Retour de Berlin

Autant vous le dire tout de suite : je n’ai pas vu grand-chose de Berlin. C’est toujours un peu comme ça quand on va dans les festivals : on passe de son hôtel aux espaces destinés au marché, aux réunions diverses, aux manifestations professionnelles. Quelquefois on organise même ses réunions dans l’hôtel, comme ça on n’a même pas besoin de sortir, surtout s’il fait froid. On se balade avec un très moche sac (offert par la manifestation, en général une sacoche en plastoc renforcé avec plein de logos de sponsors dessus) bourré de catalogues gros comme des dicos (on tue – inutilement – un nombre d’arbres insensé pour donner de la lecture aux festivaliers, ça me fend le cœur chaque fois, et ça me démet l’épaule aussi, accessoirement). On a des badges autour du cou avec son nom, le nom de sa société et sa photo (prétexte à se torticoliser en ayant l’air de rien quand on croise un gars qui a l’air de fort bien vous connaître, qu’on a déjà croisé au festival précédent et à tous ceux de l’année dernière, mais dont on ne se souvient fichtre pas du nom, ni de ce qu’il peut bien faire pour gagner sa vie et dans quelle boîte, j’en ai mal au cou rien que d’y penser).

Berlinale

Sinon, j’ai vu zéro film. La photo-là, j’ai poussé jusqu’au « Palais » du Festival pour la prendre exprès pour faire ma crâneuse sur mon blog, mais mes petons n’ont pas foulé une seule seconde ce tapis rouge, vous pouvez me croire. Pas de regret, les seuls films visibles pendant notre séjour là-bas n’ont guère enchanté mes congénères qui ont pu en être spectateurs…

En revanche, je suis allée à l’opéra. Deux fois en trois jours, moi qui n’y mets jamais les pieds à Paris !

La première fois avec mon copain Jesus qui fait peu ou prou le même boulot que moi à Madrid (oui j’ai un copain Jesus, moi, ça vous en bouche un coin, hein ! Y’a pas d’accent sur le e mais y’en a un sur le u, mais pas dans le même sens qu’en français, alors j’en mets pas. Quoi, j’suis pas claire ?). Jesus, donc, est fou furieux d’opéra : tout son fric et son temps libre y sont consacrés. Il passe ses week-ends et vacances de Rome à Londres, en passant par New York, Berlin et Paris, en fonction des opéras qui y sont présentés et est capable de s’en enquiller 8 en six jours, comme il l’a fait récemment…). Il m’avait donc proposé de l’accompagner à la première de « Arabella » de Richard Strauss, au Deutsche Oper. J’étais excitée comme une puce : mon premier opéra !

Il faut vous dire que j’ai été élevée par un père qui partage avec le capitaine Haddock un réflexe de « Tout le monde aux abris ! » dès qu’il entend la moindre note émanant d’une Castafiore ou assimilée, alors l’opéra, je n’ai pas grandi avec, c’est le moins qu’on puisse dire. Ensuite, je n’ai jamais eu personne autour de moi qui s’y intéressait vraiment et aurait pu m’initier, alors me voilà, à mon âge (canonique, comme je crois l’avoir déjà dit), en plein baptême d’art lyrique.

C’était superbe ! Musique magnifique. Chanteurs sublimes (sauf un qui s’est fait huer à la fin. Je ne m’y connais pas assez pour juger de ses qualités vocales, mais j’ai trouvé ça super dur pour lui… Tiens, je viens de me rendre compte que c’était le seul français de la distribution, zut). Bon, sinon, mise en scène à chier, pardonnez-moi d’être vulgaire, mais bon : un décor de parking avec des voitures qui vont et viennent pour tout effet, j’ai vu mieux (je ne suis pas la seule, le metteur en scène s’est fait huer aussi). Quant à l’intrigue, bon, ça devait plaire en ce temps-là (1933, première création), mais c’est genre collection Harlequin compliqué. Je vous résume l’affaire : Papa Waldner est ruiné. Il cherche donc à marier sa fille avec un bon parti pour couvrir ses dettes de jeu. Pour augmenter les chances de mariage d’Arabella, l’aînée, plutôt gironde, on déguise sa sœur cadette en garçon (?! idée saugrenue). Arabella a quatre prétendants, dont un, Matteo, que kiffe grave sa petite sœur qui ne peut lui dire (à Matteo) parce qu’en plus, vu qu’il la prend pour un garçon, il l’a choisi comme meilleur copain et confident pour lui faire part de ses tourments amoureux concernant Arabella, c’est cornélien. Voilà un cinquième larron qui arrive, Mandryka, dont le tonton a déjà épongé les dettes de jeu du papa, je ne sais pas bien pourquoi, lequel lui promet donc sa fille. Ça tombe bien, ils tombent amoureux au premier coup d’œil. L’affaire semble réglée, sauf que la petite sœur qui n’en peut plus, trouve moyen de s’envoyer en l’air avec Matteo en se faisant passer pour sa sœur (c’est dans le noir, elle met une perruque, tout ça, enfin, il doit pas être bien malin non plus…). Lequel Matteo va se vanter de la chose auprès d’Arabella qui ne comprend rien, et Mandryka qui passe par là entend tout, arghhhh !.... Bon la sœur finit par enlever sa perruque, on comprend la supercherie, Mandryka pardonne et il y aura deux mariages pour le prix d’un. C’est-y pas beau !

La chanteuse qui jouait le rôle d’Arabella, en plus d’une voix divine, était vraiment fort jolie (vous avez remarqué, les cantatrices, elles ne sont plus obèses, de nos jours, je ne sais pas pourquoi… Avant, on pensait qu’il fallait faire 1,50 mètre de tour de taille pour avoir une voix, mais non), et en plus elle porte un manteau de fourrure pendant trois heures d’affilée, ce qui, vu la chaleur qu’il faisait dans ce théâtre, ne devait pas être bien confortable…

Arabella

En sortant, nous regardons la programmation des jours à venir avec Jesus, et nous découvrons que le surlendemain se joue « Ring um den ring », un ballet de Béjart autour de la Tétralogie de Wagner « Der Ring des Nibelungen ». Pour la modique somme de 17 euros ! Le spectacle durant 4 heures 40, ça ne fait pas bien cher du tarif horaire !

Nous y sommes donc allé, le soir de la Saint Valentin (yep !), accompagnés par Cristina, qui fait peu ou prou le même boulot que nous à Rome (j’adore mon job, une vraie Babel, on a des réunions en cinq langues différentes quelquefois, à se demander comment on avance…). Je dois avouer que nous étions tous très fatigués, et que mes deux acolytes ont déclaré forfait au premier entracte, au bout de deux heures. Personnellement, je suis restée une heure de plus avant de rentrer me coucher. C’était très beau, mais je ne connais pas bien l’histoire du Ring, et je ne comprenais pas tout, le narrateur allemand ne m’aidant pas énormément.

Ring um den Ring Mais quels danseurs ! Quelle beauté ! Béjart est amoureux du corps et en exploite toutes les possibilités techniques et artistiques, c’est magnifique, vraiment. Quoique, autant je trouve souvent les danseurs superbes (et il y avait là un ou deux spécimens particulièrement agréables à regarder, j’avoue, d’autant que fort peu vêtus, des fesses admirables, ma foi), autant les danseuses classiques ont souvent des corps qui font peine à voir… A part une ou deux sublimes, les autres ont de pauvres corps torturés, maigres, aux jambes tellement musclées qu’elles en prennent des formes étranges, aux bustes sans poitrine, aux côtes et hanches saillantes… Moi qui rêvait d’être danseuse quand j’étais petite (je suis de la génération qui rêvait devant «L’âge heureux» de Odette Joyeux à la télévision, mais je vous parle d’un temps que les moins de vingt trente-cinq ans ne peuvent pas connaître), et qui ai sué sang et eau agrippée à une barre pendant pas mal d’années, en trouvant que les pointes, ça faisait TROP mal (mais j’adorais), et bien je ne regrette pas de ne pas être maigre comme ça, finalement !

Tiens, en parlant de ça, on ne mange pas très bien à Berlin (le festival de San Sebastian, est beaucoup plus prisé, gastronomiquement parlant : en plein pays basque espagnol, on passe le plus clair de son temps à déguster des farandoles de tapas délicieuses…). Je vous assure que quand on se retrouve avec des gnocchis vert fluo dans son assiette, on n’a pas envie de rire… Je faisais un détour aussi au buffet du petit déjeuner pour éviter le rayon des harengs et autres poissons fumés. Le matin ça me soulève un peu le cœur…. La wiener schnitzel c’est pas mauvais mais ça n’est rien d’autre qu’une vulgaire escalope panée, géante, soit. Sinon, les berlinois mangent des glaces tout le temps, par moins quelque chose au-dessous de zéro, ça surprend, mais c’est vrai qu’elles sont bonnes. La bière aussi.

Heureusement, pour me réconforter, en rentrant j’ai retrouvé mon délicieux cadeau spécial Saint Félix, un assortiment sucré-salé pour me rappeler ma Bretagne. Hmmm… Merci Alice !!!

cadeau de Saint Félix !

(oui, ce sont des hortensias bleus séchés derrière... je suis forte en mise en scène, moi ! Et la marque des "Petits calins de Pont Aven", c'est bien évidemment Traou Mad !)

PS : Une petite dernière sur la Saint Valentin. Allez donc lire le récit de sa soirée romantique chez "Orange Drenka - nulle en mulot". Ça vaut son pesant de cacahuètes, ou d'huitres, d'ailleurs....

Commentaires

1. Le jeudi 16 février 2006, 16:11 par Anne

Tu as oublié de dire que le badge passe les deux tiers de son temps face imprimée collée contre soi, ce qui rend de toute façon impossible toute lecture de qui est qui !!

Et bien quel programme ! Ca donnerait presque envie d'aller à Berlin, tout ça (sauf que c'est quand même Berlin, hein).

Sinon soupir mélancolique sur tes hortensias. C'était une des grandes activités de ma grand-mère de produire de l'hortensia bleu séché. Je ne sais même plus si je les aime ou pas, tellement juste leur vue me rappelle des choses passées. Snif un peu, doux aussi...

2. Le jeudi 16 février 2006, 17:05 par alice

Ah l'opéra! Je n'y connais rien mais de temps en temps, j'aime bien. J'écoute en solitaire depuis que mon fils s'est écrié en entendant Norma: "ben qu'est-ce qu'elle a à brailler comme ça? Elle s'est coincé le doigt dans une porte?"Le goût vient en vieillissant parfois.

3. Le jeudi 16 février 2006, 18:19 par Rose

Bon! Dans le désordre:
J'adore ta mise en abyme chez Obni! -> Je suis jalouse. Car c'est un peu la mienne aussi! (Enfin, si j'en avais eu l'idée et si j'avais participé au "concours!)
Tu parles vraiment 5 langues différentes????
Tu aimes la danse et tu es un peu maso? -> Je connais ça!
Tu travailles dans le... cinéma? -> Pardon, mais ça force mon admiration!
J'arrête. Ok, j'arrête! :)

4. Le jeudi 16 février 2006, 19:02 par Traou

Anne > Pour le badge, c'est exact ;-) Je vois que j'ai affaire à une habituée...
Pour les hortensias, je te souhaite un souvenir doux, aujourd'hui...

Alice > Ton fils a piqué une réplique de mon papa ! (et en ce qui le concerne, il est trop tard pour que le goût vienne...)

Rose > Tu peux toujours participer au concours chez Obni, c'est ouvert non-stop. Et je suis sûre que tu vas trouver la tienne rien qu'à toi !
Non, je ne parle pas 5 langues, mais mon boss oui et Jesus aussi, alors ils s'y collent pas mal de faire les traducteurs pendant les réunions, et quelquefois chacun parle dans sa propre langue et en bricolant, on arrive à se comprendre, ça tient du miracle.... Et oui, je bosse dans le cinéma, mais il n'y a pas lieu "d'admirer" cela, on est vachement nombreux, nous les petites fourmis très loin derrière les cigales artistes, l'écran et les caméras ! :-)

5. Le jeudi 16 février 2006, 19:32 par en campagne

Et moi qui croyais que tu allais nous raconter ton dîner avec ... George Clooney !!!

Dis donc toi, tu m'as piqué mon pot de confiture bretonne ;-)

6. Le jeudi 16 février 2006, 21:54 par Rose

Je savais que tu allais me répondre quelque chose de ce genre concernant le cinéma, ce "sale milieu"! ;) N'empêche...
Pour la mise en abyme, j'ai bien des idées, mais elles sont toutes plus irréalisables les unes que les autres. :(
Pour les 5 langues: ok! je préfère ça! ;D
Je file chez Orange Drenka!

7. Le jeudi 16 février 2006, 22:04 par Rose

Oups! Je relis mon précédent post et je me rends compte que je fais des boulettes sans le vouloir. Pardon! Donc, je rectifie!

CE COMMENTAIRE REMPLACE ET ANNULE LE PRECEDENT!

Je savais que tu allais me répondre quelque chose de ce genre concernant le cinéma... Etre une petite fourmi, même très loin des stars, force mon admiration! N'empêche... -Si-si! Parce que, aussi "bateau" que ça puisse être d'être la fourmi-je-ne-sais-quoi dans l'immense industrie du cinéma, ça me semble -pour l'amoureuse des salles de ciné que je suis-, être quelque chose d'extra-ordinaire!-
Et puis, tu es sans doute un peu modeste aussi... :)
Pour la mise en abyme, j'ai bien des idées, mais elles sont toutes plus irréalisables les unes que les autres. :(
Pour les 5 langues: ok! je préfère ça! ;D
Je file chez Orange Drenka!

PS: Pardon pour cette pollution intempestive. :-/

8. Le jeudi 16 février 2006, 22:52 par Ursun

Traou a toujours les mots qu'il faut pour nous faire partager chacun des instants de sa vie comme des cadeaux uniques, précieux, et fragiles...

9. Le vendredi 17 février 2006, 08:26 par Anitta

Comment, tu n'as même pas croisé Sigourney Weaver ? Et tu ne peux même pas nous dire si Snow Cake est la prochaine next big thing ? Si George Clooney est vraiment aussi nul que le prétend Libé dans Syriana ? Tttt... Tss, tss. Autrement, question opéra, merci pour ta critique trop drôle d'Arabella... Mais je me dis quand même que tu devrais présenter ton copain Jesús (qui me rappelle les bandes dessinées de Gimenez dans Fluide Glacial) à Kozlika !

10. Le vendredi 17 février 2006, 09:48 par telle

Un copain qui s'appelle Jésus ? NAN ?

Tu lui diras bonjour de ma part au prochain festival !

Je ris mais nous avions SERIEUSEMENT pensé appeler notre fils ainsi. J'aime ce prénom. Et puis et puis, va savoir pourquoi, on a changé d'avis !

Bises et merci du compte-rendu, très amusant.

11. Le vendredi 17 février 2006, 10:13 par Traou

Rose > Y'a pas d'mal... Pour une idée de mise en abyme, il faut avoir un appareil photo toujours sur toi. Elle se présentera au moment où tu l'attendras le moins.

Ursun > Pas si fragiles.... Enfin ça dépend des jours ;-)

Anitta > Alors attends, euh, si j'ai diné avec des gens qui avaient diné eux-mêmes dans un restaurant où on leur avait dit que George Clooney était venu la veille... J'ai bon ? Ah, si en vrai, j'étais dans le même avion que Julie Delpy, même que j'aime beaucoup son album, et qu'il faudra que je fasse un billet dessus un jour, ça m'y fait penser !

Telle > En fait, ce n'est pas Jésus, mais [RRéssousse] qu'il faut prononcer, à quelque chose près ;-)

12. Le vendredi 17 février 2006, 10:42 par clem750

Et un morceau de mur, dis! T'as pensé à nous ramener un morceau de mur? C'est les soldes, peut être qu'i t'auraient fait un prix!!!

13. Le vendredi 17 février 2006, 12:22 par Fauvette

Bon retour donc. Cela fait du bien de partir, mais aussi de revenir non ?
Et en mai, nous allons te voir à Cannes ?

14. Le vendredi 17 février 2006, 18:03 par Erin

J'aime l'opéra, mais je n'ai jamais pu en écouter beaucoup. Maintenant, avec les CD et les bonnes chaines ça va, mais avant....
Je n'ai pas eu la chance d'en voir un en vrai... J'aimerais beaucoup. Un de ces 4 peut être. Pourquoi pas pour mes 40 ans ? ;-)

Je me contente d'en louer à la médiathèque. En ce moment c'est ... "Die Walküre" Bayreuther Festspiele Karl Böhm. En french, ça fait "La Walkyrie" par l'orchestre du festival de Bayreuth sous la direction de Karl Böhm.... J'ai pas encore écouté, ma fille ne m'en a pas laissé le loisir pour le moment.

15. Le samedi 18 février 2006, 00:43 par nuages

Jesús Jesús Jesús Jesús Jesús Jesús...

Voilà, j'ai essayé de faire apparaître le "ú", et ça a l'air d'aller (avec l'accent dans l'autre sens que nous)... Tu peux donc t'en servir, si tu en as encore besoin.

Je lirai plus attentivement la relation de ton "voyage d'affaires" berlinois demain...

16. Le dimanche 19 février 2006, 13:33 par gilda

Ca doit pas être facile d'être la fille du capitaine Haddock, je compatis.
Comme je viens de passer trois jours à Bruxelles sans voir Bruxelles (un peu pour les mêmes raisons), je compatis (bis).
à bientôt

17. Le mardi 21 février 2006, 09:42 par Gei

Je suis surpris que tu dises que rien d'intéressant n'ait été montré au Festival, j'avais une impression un peu différente en lisant la presse (mais je ne parle pas de l'adaptation des "particules élémentaires", faut dire que c'était un peu casse-gueule comme idée, au départ).

Rien à dire sur l'Opéra, vu que je suis aussi tendance Haddock... (à mon avis c'est un gène masculin récurrent ?)

18. Le samedi 25 février 2006, 16:17 par anne

euuh il me semble que c'est une poupée que je tiens dans la main ( oui oui d'après une autre photo je crois reconnaître ladite poupée!!!)
superbe album en tout cas!
merci