"Grand-père"

Grimault
Je ne sais si c'est le précédent billet, mais depuis hier, je pense à mes grands-pères.... Les vrais, que j'ai très peu connus, et dont, de l'un d'entre eux - pas celui qui peignait des menus pendant la guerre de 14 - je garde un souvenir extasié. Un jour je reparlerai de lui, sûrement.... Henry, l'aventurier immobile qui m'a fait tant rêver....

Mais j'ai eu d'autres "grands-pères". Comme je me suis choisi des frères parfois, moi qui n'ai que des soeurs, il m'est arrivé - rarement - de rencontrer des gens âgés qui sont devenus un peu mes grands-parents de substitution.

Et - j'ai beaucoup de chance - Paul Grimault, le créateur du "Roi et l'Oiseau", fut de ceux-là. Mon premier studio, celui où j'ai fait mes premières armes de boulot et de cuisine, était juste au-dessus de ses ateliers, à Paris dans le 13è arrondissement. Cet atelier qui avait connu les frères Prévert, Jacques Demy, Max Ernst...

Je le croisais de temps en temps ce grand monsieur au regard doux que je saluais timidement. Un matin de janvier, il m'embrassa sur les deux joues, pour me souhaiter chaleureusement une bonne année. Et par la suite, quand il me croisait dans l'entrée de l'immeuble, lui arrivant dans son atelier, moi sortant de mon petit chez-moi, il m'adressait un signe de main joyeux ou m'embrassait en s'exclamant : "Oh, mon rayon de soleil, une bonne journée qui s'annonce !". Et je rougissais, de plaisir et de confusion.

Je suis allée parfois le voir dans son atelier : il me montrait ses planches du "Roi et l'Oiseau" et de centaines d'autres dessins animés, me racontait des histoires d'un autre temps du cinéma. J'étais si timide, si bien élevée. Aujourd'hui je regrette de n'avoir pas été plus souvent lui rendre visite, juste parce que j'avais peur de le déranger, alors qu'il me le reprochait parfois gentiment. Il était si plein de poésie et de talent. Je suis heureuse de l'avoir connu un peu.....

J'ai retrouvé une jolie dédicace qu'il m'avait faite sur le catalogue de l'exposition qui lui avait été consacrée au Palais de Chaillot.
Une tendre pensée pour mon presque grand-père, ce soir.....

signature

Commentaires

1. Le mercredi 23 novembre 2005, 04:19 par Anitta

Sacrée chance, en effet, que d'avoir croisé un tel homme ! J'adore cette dédicace avec le petit oiseau : ce n'est pas seulement mignon, c'est touchant. Mais en cherchant bien, je suis sûre que tu as sans doute d'autres souvenirs, le concernant... Ces histoires d'un autre temps du cinéma, ces planches d'autres dessins animés... Vas-y, je suis toute ouïe !

2. Le mercredi 23 novembre 2005, 09:15 par en campagne

Merci Traou de nous faire partager ce que tu as connu avec ce grand Monsieur !
On a toujours des regrets sur ce qu'on a pas fait, dit, vu à 20 ans ...

3. Le mercredi 23 novembre 2005, 10:43 par Ursun

Très touchante, cette note. Elle m'a emu. Elle me fait me rappeler qu'on croise parfois des gens qui nous touchent, qui nous transforment parfois de façon incroyable, sans rien faire de plus qu'être, et que, rien que pour ça, on peut leur en être reconnaissant.

4. Le mercredi 23 novembre 2005, 13:58 par tita67

Bonjour Traou, c'est vrai, quel privilège tu as eu de rencontrer Paul Grimault, "Le Roi et l'Oiseau" est une oeuvre remarquable et quelle équipe dans cet atelier !
D'ailleurs si ce n'est pas indiscret j'aimerais savoir où il se trouvait, je vis dans le 13ème pas loin du parc Montsouris...

5. Le mercredi 23 novembre 2005, 18:06 par Traou

Anitta > Ces conversations avec lui datent d'il y a une bonne quinzaine d'années, il va falloir que je creuse ma mémoire, mais je crains d'avoir du mal à me rappeler la teneur exacte de nos conversations....

En campagne > .... et il est vrai que je regrette d'avoir été trop timide et de ne pas avoir assez profité de ce merveilleux voisinage.

Ursun > En plus Paul Grimault rayonnait d'une réelle bonté. Rien que son souvenir, ou de regarder cet adorable petit oiseau, me fait du bien encore aujourd'hui...

Tita67 > Bienvenue ici, je suis ravie de t'accueillir ! L'atelier se trouvait au 92 rue Bobillot, dans la cour. Je ne crois pas que sa femme et son fils aient gardé les locaux. Il y avait une petite imprimerie aussi au fond de la cour, je crois qu'ils ont dû s'agrandir...

6. Le mercredi 23 novembre 2005, 19:59 par alice

Quelle chaleur chez ce Monsieur. Une rencontre qui enrichit, au sens noble du terme.

7. Le vendredi 25 novembre 2005, 22:32 par xuan-lay

Bonsoir Traou

Un grand père vraiment exceptionnel !
C'est très beau ! Merci

xuan-lay