lundi 12 mars 2007

Credo et Conviction (ou le contraire)

Il y a certains sujets que je ne me suis pas décidée encore à aborder ici. Ou alors très timidement, mine de rien, une allusion par-ci, un lien par-là. Parce que j’ai créé ce blog pour le plaisir. Pas pour la polémique. Certains l’affectionnent et l’entretiennent. Très peu pour moi.

Ceci parce que sur ces sujets, j’ai des convictions qui ne sont pas celles couramment usitées et admises dans la majorité de la population – population occidentale, dite « civilisée », s’entend, même si notre degré de « civilisation » m’apparaît parfois de plus en plus barbare, à commencer par l’indéfectible et détestable complexe de supériorité dont témoignent un peu trop fréquemment mes contemporains à l’égard des traditions et croyances différentes des leurs.

Quand on professe certaines convictions culturellement inhabituelles, on se heurte un peu trop souvent - et cela commence à m’agacer quelque peu (quelque peu beaucoup) - à des réactions suffisantes/méprisantes de la part de donneurs de leçons sûrs de leur fait et de leur bon droit. Surtout quand on touche à l’invisible.

Alors voilà, pour exprimer les choses concrètement : je crois fondamentalement que la Vie n’a ni début ni fin. Que naissance et mort ne sont que les deux extrémités d’un passage fort bref sous une incarnation humaine. Que la Vie existe avant et se poursuit après, éternellement, sans doute. Que nous ne sommes pas notre corps, et que donc l’esprit (que certains appellent âme, mais peu importe) survit à la chair, sous une forme différente. De plus, je suis persuadée qu’après la mort, des manifestations de l’esprit sont possibles, et perceptibles sous certaines conditions.

Ouf ! (et encore j’ai résumé)

Et j’aimerais infiniment que certains, qui sont persuadés de détenir LA Vérité [1] sur ce sujet, cessent de me regarder avec commisération et/ou mépris et de se faire un devoir de me faire savoir à quel point j’ai TORT de penser ce que je pense, et accessoirement considérer (en ne s’en cachant que peu ou pas du tout) que je suis une pauvre folle et/ou une pauvre conne.

Ceux qui ont eu l’occasion de me croiser « in real life » me feront, je l’espère, la grâce de m’accorder que je n’ai pas l’air particulièrement illuminée. Et je ne le suis pas. Par ailleurs, je ne me revendique d’aucune religion, je pratique avec rigueur une activité professionnelle pour le moins rationnelle. Et surtout, je ne fais habituellement aucun prosélytisme sur cette question dont je sais qu’elle est épineuse pour beaucoup. Qu’elle peut provoquer gêne ou malaise, ce que je respecte.

Et je ne fais pas tourner les tables, non plus.

Cette certitude ne m’est pas tombée dessus un beau matin, je n'ai pas eu de révélation au cours d’un rêve agité, et je ne m'intéresse pas à la question uniquement depuis la mort de proches. Non, j’ai forgé cette conviction lentement au cours des années, sans exaltation particulière, juste une joie incroyable certains jours, et le sentiment de toucher du doigt quelque chose d’immense. Elle est le fruit d’une expérience, de recherche, de lectures, de rencontres, d’analyse de témoignages innombrables. Et je ne crois pas tout ce que je lis ou croise en ce domaine : il y a du farfelu et de l'illuminé grave dans le secteur, j'en suis très consciente.

Si je remonte dans le passé, cela fait plus de 20 ans que je me suis interrogée sur ce sujet pour la première fois, quand j’ai découvert le livre de Raymond Moody « La vie après la vie » qui traite plus particulièrement des NDE (Near Death Experience). Et un petit paquet d’années aussi que j’y « travaille » concrètement, compilant les témoignages, assistant à des manifestations et réunions sur le sujet, certaines organisées par une association dont je suis membre et qui s’intitule « Infinitude ». J’ai d’abord découvert des écrits, puis leurs auteurs, et des gens, beaucoup de gens, tellement de gens, certains comme moi témoins ou curieux de phénomènes particuliers, certains à la perception différente ou supérieure (qui ne s’intitulent pas tous médiums) et également des théologiens, des chercheurs, des médecins, des scientifiques... Je me suis rendue compte qu’il y avait de par le monde un grand nombre de personnes fort sensées à qui cela ne paraissait ni fou, ni con, ni impossible, et qui travaillaient sur le sujet avec cœur. Et rigueur. Pas plus tard que dimanche, j’ai passé ma journée à une conférence où des intervenants venus de plusieurs pays d’Europe ont donné les derniers résultats de leurs recherches en matière d’images ou de sons captés de « l’autre côté du voile » (j’aime bien cette image). Certains sont spécialistes en biométrie, électro-acoustique, physique… c’est parfois ardu, j’avoue.

Comment se fait-il que beaucoup de ceux qui considèrent comme aberrante ma conviction « d’après-vie » ne se soient le plus souvent JAMAIS penchés sur le sujet une seule seconde, n’aient jamais lu la moindre ligne et ne se soient jamais préoccupés de savoir s’il y avait des témoignages ou recherches intéressantes à connaître à ce propos ? Comment se fait-il qu’ils se contentent le plus souvent de m’asséner leur certitude contraire à la mienne et qui tient du simple « ressenti », alors qu’ils trouveraient normal de s’abstenir de prendre position sur d’autres sujets sans s’être documentés un minimum ? Est-il plus normal de balayer d’un revers de main ce sujet plutôt qu’un autre, ou bien est-ce juste la peur de la mort qui les fait réagir ainsi ?

Je préfère les gens qui me disent « Je ne sais pas s’il y a quelque chose après et je préfère ne pas me poser de question sur ce sujet parce que ça me fait froid dans le dos », plutôt que ceux qui prennent un ton condescendant pour me dire, imbus de leur propre ignorance : « Ma pauvre fille, tu es vraiment d’une crédulité lamentable » ou rigolards « Tu as trop lu Stephen King »… Chacun a le droit de penser ce qu'il veut, moi autant que d'autres, auquel je ne dénie pas leur scepticisme - c'est leur droit le plus strict - je les trouve juste bien péremptoires sans grande raison et bien peu curieux par ailleurs.

Si j’étais née ailleurs, dans certains pays d’Afrique ou d’Asie, mes convictions sur l’après-vie non seulement ne choqueraient personne mais paraitraient bien naturelles. Il y a des traditions ancestrales et des textes millénaires qui traitent de la survie de l’âme et de son « accompagnement » comme faisant intimement partie de la Vie dans son entier. Dans un avant-propos au Bardo Thödol (connu ici sous le nom de Livre des Morts Tibétains), le Dalaï Lama parle très naturellement de se préparer à ce qui se passe après la mort. Et le livre lui-même est un « traité » d’accompagnement des mourants mais aussi des défunts sur leur chemin dans le « monde intermédiaire ». Mais je suis bien persuadée que certains doivent considérer – sans l’avoir jamais ouvert – que le livre en question n’est qu’une douce plaisanterie tout juste bonne à distraire de bons sauvages crédules et que le Dalaï-Lama lui-même n’est qu’un gourou illuminé un peu trop souriant, d’ailleurs, pour être pris au sérieux.[2]

Dans nos pays dits « civilisés », cela fait un moment que la mort est occultée, ignorée, cachée. On ne la célèbre plus guère qu'en catimini et le plus vite possible. Le deuil est devenu de plus en plus tabou, alors la suite ! Et pourtant, il n’y a pas si longtemps, chez nous non plus, l’affirmation de la vie post-mortem ne paraissait pas si incongrue. On a fait le choix d’oublier, je me demande parfois pourquoi…

(à suivre, sans doute...)

Notes

[1] « Approche ceux qui cherchent la vérité; éloigne-toi de ceux qui prétendent l'avoir trouvée » – Lao Tseu. En dehors du fait que c’est drôlement chic de citer Lao Tseu, il disait des choses intéressantes, cet homme, non ?

[2] Ceci dit, pour ceux qui souhaiteraient approfondir la question, je déconseille de commencer par le "Livre des Morts Tibétains", ce n'est pas d'une approche des plus faciles. Je pense faire peut-être d'autres billets sur le sujet et je vais réfléchir à une petite biographie de base, si ça intéresse quelqu'un. Elizabeth Kübler-Ross, François Brune... il y a des auteurs-phares en ce domaine.

jeudi 18 janvier 2007

Malo

Si j’avais eu un petit garçon, c’est le prénom que j’aurais aimé lui donner. En référence à là d'où je viens, bien sûr. Mais j'aime aussi la consonance douce de ces deux simples syllabes.
Je pensais que tous mes amis le savaient. Je me suis même fait charrier parfois avec ce prénom, qui peut donner lieu, accolé à certains noms de famille, à des consonances malvenues. L'un de mes copains, dont le nom de famille est Do (je jure que c'est vrai), en avait fait une blague récurrente, me prévenant aimablement qu'il était hors de question que nous ayons ce bébé ensemble, par exemple...
Je pensais que tous mes amis le savaient...

Il y a deux mois, N. m’a annoncé qu’il allait être papa. Cela n’a pas été une surprise. Je savais que celle qui est sa compagne depuis 2 ans serait celle qui le convaincrait de fonder une famille à nouveau. Et je me suis réjouie très sincèrement de cette nouvelle.

C’est avec N. que j’ai réappris, quelques années après la mort de Julio, le bonheur d’être dans les bras d’un homme, et à quel point le quotidien avec quelqu’un pouvait être harmonieux et tendre, et gai. Un jour je lui ai dit mon désir d’avoir un enfant; il m’opposa un refus catégorique. A l’époque il n’était même pas encore sorti d’un divorce chaotique et douloureux et la séparation d’avec sa petite fille avait été une souffrance inouïe. A ce moment-là, il jurait ses grands dieux que jamais, plus jamais il n’aurait d’autre enfant.

Je savais que cette promesse ne tiendrait pas avec le temps. Qu’un jour sa vie serait suffisamment apaisée pour qu’il puisse envisager à nouveau d’être père. Aujourd’hui c’est le cas : la maman de sa fille a refait sa vie, lui aussi, il n’y a plus de conflit, le moment était venu.

Après notre séparation, il nous a fallu un peu de temps pour nous revoir sereinement, N. et moi. Mais il est aujourd’hui un de mes amis les plus proches, les plus précieux. Nous nous voyons peu parce qu’il n’habite plus Paris, mais nous nous parlons souvent. Il a une sorte de 6è sens – dirait-on – qui fait qu’il m’appelle souvent dans les moments où je ne vais pas très bien. Sa bonne humeur permanente me met souvent du baume au cœur et je lui affirme qu’il devrait être remboursé par la Sécurité Sociale comme antidépresseur. Ça le fait rire de son grand rire que j’aime tant.

Il est un des premiers que j’ai appelé à mon retour, le week-end dernier pour lui souhaiter une jolie année. Lui-même m’avait passé un coup de fil quelques jours avant mais nous avions abrégé la conversation pour cause de trop longue distance, pour éviter ma ruine !

J’ai demandé des nouvelles de la future maman. Il m’a annoncé fièrement qu’ils avaient choisi les prénoms. Je me suis sentie vaciller quand j’ai appris qu’un éventuel bébé garçon s’appellerait… Malo.

Vu la navrante qualité du son sur mon téléphone fixe depuis que je suis abonnée chez Noos, je ne suis pas sûre qu’il ait senti que ma voix s’était altérée. Et j’ai pris l’excuse de cette ligne de mauvaise qualité pour mettre un terme anticipé à notre conversation.

Alors voilà, en mai prochain, naîtra peut-être un petit garçon qui portera le même prénom - et le même nom de famille - que le petit garçon que j’ai rêvé d’avoir un jour. Et il va falloir que je me mette une sacrée floppée de coups de pieds au cul pour accueillir cette naissance sans montrer dans quel tourment elle me plonge, plus encore que les autres.

Il y a des jours où il me faudrait des milliers de couettes et d’oreillers pour m’enfouir dessous et ne plus jamais en bouger.

Je dois à ce petit garçon qui n’existe pas encore mes premières larmes de 2007.
Je dois à ce bébé pas encore né de me faire oublier les splendeurs indiennes que j’avais prévu de vous conter ici.

Et j'avoue très franchement que je m'en vais prier le Ciel, la Terre, Dieu, Ganesh, Sainte Traou et tous les autres saints de la Création... qu’ils aient une fille.

dimanche 3 décembre 2006

Multitudes

« Je suis vaste. Je contiens des multitudes ». Walt Whitman
(merci à Ko et Swâmi au passage qui m’ont fait connaître cette citation, tronquée ici).

Je pense à ces multitudes qui nous composent, dont j’ai l’impression pour ma part qu’elles sont fluctuantes, mouvantes, et pour ce qui concerne certaines, oubliables.

J’évoquais l’autre jour ici une lettre écrite à 20 ans, laquelle me paraissait aujourd’hui refléter une parfaite étrangère qui avait pourtant bien due être moi autrefois…

Et plus j’y pense, plus je me dis que j’ai laissé sur le bord de ma route au fil des années une multitude de Traous périmées ou mortes. Laissant la place à une multitude d’autres, nées d’évènements particuliers ou juste plus adaptées aux circonstances.

J’ai fort peu de mémoire de moi-même. Je ne sais si c’est « physiologique » ou s’il s’agit d’un déni volontaire ou inconscient. Le fait est que j’ai fort peu de souvenirs. De celle que j’ai été, je veux dire. Quand il m’arrive de remettre les yeux sur mes petits cahiers d’autrefois, nombreux, disparates, inachevés, simultanés (si quelqu’un s’avise un jour de mettre tout ça dans l’ordre, il y a du boulot, je ne m’y collerai pas pour ma part, je fais déjà un blog, oh !), je suis toujours surprise d’y retrouver des anecdotes qui ne me disent plus rien, des émotions oubliées, une façon de penser ou d’appréhender les évènements qui m'est aujourd’hui étrangère. Je ne me reconnais pas. Et ça m’ennuie, parfois.

J’ai l’impression de ne cesser de mourir pour renaître, de n’être qu’une succession de « moi » éphémères dont je ne contrôle aucunement les renaissances au gré des circonstances et que celle que je suis aujourd’hui est un amalgame disparate dont je ne perçois plus bien l’origine.

Après tout, chaque événement, chaque regard sur nous crée un nouveau moi, non ? A chaque enfant qui naît, une mère naît également. A chaque regard d’amour, un être aimé voit le jour qui n’existait pas auparavant. Et combien de deuils de soi-même doit-on faire au fur et à mesure que disparaissent les gens ou les événements qui nous ont créés ?

J’ai ce sentiment intense d’avoir été tuée souvent. D’avoir perdu inéluctablement celle que j’étais pour les gens qui m’aimaient et qui ne sont plus auprès de moi. Les amis éloignés, les amours partis. En fait quand on perd quelqu’un, on perd toujours deux personnes ; il y a deux deuils simultanés à faire : le deuil de celui qui n'est plus là et le deuil de celui ou celle qu’on était pour lui et qui a disparu à jamais en même temps. On perd un être qu’on aime. On ne l’A plus. Mais on n’EST plus non plus, et c'est insupportable. On remet en question les deux auxiliaires d'un coup, avoir, et surtout être... De n'être plus jamais l'enfant de personne, ou l'être merveilleux que l'on se sentait être dans le regard de celui qui n'est plus là, c’est sans doute tout aussi odieux à vivre que la perte de l'autre.

J'ai souvenir d'avoir eu à faire le deuil de cette femme aimée que j’ai été. Cette femme-là que des hommes ont aimée et qui a été moi, autrefois, elle me plaisait bien. Je l’ai perdue aussi. Elle existait par leur regard sur elle et par l’amour qu’ils lui portaient. Elle est morte, elle aussi. Je ne serai plus jamais celle-là et c’est une lourde perte.

Autour de moi flottent tous ceux-là, disparus ou lointains, et aussi une armée tout aussi nombreuse (Mon Dieu ! si nombreuse…) de Traous. Toutes les Traous qui furent leur amie, leur complice, leur petite-fille, leur amante, leur confidente, leur aimée, et qui ont disparu elles aussi à jamais. Elles m’ont été arrachées violemment ou insidieusement, en me laissant tant de cicatrices. Laissant place à d'autres, inattendues souvent, au fil de la vie.

Je sais aujourd’hui, ou du moins je commence à l’entrevoir, que ces cicatrices, ces chagrins, ces éloignements, s’intègrent dans un tout qui me conduit inexorablement à moi-même, à devenir ce que je suis…. Mais cette multitude m'affole parfois, trop vaste pour moi seule, peut-être.

dimanche 15 octobre 2006

Demain

Demain… Un an.
Je me souviens des tâtonnements, et de l’excitation.
Et de la petite peur sans savoir pourquoi.
De ne pas trouver ma place.
Peur d’être lue. Ou de ne pas.
Une belle aventure qui a pris beaucoup de place.
Trop ?
Dont je ne sais ce qu’il adviendra.
Si j’irai plus loin ou si j’arrêterai là.
En ce moment, je suis un hamster dans une roue.
Et quand elle ralentit un peu, plein de questions surgissent.
Qui commencent toutes par « Pourquoi donc ».
Plein d’affirmations leur répondent qui commencent souvent par « A quoi bon ».
Il y a des périodes comme ça.
Je cours sans ralentir parce que je n’aime pas trop ce que je sens quand je n’avance pas.
Je m’étourdis d’action pour ne pas trop penser.
A la solitude. A l’inutilité.
Je parle haut et fort par peur du silence.
Moi qui ai tant aimé le silence. Il me fait peur. M’étouffe.
Alors je le remplis de bruit. Cacophonie.
Je joue à paraître parce que je ne sais plus bien quoi être.
Une vie sociale, professionnelle, pleine, brillante, me fait exister.
Au moins semblant. Un peu.
Quand le rideau tombe, je me recroqueville.
Pleine d’énergie le jour, la nuit je me sens vieillir.
Réveils mortels, je me réanime.
Pour que le spectacle continue.
Aucun personnage de film ne m’a jamais paru aussi proche
Que le Joe Gideon de « All that jazz »
Et pas seulement ces temps-ci.
La Sally Bowles de « Cabaret » aussi.
Est-ce qu’un réalisateur m’a jamais parlé de moi aussi bien que Bob Fosse ?

(Parenthèse)

Je suis sortie cet après-midi.
Je sors de plus en plus rarement les dimanches.
Reste cloîtrée.
Le dimanche n’est pas un jour pour moi.
Agressée par les familles en promenade.
Les mains qui se tiennent.
Les bras dessus-bras dessous.
Les enfants qui tricyclent, qui crient, qui rient.
Si exclue.
« Dans Paris » au cinéma.
En phase avec le film.
Comme en son temps avec le précédent de Christophe Honoré
« 17 fois Cécile Cassard ».
Je ne sais pas bien dire pourquoi. Ou plutôt pas envie.
J’aime bien ce gars-là, en tous cas.
Réfugiée chez moi.
Une valise à préparer.
Demain, un an.
Demain je pars à Rome.
La Ville Eternelle.
Autant que ma tristesse.
Autant qu’elle me paraît être aujourd’hui.
Ça passera… Je sais.

mardi 11 avril 2006

Pot de terre

J’ai eu une conversation récemment à propos de la fragilité. Qui ne se manifeste pas de la même façon chez tout le monde. Qui est « innée » ou qu’on acquiert au fur et à mesure que la vie se charge de vous l’apprendre. Il y a des gens qui sont d’acier trempé, d’autres de porcelaine plus ou moins fine et transparente. Il y a des gens qui sont tout cassés et ça ne se voit pas ou presque. Il y a des gens qui ne cessent de proclamer au quotidien qu’ils sont tout cassés, alors qu'il n'y a pas franchement de raison apparente pour, et qui finalement s’avèrent plutôt résistants quand ils sont vraiment confrontés à l’adversité.
On dirait qu’il y a une sorte de « capital » de force/fragilité avec lequel on arrive au départ, et qu’on dépense ou qu’on économise en fonction des circonstances de la vie. Ou alors un « métabolisme » force/fragilité qui n’est pas le même pour tout le monde, de même qu’il y a des gens qui dévorent sans prendre un gramme quand d’autres grossissent à la vue d’un gâteau, qu’il y a des peaux qui supportent mieux le soleil que d’autres, ou que l’âge ne laisse pas les mêmes marques sur tout le monde… Nous ne sommes pas égaux devant la fragilité, certains morflent plus que d’autres, ou alors pas pour les mêmes choses, d’autres se remettent plus vite, savent mieux faire diversion aussi…

Moi j’ai l’impression que j’ai « appris » la fragilité au cours de ma vie. Que je l’avais démarrée pleine d’entrain et de force, convaincue que tout se passerait bien, confiante en un futur que je n’imaginais pas autrement que radieux à condition d’y mettre un peu du mien. Il y avait en moi une certitude d’avenir, et j’avais même un programme bien établi : boulot, famille, enfant à 30 ans, maison, voyages, amis, écriture… etc… On ne doute de rien, à 20 ans, ou bien l'on ne se doute pas qu'un programme... ça a de fortes chances d'être modifié. Et comment !

Quand j’avais 20 ans, j’étais un roc. Toujours en forme, solide, sûre du chemin à suivre (j’avais la chance notamment de savoir ce que je voulais faire professionnellement depuis l’âge de 12 ans, je n’en démordais pas). J’avais traversé une adolescence pas très sympa, je m’épanouissais d’en sortir, et j’étais prête à bouffer du lion quand je suis arrivée dans la capitale à 18 ans tout rond. J’étais celle qui remontais le moral des autres, pas forcément subtilement mais mon énergie était contagieuse : « Ne te laisse pas aller, respire un grand coup, allez ça va tout de suite mieux, maintenant on va sortir, boire un coup, voir du monde, danser, rire, ça va te faire du bien. Allez zou, c’est réglé ! ». J’avoue que je regardais avec étonnement, voire un rien de mépris ceux ou celles qui « n’allaient pas bien » pendant une durée un peu plus longue qu’une semaine, en tous cas ceux qui l’affichaient. Moi mon premier grand chagrin d’amour dans ces années-là, s’il m’avait fait bouffer et pleurer des lames de rasoir, il restait cantonné à la maison (une chambre de bonne, en l’occurrence).
Je crois l’avoir déjà dit, je suis la fille de mon père, élevée au « Garde la tête haute et surtout ne pleurniche pas pour un rien ! »… La grosseur du rien n’ayant pas vraiment de limite… Inutile de vous dire qu’à la maison les mots « déprime » ou pire « dépression », s’apparentaient à des maladies honteuses, des maladies de faibles. On les disait en baissant un peu la voix, comme on l’aurait fait de la syphilis. Et oui.

Quelques années et coups de batte de base-ball infligés par la vie (dans la tête, dans le cœur, derrière les genoux…) plus tard, j’ai un peu révisé mes certitudes et ma belle assurance s’est retrouvée pas mal fendillée, pour ne pas dire fracassée. J’étais imperméable à la déprime, on m’a enlevé ma belle imperméabilité à grands coups de papier de verre gros grain. Maintenant, je sens bien tout : le froid, le chaud, le salé, le sucré, l’acide, l’amer, le brûlant et le glacial, j’ai bien capté toutes les nuances de ma douleur, merci. Je dis ma douleur, parce qu’il y en a bien d’autres que les miennes, et de bien pires !. Et je dis merci aussi parce que c’est tant mieux ! Oui, je suis plus fragile qu’avant, et cela vaut mieux. Parce qu’en apprenant la fragilité, j’ai développé ma force, pas l’ignorante des aléas de la vie, l’autre, celle qui se nourrit des batailles qu’on livre, celle qui n’était pas là naturellement mais celle que j’ai nourrie et musclée toute seule. Celle qui n’était pas facile à forger mais qui n’est qu’à moi aujourd’hui. Celle aussi qui certains jours me fait défaut parce qu'elle n'est ni invincible ni permanente. Je ne suis pas tombée dans la potion magique quand j'étais petite, finalement...

Après examen, je ne suis pas d’acier, mais pas de porcelaine non plus. Je m’apparenterais plus à un bon gros pot de terre. Costaud mais pas incassable, façonné et cuit quand même pour résister aux températures les plus vives. Et aujourd’hui, au mitan de ma vie (expression empruntée au joli billet de Samantdi), enfin au mitan théorique, peut être en suis-je au trois-quarts ou bien au tiers (Dieu me préserve de vivre trop vieille ! J’ai vu mes deux grands-mères « traîner » jusqu’à 99 ans l’une et l’autre, la première ayant totalement perdu la boule, la deuxième quasiment toutes ses facultés physiques, inutile de vous dire que la première l’a mieux vécu que la deuxième, dûrement consciente chaque jour de chaque faculté qui lui était enlevée…). Au peut-être-mitan donc, mon pot de terre à moi me paraît finalement assez sympathique et surtout encore capable de servir. Oh, bien sûr, il est fêlé, fendillé, ébréché par endroits. Il lui manque une anse qu’on a recollée mais qui ne cessait de se détacher, alors j’ai laissé tomber. Il n’a plus l’aspect du neuf, et il se prendra sûrement encore des coups, j’imagine. Mais ce dont je suis à peu près sûre c’est qu’on pourra toujours y verser de l’eau, il restera étanche. Ou que je saurai le colmater. Quant aux divers pots de fer contre lesquels il aura encore à se cogner, ils se cabosseront sûrement autant qu’il a d’éclats, ils le blesseront peut-être un peu plus et il perdra sûrement encore un peu de terre par ci-par là, mais si tout va bien, ils ne devraient pas parvenir à le casser.
Je croise comme mes doigts l’anse qui me reste, mais j’ai confiance !

lundi 3 avril 2006

Ubiquité

Je m’interroge parfois : est-ce que Traou, c’est moi ?
Ou bien une autre que moi ?
Un moi rêvé, épuré, débarrassé des oripeaux du paraître.
Des petites mesquineries quotidiennes.
Des sentiments inavouables.
Est-ce l’essence de moi et j’en serais la version « diluée » ?

Est-ce que Traou n’est pas embellie par les mots choisis ?
Magnifiée par des désespoirs élégants, bien dits, regardables, des chagrins esthétiques ? Là où les miens se règlent plutôt à coups de rouleaux de Sopalin qui mouchent mon nez rouge et reniflant, se noient dans une bouteille de vin de trop ou dans une nourriture anarchique. Se vengent parfois sur ceux qui m’entourent.

Est-ce que le virtuel, même sincère, ne ment pas un peu ?
Est-ce que je ne braque pas le projecteur sur ce qui m’arrange ?
Est-ce que je ne triche pas en gommant les aspérités qui me dérangent ?

C’est pour ça que ça me fait peur, parfois.
Quand certains m’écrivent pour me dire qu’ils aiment cette Traou-là.
J’ai peur qu’ils soient déçus.
Parce que derrière elle, il y a moi.

jeudi 23 mars 2006

Les vivants...

Alice et Vroumette sont en train de coudre des costumes de justicières pour voler à mon secours suite à un billet récent. Qu’est-ce qu’elles sont mignonnes mes blogs-copines, quand même, j’en suis toute émotionnée. Je me dois cependant de les interrompre dans cette noble tâche et de les laisser retourner à des occupations beaucoup plus utiles pour elles-mêmes et l’ensemble de la blogosphère : recettes savoureuses et textes délicats chez Alice et leçons de séduction qui débutent chez Vroumette et qui vont faire un tabac, je vous le dis, moi : m’est avis que ses statistiques vont flamber ; nous sommes déjà quelques dizaines d’aficionadas qui prenons des notes fiévreusement et faisons des travaux pratiques le soir (avec Jim, en ce qui me concerne, il est bonne pâte), le Ping-Pong est terminé, nous avons trouvé une nouvelle occupation, ouf !

Oui, oui en fait, je vous rassure les filles, personne ne me veut du mal, enfin pas à ma connaissance (bon, y’a un grand qu’a pas été très gentil avec moi récemment pendant mon voyage en Inde, mais il est super baraqué alors je vais pas vous envoyer au casse-pipe non plus, laissons tomber).

Non, quand je disais que je n’étais pas vraiment en paix avec les vivants, on va dire que c’est en grande partie de mon fait. Je ne suis pas facile, facile comme fille (farpaitement, je ne suis pas une fille facile, qu’est-ce que vous croyez !), et parfois… parfois j’en paie le prix…

C’est drôle comme on change, on évolue au cours du temps. J’étais une petite fille sautillante et joyeuse. Je me suis muée en adolescente renfermée et complexée (pléonasme pour beaucoup d’entre nous ?), puis en jeune fille/femme sociable mais qui avait du mal à s’affirmer. Je me liais très facilement et fidèlement, mais j’évitais soigneusement tout conflit, personnel et professionnel.

Et puis j’ai pris quelques coups et je crains que ceux-là m’aient un peu trop endurcie parfois… Mon boulot dans un milieu qui peut être très « requin » m’a appris à montrer les dents, à taper du poing sur la table, à ne pas me laisser faire. Et aujourd’hui je sais très bien crier plus fort que l’adversaire, chose dont j’étais incapable autrefois. Pas sûr que j’y aie gagné… C’est une chose qui m’est venue quand je travaillais pour une chaine privée propriété d’un bétonneur. Là-bas, j’entendais dire plusieurs fois par jour par nos supérieurs « Vous êtes là pour faire où on vous dit de faire »… comme à des chiens. Alors forcément, au bout d’un moment, on apprend à mordre. J’étais censée coordonner une équipe, et j’avais si peu d’autorité et fuyais tellement les rapports de force que tout ce petit monde me mangeait allègrement sur la tête et se foutait royalement de mes directives. Jusqu’au jour où un des journalistes est allé un peu trop loin dans la désinvolture à mon égard et j’ai vu rouge. Je l’ai remis à sa place très vertement – pour la première fois de ma vie, le cœur battant et les mains tremblantes - et à partir de ce moment-là, il m’a respectée, et les autres aussi. Alors j’ai pris le pli. D'aboyer dès qu'on m'attaquait ou faisait semblant. Peut-être un peu trop. Je me montre parfois très cassante avec les gens avec qui je travaille. J’en suis consciente et m’en veux après. Il y a des jours où je me dis que je dois terrifier notre pauvre assistante, mais bon, elle c’est un cas : c’est une toute petite chose fragile et délicate, pas très compétente, en plus, tellement émotive qu’elle a les larmes aux yeux quand il y a un bourrage papier à la photocopieuse… alors je dois lui faire l’effet d’un général à la bataille, c’est sûr. L’année dernière ma nièce a fait un stage dans ma boîte. Elle m’a dit après qu’elle avait été très surprise de me trouver si différente de celle qu’elle voyait en vacances (ça c’est sûr, je suis beaucoup plus youkaïdi, youkaïda l’été en Bretagne avec mes neveux qu’au boulot avec Boss, mais c’est un peu normal), mais qu’elle m’avait aussi trouvée très dure…. Depuis, je médite et je m’efforce de changer ça. Pas facile.

Dans le privé, c’est plus complexe. Autrefois j’avais une « bande ». Et même plusieurs : les copains de Bretagne (beaucoup sont à Paris), les copains de fac, et puis les copains boulot qu’on se fait au fur et à mesure… Forcément la vie, le quotidien se chargent de vous séparer, parfois même insensiblement. On se rend compte que les chemins ne sont plus parallèles, qu’on n’a plus les mêmes envies, les mêmes rires, les mêmes affinités, les mêmes façons de voir, ça se fait doucement et un jour on réalise qu’on ne se souhaite même plus les vœux de bonne année ou d’anniversaire, voilà, c’est tout. On est passé à autre chose, à d’autres amitiés. C’est la vie. Et puis il y en a qui durent, de belles histoires d’amitié, heureusement.

Il y a des ruptures plus brutales, plus inattendues. Ou au contraire des rapprochements auxquels on n’aurait jamais cru. On les constate plus particulièrement quant il y a des évènements particuliers, des passages difficiles. La sagesse populaire dit que c’est dans ces moments-là qu’on reconnaît ses amis. Pas faux. Pas tout à fait exact non plus.

Ce qui est vrai c’est que le chagrin, la souffrance, le deuil, ça éloigne plus de gens que ça n’en rapproche de vous. J’ai eu l’occasion de le constater. A la mort de Julio, il y a des gens qui ont littéralement disparu de ma vie, comme ça, d’un coup. Gênés, mal à l’aise, ne sachant pas comment se comporter sans doute (ce que je peux parfaitement comprendre), ils ont préféré prendre le large. Celle qui était à l’époque ma « meilleure amie » avait notamment pris la tangente dans un silence assourdissant : plus un coup de fil, plus un mot, rien. Et à mon ami P. qui me tenait à bout de bras et lui faisait savoir que je n’allais pas bien du tout elle répondait : « Si Traou ne va pas bien, elle sait qu’elle peut toujours m’appeler… ». Mais elle-même n’a jamais décroché son téléphone pour me dire « J’arrive » ou juste pour parler de tout et de rien entre filles comme on le faisait avant, même en sachant que j’étais dans le 36è dessous. J’étais témoin à son mariage l’année d’avant… J’avoue qu’aujourd’hui je me méfie de cette appellation de « meilleure amie », cela fait belle lurette que je n’en ai plus, voire même je m’y refuse. Chat échaudé…

A la mort de Choul, j’ai remis une deuxième couche, quelques disparitions encore… Un connard m’avait d’ailleurs aimablement fait remarquer que je portais sans doute la poisse… Et pour un qui l’a dit, combien qui l’ont pensé ?....

Bien sûr et Dieu merci, tout le monde ne disparaît pas. Il y en a beaucoup qui sont là et bien là. Mais quoi qu’il en soit, quoi qu’ils puissent faire, ses souffrances, on les vit et on les porte seul. Absolument. Et il arrive que l’on s’éloigne soi-même des autres, à cause de cela. Mes nuits à scruter sans fin le plafond, yeux grands ouverts sur les démons qui les hantaient, sans espoir de sommeil, anéantie, écorchée vive qu’on aurait saupoudrée de sel, ces nuits-là je les ai vécues seule. Celles aussi qui me voyaient prostrée sur le sol, le cœur et les tripes comme lacérés de milliers de lames de rasoir ou secouée de sanglots interminables, cruels, des heures durant, parfois terrassée enfin d’un peu de sommeil à l’aube, à l’heure où les démons désertent un peu, un tout petit peu, et où la dernière lueur de conscience qu’on a sert à supplier de ne pas se réveiller. Ces heures-là on les vit seul, ce n’est la faute de personne, mais on n’en sort pas indemne. Plus dure, parfois.

J’ai gardé des séquelles de tout cela et j’ai parfois choisi de m’éloigner des autres, de rester seule pour lécher mes plaies dans un coin, incapable de communiquer, pas envie d’emmerder. Et puis le temps passe et les vies s’organisent autour de soi : des couples, des familles, des enfants, des maisons, des vacances en tribu et tout ça je m’en suis sentie exclue, interdite de ce bonheur-là et trouvant à la solitude un goût de plus en plus amer, mais m’y enfermant parce que je n’avais pas envie de participer à tout cela en « invitée ». Faire la « solo » le dimanche au milieu de copains en famille me faisait plus de mal que de bien. Quant la quarantaine s’est profilée, ça a été dur à encaisser. J’avais envie de faire une grande fête, j’en parlais depuis longtemps et finalement je me suis recroquevillée, ai envoyé balader ceux qui m’en parlaient, ai réclamé le silence sur ce sujet. Alors, ils se sont tus, ont respecté ce que je leur demandais. Et je leur en ai voulu, parce que quelquefois quand on pète un câble et c’était le cas je crois, on crie noir et on voudrait que les gens comprennent blanc… Je me débattais dans mon malaise, contre la petite voix qui perfidement dans ma tête me chantait la chanson de Souchon « Tu la voyais pas comme ça ta vie…. La vie t’a mis KO » et me disait qu’en plus j’avais perdu mes amis…. Oui ils étaient perdus, ça c’est sûr, ils ne comprenaient plus rien à ce que je voulais ou non, ne savaient pas quoi faire face à mon désarroi palpable, à mon éloignement. J’ai fait beaucoup de peine et j’ai laissé sur le carreau des amis de plus de 20 ans qui ne savaient plus comment me prendre, comment me parler sans que je parte en vrille, et qui ont souffert de mon souhait de m’éloigner d’eux sans en comprendre les raisons… En plus j’ai détruit ma « bande », ma « gang » comme on dit au Québec. J’avais rassemblé autour de moi des gens d’horizons divers, j’en étais le « liant ». Je sais qu’aujourd’hui certains se voient sans moi, ça doit leur faire tout drôle. A moi aussi. Je l’ai bien cherché. J’ai rompu des fils qui étaient d’or.

Aujourd’hui, on a repris quelques liens, cahin-caha, de plus loin. Mon ami D., mon vieil ami D. de la fac de ciné, j’étais témoin à son mariage lui aussi (merde, il faut peut-être que j’évite) a eu une petite fille il y a quelques mois, et peut-être que ce bébé-là va nous éloigner encore un peu. Quand je suis allée la voir – je l’ai raconté ici – il a voulu me la mettre dans les bras, si fier, si heureux, et j’ai eu un mouvement de recul, incapable… Je peux me réjouir pour lui, mais pas avec lui, je m’en veux, mais je n’y arrive pas. Quant à P. mon ami, mon frère, avec qui j’ai arpenté la vie, le pire et le meilleur, pendant 23 ans, dont je ne pouvais imaginer une semaine passée sans le voir, lui parler des heures au téléphone ou au zinc d’un bistro comme nous les aimons, qui me connaît mieux que moi-même parfois, avec qui j’ai tout partagé, nous entretenons aujourd’hui un dialogue décousu, de loin en loin… et j’en suis responsable. Coupable ?

La seule chose que je sais c’est que la vie n’est pas linéaire. Peut-être qu’on se retrouvera au détour d’une autre route. Peut-être différemment. Peut-être que j’aurais envie de leur donner le lien vers ce billet-là un jour, pour qu’ils sachent. Que je suis désolée de ce qui s’est passé. Mais que je n’ai pas su faire autrement.

lundi 20 mars 2006

Anniversaire paisible

Je préfère fêter les anniversaires des autres que les miens. Quoi ? J'ai rien dit !

Les anniversaires rythment le temps qui passe. Quelquefois c’est mélancolique. Quelquefois c’est un soulagement. Par exemple, le 19 mars est pour moi un anniversaire à plusieurs titres, une date qui sert à me souvenir que le temps file inexorablement et que c’est tant mieux.

Hier j’ai passé un 19 mars ensoleillé en bonne compagnie. Nous nous sommes extasiées sur la transparence des marbres de Rodin, et ces visages et corps de plâtre ou de bronze qui pourraient se mouvoir ou se mettre à respirer sans que nous en soyons surpris outre mesure. Nous avons aussi brunché et piqué des fous-rires sur des sujets que je serais bien en peine de raconter ici !…

Il y a deux ans, le 19 mars, j’ai mis le mot « Fin » pour la première fois sur un scénario achevé, après deux mois d'écriture intensive, dans un état d'inspiration étrange, jamais connu, le même jour où je signais mon contrat pour le job que j’occupe aujourd’hui, avec bonheur et soulagement, ayant réussi le tour de force de me débarrasser en même temps de la boîte qui m’employait alors et dont je savais qu’elle n’irait nulle part.

Il y a quatre ans, le 19 mars, cette boîte pourtant m’offrait – en tous cas je l’ai cru un moment - l’occasion de revenir vers le cinéma en me sollicitant de façon inattendue pour un rendez-vous. Je me souviens de mon excitation et d’avoir failli appeler Choul illico pour lui annoncer la bonne nouvelle de cette perspective ciné, mais de m’en être empêchée parce que je venais à peine de raccrocher avec lui après une longue conversation et que je lui faisais déjà suffisamment reproche de téléphoner sans cesse de sa voiture. A la place je lui avais envoyé un mail enthousiaste et tendre lui demandant de me rappeler quand il rentrerait. Sauf qu’il ne l’a jamais lu, n’est jamais parvenu chez lui ce jour là, ayant rencontré brutalement un car scolaire dans un virage.

Hier, donc, il y a eu quatre ans que Choul est mort. Et je ne suis pas triste. Pas plus que je n’ai été triste de retrouver le week-end passé chez mes parents des dessins de mes neveux me représentant avec Julio il y a au moins quinze ans de cela, des dessins de maisons entourées de fleurs, avec des cœurs dans le ciel, nos prénoms entrelacés maladroitement, et deux petits-pois superposés avec deux yeux et une bouche ronde qui devaient être censés figurer un bébé, je pense. J’ai le souvenir d’avoir trouvé ces dessins-là sur notre lit parfois quand nous venions passer le week-end, ou bien ils nous les apportaient sur la terrasse à l’apéritif, avant de s’enfuir en riant comme des fous de leur propre audace… Les enfants sont très « une chaumière et deux cœurs » : mes nièces particulièrement rêvaient de tenir la traîne d’une robe de mariée (j’ai plusieurs dessins qui me représentent en grande tenue, y’a de la dentelle partout, vous pouvez me croire, et des kilos de roses sur ma pauvre tête) et de jouer à la poupée avec un petit cousin supplémentaire qu’elles m’ont souvent réclamé. Aujourd’hui, elles commencent à parler de leurs bébés à elles, ça va me faire tout drôle (mais je n’aurais peut-être pas tellement envie de rire) le jour où ça arrivera…

Je suis en paix avec mes morts, je crois. Je pense à eux aujourd’hui avec une tendresse souriante. Leur souvenir ne me vrille plus le cœur ni les tripes. Tout est douceur ou presque. La solitude un peu plus vive ou amère quand je pense à eux, c'est tout.

Finalement, je suis beaucoup moins en paix avec les vivants. Pas envie d'en parler ce soir…

mercredi 8 mars 2006

A cause des femmes

Un jour j'ai été déçue par un ami. Tendrement aimé.

Nous étions dans un pays étranger. De ceux où les femmes avancent voilées. De la tête aux pieds.

Il y avait cette femme couverte de son abaya noire, d'où ses yeux seuls subsistaient.

Et sous l'abaya, aperçus fugitivement, des chaussures à petits talons, et le bas d'un jean.

Il m'a désigné cette femme, me disant à quel point il trouvait formidable cette "féminité" et cette "modernité" qu'elle arrivait ainsi à imposer malgré l'habit noir.

Selon moi, il n'y avait là que bien peu de féminité et de modernité, et surtout un sacré manque de liberté, qu'elle palliait comme elle le pouvait.

Il m'a dit, en soupirant, d'arrêter de tout voir avec mes yeux de petite occidentale militante "ni pute ni soumise", et qu'il fallait accepter et respecter les différences "culturelles".

Je lui ai répondu que je respectais absolument tout ce qui était un CHOIX, mais qu'il y avait de fortes chances que cette femme n'ait pas eu d'autre choix que de porter ce vêtement - sous peine de punition peut-être - et qu'à mes yeux certaines différences "culturelles" n'étaient pas acceptables qui avaient nom mariage forcé, soumission obligatoire, négation de droits "adultes" (obligation de l'autorisation du mari ou du père pour travailler, interdiction de conduire, de circuler librement et seule), mutilation (excision), et de façon générale toute restriction de liberté dûe au fait d'être une femme...

Il m'a répondu qu'effectivement tout ce que j'évoquais "ne le faisait pas bondir de joie" (je cite) mais que malgré tout, à partir du moment où c'était "culturel", nous n'avions pas à nous en mêler... Et que par dessus le marché, il ne voyait pas bien pourquoi nous nous mettions dans des états pareils, nous autres, petites européennes, pour qui la situation n'était somme toute pas si terrible.

C'est vrai, la situation n'est pas si terrible pour moi. Je n'ai à me heurter parfois qu'à un petit machisme ordinaire, parfois même drôle et facile à contrecarrer, à mon niveau (euh, ton café, tu te le fais tout seul...). J'essaie de ne pas trop penser que si j'étais un mec, je serais peut-être un tout petit peu mieux payé que je ne le suis... Difficile à prouver. Et je ne suis pas à plaindre.

En cas de viol, chez nous, on ne risque pas 80 coups de fouet parce qu'on n'a pas pu en faire la preuve et qu'on a eu la mauvaise idée d'en être enceinte.... mais ici, en France, une femme meurt tous les quatre jours des suites de violences conjuguales... Alors non, je n'ai pas l'impression d'être extrêmiste, pas même militante, juste... solidaire. Une femme que cette "journée de..." a priori agace un peu, mais qui lui reconnait le mérite d'aider à garder les yeux ouverts.

J'ai été fort triste de découvrir des yeux fermés chez un ami cher, anti-raciste convaincu et militant par ailleurs, à qui le sexisme parait visiblement un mal mineur. D'ailleurs a-t-il conclu, très énervé, on ne pouvait le taxer lui, de machisme, puisqu'il "offrait des fleurs et aidait à faire la vaisselle". La messe est dite.

jeudi 26 janvier 2006

Les mois de janvier sont insomniaques...

Juste un petit mot ici cette nuit parce que je ne dors pas et que me turlupine l'idée de ne m'être pas exprimée comme je le souhaiterais dans le billet précédent (un commentaire m'a un peu "chiffonnée", j'avoue). J'ai ouvert ce blog pour y exprimer des choses que je "m'interdis" souvent dans la vie. Certaines personnes qui m'entourent, sauf quand elles ont vécu les évènements avec moi, seraient fort surprise d'y découvrir mes chagrins ou mélancolies affichés, parce que je crois qu'ailleurs qu'ici, et sauf avec les amis très proches, je suis une sorte de roc, ou du moins j'apparais comme telle (et j'en suis assez fière, c'est con, mais bon, je suis la fille de mon père...). J'avoue même me "forcer" un peu à écrire ici des choses que je ne dirais pas car j'y trouve un recul appréciable et nécessaire sur ma vie, parce que je me "débarrasse" de certaines choses à les exprimer enfin et me sens ainsi plus légère. J'éprouve également un certain réconfort fait d'empathie (la mienne et celle des autres) à sentir que je ne suis pas seule à vivre certaines choses difficiles. Les mots de sympathie voire d'affection, si sincère et touchante - ici et sur mon mail - venus "d'inconnus" dont je sais pour les lire qu'ils n'ont pas rigolé tous les jours non plus - comme tout un chacun - me sont d'une douceur incroyable.... Et me font diablement avancer. Depuis 3 mois, j'en suis ébahie !

J'espère ne pas apparaître ici comme me "plaignant" particulièrement. Je suis tellement consciente de ce que nous traversons tous, quotidiennement et exceptionnellement, et j'espère vous faire rire aussi parfois dans mes billets parce que la vie me fait autant rire qu'elle m'a fait pleurer.

Loin de moi l'idée d'afficher un "palmarès" de souffrance, ou un barême de nos fêlures et blessures respectives. Je suis fort consciente du lot de chacun, et que le mien n'est pas plus lourd qu'un autre. J'écrirai même ici sûrement un jour sur la "chance" incroyable que je considère être la mienne. Celle d'être consciente, et d'avoir si fort envie de continuer à l'être, même au prix de griffures ou plaies parfois...

Permettez-moi seulement, dans cet espace que je me suis façonné, ce nid dont j'agence les brindilles douillettes chaque jour, de dire que oui, il y a des jours où j'ai envie de me bercer dans mes propres bras (et un peu dans les vôtres, merci...) parce que je n'en ai pas à la maison, des bras réconfortants. Et qu'il y en a tant qui me manquent. Que je ne souhaite pas me "plaindre" particulièrement, mais que parfois, nom d'un chien, il y a des trucs plus difficiles à avaler que d'autres, même si je ne considère rien comme particulièrement juste ou injuste. Ce qui est, est. Point.

Et ce qui est, et que j'accepte comme tel, c'est aussi qu'en ce moment, j'ai un fond de mélancolie (bien légère par rapport à d'autres que j'ai connues) parce que je vais prendre un an dans quelques jours, et que cette année-là éloigne encore un peu plus de moi un projet que j'avais caressé et bichonné et rêvé et failli concrétiser avec l'homme que j'aimais, il y a déjà un bail, et qu'il m'a été donné de "m'émouvoir" plutôt seule au-dessus de son cercueil qu'avec lui au-dessus d'un berceau. Et que ça me fait chier encore au coeur de certaines nuits d'insomnie de me dire que ce projet-là fait partie des souvenirs et uniquement des souvenirs. Et que ça ne fait pas que me faire chier, c'est aussi un chagrin. Et qu'il faut que j'accepte de vivre avec. Ou plutôt sans. Merde ! Bon ça y est, je l'ai dit (j'en suis débarrassée... peut-être).

J'ai l'impression d'être extrêmement maladroite à exprimer tout ça. C'était parti pour faire partie des commentaires du billet précédent, et puis... Je vais retourner me coucher, j'ai envie de dormir tout à coup, c'est bien. Bonne nuit, à demain. Il y a encore tellement de choses à dire, à écrire, à rire...

mardi 24 janvier 2006

Les mois de janvier sont mélancoliques...

Les miens en tous cas.... Cela fait déjà plusieurs années que j'éprouve en début d'année un sentiment étrange, pas vraiment désagréable, mais un peu encombrant. Je pensais qu'au retour d'Inde, cette drôle de "tradition" me serait épargnée, énergisée et émerveillée que j'étais, pleine de projets et d'envies... Et puis, depuis quelques jours, je me sens envahie par cette espèce de langueur un rien morose que je commence à bien connaître, et même à identifier.

Elle s'est adoucie pourtant avec le temps. Il y a eu des années difficiles, et quand je commençais celle d'après, j'appréhendais toujours de me retrouver dans un champ de mines identique. Les années-cimetières, celles où j'ai enterré tant de gens que j'aimais, brutalement ou de façon "attendue", terriblement : merci sida, cancer, auto, moto... Les années-hécatombe inaugurées par la mort de Julio, mon amour, en 93, et closes par celle de Choul, mon chéri que j'ai eu si peu le temps d'aimer, en 2002. Et entre eux deux, tellement d'absences.... J'ai souvenir du réveillon qui nous menait en 2003, où un ami m'avait serrée dans ses bras à minuit en me disant "Ma Traou, qu'est-ce qu'il faut te souhaiter pour cette année ?" et où j'avais pensé si fort qu'il l'avait sans doute entendu : "Ce serait bien que personne ne meure...". J'avoue que j'ai été exaucée jusqu'ici. Depuis bientôt quatre ans, mon Dieu, c'est assez calme sur le front des enterrements et crémations.

C'est drôle, j'avais commencé à écrire ce billet. Une vingtaine de lignes peut-être... Une mauvaise manip' et elles se sont effacées sans crier gare. Et j'ai eu un coup de fil, puis deux, et je suis revenue à mon ordinateur en me demandant s'il fallait les écrire, finalement. Ou alors différemment.... Ou alors je les enlèverai d'ici après mûre réflexion.

Bon j'avoue, je sais très bien pourquoi je n'aime pas les mois de janvier, en fait. C'est parce qu'ils précèdent les mois de février (enfin, généralement), et... en février c'est mon anniversaire.

J'ai l'air malin : je me suis souvent gaussée des gens qui déprimaient ouvertement à chaque nouvelle bougie. Et ai toujours proclamé bien haut que moi je m'en fichais com-plè-te-ment ! Et finalement, je me demande si ça ne serait pas ça qui... Parce que, en général, après la date fatidique, ça va beaucoup mieux. L'année démarre. Enfin.... Vraiment, j'ai l'air malin.

Alors voilà, plus que trois semaines et je vais pouvoir assimiler ce petit truc en plus et continuer sur ma lancée. Ou alors serait-ce le petit truc en moins qui me chiffonne ? Le regret de ce qui n'a pas été, de ce qui ne sera pas. L'angoisse du temps qui ne revient pas, et des choses dont on rêve à 20 ans, à 30 ans, et qu'on voit s'éloigner, voire s'interdire à 40, 42, et un peu plus chaque année... Même si la plupart du temps, je préfère être là où je suis que là où j’étais, et que je ne reviendrais pas en arrière pour tout l’or du monde (« J’avais 20 ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » Paul Nizan. Très juste)

J’avance. Je continue. Parce qu’il m’apparaît de plus en plus, au fur et à mesure de mes expériences, de mes souffrances et de mes joies, que les évènements de ma vie sont chacun – bons ou mauvais – une pièce d’un puzzle dont je ne comprendrai le dessin (dessein) que lorsqu’il sera achevé. Elles s’emboîtent parfaitement les unes aux autres et ont chacune leur raison d’être. Toutes infiniment justes. Toutes à leur place.

La mort de Julio est une de ces pièces. Et celle de Choul. Et tant d’autres… Mais aussi les joies, les rencontres, les chances, les opportunités heureuses. Et ma solitude aussi. Et la famille que je n'ai pas construite. Et il me faut les accueillir chacune sereinement, identiquement. Mettre chaque pièce à sa place avec le même acquiescement. Je crois. Parce qu’aucune pièce du puzzle n’est inutile. Parce que de chacune il m’est demandé de faire quelque chose. Qu’ai-je fait de chacune d’entre elles ? Certaines m’ont détruite, oui. Et construite telle que je suis. Je suis un peu morte avec certaines. Et re-née à chaque fois. Plus fragile et plus forte. C’est mon puzzle. Je dois l’accepter, le construire jour après jour, pièce après pièce, sans en contester aucune.

N’empêche… j'ai beau savoir et être intimement persuadée de tout cela, il y a des jours mélancoliques. Ils font partie du puzzle aussi, je sais bien. Mais je voudrais bien savoir qui va m’empêcher d’aller fouiner dans ma cuisine pour y trouver une tablette un morceau de chocolat ! Et si je trouve un pot de Nutella sur mon chemin ce soir, je vous garantis qu’il va regretter d’être né !

lundi 7 novembre 2005

Film de secours

CapraJe crois être dans l'humeur parfaite pour revoir, pour la millième fois environ, ce qui est sans doute un des dix films de ma vie :

"La vie est belle" de Franck Capra.

Je l'ai découvert il y a une vingtaine d'années, au ciné-club de la fac, dans un amphi aux sièges en bois pour le moins inconfortables sur lesquels beaucoup d'entre nous avaient grimpé à la fin de la projection pour crier leur enthousiasme, sans songer à cacher leurs larmes (pour ma part, je l'ai vu 1000 fois, j'ai pleuré 1000 fois de bonheur à la fin).

Je connais aujourd'hui par coeur l'histoire de George Bailey (James Stewart), né dans une petite ville banale, qui met de côté ses rêves d'aventure pour reprendre par obligation l'entreprise familiale, se marie, fait quatre enfants et mène une vie routinière à peine parfois perturbée par l'homme d'affaires et tyran local.

Jusqu'au jour où son vieil oncle et collaborateur qui perd un peu la tête "égare" une grosse somme d'argent : George est menacé de la ruine et du déshonneur. Persuadé d'avoir raté sa vie, il envisage de se suicider afin que sa famille puisse toucher l'argent de son assurance-vie, son seul bien, et rembourser la somme perdue....

Mais le Ciel veille et lui envoie Clarence, un drôle d'ange gardien un peu maladroit et innocent, de deuxième classe (il n'a pas encore ses ailes : il les gagnera s'il remplit sa mission), qui va lui redonner goût à la vie en lui montrant ce que le monde qui l'entoure aurait été s'il n'était pas né....

C'est le film des jours où l'on a besoin d'un petit coup de pouce pour se dire que oui, ça vaut la peine de continuer, qu'il y a sûrement un excellente raison à notre présence ici-bas, même si elle n'apparaît pas évidente tous les jours. Et aujourd'hui, ça tombe bien, j'ai un petit coup de mou, alors je vais dégainer mon merveilleux "film de secours" !

Capra disait de son film :

"La Vie est Belle" est un film pour les alcooliques, les drogués et les prostituées, pour ceux qui sont derrière les murs d'une prison ou des rideaux de fer. Un film pour leur dire qu'aucun homme n'est un raté.

Je n'en suis pas encore là, mais merci Franck !

dimanche 6 novembre 2005

Visite

Je me suis réveillée ce matin avec une étrange sensation de malaise. Une boule sur l’estomac. Une sorte de cafard sans forme et sans raison apparente, j’avais beau chercher…. Un mauvais rêve dont je ne me souviendrais plus ? Le mélange de deux vins hier soir ?…..

Je me suis occupée pour essayer de faire passer cette sensation pas très agréable et injustifiée : changer les draps, faire la vaisselle de mon dîner indien de la veille avec JF, un peu de rangement, mettre des coings à cuire pour faire de la confiture, écrire un peu pour mon blog… Que puis-je bien lui confier à mon blog, ce matin ? Que j’ai un fond de cafard sans savoir pourquoi ? Non, tiens, ce petit texte que j’ai pondu récemment sur l’arrivée de l’automne qui me réjouit toujours, c’est mieux. Et puis ça correspond un peu à l’humeur du jour, très automnale, qui m’intrigue et m’agace de ne pouvoir lui donner un nom.

Et puis au fur et à mesure que la journée avance, ce malaise se précise. Et bientôt je l’identifie, je peux lui donner un nom : le malaise s’appelle Lou, c’est une petite fille d’à peine une semaine pour qui j’ai acheté un cadeau hier et dont je dois faire la connaissance tout à l’heure. Et je n’ai pas très envie d’y aller…..

Ce n’est pas elle qui est en cause, la pauvre choupette, c’est moi, je le sais. Je sais que le spectacle de cette famille toute neuve, à l’unisson de laquelle je vais me réjouir comme il se doit, va aussi me renvoyer à ma propre solitude et au fait que je n’en suis pas encore – loin de là – à « l’acceptation » de celle-ci. J’en suis encore à la « renonciation », peut-être même à la « résignation » de ne pas avoir ma propre famille, mais j’ai encore pas mal de chemin à faire avant « l’acceptation », qui est le contraire de ces deux notions, en ce sens qu’elle est positive, elle est un « oui » actif à la vie telle qu’elle se présente, et le moteur pour en faire quelque chose. Renonciation et résignation ne sont que des palliatifs. J’en suis aux palliatifs….

Alors j’y suis allée. J’ai pris le thé, j’ai félicité, complimenté, me suis extasiée devant l’adorable nouvelle-née. J’ai entendu le récit des contractions, de l’accouchement, ai assisté à la tétée. Et dans le métro du retour, j’ai pleuré.

J’ai hâte d’être à demain. Au bureau, du boulot par-dessus la tête, exactement ce qu’il me faut pour la semaine à venir, pour oublier la méchante chanson de Souchon qui me trotte toujours dans la tête quand je suis dans cet état-là : « Tu la voyais pas comme ça ta vie, la, la, la… ».

Merde, c’est difficile ce soir.

dimanche 30 octobre 2005

Bienvenue à Lou !

Elle est née hier soir. Elle est la fille de mon vieux copain D. qui m’a appelée tout à l’heure (et tout ému) pour m’annoncer la nouvelle. D. et moi on s’est rencontrés sur les bancs de la fac, en 82 ou 83. On ne s’est pas quittés depuis. Il y a 7 ans il a rencontré A. Ils se sont mariés il y a deux ans et j’étais sa « témouine », comme il dit. Et voilà, Lou est entrée dans la course….. Bienvenue à toi, petite fille, et belle vie !

Moi je n’ai pas d’enfant. Ce n’est pas un choix, c’est la vie qui a fait que…. ça ne s’est pas fait, voilà. Julio est mort il y a douze ans. J’avais 29 ans et demi. Nous avions parlé ensemble de fêter mes trente ans avec un bébé. Raté.

Sept ans plus tard, je me séparais de N. avec qui je vivais une relation douce, tendre et gaie et qui m’avait réappris ce qu’était le bonheur d’être deux. Mais qui opposa un refus catégorique à ma demande d’être trois. Il était déjà papa, lui.

Par la suite, je n’ai pas rencontré celui avec qui faire de nouveau ce projet. Ou du moins pas assez longtemps pour l’envisager.

Alors voilà. Je ne peux pas dire que ce soit une réelle souffrance. Telle que celle que vivent certaines de mes copines qui ne peuvent – physiologiquement – pas avoir d’enfant. Ma non-maternité est question de circonstances. C’est un manque, tout au moins, c’est certain.

Quand je vivais avec Fox – jusqu’en mai dernier, un joli compagnonnage d’un an, tendre et drôle – j’adorais les week-end avec ses deux enfants : faire la cuisine pour le déjeuner du dimanche, les petits-déjeuners à quatre, les balades ou le cinéma « en famille ». Tout cela est très « exotique » pour moi. Et j’y prenais énormément de plaisir. Je suis même allée voir des films en VF, c’est pour dire ! Pour moi qui n’ai jamais vécu de quotidien avec des enfants, sortir de la machine à laver des vêtements taille 10 ans et les étendre sur un fil était émouvant. Et aussi mettre dans le caddie du supermarché des céréales autres que mes « Spécial K » de fille (des trucs avec du chocolat, des bouilles de BD sur la boite et des autocollants « Indestructibles » à l’intérieur, vous voyez le genre). Et je ne connais pas de joie plus simple et plus intense que de faire un gâteau au chocolat avec un enfant !

Alors bien sûr, je dispose d’une liberté que n’ont pas les parents. Quelques exemples :

  • Après avoir fait la fête hier soir jusque fort tard (pas de baby-sitter à raccompagner), j’ai fait ce matin une grasse matinée qui n’a pas été loin de se transformer en « grasse après-midi », et n’ai eu ensuite à me préoccuper de rien d’autre que de soigner ma (légère) gueule de bois. Et je n’envisage pas de manger quoi que ce soit avant ce soir, na !
  • Il y a trois semaines, j’ai dîné avec un de mes copains, célibataire et sans enfants (espèce en voie d’extinction dans mon entourage). A la fin du dîner, nous avions décidé de partir ensemble en Inde pour passer les fêtes de fin d’année. Comme ça.
  • Je fais un boulot qui m’amène parfois à me déplacer, en France ou à l’étranger, et je n’ai aucune disposition particulière à prendre quand je m’en vais.
  • Si j’ai envie d’aller à la gym en sortant du bureau, ou voir une expo en nocturne, je le décide au dernier moment et rentre à l’heure que je veux, et si mon frigidaire est vide, tant pis.

Il est arrivé que certaines de mes copines, qui ont charge de famille, disent m’envier cette liberté. A mon avis, c’est un sentiment passager : quand elles rentrent chez elles et que leurs petits loups leur sautent au cou, elles doivent quand même préférer être dans leur peau que dans la mienne….. Parce que quand je rentre le soir, pour ma part, il faut que je mette un CD ou que j’allume la télé si je veux entendre autre chose que le silence. Parfois c’est bien, parfois non….

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