J'irai pas
Par Traou le mercredi 9 novembre 2005, 22:42 - Mots à moi - Lien permanent
Ceci est ma participation au Dyptique 4 d'Akynou, l'illustration de cette oeuvre de Cali :
Il ne me voit même pas.
Quand il me regarde, il voit la petite fille qui l’amusait il y a 15 ans et qu’il appelait « Gribouille » parce que j’étais tout le temps décoiffée.
Tout à l’heure, il a passé sa main dans mes cheveux en me grattant la tête comme il le faisait à cette époque-là :
« Gribouille, tu viens nous rejoindre à la plage tout à l’heure. Un peu de soleil ne te fera pas de mal, tu es blanche comme un lavabo ! »
Et sa pétasse du moment, blonde, bronzée, délurée, potelée – bref, tout le contraire de moi – de rire bêtement, et de me dire : « A tout à l’heure, Gribouille, mets de la crème ! »
J’ai lissé ma frange et je l’ai reprise plutôt sèchement : « Je ne m’appelle pas Gribouille. Je m’appelle Frédérique. »
Il a ri, lui a entouré les épaules de son grand bras, et ils sont partis sans plus s’occuper de moi.
Je m’en fiche. J’irai pas.
Tout le monde est là-bas. Mes parents, la pétasse, lui, oh lui…. Et aussi son fils qui a dû le rejoindre. Lui, au moins, il me voit. Il ne voit même que moi, son fils. Il est capable de me regarder toute la journée d’un air énamouré, ça fait 20 ans que ça dure. Lui, ça le fait rire, ça l’a toujours fait rire. Depuis qu’on est mômes, il le dit sans arrêt : « Ces deux-là, c’est nos petits fiancés, on va les marier ! ». Il m’emmerde. Ils m’emmerdent tous les deux. Le fiston qui me voit trop et lui, oh lui, qui ne me voit pas, qui ne veut pas me voir, qui fait semblant de ne pas voir.
Si j’avais du courage, je lui dirais. Peut-être qu’il arrêterait de rire. Qu’il me regarderait. Qu’il me verrait ?…
Non, j’irai pas.
Commentaires
Bravo ! Mais quand même, c'est curieux que personne ne la voit franchement heureuse, cette Frédérique !
Bienvenue au club des racontars sur Frédérique
Bien joué en tout cas…
Anitta > C'est qu'elle a l'air vraiment mélancolique, voire un peu plus que ça.... Et maintenant, avec le premier texte d'Akynou, elle s'appelle définitivement Frédérique !
Akynou> Je suis contente de participer aujourd'hui : j'étais arrivée un peu après la bataille pour le Dyptique 2 (même si tu m'avais accordé gentiment un délai de grâce) et avait séché sur le Dyptique 3... Alors merci à toi, à Cali... et à Frédérique.
Bien vu bien écrit! Moi je sèche pour le moment, le côté "tableau" me gêne je crois. Par contre j'aime beaucoup ce que peint ta belle Argentine!
J'ai beaucoup apprécié ce texte et la situation choisie : je trouve qu'elle colle très bien à ce personnage.
Entre ton texte et le billet récent d'Alice, les pères en prennetn pour leur grade ces derniers temps. Joli texte.
D'accord avec vroumette. Y'a matière à psychanalyser là-dedans
Alice>On ne peut pas être inspirée à tous les coups, la semaine dernière, tu as écrit un très beau portrait, alors que j'ai séché totalement sur cette poubelle (si j'ose dire)
Euh.... ce n'est pas son père.....
Samantdi>Merci beaucoup. Comme je l'ai dit chez toi, on ne lui a pas fait un destin très gai à cette pauvre fille... Elle a l'air fatale, alors forcément.
Vroumette> Ah, contente de voir que tu ne disparais pas complètement
Ursun>Les filles, ça tombe souvent amoureuse du copain du grand frère, voire du copain du père, c'est bizarre, je sais....