Ce blog fonctionne au ralenti depuis quelques semaines. Pour cause de travail accru, mais pas seulement… Parce que je tourne autour comme un lion dans sa cage en ne sachant plus très bien qu’en faire.
Quelqu’un m’a lue. Et m’a fait reproche de certains de mes écrits. Quelqu’un de « proche », bien que notre « proximité » m’apparaisse de plus en plus factice au fil des ans.
Je me suis d’abord interrogée : Arrêter ? Reprendre ailleurs, sous un autre nom ? Mais Traou fait un peu partie de moi, maintenant, cela m’ennuirait de l’abandonner au bord du net.
Alors j’ai « bridé le moteur ». Ai raconté l’anecdotique et l’anodin. Me suis réfugiée derrière des fictions, des inventions irréfutables. Derrière des « on » et des « il y a » au lieu de dire « je ». Ai concocté des faux poèmes, moi qui ne sait pas faire de vers, pour parler d’une femme de pierre et de mousse, de mots en vrac, et faire semblant que ce n’était pas complètement de moi que je parlais : exercice de style ou littéraire. C’est tout ! C’est tout !
Mais je m’ennuie de ce frein non souhaité. J’ai envie de me sentir ici chez moi à nouveau. M’y mettre nue si je le souhaite. Et les doigts dans mon nez si ça me chante. Y rire bêtement et y autoriser mes larmes. Tout ça quoi. J’avais à peine l’impression d’avoir « commencé » et il faudrait déjà renoncer ? Non, je ne veux pas. J’arrêterai peut-être un jour mais le faire sous le coup d’une déception, d’une « brimade », ce serait trop con.
Mais Dieu que c’est difficile de se livrer sous des regards connus. C’est un thème que je retrouve ici et là, problématique pour bon nombre de mes blogs-amis, ces derniers temps. Plus facile de se raconter à des inconnus qu’à la famille. Surtout quand l’œil de celle-ci n’est pas forcément bienveillant.
Parce que oui, il s’agit de quelqu’un de ma famille. Nous portons le même nom. Relations conflictuelles. Depuis toujours, ou presque. Et de cet espace qui est le mien, où j’ai mis tant de moi, rires et douleurs mêlés, sentiments profonds parfois jamais exprimés ailleurs, je n’ai entendu de sa bouche que critiques acerbes sur les quelques malheureux passages où je me suis autorisée à parler de la famille, à mots couverts, en changeant les noms, avec tendresse, ou une fois en forçant le trait parce qu’il s’agissait d’un billet d’humour… J’ai entendu « C’est à moi » « Ça ne t’appartient pas », « Si tu crois que c’est agréable de lire quelque chose sur soi comme ça… »… J’ai entendu « Je, Je, Je, Je… » de la part de quelqu’un qui m’a déclaré doctement ne pas aimer les blogs « parce que ce n’est que de l’ego », après m’avoir fait la démonstration sans faille de l’état surdimensionné du sien. Et quand j’écris « un lieu ami » (j’avais failli écrire « un lieu amical », mais ça sonnait mieux comme ça) et que je m’entends reprocher l’expression parce qu’il s’agissait de SES amis et non des miens, je me dis que tout cela vole fort bas et que je me dois de l’ignorer. Mais c’est difficile. Si difficile. Je doute encore d’y arriver tout à fait aujourd’hui. Blessée.
Parce que de mes chagrins exprimés, de mes douleurs passées ou présentes livrées ici, je n’ai pas entendu le moindre mot. Pas un. Comme dans la vie, d’ailleurs.
Je ne trouve pas, moi, que les blogs ne soient que de l’ego. Oui, ça en est. Mais tellement plus que ça : tellement d’échanges, d’empathie, de rencontres. Je n’ai pas envie de me passer de ça. Cela rend ma vie plus douce depuis bientôt huit mois.
Depuis peu de temps, je me suis même enhardie à donner l’adresse de ce blog à quelques personnes choisies. Parce que j’avais envie de me dévoiler un peu plus à leurs yeux, que cela me faisait plaisir de leur donner une « clé » d’un chez-moi qu’ils ne connaissaient pas. J’ai eu des réactions… tendres (un bisou spécial à Fox, que cela fait rire, lui, quand il m’arrive de forcer le trait à son sujet). Une personne m’a dit ne pas souhaiter le lire, par peur d’être « indiscrète », mais peut-être plus tard puisqu’elle en avait la permission. C’était joliment dit, je respecte cela et je l’en remercie.
En relisant certains billets, je me dis que je n’ai rien écrit ici qui puisse blesser qui que ce soit, sauf quelqu’un qui n’aurait pas beaucoup d’humour peut-être. (Quand je dis par exemple que ma mère ne fait pas bien les confitures, c’est pour de rire, voyons. C’est juste que je les fais un tout petit peu mieux qu’elle (si !) et que je me venge ainsi de la foultitude de plats qu’elle réussit mieux que moi, je le jure !) Ou peut-être que je me trompe, ce que j'écris peut-il être choquant pour d'autres ?
Avec le recul, les reproches entendus me paraissent dictés par une rivalité de quelques dizaines d’années non réglée, un dépit de je ne sais quoi, une jalousie mal placée, une volonté de me reprocher quelque chose, quoi que ce soit, ou tout autre raison que j’ignore… Je vais m'efforcer de ne pas en tenir compte. L’auteur de ces critiques a affirmé ne plus me lire. Je ne sais si c’est vrai, et peu m’importe désormais.
Oh, il va me falloir un peu de temps encore et pas mal de volonté pour me détacher de ce regard possible. Comment font-ils ceux qui se racontent à visage découvert dans des livres diffusés en nombre, médiatisés ? Il faut une certaine dose de courage pour assumer ses mots au regard de tous, il me semble… Mon audience est beaucoup plus réduite, heureusement (beaucoup plus d’ailleurs depuis que je me suis sentie contrainte à appuyer sur la pédale de frein). Je vais me réapproprier l’espace petit à petit, oser ci ou ça, ne pas tricher, le moins possible comme je le fais depuis le début, suivre l’envie du jour, humer le vent, rire et vous faire rire encore j’espère, conter mes désarrois - pardonnez-moi, baguenauder et vous rapporter mes souvenirs de balades, jouer à Tintin-reporter quelquefois et me prendre pour un personnage de fiction si ça se trouve, jouer avec les mots, m’émouvoir de ceux des autres, les vôtres, me livrer et me cacher selon l’humeur… qu'elle soit légère ou qu'elle soit grave. Pour moi. Mais peut-être pas juste pour moi...