner au cinéma avec plus de plaisir dans ma petite ville de province:depuis plus d'un an, il ne restait qu'un cinéma, quatre malheureuses salles dont l'accoustique extraordinaire permettait de suivre les films des autres salles en même temps que le sien, deux semaines pour dégainer sinon le film repéré avait déjà disparu -à supposer qu'il ait été programmé, ce qui relevait déjà du miracle-, la nécessité d'arriver 3/4 d'heure en avance pour avoir des places et la joie de faire la queue sur le trottoir sous la pluie ou dans le froid...Mais depuis la semaine dernière, nous avons un Multiplex! Bon, il est un peu à dache et les gamins ne risquent pas d'y aller par hasard, mais ne boudons pas pour si peu! Je crois même que j'arriverai à supporter les bavards...pas trop longtemps quand même!

5. Le vendredi 2 décembre 2005, 19:24 par samantdi

Je suis particulièrement vicieuse car j'aime être avec des gens silencieux mais j'aime aussi parler et commenter !

Un souvenir amusant après-coup est une séance dans une salle de l'Utopia de Toulouse avec Maman (80 ans, très cinéphile contrairement à moi, et un peu sourde).
Devant nous il y avait l'actrice Emmanuelle Devos et moi, bavarde comme une pie, je dis à l'oreille de ma mère, avant que le film ne commence : "Oh, tu as vu? C'est Emmanuelle Devos!". Quelle erreur ! Ma mère n'ayant pas bien compris m'a pressée de questions à voix haute : "Qui c'est tu dis?".
La lumière s'éteint et le film commence.
Environ un quart d'heure après, prise d'une illumination, Maman s'exclame : "Ah mais oui, Emmanuelle Devos! Quelle bonne actrice!" Tout le monde entendait, j'étais morte de honte. Je lui fais signe de se taire et elle s'agace : "Oh avec toi c'est terrible, on ne peut jamais rien dire! Mais je l'ai bien reconnue, Emmanuelle Devos, ah oui, c'est bien elle!".

Stoïque, Emmanuelle Devos ne s'est pas retournée.

La honte ! Mais j'en rigole quand même en y repensant !

6. Le vendredi 2 décembre 2005, 19:30 par obni

J'ai adoré ce billet !! C'est excellent !

7. Le vendredi 2 décembre 2005, 21:18 par laouenanig

tu as raison!
n'empeche, que temps de crotte on a en ce moment!
ah la la.. si seulement le soleil pouvait se montrer...
et ce vent, j'en ai marre..
et cette pluie, c'est pas une vie....
Aïe! elle m'a frappée?!

8. Le vendredi 2 décembre 2005, 23:37 par serge

Je t'imagine vraiment, l'oeil furibond, te dressant comme un diable sautant de ton siège au moindre bruit... Je suis Mort de tu sais quoi :o)
Je n’y mets plus souvent les pieds au ciné.
Les odeurs des pieds ( ou bien de parfums atroces ) m’incommodent quand on y projette des films d’amour… J’exagère, mais c’est vrai que ça dénature l’action…Ce que j’aime dans ces sorties, c’est l’assurance en groupe
( deux pour moi c’est déjà un bon groupe…) de pouvoir parler du film…
Après… à la terrasse d’un bistro. Ce moment de partage des goûts et des émotions est primordial. Je suis saturé parfois par ces critiques professionnelles qui éreintent des films alors que nous-mêmes en aimons la quasi-totalité.
Bonne prochaine scéance ;)



9. Le samedi 3 décembre 2005, 02:11 par labosonic

Je pense que ce que tu soulignes au-delà de la caricature amusante que tu en fais, c'est la mort du cinéma en tant qu'Art, pour ne plus finalement que devenir la plus tapageuse des industries de divertissement.

Si effectivement, comme toi, on a ce culte des réalisateurs, des histoires, des émotions, on entre au cinéma comme dans un sanctuaire, comme dans un musée et le recueillement devant l'Oeuvre est de mise.
Si comme ceux qui te gênent, on n'a finalement que l'envie de partager un bon moment entre amis alors ce n'est pas si terrible que ça, un commentaire de temps en temps.

Parmi tous les casse-pieds qui te soulent avec leur bruits de bonbons (ou parmi tous les ... qui nous incommodent avec leurs odeurs de pied) il n'y a pas que des sauvages incultes et impolis, hélas. Il y a finalement une autre conception du cinéma, issue dans notre pays (d'autres cultures ont d'autres comportements), du long glissement que la télévision lui a fait opérer petit à petit.

Et quand je dis la télévision, c'est pour paraphraser Godard et son "c'est la télévision qui a tué le cinéma" parce qu'en réalité, c'est le cinéma lui-même qui s'est tué tout seul.
Je n'ai pas l'impression qu'un film aujourd'hui soit réellement fait pour être passé dans les salles, mais plus pour passer un dimanche soir à 20h50, pour être vendu en DVD avec des scènes coupées au montage en bonus (souvent l'ultime trace qu'il y ait d'aileurs eu un quelconque montage).

Evidemment, je suis comme toi et ne tolère pas le pop-corn de mon voisin (quoique j'ai déja vu pire, des mecs qui venaient avec leur litre de bière). Mais le voisin, qu'on le veuille ou non, il a acheté son maïs grillé à la porte de la salle. C'est le type qui lui a vendu quiest au moins aussi coupable que lui, parce que c'est le même qui projette aussi le film.

10. Le samedi 3 décembre 2005, 10:35 par Anitta

Faudra qu'un jour on aille au cinéma ensemble, toutes les deux ; tellement de points communs... Drôle ou pas, faisant peur ou ratant tous ses effets, je suis proprement incapable de sortir un mot après avoir vu un film. Et il n'est rien tant qui m'énerve que faire la queue pour sortir en entendant la façon dont untel ou untel a perçu le film, d'autant (malchance) que ce sont rarement les Daney ou les Lefort qui se risquent à l'exercice. Quant au bruit dans la salle, j'ai cessé d'y aller à peu près en même temps que des cinémas complexes (5 salles) on est passé aux multiplexes (15-20 salles) en banlieue avec étalage consumériste de friandises à l'entrée. En plus, je n'aime pas le pop-corn !

11. Le samedi 3 décembre 2005, 11:33 par Traou

Jenny > Bienvenue ! Oui, on dit que les italiens parlent avec leurs mains, mais ils ne parlent pas SEULEMENT avec leurs mains ! Dommage...

Alice > Quand on habite Paris ou une grande ville bien fournie en cinémas où c'est si facile d'y aller, on ne se rend pas compte que pour d'autres, il faut vraiment le vouloir (raison de plus pour avoir le droit de savourer son film en toute quiétude !)

Samantdi > J'adore cette anecdocte ! Cependant, je pense que les personnes connues doivent être confrontées à ça très souvent... Sinon, heureusement que je n'habite pas Toulouse, tu imagines si je me retrouvais dans le même cinéma que ta maman et toi.... Vous seriez en grand danger de subir mon ire, et je m'en voudrais.... :-)

Obni> que veux-tu, j'aime à dégoussailler un bon film en paix ! ;-)

Laouenanig > Vu le temps qu'il a l'air de faire chez toi, je t'accorde une dérogation spéciale t'autorisant à râler (mais pas trop quand même)... Et je te rassure, je n'en suis jamais encore venue aux mains (mais on ne sait jamais)

Serge > Ah oui, les odeurs au cinéma, on pourrait faire tout un texte sur ce délicat sujet.... Je te laisse ce soin, rien que d'y penser... Beuh....
Quant à discuter d'un film, après, plus tard, avec des copains, je n'ai rien contre, bien au contraire !

Labosonic > Je serai peut-être moins sévère que toi à l'égard du cinéma, même s'il est rare maintenant qu'un film me bouleverse, me passionne ou m'émerveille comme avant (est-ce parce que j'ai vieilli et suis moins passionnée moi-même ou est-ce la qualité du cinéma, je n'ai pas de réponse....). Il y a encore, je te le promets, de réelles "oeuvres", qui méritent le grand écran, et qui savent susciter l'émotion, le plaisir, la réflexion... Je cherche dans ceux que j'ai vu dernièrement : "Le petit lieutenant" de Xavier Beauvois, est un film fort, âpre, dur, aux personnages terriblement touchant et attachants (quels acteurs : Nathalie Baye en tête, et Jalil Lespert et Antoine Chappey que j'aime et Roschdy Zem....). Tant qu'il y aura encore des films comme ça, allez, j'aimerais encore le cinéma, dans une salle, même si elle sent un peu des pieds ! (mais je préfère sans cette option, bien sûr... ;-))

Anitta > Le seul truc qui est gênant quand je vais au cinéma avec quelqu'un qui me ressemble, c'est qu'après le film, pour peu qu'il ait été prenant ou émouvant, c'est silence total, on ne se dit pas un mot.... Chaude ambiance !
Et effectivement, écouter les commentaires des autres spectateurs juste après est pour le moins... pesant.

12. Le samedi 3 décembre 2005, 12:19 par Anitta

Bah, t'en fais pas, on trouverait vite un autre sujet de conversation... le temps d'une bière, que le film en question décante en nous !
La seule fois, sinon, où les interjections d'un spectateur durant la séance ne m'ont pas vraiment déplu, c'est lorsque nous sommes allés voir entre copines (il y a très très longtemps) L'empire de la passion. Parce que, venus comme nous voir ce film sans vraiment savoir ce dont il parlait, les deux ou trois étudiants derrière nous avaient vraiment beaucoup d'humour (très fin, pas gras du tout, vraiment), n'ont pas non plus commenté tout le temps, se sont même enquis de savoir si ils ne nous dérangeaient pas, bref furent vraiment très drôle. Presque vingt ans plus tard, je me souviens encore de cette réflexion qui avait fait rire aux larmes toute la (petite) salle : "Encore ! Ben dis donc, heureusement qu'ils habitent pas en HLM, ces deux-là !"... :)

13. Le samedi 3 décembre 2005, 18:52 par Traou

Anitta > Quand tu veux pour un ciné et une bière !
Bon, si les bavards du ciné sont aussi drôles, je veux bien !

14. Le lundi 6 mars 2006, 18:49 par Hélène

Je ne supporte tellement pas le bruit au cinéma queje n'y vais quasiment plus. Ou alors à la Pagode, la clientèle y est remarquablement bien élevée (quartier ioblige) et ne moufte pas ;-)

15. Le lundi 25 décembre 2006, 04:02 par Darry

Bé moi je suis devenu projectionniste, le buit du projecteur est moins pénible que les blablas-sandwich des spectateurs… je n'ai pas vu de film en salle depuis 2 ans et ça ne me manque pas. J'ai tout le loisir de m'énerver contre les bavards pendant les spectacles vivants.