Petit compte-rendu cannois par mon petit bout de lorgnette à moi. Je ne prétends pas vous raconter le festival, il en existe des centaines de versions ! Ce serait intéressant d’ailleurs de faire raconter Cannes par plusieurs de ses « acteurs » : journaliste, comédienne débutante ou confirmée, femme de chambre d’un des hôtels prestigieux de la Croisette, restaurateur à l’heure du coup de feu, coursier, chauffeur, scénariste cherchant un producteur, producteur cherchant des sous, pique-assiette spécialiste de l’entrée frauduleuse dans les fêtes et dîners, groupie à la recherche de sa star préférée, vieux cannois blasé et excédé par l’envahissement de sa ville… Il y a ici mille univers qui se croisent et se côtoient, s’ignorent ou se mélangent.
Moi je fais partie des « envahisseurs », plus de 100 000 personnes je crois, qui débarquent avec armes et bagages pour quelques jours et pour une ou des missions spécifiques à l’occasion du festival : producteurs, distributeurs, exploitants, professionnels de toutes catégories, financiers, vendeurs et acheteurs, organismes professionnels, délégations de tous pays, studios et laboratoires, prestataires techniques, attachés de presse, tous ceux qui ont à voir de près ou de loin à la vie d’un film, de sa conception à sa diffusion.
On nous colle à tous un badge autour du cou avec nos noms et nos photos dessus. Ne pas se formaliser quand un mec a l’air de lorgner mon décolleté : c’est juste qu’il sait bien qu’il m’a déjà vue quelque part mais qu’il est incapable de se rappeler mon nom et tente de le déchiffrer à cette hauteur-là. Dans ces cas-là, j’attrape le badge en question et je le lui mets sous le nez. Et quelquefois, le mec sait très bien comment je m’appelle et lorgne VRAIMENT mon décolleté ! Si !
Avec le badge on nous remet un sac - plutôt joli cette année, je pourrai même le recycler à la plage ou à la gym plus tard, quoique, ça fait un peu frime, non ? Il est bourré de papelards divers, d’informations, de publicité, et surtout d’un annuaire mastoc de tous les participants au « Marché du Film », qui scie l’épaule et dont on se débarrasse au plus vite. Il remplacera celui de l’année dernière sur les étagères du bureau.
A l’arrivée, on hisse ses valoches hyper lourdes jusqu’à l’hôtel ou l’appartement (ma boite nous loue des studios, ça coûte moins cher que l’hôtel et c’est aussi sympa, mais beaucoup de sociétés demandent à leurs salariés de partager leur chambre, dans un même appartement, je suis une privilégiée…). J’avoue avoir emporté beaucoup plus d’affaires que nécessaire, mais il faut prévoir au bas mot deux tenues différentes par jour, dont une habillée pour les projections du soir ou les dîners. Prévoir aussi tenues légères et petite laine, pluie et beau temps, chaussures confortables pour crapahuter et d’autres de soirée, toutes éventualités confondues, ça en fait du tissu et des paires de pompes ! Et puis j’aime avoir le choix…
Première impression cannoise : la température. A Paris, c’est novembre, ici il fait très beau. Je mets une robe d’été, ça fait tout drôle. Mes jambes sont couleur lavabo, c’est ravissant.
Retrouvailles avec Boss qui m’embrasse sur les deux joues (il n’y a qu’à Cannes qu’il fait ça) et avec les autres membres de l’équipe arrivés dès le début du festival et déjà bien décalqués par quelques courtes nuits. Découverte du stand, planning des jours à venir, repérages des lieux divers où ont lieu nos opérations qui commencent pour moi le lendemain, serrage de plein de pinces, rendez-vous improvisés, cartes de visite qui commencent à s’échanger, le cirque a commencé !
Bon, il y a un petit peu les mêmes têtes qu’à Paris et dans tous les festivals, d’ailleurs. On tourne un peu en circuit fermé, mais il y en a que j’aime bien et que je suis toujours contente de retrouver. Il y a des italiens, des anglais, des américains, des russes, des espagnols, des indiens, toute la planète est représentée ici, on baragouine dans toutes les langues, avec tous les accents
Cannes, quand on y bosse, cela veut dire souvent que l’on court d’un bout de la Croisette à l’autre (je préfère cela à être enfermée toute la journée sur un stand au sous-sol du Palais), qu’on rencontre plein plein plein de gens, que les conversations comportent beaucoup de chiffres (budget d’un film, financement espéré, nombre d’entrées…), qu’on y subit le stress des uns, l’énervement des autres, la gentillesse de beaucoup, heureusement. On y a souvent un verre à la main et un petit-four dans l'autre, on coquetèle, on petit-déjeune, on lunche, on dîne TOUT LE TEMPS ! C’est un peu la foire aux vanités aussi, il faut l’avouer (Ah, tous ces gens qui parlent de Sofia Coppola par son simple prénom, alors qu’ils ne l’ont sûrement jamais croisée… c’est un péché courant dans ce milieu où je fais parfois figure d’ovni car je mets un point d’honneur à ne JAMAIS le pratiquer…).
Attente devant le Palais, à l'endroit où les voitures du festival déposent les stars pour leur montée des marches, quelques heures avant les projections. Les escabeaux restent là pour la quinzaine, cadenassés aux barrières...
Il y a un trafic incroyable de billets pour les projections, que j’ai trouvé cette année plus difficile que l’année dernière : impossible d’obtenir une place pour « Babel » de Alejandro Inarritu (réalisateur de « 21 Grammes » et « Amours Chiennes »), LE film que j’avais vraiment envie de voir dans cette sélection. Mais bon j’ai réussi à voir au moins un film par jour, parfois deux, même si dans l’ensemble j’ai été plutôt déçue et me suis passablement ennuyée, que ce soit à « X-Men III » (j’avais bien aimé les deux premiers, je trouve ce troisième opus assez poussif malgré des effets spéciaux spectaculaires), le « Caïman » de Nanni Moretti, sympathique et talentueux, bien sûr, mais dont je trouve la charge anti-Berlusconi assez peu subtile, venant de lui (même mes collègues italiens pourtant heureux de la victoire de la gauche, et beaucoup plus concernés que moi par le sujet, étaient assez peu convaincus par le film…), « La raison du plus faible » de Lucas Belvaux, dont j’avais adoré la récente trilogie qui campe avec noirceur le destin d’un groupe de personnages attachants que la misère poussera dans une impasse… peu ou pas du tout d’espoir, j’en suis ressortie abattue… Et bien sûr, LE « Marie-Antoinette » de Sofia (Coppola, donc) dont j’attendais beaucoup. Magnificent et foisonnant, une Kirsten Dunst parfaite, des costumes sublimes (plus de 120 robes différentes pour la reine, signées Milena Canonero, la créatrice de costumes de « Barry Lindon »), un Versailles magnifié, filmé comme jamais, une bande-son superbe et superbement mariée aux images (elle a de qui tenir…). Je me suis laissée charmer par la première partie du film, l’initiation de cette adolescente, sortie de la cour « familiale » d’Autriche, aux fastes et à l’étiquette de Versailles, où la famille royale était exposée sans cesse aux yeux de tous. Et puis j’avoue que la deuxième partie m’a lassée, ennuyée à l’instar des personnages dont on nous conte l’oisiveté. J’ai regretté que l’Histoire ne se marrie pas plus avec l’histoire, et cette vision d’une Marie-Antoinette dévoreuse de macarons Ladurée (???... elle était notoirement anorexique), et batifolant façon David Hamilton dans des champs fleuris en robe de coton blanc, m’a parue pour le moins… légère. Nous sommes nombreux à être sortis de cette projection incroyablement déçus…
J’ai eu l’occasion d’assister à une projection d’une série de courts-métrages inégaux, signés François Ozon, Jane Campion, Gaspar Noé… Je ne sais quand et sous quelle forme il sera possible de les voir, je suis l’affaire et vous le dirai en temps utile.
J’ai vu aussi – invitée par un producteur indien croisé l’année dernière et à qui j’avais rendu visite à Bombay en janvier – un très très joli film indien qui m’a rappelé avec émotion mon propre voyage puisque c’est une espèce de road-movie racontant le périple d’une française et d’un conducteur de rickshaw. Je crains malheureusement qu’il ne sorte jamais ici : pas de tête d’affiche, ce n’est pas un film « Bollywood »… aucune chance… Dommage.
Non, le plus beau film que j’ai vu à Cannes, c’est à la Quinzaine des Réalisateurs, le merveilleux, magnifique, féérique, poétique, inventif, coloré, joyeux, émouvant film d’animation de Michel Ocelot (le créateur de « Kirikou ») : « Azur et Asmar ». Tant de beauté m’a mis les larmes aux yeux à plusieurs reprises. Je ne sais quand sort ce film magique, mais je vous invite à y aller, cela fait partie de ces instants de poésie pure qu’on n’oublie pas. J’ai participé avec enthousiasme à l’ovation debout pour son réalisateur à la fin de la projection (il était accompagné de Patrick Timsit, qui prête sa voix à l’un des personnages).
Sinon, ne comptez pas sur moi pour vous raconter les fêtes cannoises : je n’y vais pas. J’y suis invitée parfois, mais j’avoue m’y sentir à peu près aussi à l’aise qu’à mon premier Paris-Carnet et je prends la fuite en général au bout de quelques minutes, alors j’ai cessé d’y aller et je fais profiter de mes invitations d’autres qui apprécient plus que moi ces fiestas… Je suis un peu bête, j’avoue, je n’ai même pas pointé mon nez à la fête Marie-Antoinette, mais rien que l’idée d’apercevoir papa Coppola me serrait le cœur, je ne sais pas si j’aurais supporté, en vrai… Et puis désolée, mais j’ai besoin de sommeil ! Mon activité cannoise était concentrée sur les matinées, et quand je me lève à 7 heures, je ne peux me coucher à 5 ou 6, je vieillis, vous dis-je…
Le fameux tapis rouge. On le change deux fois par jour, je crois...
Bon, sinon, j’ai « monté les marches », bien sûr. Deux fois seulement cette année, parce que j’ai vu mes autres films à des horaires où seule une tenue « correcte » est exigée. C’est toujours impressionnant, ces rangées de photographes, ces femmes plus déshabillées qu’habillées, ces mecs qu’on ne croise qu’en jean à Paris et qui arborent le nœud pap’ obligatoire. On est ébloui par les flashes et l’éclairage violent, car la montée des marches est filmée et retransmise sur un écran géant à l’extérieur pour que le public amassé là depuis des heures puisse voir quelque chose. C’est aussi retransmis à l’intérieur de la salle pour que les premiers installés ne s’ennuient pas trop avant la projection, et puissent assister à la montée des marches de l’équipe du film qui arrive traditionnellement en dernier, et dont on applaudit l’entrée dans la salle en direct, avant qu’on lance enfin la projection (l’année dernière, j’ai vu une fois la projection être retardée et les lumières se rallumer parce qu’une star fantasque était arrivée APRES l’équipe déjà installée dans la salle. C’était Liza Minelli qui a fait sa montée des marches seule, hilare, sans se presser, accueillie par une ovation et des rires parce que c’était franchement drôle et sympathique. Mais il y en a sûrement très peu qui peuvent se permettre ça…).
Quand il y a trop de « stars » dans un même film, la montée des marches de l’équipe peut durer un certain temps : pour « X-Men », on a poireauté une bonne heure dans la salle, le temps que ces demoiselles toutes plus jolies les unes que les autres se fassent photographier sous toutes les coutures. Il y a compèt’… Voici en exclu, mes photos de la montée des marches de Halle Berry, la sublime Rebecca Romijn, Anna Paquin & consoeurs… Il fallait bien que je m’occupe (bien que les appareils photo soient strictement interdits dans la salle, nous sommes nombreux à pratiquer ce petit sport…).
Ensuite, on projette la petite « intro » du festival, qu’il est de bon ton d’applaudir, et enfin, le film…
Mais bon, cette année, la vraie star du festival, ce n'était pas Sofia, ni Kirsten, ni Sharon ou Penelope, pas même Bruce Willis et pourtant... Non, la seule vraie star de Cannes, celle que tout le monde attendait
réfugiée sur son yacht,
sortie enfin de sa limousine blanche...
C'était Jim, bien sûr !!!
photos - tous droits réservés
Edit de 20h33 : Bon, j'ai été démasquée... Nuages a réussi à lire ce que j'avais tenté de camoufler sur mon badge. Tout le monde va me reconnaître, maintenant.... Tant pis... Merci Nuages, vraiment !