Où est l'artiste ?
Par Traou le mercredi 3 février 2010, 20:54 - Mots à moi - Lien permanent
Une scénariste/écrivain rencontrée professionnellement m’a offert l’autre jour – sachant que j’écris « dans la clandestinité » - un livre qui a selon ses dires changé sa vie… J’ai trouvé sympathique qu’elle veuille ainsi – peut-être – m’aider à changer la mienne. Il est vrai que je souffre parfois depuis quelques temps de consacrer la majeure partie de ma vie professionnelle à aider des créateurs à créer, alors que je me l’interdis moi-même, du moins aux yeux de tous. Je suis parfois ébahie de la facilité de ceux que je côtoie jour après jour à se déclarer auteur, écrivain, conteur d’histoires, sans dissimulation, avec fierté et simplicité. Moi j’avoue parfois péniblement que moi aussi il m’arrive de me servir d’un stylo ou d’un clavier, mais je reste idiotement mystérieuse sur mes « œuvres », la plupart du temps. Et je commence à en souffrir.
Il est vrai que je viens d’une famille où chaque fois qu’il m’est arrivé d’affirmer que j’écrivais, la réaction était quasi aussi gênée que si j’annonçais pratiquer le striptease dans des bars louches pour boucler mes fins de mois. J’ai récemment fait l’expérience à la table familiale d’avouer avoir posé comme modèle (donc nue) pour un peintre il y a quelques années : c’est passé presque comme une lettre à la poste. Je crois que chez moi, il est moins grave et impliquant de montrer ses fesses que ses émotions ! Alors j’ai encore un peu de chemin à faire pour oser les assumer, les affirmer, autrement qu’anonymement.
Alors je lis ce livre chaudement recommandé qui s’intitule en anglais « The artist way », traduit en français par « Libérez votre créativité », de Julia Cameron, dont plusieurs personnes m’ont parlé depuis comme la grande prêtresse du Créateur qui vit – se cache le plus souvent – en chacun de nous. Elle y parle notamment des « artistes fantômes » et déçus que nous pouvons devenir, en ne nous autorisant pas à créer. Et du palliatif que nous trouvons parfois à nous consacrer à la création des autres. Je me suis sentie un rien visée…
J’avoue que son bouquin m’apparaît parfois un peu trop new age et simpliste, voire cucul-la-praline, mais il comporte quelques bonnes pistes à explorer, surtout en ces temps où ma plume me boude quelque peu (ou bien c’est moi qui la boude, peu importe, le non-résultat est le même).
Depuis quelques temps, je m’astreins – selon les instructions de la prêtresse – aux « pages du matin », trois obligatoires, manuscrites, le matin au réveil. On doit noircir trois pages, même si toute inspiration semble encore embuée de sommeil. Et c’est très étonnant.
On a interdiction de les relire. Ou alors beaucoup plus tard, quand le petit artiste intérieur aura émergé. Alors je ne me souviens pas vraiment de ce que j’ai écrit ces matins-là. Des bribes de rêve, des grognements matinaux, des peurs de la journée à venir, les yeux écarquillés de mon chat, attentif et impatient de son petit déjeuner (il lui arrive de traverser mon cahier pour mieux attirer l’attention) ? Je sais que des images émergent, venues d’on ne sait quel recoin de la nuit : le souvenir d’une peur d’enfant le jour de la rentrée devant un préau de bois immense, un geste gracieux de ma mère, un baiser imaginaire ou réel, une question répétitive « que pourrais-je bien écrire pour noircir ces foutues trois pages et aller prendre mon café ». Des mots sans contrôle et sans but, qui donnent au final envie d’autres mots. Quelquefois la fin de la troisième page arrive trop vite, mur contre lequel je me contente de buter, en attendant la suite. Laquelle, on verra. La curiosité des mots me revient doucement. Peut-être un jour offrirais-je ce livre moi aussi ?
Commentaires
Quel drôle d'exercice ! Tu nous en donneras des nouvelles ? Je me demande toujours si on peut revenir construire sur la friche...
tu sais que c'est très intéressant ce que tu fais? C'est donner au cerveau droit l'occasion d'émerger.. écrire rien que pour soi, sans contrôle, sans obligation de résultat...
Oui tu en parleras j'espère dans quelque temps...
Ce que j'ai hâte de te lire autrement. Là aussi, hein, évidemment.
On appelle ça aussi l'écriture automatique, écriture sans volonté de raconter, sans contrôle, laisser se juxtaposer les mots. Je pratiquais cet exercice régulièrement avant, pas forcément le matin d'ailleurs. Et comme je garde tout, j'ai retrouvé dedans parfois (pas souvent) de quoi utiliser pour mes écrits plus construits. C'est une bonne idée, une bonne hygiène de créateur même si ça semble laborieux. D'ailleurs je devrais m'y remettre
Pour ta famille, une piste : dis-leur que tu écris des romans érotiques ? (Quoi ??!!)
Et dans ce bouquin, il n'y a pas d'exercice à faire comme celui-ci - écrire un billet sur votre blog tous les soirs à 20h54 ?
Toi qui doutes, qui écris dans la « clandestinité », qui souffres du manque de temps ou d'envie ou d'inspiration pour écrire, qui as cette pudeur presque adolescente et désamante, t'es beaucoup plus « artiste », ou « écrivain », ou je ne sais quoi, que la plupart de tous ceux-là qui prétendent l'être et qui même publient (mais j'espère que tu ne seras pas d'accord avec moi, au moins pour l'instant, sinon mon raisonnement serait faux !!! ). Bon courage, lâche ta main et tes mots, lâche-toi toi-même : si ces exercices, j'allais dire ces « vocalises », t'aident, ben tant mieux.
((non pas « désamante », mais désarmante !, à quoi bon sert ce bouton de prévisualisation des comm's bon sang !!!???))
Ta famille appréhende peut-être le fait d'être exposée sur la place publique, que tes récits dépeignent certaines histoires..., d'être reconnue , ce qu'elle vivrait peut-être mal .... ça me fait penser à un livre d'Alison Lurie "des gens comme les autres" .
Tu l'as peut-être lu ? L'héroïne, écrivain est à un point tournant de sa vie où elle stagne. En résidence dans un endroit paradisiaque, elle s'interroge ...
Pour le livre "libérez votre énergie" que je n'ai pas lu, qu'importe qu'il soit cucu la praline, s'il t'aide à te poser des questions, trouver des solutions, non ?
Pardon de ne pas répondre plus fidèlement à vos gentils commentaires...
@Fajua : Je ne parlerais pas de "friche" (pas tout de suite ). Plutôt d'un espace vide qu'il convient de traverser pour retrouver la végétation, luxuriante ou pas, de mots. Ce type d'exercice peut aider je crois à effectuer la traversée plus rapidement ou sans se décourager ?
@Coumarine : J'espère donc que mon cerveau droit va en être bien stimulé. En parler après ? Peut-être pas. Ecrire les mots qui en seront nés j'espère, sans parler du cheminement lui-même, qui n'est sans doute intéressant que pour celui qui le fait...
@Telle : Merci de tes messages toujours attentionnés, ici ou ailleurs. Nous continuerons à nous lire l'une l'autre, je le crois.
@Luciole : Quelquefois cette écriture-là me semble plus laborieuse qu'automatique. Et parfois elle file comme l'éclair ! Ta plume à toi me semble toujours alerte et vaillante en tous cas !
@Anne : Je l'ai fait (écrire des trucs érotiques) ! Mais je n'en ai pas encore parlé à table. Tu as raison, je vais tenter le coup !
@Madeleine : Ah mais le billet de blog obligatoire à 20h54, c'est quand on passe en doctorat de "libérer sa créativité" ! Je suis une débutante, patience !
@Pablo : Merci, je suis très touchée de ce message (et même du "désamante" qui m'amuse et me plaît : on pourrait en faire un sujet, et un titre de roman : "La Désamante"... Je te l'emprunterais peut-être un jour...)
@Tisbea : Bonjour et merci. Je n'ai pas lu le livre en question. Dès que je serai plus avancée dans mes exercices, je m'y plongerai.
Bonsoir,
J'adore le commentaire de Anne
Pourtant nous serions nombreux fidèles à te lire si tu le faisais !
Je sens que ces exercices vont t'emmener plus loin que tu ne le pensais...
Tu verras...
Et si tu faisais un billet sur Un repas dans ma famille,
je pense que cela m'amuserait...
J'ai beaucoup ri au "désamante" de Pablo...
Bises Traou, tu pars à Berlin ?
Riez, riez, Fauvette ! Je ne te demanderai pas de droit d'auteur, le mot est la faute à ton blog, Traou
Bon anniversaire Traou !
(Bon, je me suis pas **encore** trompé de jour, j'espère...)
Heu... François... Je crains que....
Mais ce n'est pas grave du tout, tu sais : ça me fait très plaisir de prendre un an de plus avec un peu d'avance chaque année grâce à toi !
Des bises et merci !
Il fait ça pour être toujours le premier, François !
Je n'ai jamais surpris Pablo se trompant... donc...
Bon anniversaire Traou ! Et plein de beaux voyages à venir !
OUPSSSSSS je nous croyais déjà le 12
Lis donc le commentaire précédent seulement demain :D
Ah mais c'est un monde ! Comme tous les ans, voilà mon François qui met la pagaille dans mon calendrier personnel, que même moi je finis par ne plus bien savoir quelle est la bonne date !!!
Bon, j'appelle ma mère pour vérifier et je vous tiens au courant, je ne sais plus du tout où j'en suis, c'est vrai, quoi.... (merci François )
Bon anniversaire Traou !!!
Et oui, cette fois, c'est la bonne... Du champagne et joyeux anniversaire !
Ayé on est le 12 !! Bon anniversaire !!!
Bon anniv l'artiste !
Pablo, cafteur !
Traou, grâce à moi ton anniversaire dure plus longtemps
Bon naninanère !!
François : Et dire que tu oublies le mien ! MDR !!!
Joyeux Anniversaire
je ne poste pas beaucoup de commentaires, mais je viens toujours.
Plein de pensées et de bises à toi
Très heureux Anniversaire Traou ! Moi aussi je me trompe ts les ans de date, mais je sais que c'est au moment du Festival de Berlin ! Grosses bises.
un anniversaire ici ? qu'il te soit joyeux alors !!
(ai commencé en pensant à toi le journal d'Hélène Berr et c'est fou comme sa pudeur à se dire écrivain(e) vous rapproche)
Crois moi si tu veux, mais le contrat passé avec Julia Cameron, mes trois mois d'écriture et tous les exercices qui s'y rattachent ont littéralement changé ma vie, d'une manière assez extraordinaire. Autour de moi, j'ai cherché à susciter d'autres vocations en l'offrant à tour de bras, mais tout le monde a été rebuté par la pseudo philosophie new age.
Mais VRAIMENT.
Ce livre, j'en parle un peu là, mais tout ce livre me nourrit encore chaque jour.